Discours de Benoît de Juvigny - Assises Européennes de la Gestion : « La gestion au service de la croissance » - Jeudi 13 Octobre 2016
Thursday 27 October 2016 AMF Visit source websiteBonsoir à tous,
Je suis ravi d’être présent ce soir
pour conclure les Assises européennes de la Gestion.
A l’issue des discussions de cette journée, je tiens à partager
avec vous quelques idées ou positions de l’AMF vis-à-vis de votre
industrie et de la régulation.
Je suis très convaincu que la
gestion d’actifs française est une industrie forte. Elle dispose
d’un bassin d’épargne important en croissance structurelle -la
démographie-, de stratégies de gestion de qualité aux expertises
multiples dont certaines sont très reconnues au niveau
international, et de fournisseurs de service de qualité, au premier
rang desquels les grands dépositaires français.
Je rappelle les chiffres – ils sont impressionnants :
La gestion d’actifs française, c’est, à la fin de l’année 2015
:
- 630 SGP ;
- près de 1900 milliards d’euros d’encours bruts gérés via les fonds de droit français UCIT/FIA, soit près de 5% de plus par rapport à l’année précédente ; et
- plus de 1 500 milliards d’euros d’encours bruts en gestion sous mandat.
Quand je dis, vous, les gérants d’actifs, vous êtes sur un marché structurellement en croissance ; je rappelle que de nombreuses sociétés dans le secteur des services financiers de la finance ne peuvent pas le dire.
Cette industrie française de la gestion est aussi totalement intégrée dans le marché européen, avec une concurrence de plus en plus forte et des règles de plus en plus européennes. C’est pourquoi, je vous félicite d’avoir créé cette manifestation européenne et mon propos sera forcément européen.
Pour clore ces Assises de la Gestion européenne, je voudrais surtout aborder 2 grands thèmes :
- d’abord le cadre réglementaire en vigueur et nos grands chantiers d’actualité ou sources de préoccupation.
- puis l’activité du régulateur et
comment nous voyons l’industrie de la gestion
aujourd’hui.
La réglementation de la gestion d’actifs face à un triple défi : la protection des investisseurs, mais aussi la stabilité financière et le financement de l’économie.
La protection des investisseurs
C’est toujours la base de la
régulation dans ce domaine. Nous avons des enjeux très forts liés à
des projets réglementaires structurants en Europe (cadre AIFM -
UCIT 5).
Je pense tout d'abord à la qualité de l’information : comment la
rendre plus transparente et plus pertinente ? Il s’agit en
particulier de PRIIPs.
Dans le cadre du développement des activités transfrontières grâce
à des passeports : comment s’assurer que la commercialisation
effectuée auprès des investisseurs « particuliers » fonctionne
bien ?
En ce qui concerne PRIIPS, il s’agit pour nous d’un objectif
essentiel. Nous avons toutefois conscience de l’exigence et de la
technicité du règlement PRIIPS. Nous savons qu’il se pose comme un
défi pour nos SGP et en particulier, pour les structures
entrepreneuriales, spécifiques au marché français.
→ Même si les prochaines étapes
relatives aux normes de règlement techniques restent à clarifier
par la Commission européenne, nous continuerons d’œuvrer, pour une
demande de report de la date d’entrée en vigueur du règlement.
→ Nous continuerons également de nous opposer à une entrée en
vigueur du niveau 1 sans niveau 2 et dans la précipitation. Nous ne
sommes pas maîtres du calendrier cependant, il dépend d’abord de la
Commission européenne et des législateurs européens.
S’agissant des acteurs développant leurs activités transfrontières grâce à des passeports, j’aurai un discours plus optimiste – on a vu une énorme croissance de l’offre transfrontalière de fonds en Europe et le succès du dispositif réglementaire qui l’encadre.
→ L’étude récemment publiée et
intitulée sur ce sujet montre le succès du dispositif. 80% des
OPCVM et 40% des FIA européens ont un passeport transfrontière en
2016.
Toutefois, ce dispositif, pour fonctionner pleinement, doit
également assurer la confiance des investisseurs et leur protection
effective. Des améliorations fonctionnelles sont certainement
encore possibles,
→ mais pour moi, il y a des
spécificités culturelles linguistiques prises en compte quand on
parle des produits grands publics
→ c’est pourquoi, L’AMF souhaite donc que soit entériné le rôle des
autorités de régulation nationales pour superviser la
correspondance entre l’offre et les caractéristiques de la demande,
notamment en ce qui concerne la documentation commerciale des fonds
européens.
Les risques potentiels que la gestion d’actifs pourrait représenter pour la stabilité financière
Les crises financières passées ont d’abord conduit à des réformes structurelles dans l’univers des banques et des marchés financiers. Nous le savons, c’est désormais la gestion qui fait l’objet d’une attention particulière à cet égard.
