Compte - rendu Matinale L’Europe : aussi un défi pour les élus nationaux ! avec Christophe Caresche
Friday 27 May 2016 AEFR Visit source websiteCompte rendu Matinale du 11 mai 2016
L’Europe : aussi un défi pour les élus nationaux !
avec Christophe Caresche
Le Rapport d’information n°3468 de Christophe Caresche et Pierre Lequiller (députés) intitulé « La France dans l’Union européenne : renouer avec l’influence perdue » a eu à Bruxelles un retentissement plus fort qu’en France auprès de la Commission des finances à l’assemblée nationale et la commission des affaires européennes.
Depuis 2004, l’Europe a changé de visage, et la France a dû repenser son rôle au sein de celle-ci. Le passage d’une Europe des quinze à une Europe des vingt-huit, le « non » français au référendum de 2005, la crise économique et budgétaire qui traverse le vieux continent depuis 2008 justifient pleinement un nouveau rapport sur le sujet.
Ce rapport englobe à la fois les questions de présence et les questions d’influence de la France, qu’il convient cependant de bien distinguer.
Les rapporteurs ont identifié quatre facteurs principaux de déclin de l’influence française en Europe :
- les élargissements successifs à l’Est, qui ont contribué à éloigner la France du cœur de l’Europe
- les difficultés de la France à moderniser son économie et à respecter ses engagements budgétaires, qui ont diminué sa crédibilité sur la scène européenne ;
- la faiblesse de la France au Parlement européen, accentuée par le résultat des dernières élections, alors que, parallèlement, les pouvoirs du Parlement européen n’ont cessé de s’accroître au fil des traités ;
- la faible lisibilité de la vision que porte aujourd’hui la France pour l’Europe de demain.
Ce deuxième rapport est dans la continuité du premier rapport en 2004 « Les atouts, les faiblesses, l’influence de la France en Europe », on peut le considérer comme un bilan 10 ans après.
Ils en tirent une conclusion sans appel : la France ne pourra regagner de l’influence en Europe que si elle fait de l’Europe une véritable priorité politique, accompagnée d’une stratégie d’influence ambitieuse. C’est une urgence pour la France et pour l’Europe.
LA FRANCE, DÉSORMAIS UN PAYS PARMI VINGT-HUIT ? partie 1 UNE PERTE D’INFLUENCE RÉELLE
- À la Commission européenne : la France a perdu son deuxième commissaire, depuis 2004
- Au Conseil : la perte de poids relative au sein du Conseil implique un changement du processus de négociation. Pour imposer son point de vue sur certains dossiers difficiles, la France doit désormais impérativement réaliser des alliances avec des petits pays.
- Au Parlement européen la France, comme tous les grands États membres, y est sous-représentée par rapport à sa démographie. En effet, la règle de la proportionnalité dégressive s’applique pour attribuer le nombre de sièges (« plus un État est peuplé, plus le nombre d’habitants représenté par chaque député est élevé »). Les élargissements ont mécaniquement conduit à une perte de poids numérique de la délégation française au PE : en 1979, les eurodéputés français représentaient 20 % du total des membres du Parlement européen, versus 9,85 % aujourd’hui.
Un décalage culturel et idéologique de plus en plus fort
Il existe une tentation de présenter la France comme un pays du « Sud » de l’Europe, et de faire de la France le « porte-parole » de ces pays du Sud. Au contraire, les rapporteurs considèrent que la France, pour être influente, doit s’affirmer clairement comme étant au centre de l’Europe. Cela passe notamment par la réaffirmation du couple franco-allemand, qui reste le « laboratoire d’idées » de l’Europe.
L’usage du français au sein des institutions européennes est en perte de vitesse., la France doit se battre et plaider pour que deux langues étrangères soient rendues obligatoires dans les concours européens. Des campagnes massives d’apprentissage du français devraient également être lancées par nos alliances françaises et instituts français dans les États membres les moins francophones. Les règles relatives à l’usage du français par les fonctionnaires français doivent également être réaffirmées.
