Risques systémique et de contagion : une application à l’industrie des hedge funds
lundi 20 juillet 2015L’industrie des fonds spéculatifs (hedge funds) demeure de
son côté dans l’angle mort des réglementations fondées sur la
limitation du risque systémique, d’où l’importance des travaux
académiques menés dans ce champ depuis quelques années, travaux
dont les régulateurs pourront utilement s’inspirer.
Christian Gourieroux, un universitaire français enseignant notamment à l’Université de Toronto (Canada), a axé depuis quelques années sa recherche sur les hedge funds. Cette recherche est synthétisée dans un article (en collaboration avec S. Darolles et P. Gagliardini), Risques systémique et de contagion : une application à l’industrie des hedge funds, présenté le 4 février 2015.
Le modèle bâti par les chercheurs se propose d’étudier les effets, en termes de liquidation des fonds, d’un choc externe dit commun (défaut d’un Etat sur sa dette, faillite d’une banque, dépréciation brusque d’une devise…) et des effets de contagion (c’est le comportement du gérant de fonds qui est ici en cause) générés par ce choc. L’étude montre que la sensibilité aux chocs externes (ou exogènes) et la contagion peuvent être appréhendées en termes de risques de liquidité.
Causes des liquidations
Si l’on constate que la durée de vie médiane d’un hedge fund est limitée (de 6 à 7 ans) et que le taux de « mortalité » des fonds varie sensiblement dans le temps et selon les catégories de gestion (au cours de la période 1994-2003, ce taux s’est étagé de 4 % à 30 %), il convient d’identifier les causes de cette « mortalité ». Un fonds peut être liquidé pour ces différentes raisons : faiblesse de ses rendements ; crise de liquidité (un ou plusieurs prime brokers n’assurent plus le financement à court terme, des investisseurs se retirent…) ; le gérant a effectué des opérations illégales ; le gérant ferme le fonds en vue de renégocier sa rémunération…
A partir de la Lipper TASS Database
L’étude académique se fonde sur des données (plus de 6000 fonds ; période allant de 1977 à 2009) issues de la Lipper TASS Database, une source d’informations riche mais qu’il convient de manier avec précaution : un fonds peut par exemple avoir fonctionné à blanc pendant un ou deux ans, à l’intérieur d’une banque incubatrice, avant sa naissance « officielle » ; il peut aussi être classé « vivant » ou au « cimetière », selon le degré d’informations adressé au fournisseur de données ; par ailleurs, le classement des fonds selon les catégories ou styles de gestion (event driven, long/short equity, global macro..) est purement déclaratif.
Double approche temporelle
L’analyse de la mortalité, explique Christian Gourieroux, doit s’appréhender selon une double approche temporelle : l’âge du fonds et la période dans laquelle s’inscrit son fonctionnement. Les résultats sont ainsi visualisés sur des diagrammes de type Lexis.
Il convient, par ailleurs, de se montrer très prudent dans l’analyse des variations de la mortalité : le taux de liquidation a ainsi progressé assez significativement un peu avant l’éclatement de la crise des subprimes, à un moment où l’afflux des gérants vers cette industrie en raison de ses rendements attrayants a pu se traduire par une baisse de la compétence moyenne.
Pouvoir bâtir des stress-tests
Le modèle de Gourieroux, Gagliardini et Darolles, fondé sur la régression de Poisson, a notamment pour but de construire des réseaux constitués des circuits de contagion d’un style de gestion à un autre. La connaissance et la compréhension de ces réseaux pourraient permettre aux régulateurs de « casser les passerelles de contagion », à l’exemple de ce qui est fait avec les établissements financiers réputés « systémiques » (entretenant des interdépendances fortes avec de nombreux autres établissements).
Le but ultime, selon Christian Gourieroux, est de disposer d’un outil permettant d’effectuer des stress-tests : on pourra par exemple mettre un certain nombre de fonds d’une certaine catégorie en liquidation et observer les effets de ces liquidations sur les fonds d’autres styles de gestion. Une des discussions dans les cercles d’économistes en ce moment porte sur les facteurs pertinents à appliquer lors de ce genre de stress-test.
