Compte-rendu : Les rendez-vous de la régulation financière et de la conformité (neuvième édition)
Thursday 05 January 2017 AEFRHugues Maignan, DG Trésor
Les priorités à six mois
Poursuivre l’Union des marchés de capitaux (UMC)
L’approfondissement de l’UMC est d’autant plus nécessaire depuis le Brexit, en raison de la concurrence de la place financière de Londres. Il faut par ailleurs préserver la souveraineté financière de l’Union européenne à 27.
Des actions ont déjà été engagées :
Projet de règlement prospectus : un accord a été trouvé le 7 décembre dans le cadre du trilogue. Le processus législatif devrait s’achever rapidement.
Titrisation simple, transparente et standardisée : les trilogues ont débuté, mais le Parlement européen est en faveur d’un niveau de rétention (part conservée par l’originateur) déraisonnable.
Pour ce qui suivra et qui découle de l’appel à témoignages organisé par la Commission européenne en septembre 2015, le Trésor souhaite que deux directions soient privilégiées : améliorer la supervision collective ; s’assurer de la robustesse des régimes d’accès au marché unique par des pays tiers, ce qui sera le cas du Royaume-Uni.
Le Trésor estime qu’il y a encore des briques à ajouter pour renforcer l’intégration des marchés financiers, notamment l’harmonisation des règles comptables et des droits de la faillite.
Les chambres de compensation
La Commission européenne a publié en novembre un projet de règlement sur le redressement et la résolution des chambres de compensation, tandis que le règlement sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (Emir) est soumis à examen. Cela intervient sur fond de consolidation du marché de la compensation, notamment avec la fusion en cours entre le LSE et la Deutsche Börse, qui pourrait créer un monopole de fait, et alors que se pose la question du devenir des produits en euro compensés hors de la zone euro (Etats-Unis et Royaume-Uni).
Mise en œuvre des dispositions de la loi Sapin II
Ce texte s’inscrit dans une offensive plus large (Comité « Place de Paris 2020 ») visant à promouvoir et encadrer le crowdfunding, l’octroi de prêts par les fonds, la blockchain, ou encore un label ISR.
Au cours du premier semestre 2017 : consultation publique sur la modernisation et la simplification des émissions obligataires, sur les organismes de titrisation et sur l’utilisation de la blockchain pour la représentation et la transmission de titres non cotés et parts d’OPC.
Marie-Agnès Nicolet, Regulation Partners
Directive abus de marché
Depuis juillet 2016, un cadre réformé avec l’application du règlement (2014) et des normes techniques afférentes. Ces réformes concernent notamment les sondages de marché (face à un surcroît de formalisme, les banques devront revoir leurs procédures), la prévention, la détection et la notification des abus, ainsi que la formation et la conservation des données.
Le reporting des transactions selon MIF 2
Le reporting des transactions s’applique à tous les prestataires de services d’investissement (PSI) réalisant une prestation d’exécution des transactions. Les PSI peuvent déclarer les transactions en utilisant le système informatique mis à leur disposition par l’Autorité des marchés financiers ou mandater un tiers.
L’Autorité européenne des marchés financiers a publié en octobre 2016 des lignes directrices visant à faciliter la mise en œuvre des normes techniques de la directive.
Bertrand Lussigny, Fédération bancaire française
Quelle issue pour Bâle IV ?
Bâle III est largement mis en place, avec une solvabilité des banques européennes sensiblement renforcée, mais il reste la dernière étape (Bâle IV) qui concerne la mesure des risques pondérés. Cette mesure ne doit pas entraîner, selon le G 20, de charges supplémentaires sensibles en capital réglementaire.
L’objectif est de faciliter les comparaisons entre établissements et entre la méthode standard et les modèles internes.
Le sujet est sensible pour le système bancaire européen, dont les risques pondérés sont moins importants qu’aux Etats-Unis et ainsi, suspecté de minimiser cette mesure en utilisant des modèles internes. Une systématisation de l’approche standard pénaliserait les banques européennes, notamment dans le domaine des financements spécialisés (infrastructures, avions, navires…). L’approche standard, par ailleurs, peut être une incitation à une gestion plus routinière et moins fine du risque.
