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Première séance du Forum FinTech AMF / ACPR : discours de Gérard Rameix, président de l'AMF - 18 juillet 2016

Wednesday 20 July 2016 AMF Visit source website

Seul le prononcé fait foi

Madame le Ministre, Monsieur le Gouverneur, cher François,
Mesdames et Messieurs,

Tout d’abord, je tiens à vous remercier de votre présence en cette belle journée d’été, et plus généralement d’avoir accepté d’intégrer le Forum FinTech de l’AMF et de l’ACPR que nous inaugurons aujourd’hui.

Je suis très heureux d’introduire aux côtés de François Villeroy de Galhau la première séance de cette instance de travail et d’échanges spécifiquement dédiée aux acteurs « FinTechs » que vous représentez.

Cette initiative que nous avons prise ensemble, avec l’ACPR, s’inscrit dans le cadre de la démarche commune que nous avons lancée en juin dernier, et qui a donné lieu à la constitution de deux équipes dédiées à la technologie financière et à l’innovation au sein de nos institutions respectives.
La première mission qui revient à l’équipe que nous avons constituée à l’AMF, sera ainsi de vous accompagner au mieux dans la compréhension de la réglementation et dans le développement de vos activités.
Je formule donc le vœu de voir vos établissements prospérer, et se développer, notamment sur le plan international, dans le respect bien sûr d’un cadre réglementaire équilibré, évolutif, et agile. .

Nous vivons une période d’innovation financière extraordinaire, peut-être même sans précédent.
Plutôt qu’une introduction trop générale sur l’innovation financière, j’aimerais prendre quelques minutes pour mettre en perspective la transition numérique qui s’opère dans notre domaine de compétences.

Au cours du siècle dernier, dans les années 60, les opérations financières se réalisaient souvent par téléphone. Seuls quelques gros cabinets de conseils en investissement existaient et suivaient les valeurs phares du Dow jones et du CAC 40. La valeur ajoutée de ces professionnels provenait de leur talent en matière de « stockpicking » ou de sélection de titres, sur la base des annonces de résultats faites par les entreprises.
Demain, l’investissement devrait se polariser de plus en plus, entre, d’une part, une offre dite « low cost », qui pourrait permettre d’accéder via des ETFs par exemple à une exposition sur plusieurs milliers de valeurs directement sur nos téléphones portables, en un seul click, voire même en prononçant uniquement le nom d’un fonds à travers des mécanismes de reconnaissance vocale qui commencent à se développer ; et d’autre part une offre plus sophistiquée qui pourrait permettre de calibrer les allocations et les ajuster en temps réel via l’utilisation du big data.

Nous le savons tous, le monde a profondément changé.

Alors qu’hier, plusieurs jours étaient encore nécessaires pour dénouer une transaction sur les marchés, la technologie blockchain pourrait, demain, permettre de le réaliser en quelques minutes.

Cette transition numérique, ou digitalisation, qui alimente autant d’espoirs que de remises en cause d’anciens modèles, est définitivement en marche.

Elle implique par contre un profond changement de nos repères.
Par exemple, la notion de territorialité ne pourra plus être abordée de la même manière sous l’ère du digital.
Nous avons pu le constater au cours des récentes crises : les marchés sont de plus en plus interconnectés, et ces nouveaux modèles qui se développent, faits d’ingéniosité et parfois de disruptions, pourraient contribuer à accroître les connexions qui existent entre les places financières, en favorisant notamment, l’accès à des secteurs et à des zones géographiques jusque-là parfois inaccessibles.

La transition technologique s’est aussi traduite par une accélération du temps : la décennie des années 2000 fut celle du « fast trading » caractérisé par les flashboys, le HFT, l’équipement des salles de marchés en processeurs et fibres optiques par exemple.
Les prochaines années pourraient être celles de ce que certains définissent comme du « smart trading », du fait des évolutions considérables réalisées dans le domaine de l’intelligence artificielle. Ainsi, les automates pourraient être de plus en plus capables d’ « apprendre du marché ».

Ces évolutions nous interpellent, elles nous passionnent certes, mais nous imposent également d’évoluer, nous aussi, dans notre compréhension des enjeux liées à la technologie et à ce qu’elle peut apporter de mieux, et de pire aussi, au fonctionnement des marchés financiers, à leur stabilité, et à la protection des épargnants.