La connaissance de l’industrie des hedge funds, en particulier de sa sensibilité aux chocs, devrait connaître une avancée spectaculaire quand aura été collecté – le travail est en cours – un historique précis de l’actif des fonds. Ces données permettront, entre autres, de classer de façon beaucoup plus pertinente les fonds selon leur style de gestion.
Christian Gourieroux, un universitaire français enseignant notamment à l’Université de Toronto (Canada), a axé depuis quelques années sa recherche sur les hedge funds. Cette recherche est synthétisée dans un article (en collaboration avec S. Darolles et P. Gagliardini), Risques systémique et de contagion : une application à l’industrie des hedge funds, présenté le 4 février 2015.
Chocs
externes et contagion
Le modèle bâti par les chercheurs se propose d’étudier les effets, en termes de liquidation des fonds, d’un choc externe dit commun (défaut d’un Etat sur sa dette, faillite d’une banque, dépréciation brusque d’une devise…) et des effets de contagion (c’est le comportement du gérant de fonds qui est ici en cause) générés par ce choc. L’étude montre que la sensibilité aux chocs externes (ou exogènes) et la contagion peuvent être appréhendées en termes de risques de liquidité.
Causes des liquidations
Si l’on constate que la durée de vie médiane d’un hedge fund est limitée (de 6 à 7 ans) et que le taux de « mortalité » des fonds varie sensiblement dans le temps et selon les catégories de gestion (au cours de la période 1994-2003, ce taux s’est étagé de 4 % à 30 %), il convient d’identifier les causes de cette « mortalité ». Un fonds peut être liquidé pour ces différentes raisons : faiblesse de ses rendements ; crise de liquidité (un ou plusieurs prime brokers n’assurent plus le financement à court terme, des investisseurs se retirent…) ; le gérant a effectué des opérations illégales ; le gérant ferme le fonds en vue de renégocier sa rémunération…
A partir de la Lipper TASS Database
L’étude académique se fonde sur des données (plus de 6000 fonds ; période allant de 1977 à 2009) issues de la Lipper TASS Database, une source d’informations riche mais qu’il convient de manier avec précaution : un fonds peut par exemple avoir fonctionné à blanc pendant un ou deux ans, à l’intérieur d’une banque incubatrice, avant sa naissance « officielle » ; il peut aussi être classé « vivant » ou au « cimetière », selon le degré d’informations adressé au fournisseur de données ; par ailleurs, le classement des fonds selon les catégories ou styles de gestion (event driven, long/short equity, global macro..) est purement déclaratif.
Double approche temporelle
L’analyse de la mortalité, explique Christian Gourieroux, doit s’appréhender selon une double approche temporelle : l’âge du fonds et la période dans laquelle s’inscrit son fonctionnement. Les résultats sont ainsi visualisés sur des diagrammes de type Lexis.
Il convient, par ailleurs, de se montrer très prudent dans l’analyse des variations de la mortalité : le taux de liquidation a ainsi progressé assez significativement un peu avant l’éclatement de la crise des subprimes, à un moment où l’afflux des gérants vers cette industrie en raison de ses rendements attrayants a pu se traduire par une baisse de la compétence moyenne.
Pouvoir bâtir des stress-tests
Le modèle de Gourieroux, Gagliardini et Darolles, fondé sur la régression de Poisson, a notamment pour but de construire des réseaux constitués des circuits de contagion d’un style de gestion à un autre. La connaissance et la compréhension de ces réseaux pourraient permettre aux régulateurs de « casser les passerelles de contagion », à l’exemple de ce qui est fait avec les établissements financiers réputés « systémiques » (entretenant des interdépendances fortes avec de nombreux autres établissements).
Le but ultime, selon Christian Gourieroux, est de disposer d’un outil permettant d’effectuer des stress-tests : on pourra par exemple mettre un certain nombre de fonds d’une certaine catégorie en liquidation et observer les effets de ces liquidations sur les fonds d’autres styles de gestion. Une des discussions dans les cercles d’économistes en ce moment porte sur les facteurs pertinents à appliquer lors de ce genre de stress-test.
La connaissance de l’industrie des hedge funds, en particulier de sa sensibilité aux chocs, devrait connaître une avancée spectaculaire quand aura été collecté – le travail est en cours – un historique précis de l’actif des fonds. Ces données permettront, entre autres, de classer de façon beaucoup plus pertinente les fonds selon leur style de gestion.