Parlement européen, nouveaux enjeux : défis historiques et financement du marché intérieur avec Philippe JUVIN
mercredi 29 avril 2015Des institutions européennes à consolider
Pour l’invité de la matinale, « il y a encore du
chemin à faire » dans le domaine des institutions européennes, car
trop souvent, leur fonctionnement est entravé par la résurgence des
« prismes nationaux » dans le processus de prise de décisions. Le
député européen s’interroge par ailleurs sur l’absence de «
contrôle démocratique » de ces institutions. « Qui exerce
aujourd’hui ce contrôle ? Angela Merkel, le Bundestag, un peu
François Hollande », n’hésite pas à affirmer l’élu, qui juge
cependant qu’il faut donner du temps à la construction de l’Europe,
« encore jeune, donc fragile ».
Le Conseil européen, de son coté, fonctionne sur le
mode « diplomatique ». Comment sortir de cette situation de blocage
? Pas en appliquant la théorie des cercles concentriques (décisions
prises par un regroupement d’Etats du premier cercle, puis
diffusées de proche en proche), car cela s’avèrerait «
politiquement insoutenable », par exemple à l’égard de pays comme
la Pologne, économiquement vertueux ; mais peut-être par le
dispositif de la coopération renforcée (comme c’est le cas pour la
taxe sur les transactions financières).
Philippe Juvin reprend par ailleurs à son compte le
commentaire d’un représentant d’une banque française sur l’absence
de vision mondiale de l’Europe (par exemple la mise en œuvre trop
zélée des règles prudentielles édictées par le Comité de Bâle,
enceinte où les thèses américaines primeraient). L’Europe, en
effet, « ne se considère pas comme une puissance, mais au mieux
comme un marché unique », sous l’influence notamment des pays
marchands comme le Royaume-Uni, et « ne veut pas rentrer dans un
rapport de force ».
Le plan Juncker, difficile à mettre en oeuvre
En matière de stratégie économique, le fer de lance
de la nouvelle Commission européenne est le plan d’investissement,
dit plan Juncker, qui a pour objectif de libérer au moins 315
milliards d’euros d’investissements publics et privés
(principalement dans l’énergie, les réseaux électriques et
l’économie numérique) entre 2015 et 2017. Mais le Conseil a adopté
« un esprit plutôt qu’un véritable dispositif », juge Philippe
Juvin, qui illustre ce qu’il entend par « prismes nationaux » en
rappelant qu’à l’annonce du plan, les Etats n’ont pas manqué de
soumettre à Bruxelles leur propre liste de projets à financer. « Il
faudrait que ce plan soit l’occasion d’investir dans de nouveaux
projets, et non pas dans la rénovation ou la mise aux normes
d’équipements existants », estime le député, qui suggère que soit
associés au plan les investisseurs privés, ce qui nécessite que
soit minimisée l’instabilité juridique à l’intérieur de
l’Union.
La question se pose aussi des modalités du choix des
projets. La réponse appropriée consisterait à trouver un moyen
terme entre deux options également contre-productives : le pouvoir
de décision confié à un groupe d’experts émanant des institutions
européennes, ou ce pouvoir remis entre les mains des Etats
membres.
Pour ce qui est du devenir d’un des projets phares de
la nouvelle Commission, l’Union des marchés de capitaux (Capital
Markets Union), il convient d’atteindre une « masse critique » qui
ne peut être obtenue qu’en intensifiant l’unification législative
dans un ensemble de 500 millions d’habitants qui demeure fragmenté
en raison des interprétions divergentes que chaque Etat fait de la
règle européenne.
Les Etats membres ne jouent pas le jeu
Les efforts en matière d’intégration européenne
seront vains si « les Etats ne jouent pas le jeu », en continuant
par exemple « à créer de l’instabilité fiscale », ou encore en
transposant de façon différente les règles européennes dans leur
droit national, ce qui est d’ailleurs une « spécificité française »
(la France s’apprête par exemple à transposer par voie d’ordonnance
la directive sur l’attribution des contrats de concession adoptée
en 2014).