DE L’IMPORTANCE DE L’INFLUENCE PAR L’EXEMPLE ET LA CRÉDIBILITÉ
Au vu de sa situation chronique de déficit public excessif par rapport aux critères de convergence de l’Union économique et monétaire, la France est aujourd’hui « suspecte » sur le plan économique et budgétaire aux yeux de ses partenaires européens. Le risque est aussi de voir sa politique européenne dictée par la seule recherche d’un compromis budgétaire qui lui soit favorable, au détriment de ses autres intérêts. Le non-respect de ses engagements budgétaires a un coût de plus en plus lourd pour la France, l’isolant et réduisant son poids politique au sein de l’Union.
si l’engagement pris par le Gouvernement français de respecter ces critères macroéconomiques en 2017 n’est pas respecté, « la France ne pourra plus espérer une quelconque confiance de la part des autres États membres, alors que plusieurs pays du Nord ont un budget à l’équilibre et que les pays du Sud ont vécu depuis 2010 une cure d’austérité que la France ne s’est jamais imposée ». Si depuis 2008, la crise économique et financière puis la crise de la dette ont accaparé l’activité européenne, le retour à l’agenda européen des questions de sécurité et de défense, sur lesquelles la France exerce un leadership incontesté, est une opportunité pour la France de renouer avec cette influence. Le rôle de la France et son expertise dans la lutte contre le terrorisme sont reconnus, et la France a incontestablement un rôle moteur à tenir dans ce domaine en Europe et doit être à l’initiative.
Panorama de la présence française au Parlement européen en 2016
La faiblesse structurelle de la délégation française au Parlement européen est d’autant plus inquiétante que les pouvoirs de celui-ci n’ont cessé de croître au fur et à mesure de la construction européenne. Les interlocuteurs auditionnés par les rapporteurs se sont tous accordés pour désigner la faiblesse de la délégation française au Parlement européen comme la véritable faiblesse de l’influence française en Europe aujourd’hui.
Les facteurs explicatifs
La présence depuis 2014 de vingt-trois députés du Front national affaiblit considérablement la position de la France au Parlement européen : la position de parlementaires refusant de reconnaitre la légitimité de l’institution au sein de laquelle ils siègent les marginalise évidemment, et « ampute » de facto la délégation française d’un tiers de ses membres.
LA PRÉSENCE ADMINISTRATIVE DES FRANÇAIS DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES : SATISFAISANT, MAIS PEUT MIEUX FAIRE
L’influence française, qui n’est pas « comptablement » corrélée à la présence de fonctionnaires français dans les institutions européennes. Aujourd’hui, des fonctionnaires et des parlementaires d’autres nationalités peuvent être de précieux relais des positions de la France à Bruxelles.
À la Cour de Justice
À la Cour de Justice européenne, les règles de procédure, les différents recours ouverts et les constructions jurisprudentielles sont marquées par le droit français. La France reste très bien représentée à la Cour de Justice de l’UE (trois juridictions confondues), avec 442 ressortissants sur un effectif total de 2 153, soit 20 % des effectifs.
L’influence française sur le droit de l’Union européenne
Le droit français a eu une influence majeure sur le droit communautaire.
Ainsi, l’organisation administrative européenne est nettement inspirée des règles qui régissent la fonction publique française (recrutement par concours, système de la carrière plutôt que de l’emploi, organisation pyramidale des services).
À la Cour de Justice européenne, les règles de procédure, les différents recours ouverts et les constructions jurisprudentielles sont marquées par le droit français. À titre d’exemple, les « principes généraux du droit communautaire » dégagés par la Cour du Luxembourg ne sont pas sans rappeler ceux dégagés bien plus tôt par le Conseil d’État français.
En revanche, dans le domaine économique et financier européen, c’est nettement le droit anglo-saxon qui domine aujourd’hui.
L’exemple de la législation européenne sur la protection des données est à cet égard révélateur : alors que la directive de 1995 était très directement inspirée de la loi CNIL de 1978, le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles révèle une emprise croissante du droit anglo-saxon dans ce domaine, avec la mise en place de mécanismes de certification et la consécration du principe de « privacy by design » (« vie privée dès la conception »).
La France doit être attentive à cet aspect de son influence, et notamment à l’idée récurrente de créer, au sein de la Cour de Justice de l’Union, un « tribunal des marques » qui serait de facto dominé par l’anglais et par le droit anglo-saxon.
ENTRETENIR UN VIVIER : DES RÉSULTATS ENCORE TRÈS INSUFFISANTS AUX CONCOURS EUROPÉENS
Environ 17 % de nos effectifs à la Commission européenne partiront à la retraite d’ici 2020. Or, aujourd’hui, les résultats des concours EPSO sont très décevants pour la France, qui compte un nombre insuffisant de lauréats (7,3 % de candidats français, 6e rang ders lauréats
C’est donc principalement la faiblesse du nombre de candidats qui explique les mauvais résultats de la France à ces concours.
Explications : l’intégration à marche forcée des fonctionnaires de petits pays a découragé beaucoup de jeunes français, qui, même lauréats du concours, ont eu du mal à obtenir des postes, la priorité étant au rééquilibrage des contingents de fonctionnaires entre les États membres.
