Redémarrage des IPO : entretien exclusif avec Benoît de Juvigny de l'AMF
jeudi 18 février 2010 ReginfoLaurent ROUYRES
Propos recueillis par Andréa Bonhoure
Benoit de Juvigny
Benoît de Juvigny a été nommé, à
compter du 1er août 2006, Secrétaire Général Adjoint, en charge de
la Direction des Emetteurs de l'Autorité des marchés financiers. M.
de Juvigny a 51 ans. Diplômé d'HEC et de l'IEP de Paris, il est
affecté à l'Inspection des Finances dès sa sortie de l'ENA en 1984.
Après différents postes au sein du Ministère des Finances, il
rejoint le Groupe Crédit Lyonnais en 1991 où il occupe différents
postes dédiés au Corporate banking puis aux fusions-acquisitions à
Paris et à Bruxelles. En 2000, Benoît de Juvigny intègre la Banque
Hervet puis le Groupe HSBC-CCF où il est responsable de la
stratégie avant d'être nommé Administrateur-Directeur de la Banque
Dewaay à Bruxelles, banque privée et de gestion d'actifs au sein du
Groupe HSBC. En octobre 2004, il rejoint l'Autorité des marchés
financiers au poste de Chef du service des Prestataires et des
produits d'épargne.
Middlenext a travaillé un an pour
concevoir un code de gouvernance adapté aux valeurs moyennes et
petites de la cote. Approuvé par l'AMF, il est disponible sur
simple demande à l'association. Caroline Weber, directrice générale
de Middlenext, nous explique les grandes lignes de ce document, qui
constitue désormais le deuxième code de gouvernance français à côté
de celui de l'AFEP/MEDEF.
Labrador : Vous avez publié
votre code de gouvernement d'entreprise pour les valeurs petites et
moyennes le 17 décembre dernier. Quel est l'objectif de cette
démarche ?
Caroline Weber : De nombreuses prescriptions du code AFEP/MEDEF
sont inadaptées aux valeurs petites et moyennes parce qu'elles ont
été conçues pour de très grandes entreprises au capital dilué et
répondant à des exigences très spécifiques en raison de leur
taille. Nous avons donc voulu concevoir un code complémentaire
adapté aux Vamps. Pour cela, nous avons consulté des avocats, des
auditeurs, l'AMF, les émetteurs, les pouvoirs publics, l'idée
consistant à ne pas travailler de notre côté mais à mobiliser une
sorte d'« intelligence de place ». La première étape a consisté à
confier au Professeur Pierre-Yves Gomez le soin d'analyser les
profils et les besoins spécifiques des valeurs petites et moyennes.
Puis, sur la base de ce travail, nous avons élaboré le code. C'est
pourquoi celui-ci comprend deux parties, le rapport Gomez et le
code stricto sensu. Une fois que l'entreprise a identifié son
profil et les problématiques spécifiques qui s'y attachent grâce à
la typologie proposée par Pierre-Yves Gomez, elle peut se référer
ensuite au code pour s'assurer qu'elle est conforme ou expliquer
pourquoi elle ne s'y conforme pas.
S'agit-il, comme le prétendent
certains, d'une sorte de code AFEP/MEDEF allégé
?
Pas du tout. Nous insistons sur notre démarche qui a consisté à
adapter les règles et non pas à les alléger. J'en veux pour preuve
le fait que sur au moins deux points nous sommes plus exigeants que
le code AFEP/MEDEF. Ainsi, nous estimons que le règlement intérieur
est indispensable dans une petite société. A partir du moment, en
effet, où les administrateurs l'ont signé, il leur est opposable.
