ETAT DES LIEUX ET ANALYSE RELATIVE A L’APPLICATION DE LA REGLEMENTATION FINANCIERE AUX SECURITY TOKENS
Thursday 12 March 2020 AMF Visit source websiteRésumé
Dans un contexte d’intérêt croissant porté aux Security Token
Offerings (STO), les services de l’Autorité des marchés financiers
(AMF) ont opéré un recensement des projets lancés ou réalisés.
Quelques STO ont déjà été réalisées en Europe (France, Allemagne,
Royaume-Uni) et aux Etats-Unis et plusieurs autres projets
d’émission sont en cours. Du point de vue du marché secondaire,
très peu de plateformes de négociation de security tokens sont déjà
opérationnelles mais de nombreux projets existent, portés parfois
par de grands acteurs institutionnels. De nouvelles plateformes
dites de tokenisation sont apparues, ayant pour objet d’accompagner
les acteurs dans la tokenisation d’instruments financiers.
Malgré cet intérêt croissant des acteurs, peu d’autorités publiques
ont pris position pour clarifier le cadre juridique applicable. En
Europe, seule la Lituanie l’a fait récemment. La Suisse et certains
Etats américains étudient la possibilité d’aménager le cadre
règlementaire des instruments financiers pour les security tokens.
En France, une analyse juridique a été menée par les services de
l’AMF afin de vérifier les conditions dans lesquelles la
règlementation financière, largement européenne aujourd’hui, a
vocation à s’appliquer aux security tokens qui sont juridiquement
des instruments financiers. Cette analyse fait ressortir les
constats suivants. S’agissant de l’émission (les STO
proprement dites), la règlementation prospectus apparaît compatible
avec les security tokens. Hormis quelques difficultés pratiques, le
cadre juridique n’empêche pas l’émission de security tokens.
L’information présente dans le prospectus devra cependant être
adaptée aux spécificités des security tokens. Concernant la
gestion d’actifs, il apparaît que les règlementations européennes
et nationales ne bloquent pas le développement des security tokens,
à l’exception de quelques limites identifiées (commercialisation
transfrontière des organismes de placement collectif incertaine).
Si des sociétés de gestion voulaient développer cette activité
elles devraient le cas échéant demander un agrément à l’AMF ou
mettre à jour leur programme d’activité. Certains fonds auront une
capacité limitée à investir dans des security tokens compte tenu de
leurs règles d’investissement (OPCVM, FIVG), tandis que d’autres
pourront le faire plus largement (fonds de capital-investissement,
fonds destinés à une clientèle professionnelle, fonds immobiliers
structurés dans cette perspective). La piste évoquée par certains
acteurs pour renforcer la protection des investisseurs en security
tokens et visant à permettre aux titres financiers inscrits dans un
dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP) de revêtir
la forme au porteur nécessiterait une analyse complémentaire afin
de déterminer sa compatibilité avec le règlement CSDR. Dans le
domaine des marchés secondaires, l’analyse est la plus
délicate. La négociation de security tokens ne semble pas
rencontrer d’obstacles règlementaires significatifs. Soit elle
revient à assurer la fourniture de certains services
d’investissement (réception-transmission d’ordres pour compte de
tiers, exécution d’ordres pour compte de tiers) et ne nécessite
qu’un agrément de prestataire de service d’investissement (PSI)
pour la fourniture de ces services – ce serait le cas pour les
plateformes organisant l’échange de security tokens sous la forme
de simples tableaux d’affichages. Soit elle consiste à exploiter
une plateforme de négociation au sens de la directive MIF et
nécessite un agrément en tant que système multilatéral de
négociation (SMN) ou système organisé de négociation (OTF). Ces
agréments ne pourraient être accessibles qu’aux plateformes pour
lesquelles un gestionnaire peut être identifié, ce qui exclut de
fait les plateformes de nature décentralisée. De plus, l’agrément
d’OTF ne peut pas être obtenu pour la négociation d’actions ou
de
parts et actions d’OPC tokenisés et ne concernerait donc que les
security tokens obligataires. Si les obligations imposées par la
règlementation MIF aux SMN et aux OTF semblent compatibles avec les
plateformes de security tokens, une adaptation de cette
règlementation serait nécessaire pour le développement de
plateformes décentralisées.