Au niveau international :
Le Conseil de Stabilité Financière (FSB) et l’OICV travaillent sur deux éléments principaux de fragilité identifiés : le risque de liquidité et le risque lié au levier. Le FSB a publié un document de consultation le 22 Juin dernier proposant un certain nombre de recommandations. Comme vous le savez, l’AMF a été « leader » de ce travail au niveau international et nous en sommes fiers. Ce leadership a conduit d’une part, à faire évoluer une approche centrée sur les grands acteurs et les grands fonds vers une approche centrée sur l’activité de la gestion, et d’autre part, à faire prendre conscience aux régulateurs en charge de la stabilité des spécificités propres au métier de la gestion d’actifs ; les fonds et des sociétés de gestion ne peuvent pas être traités comme les banques.
Au niveau européen :
Le projet de réglementation des
fonds monétaires vise notamment à répondre aux risques que cette
catégorie de fonds peut générer en termes de stabilité
financière.
→ Les fonds monétaires représentent aujourd’hui plus de 300
milliards d’Euros en France, chiffre à nouveau en croissance. C’est
un marché important pour nous, que nous défendons, notamment parce
que nous croyons au modèle des fonds à valeur liquidative variable,
qui seul est conforme aux objectifs de stabilité financière et au
traitement équitable des investisseurs.
→ Vous le savez, les discussions sont en cours au sein des
Trilogues. Les négociations menées par le Trésor sont en cours avec
notre soutien.
J’espère que, d’ici à la fin de l’année, un compromis acceptable va émerger pour répondre au mieux aux attentes qu’avait exprimées les régulateurs internationaux de la gestion d’actifs depuis 2012 !
Enfin, au niveau national – en matière de stabilité- :
En pleine cohérence avec les
travaux internationaux, l’AMF est devenue très regardante à ces
problématiques de stabilité financière dans la supervision de ses
acteurs. Traditionnellement, le régulateur s’intéressait à l’actif
des fonds dans un souci de protection des investisseurs. Il est
devenu beaucoup plus attentif à la gestion du risque de liquidité
compte tenu du passif des fonds- une sorte de gestion ALM.
A cet égard, l’AMF s’est associée ou a promu deux initiatives
récentes :
→ La réforme législative en cours dans SAPIN 2 qui permettrait aux
gérants de prévoir des « gates », en cas de circonstances
exceptionnelles, pour mieux gérer dans le temps les demandes de
rachat. Cet outil, existant déjà pour certains fonds pourrait être
généralisé afin de réconcilier les impératifs de stabilité
financière avec le besoin de protection des investisseurs grâce à
une information préalable appropriée à destination des
investisseurs.
→ Les travaux récents de l’AMF mis en consultation pour identifier
des bonnes pratiques en matière de « stress tests » de liquidité.
L’objectif est ici d’accompagner les professionnels en fournissant
des illustrations concrètes des « bonnes pratiques » ou des
recommandations en matière d’outil de gestion de la liquidité.
Ainsi, comme vous le voyez, l’AMF se mobilise, au niveau
international, européen, et national, pour définir ou améliorer le
cadre réglementaire approprié pour l’industrie de la gestion
d’actifs.
La réglementation doit aussi permettre à la gestion d’actifs de contribuer au financement de l’économie
Le financement de l’économie et la
place aménagée à cet égard au financement par le marché sont
également au cœur des réflexions actuelles sur la réglementation
financière, notamment dans le cadre de l’Union des marchés de
capitaux.
A cet égard, je suis convaincu du rôle clé de la gestion d’actifs
pour mieux drainer l’épargne vers le financement de l’économie,
dans un contexte où le rôle des banques en la matière est et sera
contraint.
→ L’AMF a témoignée de cette volonté et de la réactivité de ses
services en agréant par exemple les premiers fonds ELTIFs en
Europe.
→ L’AMF a été aussi étroitement associée aux évolutions récentes
impliquant les fonds dans l’octroi de crédit.
> Cela concerne aujourd’hui plus
de 40 sociétés de gestion, que ce soit (i) via des investissements
dans des créances de prêts déjà émises ou (ii) par des octrois de
prêts directement.
> Sur ces deux aspects, l’AMF a
veillé à ce que le cadre réglementaire soit adapté à cette
évolution.
- Concernant la sélection de créance, l’AMF a depuis longtemps précisé ses exigences, notamment en termes de ressources dont la société de gestion doit se doter.
- Concernant l’octroi de prêts par les fonds, au-delà des fonds ELTIF, l’AMF veille à ce que, les sociétés de gestion disposent, pour développer cette activité, notamment en termes de moyens adaptés et soient strictement encadrées en matière de levier et de transformation de maturité.
J’en viens maintenant à ma dernière partie et souhaite partager avec vous des réflexions sur le rôle du régulateur et la promotion de la Place
Un régulateur efficace doit
savoir faire respecter le cadre réglementaire en
vigueur.
Cela comprend une filière « contrôles » qui est indispensable pour
notre crédibilité et qui peut déboucher sur des sanctions mais
aussi sur des compositions administratives, sorte de « settlement »
à la française. Parmi les sujets qui apparaissent récemment, je
peux citer par exemple :
- La pré-affectation des ordres en matière obligataire
- Le fonctionnement des fonds à formule
- Ou les méthodes de valorisation du private equity
Un régulateur efficace,
au-delà de la fonction de contrôle, c’est un régulateur qui
s’implique dans la compétitivité et l’attractivité de la
Place.