Solution : Mieux informer et mieux préparer les potentiels candidats
Mieux informer les étudiants, mieux préparer les candidats, mieux accompagner les lauréats (par la mise en place d’un système de parrainage de chaque lauréat par un fonctionnaire européen titulaire)
L’ENA, l’Institut d’Études Politiques de Paris et l’ORSEU, un organisme privé préparent aujourd’hui spécifiquement aux concours européens.
Partie 2 : UN VÉRITABLE POTENTIEL QUI NE POURRA ÊTRE EXPLOITÉ QUE SI LA FRANCE FAIT DE L’EUROPE UNE PRIORITÉ POLITIQUE
PARIS-BRUXELLES : UNE PROGRESSIVE « ACCULTURATION » ?
Le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) : structure administrative interministérielle, composée d’environ deux-cents agents, est directement rattachée au Premier ministre. Elle coordonne les positions françaises sur tous les sujets européens, à l’exception de la politique étrangère et de sécurité communeLe SGAE est une structure très efficace, que beaucoup de pays européens nous envient, mais dont le fonctionnement peut encore être amélioré. La première et principale difficulté du SGAE est celle de son positionnement politique, entre l’Élysée en Matignon.
UNE MACHINE ADMINISTRATIVE QUI A SU PRENDRE LE TOURNANT DE L’EUROPE ............
Cependant, le SGAE doit davantage s’ouvrir sur les acteurs de la société civile concernés par les textes européens. Sur certains sujets particulièrement spécifiques et techniques, et notamment pour la négociation des actes délégués et des actes d’exécution, une expertise extérieure pourrait permettre à la France de définir une position de négociation plus pertinente et d’éviter les mauvaises surprises.
la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne est chargée d’assurer, au sein des groupes de travail du Conseil et du Comité des représentants permanents, la négociation des textes en discussion. Les interlocuteurs auditionnés par les rapporteurs ont souligné d’une manière unanime l’importante force de frappe de la représentation permanente, son efficacité et la grande qualité du travail effectué. Toutefois, la Représentation permanente pourrait, comme le SGAE, s’ouvrir encore davantage sur l’extérieur.
Le rôle des collectivités territoriales
Influencer le processus décisionnel européen est donc devenu une nécessité pour nos collectivités territoriales, qui doivent se mobiliser pour défendre leurs intérêts et leurs spécificités.
Les collectivités territoriales sont également représentées par leurs bureaux de représentation permanente à Bruxelles.
Ces bureaux sont des structures de deux à dix personnes –aucunement comparable avec ceux des Länder allemands ! Initialement créés pour rechercher des financements dans le cadre des fonds structurels européens, leur mission s’est élargie puisqu’elle comprend désormais une grande part d’action de lobbying et de veille législative. Ils travaillent régulièrement en réseau avec d’autres régions françaises et des autres États membres, à l’exemple de la Conférence des régions périphériques maritimes.
Il convient de mieux prendre en compte la mobilité des agents territoriaux, en modifiant notamment le statut général de la fonction publique territoriale
La représentation des entreprises françaises à Bruxelles
Le Cercle des délégués permanents
Créé en 1995 à l’initiative du MEDEF et de la CCI-France, le cercle des délégués permanents réunit les lobbyistes français auprès de l’Union européenne. Son objectif est de structurer la représentation des intérêts français auprès des institutions de l’Union, et de permettre la meilleure communication possible entre ses membres, la Représentation permanente de la France et les instances communautaires : ce n’est pas une instance de lobbying mais une plateforme d’échanges.
Les organisations patronales
Une délégation permanente du MEDEF existe à Bruxelles depuis 1965. Elle défend les intérêts du MEDEF et de ses adhérents auprès des institutions européennes, et elle représente le MEDEF auprès du patronat européen, de Business Europe et de ses homologues européens.
La CGPME (petites et moyennes entreprises) a un bureau de représentation à Bruxelles depuis 2003.
Les fédérations sectorielles
Les entreprises françaises sont principalement représentées à Bruxelles via leur fédération, soit au niveau français, soit par les fédérations européennes auxquelles elles appartiennent. Ainsi, plus d’une vingtaine fédérations sectorielles françaises sont directement présentes à Bruxelles parmi lesquelles, par exemple la fédération bancaire française, la fédération française des sociétés d’assurance, la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, l’Union des industries chimiques, l’Union française de l’Électricité, l’association de gestion financière ou la fédération nationale des activités de dépollution et d’environnement. La présence des français dans les fédérations sectorielles européennes est également très satisfaisante. Ainsi, sur trente-neuf fédérations européennes sectorielles, dix sont présidées par un français.