L’écart des risques pondérés aux Etats-Unis et en Europe s’explique notamment par les pratiques comptables (par exemple, le netting des dérivés est plus aisé en US Gaap) et par les pratiques de financement (en Europe, les prêts à l’immobilier résidentiel, qui représentent un quart du total, sont conservés dans les bilans ; c’est beaucoup moins le cas aux Etats-Unis).
Si les risques pondérés des banques européennes devaient être majorés de 30 %, cela se traduirait soit par un besoin de capital réglementaire de plusieurs centaines de milliards d’euros, soit par une réduction de l’exposition de 7000 milliards d’euros.
Prochaine étape : réunion des gouverneurs de banques centrales mi-janvier 2017.
Un accord est toujours possible. A noter : un front uni franco-allemand dans les négociations au cours des trois derniers mois.
Olivier Jaudoin, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
Actualité européenne et française en matière de résolution
Le cadre européen de la résolution bancaire, dont l’un des objectifs est de limiter le recours aux fonds publics, est désormais bien établi, notamment avec la directive de mai 2014 sur le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.
La résolution est l’un des trois piliers de l’Union bancaire. Elle est du ressort de l’Autorité de résolution unique, basée à Bruxelles.
Des évolutions réglementaires à attendre en 2017. Au niveau international, le Financial Stability Board se penchera notamment sur l’exécution du renflouement interne et sur la continuité de l’accès aux infrastructures de marché. Dans l’Union européenne, amendements au « paquet bancaire », avec notamment pour objectif d’harmoniser les hiérarchies de créanciers. En France, adoption des premiers plans de résolutions au format de l’Union bancaire (établissements systémiques) et préparation des plans de résolution des établissements non systémiques.
Françoise Costinesco, Fédération française de l’assurance
La directive sur la distribution d’assurances
En France, les banques dominent largement la distribution de l’assurance vie. Les parts de marché des différents canaux de distribution sont plutôt stables dans le temps.
La directive européenne a été publiée en février 2016. On prévoit l’adoption des actes délégués à l’automne 2017, pour une mise en œuvre de la directive le 23 février 2018.
Il s’agit d’un texte d’harmonisation minimale (des options sont ouvertes aux Etats). Certaines de ses dispositions sont alignées sur la directive Mif II (texte d’harmonisation maximale), mais une certaine confusion règne à cet égard à la Commission européenne : le résultat est hybride.
Dans la préparation des actes délégués, l’Autorité européenne des assurances et des pensions balance entre les règles et principes de la directives Mif II et ceux de la directive sur la distribution d’assurances : il s’agit d’un motif d’inquiétude pour la Fédération française de l’assurance, notamment dans le champ de la gouvernance des produits.
Marie-Agnes Nicolet
Lutte contre le blanchiment
La direction générale du Trésor et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ont publié conjointement des lignes directrices en matière de gel des avoirs dans le cadre de sanctions économiques ou financières décrétées par l’ONU, l’Union européenne ou des Etats.
Les organismes financiers ont en la matière une obligation de résultat. L’application des mesures de gel ne relève pas de l’approche par les risques.
La direction générale du Trésor publie une liste unique s’agissant de l’Europe.
La quatrième directive anti-blanchiment de mai 2015 (relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme), texte d’harmonisation minimale, devra être transposée en droit national avant le 26 juin 2017.
Cette directive renforce l’approche fondée sur les risques.
Des évolutions par rapport aux textes précédents notamment en matière de bénéficiaire effectif, de personne politiquement exposée (élargissement de la notion), et de pays tiers à haut risque.
Caroline Le Moign, Autorité des marchés financiers
Les barrières à la distribution transfrontière des fonds d’investissement en Europe
Ce qui marche plutôt bien dans la distribution transfrontière : le passeport européen, qui fonctionne de façon efficace et dont le coût ne constitue pas un frein. A noter : plus de 10 000 fonds européens disposent d’un passeport dans au moins deux pays hors leur domicile.