C’est pourquoi, nous avons lancé les travaux FROG avec l’AFG sous
la houlette de Didier le Menestrel. Ces travaux visent à accroitre
l’attractivité de la gestion française à l’égard d’investisseurs
internationaux et à promouvoir les fonds de droit français.
Ces travaux entrepris ont permis de dresser un bilan positif sur
les atouts de la gestion française. Nous avons ensuite, dans un
contexte où la réglementation européenne est devenue très détaillée
et très précise, revu le cadre réglementaire français et, sur la
base de vos requêtes, analysé, proposé et travaillé des évolutions
en termes de classifications des OPC ou de régime de
pré-commercialisation.
Nous poursuivons nos travaux sur l’affichage des frais, la
gouvernance des fonds ou encore sur les conditions de délégation de
la gestion financière pour lesquelles nous ferons sans doute des
annonces très prochainement.
Au-delà de ces problématiques réglementaires, nous avons aussi
travaillé sur des sujets très opérationnels et en particulier sur
les procédures de souscription/rachat des fonds français. Nous
avons déjà des outils très efficaces, mais ensemble que nous
voulons aussi porter en plus, en complément la solution de l’ordre
direct, avec la création du régime de l’intermédiaire inscrit (pour
des parts de fonds) qui va être reconnu par la loi française (SAPIN
2).
Tous ces travaux ont été entrepris avec la même conviction, celle
d’une position équilibrée possible entre la protection des
investisseurs et l’efficacité de notre cadre réglementaire.
En dehors de FROG, l’AMF s’est mobilisée pour accompagner au mieux
d’autres nouveaux acteurs. Elle s’est dotée d’une division Fintech,
innovation et compétitivité (FIC), en vue d’analyser les
innovations en cours dans le secteur des services d’investissement,
et d’identifier les enjeux en matière de compétitivité et de
régulation.
Cette équipe a lancé Agility, qui témoigne de la volonté de l’AMF
d’être une maison « agile », attentive à l’écosystème dans lequel
les acteurs qu’elle supervise évoluent.
Il s’agit d’accompagner les acteurs que l’AMF supervise dans leurs
démarches d’extension d’activités ou de relocalisation en leur
offrant notamment :
→ Un accès direct à nos expertises pointues, ce qui s’oppose à
d’autres autorités qui intermédient les relations qu’elles ont avec
les acteurs ;
→ Une granularité de statuts et de règles calibrés en fonction de
l’activité envisagée ;
→ Un accès au guichet unique AMF-ACPR pour les sociétés
innovantes/FinTech.
Agility est un point de départ de la transformation progressive qui
doit s’opérer chez les superviseurs pour répondre aux changements
profonds des modèles de l’industrie des services financiers. L’AMF
tenait à être leader en la matière.
Une autre déclinaison du programme AGILITY concerne le Brexit.
Le Brexit est une mauvaise nouvelle pour la finance européenne ; il
peut aussi offrir des opportunités pour la Place de Paris. Nous
avons annoncé un « 2WeekTicket » qui permet aux sociétés
domiciliées à Londres et ayant obtenu un agrément de la FCA
d’obtenir un pré-agrément de l’AMF sous deux semaines avec des
interlocuteurs anglophones et une documentation en anglais.
Ensuite, le programme d’agrément complété, les acteurs obtiennent
un accès au passeport européen dans des délais très
compétitifs.
Pour en finir avec la promotion du régulateur, j’ajoute qu’un régulateur doit aussi être efficace dans son fonctionnement quotidien.
La présence au sein de la DGA pour
le suivi de chaque acteur d’un interlocuteur de référence, les
délais particulièrement restreints avec lesquels les services de
l’AMF s’attachent à traiter leurs demandes, avec près de 1200 fonds
agréés en moins de 17 jours en moyenne par l’AMF en 2015 – y
participent. Nous prenons aussi d’autres initiatives pour que ces
atouts et avantages soient mieux connus des acteurs étrangers, par
exemple avec l’organisation à Paris, mi-novembre, d’un forum
franco-chinois sur la gestion, qui réunira les régulateurs et
gérants d’actifs. Venez nombreux.
A côté de l’AMF, il est donc essentiel, et cela sera mon dernier
point, que la gestion française se mobilise pour la promotion de la
Place à l’international. Cela sera un des thèmes du rapport FROG
qui sera publié dans les semaines à venir et j’espère qu’il sera
très ambitieux dans ce domaine.
Conclusion
Je vous ai fait partager la
complexité du rôle d’un régulateur national très impliqué au niveau
international et très attentif à la qualité du cadre règlementaire
à l’efficacité de ses services mais aussi à la compétitivité de la
gestion française.
Je suis très optimiste sur le futur de cette industrie parce
qu’elle saura capitaliser sur ses nombreux atouts et développer sa
capacité de communication et d’innovation.
Merci de votre attention.