Régulation, le virage européen
Monday 25 July 2016 AGEFI Visit source websiteIl aura fallu attendre que les banques européennes traitent en Bourse avec des décotes historiques pour que la prise de conscience mûrisse enfin. Par petites touches, divers hauts responsables financiers de l’Union ont manifesté ces derniers jours, non plus leurs réticences mais leur désaccord s’agissant des conséquences prévisibles de la régulation conçue à Bâle. La question des fonds propres est à l’origine de ce qui pourrait, avec le recul, apparaître comme le grand tournant de la réflexion européenne sur l’ampleur souhaitable du relèvement des standards prudentiels qui a résulté de la crise financière. Elle est le dénominateur commun aux inquiétudes qui se manifestent au sein de la sphère si disparate des législateurs et des régulateurs du continent et qui font écho aux thèses des acteurs eux-mêmes : les projets du Comité de Bâle conduisent à une impasse mortelle pour les banques, justifiant une inflexion radicale du processus en cours.
En matière de régulation, l’Europe a toujours, jusqu’à la caricature, tenu le rôle du bon élève. C’est pourquoi son nouveau discours est si important. D’abord tenu mezza voce, il a ensuite été repris haut et fort par des banquiers centraux, comme François Villeroy de Galhau, et surtout ces derniers jours par les ministres des Finances et la Commission, sous l’angle de l’impact prévisible des règles de Bâle 4 en préparation sur le financement de l’économie. Le Comité de Bâle a beau affirmer qu’elles ne relèveront pas significativement les charges en capital appliquées aux banques, son argumentaire ne convainc pas. Peut-être libéré par sa démission annoncée de ses responsabilités de commissaire, Jonathan Hill a été très en flèche pour souligner que les ambitions bâloises, touchant le ratio de levier, le ratio de liquidité à long terme ou la revue du portefeuille de négociation, ne devaient pas être adoptées en l’état par l’Europe. La liquidité des marchés, le financement du négoce ou l’accès aux services de compensation, entre autres, en dépendront.
Ce changement d’approche est salutaire et bienvenu. Il est temps que l’Union affirme ses positions face au Comité de Bâle. Les Etats-Unis n’ont jamais hésité à le faire – quitte à ne pas en appliquer les décisions quand elles ne leur conviennent pas – et il serait étonnant qu’à l’occasion du Brexit, le Royaume-Uni ne les adapte pas à son nouveau destin avec son pragmatisme coutumier ! L’Europe doit considérer l’état de son système bancaire comme un enjeu prioritaire. En ces temps de taux bas ou négatifs, il devient préoccupant, comme le résultat des stress tests devrait le montrer en fin de mois. Raison de plus pour réussir l’épreuve de la recapitalisation des banques italiennes – et d’autres comme Deutsche Bank qui en ont besoin. Il ne faudrait pas que le marché conclue de ce changement de cap que l’Europe ne cherche qu’une échappatoire à la cruciale consolidation de son secteur bancaire. La sanction qui s’ensuivrait en Bourse n’en serait que plus brutale.