Tout d’abord, il conviendrait de rationaliser les organes de représentation des entreprises françaises (cercle des délégués permanents, antenne du MEDEF à Bruxelles, Club des grandes entreprises, conseillers du commerce extérieur de la France…) qui manque aujourd’hui de clarté et de lisibilité. À court terme, des synergies pourraient être dégagées en rapprochant ces différentes instances.
Pour mieux défendre leurs intérêts à Bruxelles, les entreprises françaises doivent davantage anticiper. Pour cela, un outil précieux est notamment de participer aux nombreuses consultations publiques lancées par la Commission européenne.
FAIRE DE L’INFLUENCE FRANÇAISE EN EUROPE UNE VÉRITABLE PRIORITÉ POLITIQUE
La voix de la France en Europe reste une voix écoutée et attendue. Contrairement à certaines idées reçues, l’Allemagne ne souhaite pas forcément occuper le devant de la scène européenne à elle seule, au contraire : elle prend seulement la place que la France laisse vide. L’influence, cela ne se décrète pas, et cela n’est pas une fin en soi. Pour être influent, il faut avant tout porter des idées, savoir vers où on veut aller, porter — 67 — des positions claires et lisibles. C’est probablement de cette absence de vision prospective dont la France souffre le plus aujourd’hui. A contrario, la France est aujourd’hui très influente en Europe sur des sujets qu’elle porte politiquement avec beaucoup de volonté, et sur lesquels elle a une véritable vision : c’est évidemment le cas du changement climatique, comme l’a montré l’immense succès de la COP 21. Forte de l’expérience et de la taille de son réseau diplomatique, mais aussi du budget qu’elle consacre à sa défense, (1) sur les questions de politique étrangère et de défense, la France continue à s’imposer comme un leader incontestable en Europe.
Enfin, les rapporteurs tiennent à attirer l’attention sur la nécessité pour les cadres dirigeants des entreprises, et notamment ceux en charge des relations institutionnelles, de comprendre l’évolution du processus législatif européen et de bénéficier d’une formation de haut niveau et d’une expérience concrète sur ces questions, leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du Parlement européen, des trilogues, de la comitologie…
L’Europe, entre l’Élysée et Matignon
La question de la coordination entre le président de la République et le Premier ministre sur les questions européennes est inhérente à la Ve République. La diplomatie en Europe fait partie du « domaine réservé » du président de la République, à qui l’article 5 de la Constitution de 1958 confie le rôle de « gardien des traités ». Mais les sujets européens sont devenus des sujets de politique intérieure, qui doivent être traités au niveau interministériel, et arbitrés par le Premier ministre (ex : autorisation de tel ou tel pesticide par la Commission européenne traitée par l’Élysée), et c’est évidemment entre le ministère de l’environnement et le ministère de l’agriculture que doivent se prendre de telles décisions… L’évolution du fonctionnement de l’Union européenne au cours des dernières années n’a fait qu’accentuer cette dyarchie.
De la difficulté pour nos partenaires européens de comprendre quels sont leurs interlocuteurs en France
Doivent-ils appeler le président de la République, Matignon, ou le Secrétaire général des affaires européennes ? Les rapporteurs sont favorables à la création d’un « Conseil stratégique sur l’Europe », qui réunirait autour du Président de la République, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l’économie et des finances, le ministre en charge des affaires européennes et tout autre ministre intéressé par l’ordre du jour, ainsi que le secrétaire général des affaires européennes et le représentant permanent de la France auprès de l’UE.
Quid du rôle du ministre des affaires européennes ?
Le statut du ministre des affaires européennes dans le dispositif gouvernemental n’est pas sans poser question. Son positionnement, tout d’abord, par rapport au Premier ministre et au ministre des affaires étrangères, est complexe. Traditionnellement placé sous l’autorité du ministre des affaires étrangères, le rôle de la diplomatie française restant encore extrêmement prédominant dans la conduite des affaires européennes, le ministre délégué ou secrétaire d’État aux affaires européennes ne dispose pas d’une véritable autonomie, ni d’une administration qui lui est dédiée, même s’il peut évidemment s’appuyer sur la direction de l’Union européenne du Quai d’Orsay. Par ailleurs, intervenant par nature dans des domaines interministériels, il n’a pas la main sur le SGAE – sous la tutelle du (1) Une situation similaire a été constatée en Finlande : avant 2012, le Président de la République et le Premier ministre se rendaient à tour de rôle aux Conseils européens. Une révision constitutionnelle en 2012 est venue clarifier cette situation, et c’est désormais obligatoirement le Premier ministre qui représente la Finlande au Conseil européen et aux autres sommets dans lesquels les chefs d’État et de Gouvernement sont représentés, et non plus le Président de la République. — 69 — Premier ministre – ni de l’autorité politique qui lui permettrait de faire les arbitrages nécessaires. Son rôle en France est souvent marginalisé : le rapport de 2004 soulignait par exemple l’absence de participation du ministre des affaires européennes aux travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe. La longévité des ministres des affaires européennes – ou plutôt son absence de longévité – est également un véritable obstacle à l’influence de la France dans l’Union européenne. Or, comme l’a rappelé Michel Barnier, ancien ministre des affaires européennes, auditionné par vos rapporteurs : « il faut du temps pour être connu, reconnu et crédible au sein des institutions européennes. Cela suppose de créer des liens avec tous ses interlocuteurs à Bruxelles et dans les autres États membres ». Le travail d’influence au niveau européen nécessite de se créer un réseau, un carnet d’adresse, des relations interpersonnelles, dont ne disposent pas forcément les hommes politiques nationaux. Un tel travail est impossible si le ministre ne reste pas plus de deux ans en poste comme cela a été le cas depuis vingt ans – à l’exception notable de Pierre Moscovici entre 1997 et 2002.