Il va sans dire que le développement du digital ouvre la voie également à certaines formes de désintermédiation.
Le parcours clients des populations susceptibles de consommer des produits et des services offerts par des FinTech commence à être bouleversé.
J’y vois personnellement de nombreux bénéfices en matière, par exemple, de traçabilité et de transparence.
La technologie pourra sans doute permettre d’accroître la connaissance que certains acteurs ont de leurs clients, et ainsi, de mieux adapter leur offre à leurs profils.
Elle pourrait permettre aussi de mieux positionner ces plateformes dans les comparateurs en ligne, d’offrir des solutions financières plus accessibles et d’inscrire leur offre de service dans une démarche commerciale transparente, observable et davantage personnifiée.

Il conviendra toutefois à veiller à ce que le numérique ne laisse personne de côté, et à rester vigilant sur toute forme d’exclusion financière que l’innovation pourrait générer et ce, sans forcément le vouloir.

L’accès à distance, la désintermédiation, l’accélération et la simplification des parcours sur ces plateformes placent un élément au centre des préoccupations : la confiance.
La crédibilité de la marque, et le rapport de confiance qui existe par exemple entre un internaute et une plateforme en ligne de produits financiers, sont devenus des facteur-clés de succès, indissociables de la performance attendue par ses clients.
Les nouveaux modèles que vous représentez n’ont pas d’autre choix que de s’installer sur un terrain sécurisé, parfaitement étanche à toute malversation et/ou risque externe susceptible de mettre en danger la pérennité de vos activités, ainsi que la protection de vos clients.

En cela, la réglementation apporte une réponse évidente et utile.

Nous l’avons démontré encore récemment dans le domaine du financement participatif. En créant le premier cadre complet « equity, prêt et dons » pour les acteurs du crowdfunding, le législateur et les Autorités françaises ont su démontrer leur capacité à anticiper et réagir aux besoins d’acteurs innovants, et à leur apporter un cadre réglementaire adapté et évolutif qui leur attribue aujourd’hui de nombreux atouts dans leur développement, tant sur le plan national, que lorsqu’ils s’adressent à d’autres autorités étrangères qui, très généralement, attribuent à la réglementation française un gage de qualité.
Contrairement à certaines philosophies permissives et clientélistes qui peuvent s’exprimer, je suis convaincu que la réglementation peut faciliter votre développement et la confiance qu’ont vos clients à l’égard de vos activités. Il serait donc vraiment dommage de vous en priver !

Cependant, la réglementation n’est pas statique, elle doit être évolutive, et pouvoir s’adapter aux évolutions de ce monde en mouvement.
Nous nous inscrivons d’ores et déjà, de plus en plus, dans de nombreux groupes de travail internationaux où nous portons des positions visant à faire évoluer le cadre réglementaire.
Nous avons aussi souhaité créer ce forum d’échanges afin que vous puissiez partager avec nous les besoins et les éventuelles difficultés réglementaires que vous pourriez rencontrer. De notre côté, nous nous engageons à les étudier et voir comment nous pourrions apporter une réponse satisfaisante, en constituant des groupes de travail ad hoc, placés sous l’égide de l’ACPR et/ou de l’AMF, selon les sujets qui seront identifiés.

Je considère également, et c’est un point important, que l’innovation n’appartient à personne. Au contraire, elle doit être une richesse collective. Il me semble même qu’elle est aujourd’hui un atout stratégique pour la France.
Il serait donc inutile d’opposer les acteurs traditionnels, souvent ingénieux eux-aussi, aux start ups inventives.
Ni sur le plan de leurs activités, ni sur le plan réglementaire.
La démarche de l’AMF à votre égard sera donc globale et engagée.
Auprès de vous, start ups et acteurs traditionnels innovants, je souhaite ainsi que nous nous impliquions dans cette phase de transition, notamment dans l’influence européenne et internationale que nous souhaitons avoir dans la construction de nouvelles règles susceptibles de venir, à terme, encadrer, et développer dans de bonnes conditions de confiance, vos activités et vos établissements.

Il me reste à vous souhaiter de bons échanges ici, de bon codages chez vous, et ensemble, faisons preuve d’innovation compétitive pour notre place financière qui dispose des expertises nécessaires à son développement.

Je vous remercie de votre attention.