Dès lors, c'est le seul moyen de se protéger contre un
administrateur indélicat, ce qui rend ce document stratégique dans
ce type d'entreprises. De même, cela permet d'organiser des
visioconférences et donc d'utiliser toutes les possibilités
offertes par les nouveaux modes de communication. Par ailleurs,
nous estimons que le nombre maximum de mandats d'administrateur
doit être de 4 et non de 5. A l'inverse, nous avons assoupli
certaines règles qui n'avaient pas de raison d'être dans les
valeurs petites et moyennes. Par exemple, en ce qui concerne le
cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social. Nous estimons
qu'il appartient au conseil d'administration d'autoriser ou non ce
cumul, évidemment dans le respect de la réglementation. Dans une
petite structure, il faut laisser le directeur général délégué ou
adjoint intégrer le conseil d'administration. Et pour cela, il faut
être en mesure de maintenir la sécurité du contrat de travail. Les
rémunérations sont nettement inférieures à celles des grands
groupes, par conséquent, la problématique est différente, il faut
en tenir compte. Nous avons également assoupli les règles relatives
aux comités. Dans beaucoup de petites structures, les comités sont
redondants avec les conseils d'administration et portent même
atteinte à la collégialité du conseil, dès lors que l'entreprise
peut décider de ne pas revoir en conseil ce qui a déjà été abordé
en comité.
Le code est-il utilisable
comme instrument de référence à l'instar du code AFEP/MEDEF
?
Tout à fait. Il a été validé par l'AMF et nous l'avons d'ailleurs
publié avant la fin du mois de décembre pour que les entreprises
puissent l'utiliser dans leur communication financière sur 2009.
Nous pensons d'ailleurs qu'il va y avoir de nombreuses sociétés
intéressées. Beaucoup nous ont déjà demandé le rapport. Il y a fort
à parier qu'elles sont nombreuses à être conformes à ce rapport
alors qu'elles ne l'étaient peut-être pas au code AFEP/MEDEF. Il
reste à déterminer avec l'AMF qui peut utiliser ce code. Nous
risquons les effets de seuil. Or, il n'y a pas grande différence
entre une société qui a une capitalisation boursière de 1 milliard
et celle qui totalise 1,1 milliard. La vraie différence se situe
dans la structuration du capital, dilué ou pas.
Les mid-caps semblent avoir les faveurs de Bercy en ce moment,
Christine Lagarde a annoncé en octobre 15 mesures en leur faveur,
l'ANC travaille sur une adaptation des règles comptables sur
Alternext, un nouveau régime d'offres obligatoires, toujours sur
Alternext, est en cours d'examen au Parlement. Par ailleurs,
Fabrice Demarigny, ancien secrétaire général du CESR, va remettre
d'ici peu son rapport à Bercy sur un projet de « Small business act
européen »--
En effet, je salue les actions de Mme Lagarde qui a lancé un ambitieux programme de réformes. Nous attendons beaucoup du rapport Demarigny car il faut savoir que chaque année en Europe 300 sociétés quittent la cote. S'agissant de la France, l'ANC va autoriser les sociétés qui effectuent leur transfert d'Euronext vers Alternext en vertu de la faculté ouverte par la loi d'octobre dernier, à pouvoir revenir aux French Gaap si elles le souhaitent. Or, ne plus être obligé de présenter des comptes consolidés en IFRS, cela peut représenter une économie de l'ordre de 150 000 euros pour certaines sociétés, ce qui n'est pas négligeable. A l'heure actuelle, 80% des sociétés cotées sur Alternext ne sont pas aux IFRS et cela ne posait pas de problèmes aux investisseurs avant la crise. En dehors de ces réformes ou de ces projets de réforme, nous avons deux attentes supplémentaires. D'une part l'instauration de programmes de rachat d'actions sur Alternext identiques à ceux d'Euronext, d'autre part l'abaissement au niveau européen du seuil de retrait à 90% afin de faciliter les sorties de la cote : les sociétés se coteront d'autant plus facilement qu'elles pourront sortir. Par ailleurs, nous allons négocier avec Euronext une baisse des tarifs de transfert actuellement trop élevés. Enfin, nous allons participer au débat sur la révision de la MIF. Cette directive est une catastrophe pour les Vamps. Euronext a fermé ses plateformes régionales et tout l'écosystème autour des petites et moyennes valeurs a été bouleversé. C'est un vrai problème.
Propos recueillis par Andréa Bonhoure