UNE NÉCESSAIRE EVOLUTION DES MENTALITÉS
1. Le principal obstacle à l’influence française en Europe : la dépréciation de l’Europe dans le débat politique national
À droite comme à gauche, l’Europe est insuffisamment prise en compte par les partis politiques nationaux, sauf lorsqu’il s’agit d’en faire un bouc émissaire de nos problèmes de politique intérieure. Par ailleurs, les partis politiques nationaux ont insuffisamment pris la mesure de l’importance prise par le Parlement européen au sein des institutions européennes, et semblent toujours le considérer comme un parlement de « seconde zone ».
Le rôle des médias et des « think tank »
Tous les jours, à midi, la Commission européenne organise une conférence de presse, en français et en anglais, auxquelles participent environ deux-cent journalistes. La Représentation permanente de la France organise également ses propres points de presse. En termes statistiques, la présence des journalistes français à Bruxelles est aujourd’hui correcte. Toutefois, la couverture des sujets européens par les médias français reste très limitée, notamment à la télévision.
Pourtant, il existe aujourd’hui un besoin fondamental de décryptage des sujets européens
Anticiper : « tout absent finit toujours par avoir tort » En Europe, pour être influent, il faut intervenir le plus en amont possible
Il est nécessaire que tous les acteurs français concernés prennent conscience de cette façon de fonctionner et s’y adaptent : - en favorisant les contacts directs avec les institutions européennes, notamment en se rendant dès que possible à Bruxelles ; - en répondant de manière systématique aux consultations de la Commission européenne.
D’une logique de pouvoir à une logique d’influence
La France est mal à l’aise avec la logique de l’influence. Les Français sont également mal à l’aise avec le partage de l’information. Or, comme l’ont souligné de manière presque unanime les personnes auditionnées : « en Europe, l’information ne vaut quelque chose que si elle est partagée ».
CONCLUSION
Quelle conclusion tirer de cette cartographie de l’influence et de la présence française en Europe ? Il faut se garder de tout défaitisme : la France reste un pays écouté par ses partenaires, qui attendent d’elle qu’elle prenne des positions fortes et audibles. Comme tous les anciens États membres, et peut-être de manière plus accentuée, l’influence française a souffert des vagues d’élargissement successives. Aujourd’hui, sa principale faiblesse est sans aucun doute sa représentation politique au Parlement européen, encore accentuée par le résultat des dernières élections. Pour être plus influent au Parlement européen, il est nécessaire que les élus français participent activement aux travaux du Parlement européen, en siégeant en priorité au sein des commissions législatives, en privilégiant les postes de coordinateurs et de rapporteurs ou rapporteurs fictifs. Les partis politiques nationaux doivent également prendre leurs responsabilités, en exigeant de leurs élus européens qu’ils effectuent leur mandat jusqu’à son terme, et en leur accordant une plus grande place dans leurs instances dirigeantes. De grands progrès ont déjà été faits. Les administrations françaises, comme les entreprises, ont enfin su prendre le tournant de l’Europe. Mais des marges d’amélioration subsistent, et France souffre encore de difficultés à développer une véritable culture de l’influence, à mettre en place des coalitions, à anticiper, à travailler au plus près avec les représentants de son tissu économique et social. Par ailleurs, si la présence des Français dans les institutions européennes reste aujourd’hui relativement satisfaisante, les perspectives pour les décennies à venir ne le sont pas, les résultats des candidats français aux concours européens depuis dix ans étant très décevants. Une mobilisation de grande ampleur est donc nécessaire et urgente.