Les freins, de leur côté, sont notamment liés au poids des réseaux bancaires dans la distribution (les banques ont tendance à privilégier les sociétés de gestion qui leur sont liées), à des spécificités nationales qui influent sur la structure de l’épargne, et à des réflexes de préférence nationale.
Parmi les propositions de l’Autorité des marchés financiers : que les nouvelles règles ne pénalisent pas les architectures ouvertes (par le biais du coût de la conformité) ; assurer une égale protection des investisseurs (l’accès facile à un médiateur, par exemple, peut rassurer l’investisseur souhaitant acquérir un fonds étranger).
Romain Guizard, Association française de la gestion financière
Les barrières à la distribution transfrontière des fonds d’investissement en Europe
L’AFG a répondu à la consultation de la Commission européenne sur la distribution transfrontière des fonds.
Le passeport fonctionne convenablement, mais il reste des règles de commercialisation divergentes. Ces règles, édictées par les autorités de marché nationales, sont parfois peu claires et/ou difficilement accessibles.
La question du statut des pays tiers, très importante, est devenue brulante depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Il faut notamment que la réciprocité s’apprécie sur des bases économiques.
Si le coût du passeport est raisonnable, les procédures d’enregistrement d’un fonds à l’étranger peuvent être difficiles à mener (l’AFG publie à l’attention de ses membres des fiches de quatre pages par pays).
L’hétérogénéité de la fiscalité entre Etats constitue un frein majeur à la distribution transfrontière.
Hubert de Vauplane, Kramer Levin
Fonds de prêts et monopole bancaire
Certains fonds d’investissement alternatifs (en dehors des organismes de titrisation, mais des avancées pourraient être réalisées en 2017) ont désormais la possibilité de prêter aux entreprises. Les conditions sont fixées par le décret 2016-1586 du 24 novembre 2016 : elles sont relatives à la société de gestion, aux caractéristiques des prêts, aux FPS et FPCI. Ce décret permet de répondre, entre autres, à deux besoins imparfaitement satisfaits : financer des montants compris entre 2,5 et 10 millions d’euros, trou noir de la désintermédiation ; financer l’immatériel, ce que les banques font peu.
L’ordonnance 2016-520 relative aux bons de caisse, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, introduit de nouvelles exceptions au monopole bancaire. Les entreprises peuvent émettre des bons de caisse, à condition de ne pas effectuer des opérations de crédit à titre habituel.
Création du minibon, une sous-catégorie du bon de caisse, qui n’est pas un instrument financier (il se situe entre le prêt et l’obligation). Le montant maximal, 2,5 millions d’euros, pourrait être progressivement majoré.
Loi dite Sapin II
Le texte renforce les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers (en matière d’abus de marché) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (en matière de résolution dans le secteur de l’assurance). Il autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance dans le domaine de la blockchain. Il modernise le régime des agents des sûretés. Il autorise le gouvernement à préciser, par voie d’ordonnance,
les conditions d’acquisition de créances à caractère professionnel non échues auprès d’établissements de crédit et de sociétés de financement (cela pour répondre à une demande de la Fédération bancaire française).
Virginie Gaborit, Association française de la gestion financière
Le règlement Priips (produits d’investissement packagés de détail fondés sur l’assurance), qui prévoit la mise en place d’un document d’informations clés (DICI) tourne au feuilleton, après le rejet par le Parlement européen des mesures de niveaux 2 en novembre 2016. La date d’entrée en vigueur du texte a été reportée au 1er janvier 2018.
Pour l’Association française de la gestion financière (AFG), de nombreux points abordés au travers des normes techniques de réglementation sont problématiques et nécessitent des clarifications, notamment s’agissant des indicateurs de coût et de rendement. L’AFG s’inquiète par ailleurs de la complexité, des coûts et de la multiplication des documents d’informations clés dans le cadre des contrats d’assurance vie en unité de compte, qui mettent en péril l’architecture ouverte.