Accessibilité de l'information réglementée sur Internet : encore un effort !
jeudi 01 avril 2010 ReginfoLes marchés d'actions européens sont
en panne. Non seulement il n'y a presque plus d'introductions en
bourse depuis deux ans, mais surtout on constate une baisse
constante du nombre de sociétés cotées au sein de l'Union qui
découle de la diminution des introductions mais aussi des décisions
de retrait. La crise, songeront certains. Pas seulement, dans le
rapport qu'il vient de remettre à Christine Lagarde le 18 mars,
dans lequel il propose un « Small business act européen »,
Fabrice Demarigny, directeur des marchés de capitaux chez Mazars,
pointe des faiblesses structurelles. En cause ? La législation
européenne, celle-là même qui a permis en 10 ans de créer un marché
financier unique européen. Car les directives Transparence,
Prospectus et autres souffrent d'un défaut de « fabrication »
majeur, elles ont été taillées sur mesure pour les grands groupes
cotés et s'avèrent ainsi à l'usage inadaptées aux petites et
moyennes valeurs. Résultat ? Celles-ci hésitent à entrer sur les
marchés, quant aux sociétés déjà cotées, elles préfèrent se
délister, estimant que le rapport coût/bénéfice de la cotation
n'est pas à leur avantage. Le rapport note en effet que pour les
petites capitalisations, les frais d'introduction en bourse peuvent
atteindre 6 à 10% des levées de fond contre 2 à 3% pour les
sociétés plus importantes. Par la suite, les coûts de cotation pour
les entreprises dont la capitalisation est inférieure à 150
millions d'euros s'échelonnent entre 150 000 et 500 000 euros !
Bienvenue aux SMILEs
européennes !
Il apparaît donc urgent de revoir le système et de mettre en place
un véritable statut pour les PME européennes cotées. Cela commence
par la nécessité de leur donner un nom. Fabrice Demarigny propose
de les appeler les SMILEs, ce qui constitue l'acronyme de Small
and medium-sized Issuers Listed in Europe. On observera au
passage que la tentation de rendre ces sociétés plus attractives se
traduit par des dénominations originales, les SMILEs européennes
faisant écho aux fameuses VAMPs françaises !
La deuxième étape nécessite de définir les SMILEs. A ce sujet, le
rapport choisit de procéder par voie de seuils. Ainsi, la société
qui s'introduit en bourse sera considérée comme une SMILE dès lors
que sa levée de fonds sera inférieure à 75 millions
d'euros. Par ailleurs, une fois cotée, la société ne devra
pas dépasser 35% de la capitalisation moyenne sur les
marchés réglementés de l'Etat d'origine de l'émetteur. On
aurait pu imaginer un seuil en numéraire, mais pour l'auteur du
rapport il y avait un risque que le seuil retenu soit trop élevé
pour certaines places et trop faible pour d'autres, d'où le choix
d'un pourcentage de capitalisation.
Adapter les règles relatives à
l'information financière
Ces éléments étant posés, le rapport émet ensuite plusieurs
propositions qui répondent au double objectif d'adapter la
réglementation aux petites et moyennes valeurs cotées, et
d'encourager l'investissement dans ces sociétés.
L'adaptation du
statut touche tous les domaines liés à la cotation, de la
comptabilité au contrôle interne, en passant par l'information
financière. Ce blog
étant dédié à l'information financière, concentrons-nous sur les
propositions qui touchent à celle-ci.
Le rapport préconise d'abord de relever le seuil des
offres en dessous duquel le prospectus n'est pas
obligatoire. Actuellement fixé à 2,5 millions
d'euros, il pourrait être élevé à 5, voire 10 millions d'euros.
Ensuite, il évoque la nécessité de réduire le format du
prospectus à 50 pages pour les SMILEs. Pour
autant, l'auteur du rapport n'entend pas diminuer les garanties
offertes aux investisseurs en allégeant les exigences
réglementaires, mais souhaite plutôt les proportionner et offrir
ainsi des informations plus pertinentes au marché. Par exemple,
l'investissement étant plus risqué dans les petites sociétés que
dans les très grandes, le rapport préconise de renforcer la section
« facteurs de risque ». A l'inverse, les sections relatives à
l'aperçu des activités, aux actions, titres de créances et
instruments dérivés, ou encore aux informations sur les tendances,
pourraient être réduites. Par ailleurs, il s'agirait d'exiger non
plus 3 mais 2 années d'informations historiques. En ce qui concerne
le rapport annuel, la directive Transparence
n'étant pas d'harmonisation maximale, le rapport note que les
sociétés doivent respecter leur droit national, ce qui les amène à
accomplir plusieurs fois les mêmes formalités dans des formats
différents. Il souligne que « une complète
harmonisation de l'obligation relative à la publication des
rapports annuels constituerait donc une simplification importante
». En attendant une harmonisation
générale pour toutes les sociétés, le rapport préconise un format
unique et entièrement harmonisé pour toutes les SMILEs afin de
réduire les coûts et les formalités auxquels elles sont sujettes.
Par ailleurs, il recommande d'étendre de deux à trois mois le
fameux délai de publication des semestriels, et de ne rendre
obligatoires les déclarations trimestrielles intermédiaires des
dirigeants que trois ans après l'admission du SMILE aux
négociations sur un marché réglementé. Voilà pour l'information
financière. Les autres propositions, nombreuses, visent à adapter
les règles de gouvernance et de contrôle interne, ainsi qu'à
permettre aux SMILEs d'appliquer le référentiel IFRS PME,
actuellement dédié aux PME non cotées.
Quant aux mesures destinées à encourager l'investissement dans ces
sociétés, la plus notable consiste à créer une plateforme
européenne de négociation commune afin de remédier à la
désertification des compartiments dédiés aux SMILEs. Ces sociétés
continueraient d'être cotées sur les marchés de leur choix et les
introductions demeureraient locales, mais la plateforme offrirait
un accès simple et direct à l'ensemble des SMILEs européennes.
Christine Lagarde a choisi de recevoir le rapport non pas à Paris
mais à Bruxelles, marquant ainsi sa volonté de donner dès l'origine
une dimension européenne aux travaux réalisés. Il s'agit désormais
de convaincre les autres pays de l'Union de la pertinence de la
position française--/p>
Le rapport est consultable ici Par ailleurs, nous vous recommandons de lire ou relire l'interview de Caroline Weber que nous avions réalisée il y a quelques semaines sur le code de gouvernance des valeurs petites et moyennes conçu par l'association Middlenext. L'une des propositions du rapport Demarigny consiste à encourager la conception de ce type de code adapté aux SMILEs.
Andréa Bonhoure