La Commission des sanctions de l'AMF sanctionne une entreprise de presse et son dirigeant pour des recommandations d’investissement sans mention des conflits d’intérêts et manipulation de cours
Monday 14 March 2022 AMF Visit source websiteDans sa décision du 4 mars 2022, la Commission des sanctions a infligé à la société Le Quotidien de Paris Editions et à son dirigeant et directeur de publication, M. Nicolas Miguet, des sanctions pécuniaires de, respectivement, 600 000 euros et 200 000 euros. La Commission a, en revanche, mis hors de cause la société Nicolas Miguet & Associés à laquelle était reproché un manquement de manipulation de cours.
Dans des numéros de la lettre La Bourse publiés en octobre et novembre 2017, deux articles ont été consacrés à une société spécialisée dans la conception et la commercialisation de dispositifs et d’outils de biopsie optique, cotée sur le compartiment C d’Euronext Paris, aux termes desquels, leur auteur, M. Nicolas Miguet, conseillait l’achat de titres de cette société. La lettre La Bourse est un hebdomadaire publié par la société Le Quotidien de Paris Editions, entreprise de presse détenue à 99,89 % par la société Nicolas Miguet & Associés, ces deux sociétés étant dirigées par M. Miguet.
Sur les griefs relatifs aux recommandations d’investissement
La Commission des sanctions a retenu que ces deux articles pouvaient être qualifiés de recommandations d’investissement au sens du règlement européen Abus de marché. Elle a également estimé que le manquement à l’obligation de veiller, avec une diligence raisonnable, à ce qu’il soit fait mention dans les recommandations d’investissement d’éventuels conflits d’intérêts, était caractérisé à l’encontre de M. Miguet et de la société Le Quotidien de Paris Editions.
La Commission a, en effet, relevé que préalablement à la publication de la première recommandation d’investissement, les sociétés Le Quotidien de Paris Editions et Nicolas Miguet & Associés ont acquis 125 000 titres de cette société, et que, postérieurement à la publication de cette première recommandation, ces deux sociétés ont chacune vendu 50 000 titres, de sorte qu’elles disposaient encore, lors de la publication de la seconde recommandation, de 75 000 titres.
La Commission a estimé que cette détention de titres par des personnes étroitement liées à l’auteur - M. Miguet - des recommandations d’investissement portant sur ce même titre, à la date de publication des deux recommandations en cause, caractérise une situation de conflit d’intérêts. Or, elle a relevé qu’à la date des faits, il n’existait, dans la version publiée en ligne des recommandations litigieuses, aucune mention relative à la composition du portefeuille de la société Le Quotidien de Paris Editions et à l’existence de conflits d’intérêts.
Par ailleurs, la Commission des sanctions a estimé que M. Miguet, en sa qualité d’ « expert », avait manqué à son obligation de faire figurer dans ses deux recommandations plusieurs éléments obligatoires. Elle a, en revanche, écarté le manquement reproché à la société Le Quotidien de Paris Editions tenant à l’absence de mention des date et heure de première diffusion, ce manquement ne pouvant être reproché qu’au diffuseur d’une recommandation d’investissement produite par un tiers, ce que n’est pas cette société. Elle a, de même, écarté le manquement reproché à M. Miguet tenant à l’absence de divulgation claire et apparente de son identité.
Sur les griefs de manipulation de cours
La Commission des sanctions a estimé qu’une manipulation du cours du titre par recours à un procédé fictif ou toute autre forme de tromperie ou d’artifice était caractérisée à l’encontre de la société Le Quotidien de Paris Editions et de M. Miguet, la publication d’une recommandation d’investissement en l’absence de mention de la situation de conflit d’intérêts s’analysant en une forme de tromperie et cette recommandation ayant bien eu une influence sur la hausse du cours de ce titre. La Commission a, en revanche, écarté ce même manquement reproché à la société Nicolas Miguet & Associés, celle-ci n’étant ni producteur, ni diffuseur de la recommandation d’investissement litigieuse.
La Commission a ensuite retenu qu’était également caractérisée à l’encontre de la société Le Quotidien de Paris Editions et de M. Miguet, sans toutefois que cela ne doive conduire à retenir un manquement distinct à leur encontre, la manipulation du cours de ce titre en tirant parti d’un accès aux médias, en émettant un avis sur cet instrument financier après avoir pris des positions sur celui-ci et en profitant par la suite de l’impact de cet avis sur le cours de cet instrument, sans avoir simultanément rendu public, de manière appropriée et efficace, ce conflit d’intérêts.
Sur les sanctions
Pour apprécier les sanctions prononcées à l’encontre de la société Le Quotidien de Paris Editions et de M. Miguet, la Commission des sanctions a notamment tenu compte de la multiplicité des manquements et de leur particulière gravité, les faits ayant porté atteinte à la bonne information des investisseurs et l’absence de divulgation des conflits d’intérêts étant d’autant plus grave qu’elle a permis la manipulation du cours du titre et donc une perturbation du bon fonctionnement du marché tout en permettant à la société Le Quotidien de Paris Editions de réaliser un profit, celle-ci ayant dégagé une plus-value de 71 905 euros à l’occasion de la cession de ses titres. Concernant M. Miguet, la Commission a retenu en outre qu’il avait déjà été sanctionné à deux reprises pour des manquements similaires à ceux retenus dans le cadre de la présente procédure.
Cette décision peut faire l’objet d’un recours.
À propos de la Commission des sanctions de l’AMF
Composée de magistrats et de professionnels, la Commission des sanctions dispose d’une totale autonomie de décision. Elle peut sanctionner toute personne ou société dont les pratiques sont contraires aux lois et règlements du champ de compétence de l’AMF. Elle intervient également pour homologuer les accords de transaction conclus entre le secrétaire général et les mis en cause. Enfin, elle participe à l’effort de pédagogie de l’Institution en précisant, dans la motivation de ses décisions, la réglementation financière.