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FINANCES : interdiction encadrée des CDS souverains servant à spéculer

Tuesday 15 November 2011 Agence Europe
Bruxelles - Le Parlement européen a confirmé, mardi 15 novembre à une large majorité, l'accord politique interinstitutionnel qui bannira quasiment, d'ici novembre 2012, la spéculation sur les contrats de couverture contre le risque de défaut d'un émetteur de dette souveraine ('CDS souverains') (EUROPE n° 10477). Ce vote constitue « une victoire » pour le PE: « Pour la première fois depuis l'après-crise, l'Europe interdit un produit financier, dont l'utilisation purement spéculative met aujourd'hui en péril le financement des États membres », a déclaré Pascal Canfin (Verts/ALE, français), rapporteur sur ce dossier. Il s'est dit convaincu qu'il ne sera « plus possible pour un 'hedge fund' d'acheter des CDS grecs ou italiens sans détenir d'obligations de ces États et donc ainsi spéculer sur la faillite du pays ». Selon lui, l'adoption du projet de règlement encadrant la technique de vente à découvert et certains CDS envoie un « double signal »: les citoyens se rendent compte que « l'Europe peut agir quand la volonté politique est là », les acteurs financiers comprennent que « la spéculation contre les États n'a que trop duré ».

En fait, un investisseur pourra continuer à acheter des 'CDS souverains' s'il détient, non pas les titres de dette du pays sous-jacents mais des parts dans des actifs dont la valeur est fortement corrélée avec l'obligation souveraine, comme des actions d'une importante banque du pays concerné. En clair, Il pourra se prémunir contre le risque de défaut de la Grèce en achetant une assurance de type CDS liée aux obligations grecques s'il est actionnaire d'une banque ou d'une entreprise stratégique grecque. Les investisseurs réalisant ce type de 'proxy hedging' pourront être considérés comme couverts, a confirmé M. Canfin.

L'interdiction des 'CDS souverains' est aussi fortement encadrée. Un superviseur national pourra temporairement lever cette interdiction lorsque celle-ci affecte négativement la liquidité du marché national de la dette souveraine. Par exemple quand le coût de refinancement de la dette publique augmente drastiquement ou quand la capacité d'un pays d'émettre de nouveaux titres souverains est fortement restreinte. Cette décision de lever l'interdiction devra se baser sur une série d'indicateurs, tels que l'augmentation de l'écart ('spread') entre le taux appliqué à des titres de dette publique de deux pays (le Bund allemand fait généralement office de référence), la durée nécessaire à une obligation souveraine pour retrouver son équilibre originel à l'issue d'importantes transactions ou les montants de dette souveraine qui peuvent être échangés. L'Autorité européenne de supervision des marchés de valeurs mobilières (ESMA) aura son mot à dire, dans les 24 heures, en formulant un avis sur l'opportunité de mettre fin à l'interdiction des CDS souverains à nu.

Craintes sur la liquidité. Craignant pour la liquidité de leur dette, l'Espagne et l'Italie ont été difficiles à convaincre de l'opportunité d'interdire les 'CDS souverains' à nu. Ces deux pays ont finalement rejoint l'idée qu'une telle interdiction pouvait les « protéger » et, en échange, ils ont réclamé la possibilité d'« appuyer sur un bouton » pour revenir à une situation antérieure, a indiqué M. Canfin. Cette possibilité d''opt out' s'explique aussi par le fait que les Européens sont les premiers au monde à emprunter ce chemin. Et le rapporteur d'ajouter que, après avoir traité les achats, il convient d'encadrer les émissions de CDS.

Pour Robert Goebbels (S&D, luxembourgeois), l''opt out' obligera les pays à motiver leur volonté de revenir à un système où les CDS souverains à nu seront à nouveau autorisés. La libérale britannique Sharon Bowles a aussi relevé que l'interdiction de la spéculation sur CDS souverains fera immédiatement l'objet d'une analyse de la part d'ESMA qui sera chargée d'évaluer si des modifications législatives sont nécessaires. En revanche, Thomas Händel (GUE/NGL, allemand) estime que les règles ne vont pas assez loin: « Nous voulons une interdiction totale des ventes à découvert à nu et des CDS en raison surtout de la crise grecque. Beaucoup trop d'exceptions et de dérogations, de difficultés de contrôle et de longues phases d'intervention ont affaibli les efforts pour maîtriser ces instruments spéculatifs et extrêmement préjudiciables financièrement ».

ESMA. L'autorité européenne sera notamment en mesure de restreindre fortement la vente à découvert dans des circonstances exceptionnelles. En cas de crise, l'ESMA sera en mesure d'« imposer aux autorités nationales ses décisions concernant les marchés actions », se félicite M. Canfin qui aurait souhaité des prérogatives identiques en matière de dette souveraine, « ce que les États ont refusé ». Le Royaume-Uni va-t-il contester les nouveaux pouvoirs d'ESMA auprès de la Cour européenne de justice ? Un tel risque existe toujours mais je pense que la nouvelle législation est gérable, a considéré M. Bowles.

La future législation insufflera davantage de transparence. Par exemple, les traders devront communiquer aux superviseurs nationaux et aux marchés leurs positions de court terme les plus significatives, lorsque ces positions dépassent un seuil de 0,5% des titres émis. Les superviseurs devraient ainsi être plus à même d'agir de façon préventive et d'alerter sur les risques potentiels sur la stabilité financière. « Enfin un peu de transparence » sur un des secteurs les plus opaques de la finance, s'est félicité M. Goebbels. (MB)

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