Compte-Rendu - Intermédiaires en services financiers : mutations et défis
mercredi 11 mai 2016 AEFRMarie-Agnès Nicolet, présidente, Regulation Partners
Gulcicek Gulubay, direction de la gestion d’actifs, Autorité des marchés financiers (AMF)
Véronique Herguido-Lafargue, secrétaire général, Analystes et conseillers en investissements, finance et transmission d’entreprise (Acifte)
Stéphane Fantuz, président, Chambre nationale des conseillers en investissements financiers (CNCIF)
Benoist Lombard, président, Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP)
Christel Bogard, directrice juridique et conformité, Omnium Finance
Mourtaza Asad-Syed, fondateur, Yomoni
Mathieu Hamel, fondateur, Marie Quantier
Sylvestre Tandeau de Marsac, avocat associé, FTMS
Marie-Agnès Nicolet
IOBSP, IAS, CIF : vers une convergence des règlementations
Eléments de définitions
Le statut de l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) relève de l’article L 519-1 du code monétaire et financier : « …toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d’avantage économique, l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire… »
Celui de l’intermédiaire en assurance (IAS) relève de l’article L 511-1 du code des assurances : « …présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance ou de réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion… »
Celui du conseiller en investissements financiers (CIF) relève de l’article L541-1 du code monétaire et financier : personne qui exerce à titre habituel le conseil en investissement (L321-1), le conseil portant sur la fourniture des services d’investissement (L321-1), le conseil portant sur la réalisation d’opérations sur biens divers (L550-1).
La convergence des réglementations est notamment visible en matière de formation, d’expérience professionnelle et de diplôme.
Par exemple, l’obligation de formation professionnelle de 150 heures existe pour les IOBSP, les IAS et les CIF lorsque que les conditions de diplôme ou d’expérience professionnelle ne sont pas remplies.
L’ordonnance 2016-351 du 25 mars 2016 transposant en droit national la directive 2017/17 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel apporte des nouveautés s’agissant de l’IOBSP, mais de façon générale, renforce la convergence des statuts.
Les règles de bonne conduite de l’IOBSP
Information préalable du client : identité, catégorie d’intermédiaire à laquelle il appartient, immatriculation, obligation de travailler exclusivement avec certains établissements (s’il y est soumis), procédures de recours, adresse de l’ACPR…
Obligations spécifiques aux courtiers : analyser un nombre suffisant de contrats offerts, motiver ses propositions aux clients, noms des établissements de crédit et de paiement avec lesquels il travaille, modalités de calcul de la rémunération perçue par l’établissement concerné…
Une nouveauté, la notion de conseil indépendant (L313-14 code de la consommation) : examen d’un nombre suffisamment important de contrats ; aucune autre rémunération que celle versée par le client.
Les règles de bonne conduite du CIF
Proposer une offre de services adaptée et proportionnée aux besoins et objectifs des clients.
S’enquérir auprès des clients de leurs connaissances, expérience, situation financière, etc. Le CIF doit s’abstenir de recommander des opérations si ces informations de sont pas fournies.
Des obligations spécifiques (position 2009-15 de l’AMF) en cas de distribution de titres obligataires à des clients non professionnels.
La convergence des règles de bonne conduite des CIF et IAS est forte.
La position AMF 2013-02 (Recueil des informations relatives à la connaissance du client) pour le CIF et la recommandation ACPR 2013 R-01 (Recueil des informations relatives à la connaissance du client dans le cadre du devoir de conseil en assurance vie) sont très proches.
Idem en ce qui concerne la position-recommandation AMF 2014-05 (Convention concernant la distribution d’instruments financiers) et la recommandation 2014-R-01 ACPR (Conventions concernant la distribution des contrats d’assurance vie).
Règles de bonne conduite de l’IAS
Information préalable au client : identité, immatriculation, procédures de recours, liens financiers éventuels avec des entreprises d’assurance, obligation contractuelle de travailler avec une ou plusieurs entreprises d’assurance (si cette obligation existe).
Analyser un nombre suffisant de contrats dans le cas où l’intermédiaire n’est pas soumis à une exclusivité.
Motiver les conseils fournis.
Gulcicek Gulubay
Les priorités de l’Autorité des marchés financiers (AMF)
Directive marchés d’instruments financiers (entrée probable en application en janvier 2018).
La directive permet le maintien du statut national du CIF.
Le texte précise les exigences existantes.
Nouveauté : distinction entre conseil indépendant et non indépendant.
- informer le client si le conseil est fourni de manière indépendante
- évaluer une palette suffisante d’instruments financiers
- interdiction de conserver les rétrocessions de commissions dans le
- cadre du conseil indépendant
- en cas de conseil non indépendant, la perception de rétrocessions de commissions reste autorisée dans la mesure où elles améliorent
- le contenu du service
Autre nouveauté : notion de gouvernance des produits (du producteur au client final).
Règlement 1286/2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (Priips en anglais ; entrée en application en janvier 2017).
Ce texte vise à permettre aux investisseurs de comparer facilement les produits.
Il concerne tous les produits d’investissements « packagés » dont les performances dépendent des fluctuations des marchés financiers.
La présentation des produits est normée : le document d’informations clés (KID) doit notamment mentionner les risques liés au produit, ses coûts (uniques, récurrents, variables), sa durée conseillée de détention, les scénarios de performance.
Mieux connaître les CIF
Les premières données d’activité collectées par l’AMF en 2015 permettent de dresser l’état des lieux suivants :
- chiffre d’affaires total de 2 milliards d’euros, dont 532 millions pour l’activité CIF
- forte concentration : les 50 plus gros cabinets réalisent 42 % de l’activité totale
- chiffre d’affaires moyen des cabinets : 120 000 euros (activité CIF)
- 85 % de CGP
Vigilance à l’égard des produits atypiques.
- Généralement des classes d’actifs non corrélées aux marchés financiers : vin, manuscrits, immobilier décoté…
- Le CIF devrait s’abstenir de conseiller ces produits s’il n’est pas en mesure de comprendre le mécanisme lié à l’investissement, ses risques et ses avantages.
- Des sanctions ont été prononcées par l’AMF à l’égard de CIF ayant distribué de tels produits.
Véronique Herguido-Lafargue
Les CIF haut de bilan
Ces professionnels proposent une large palette de missions de conseil : transmission d’entreprise, levée de fonds, introduction en Bourse, trésorerie…différentes de celles de la commercialisation de produits financiers
L’Acifte compte 420 adhérents représentant 280 structures allant du petit cabinet à la filiale corporate finance d’un Big Four ou d’un établissement bancaire.
Quelle que soit leur spécialité, les CIF haut de bilan relèvent tous des articles 325-1 à 325-31du règlement général de l’AMF, qui ont plutôt été rédigés à pour les CIF Conseillers en Gestion de Patrimoine.
Il est par ailleurs difficile de tracer une frontière nette entre conseil portant sur des instruments financiers et service connexe de services d’investissement : certains professionnels optent pour le statut de CIF, d’autres exercent librement, d’où des distorsions de concurrence.
Les acteurs non réglementés s’exposent aux risques liés à l’exercice illégal de la profession (par exemple : TGI de Paris, 1er juin 2010 et TGI Montbéliard, 24 mars 2011).
Il existe cependant des zones à risque pour le professionnel règlementé.
Dans le domaine de la transmission d’entreprise, risque de procéder à un placement non autorisé (sanction AMF 2015-09).
Dans des opérations transfrontières, rique de ne pas appliquer la réglementation appropriée (le statut de CIF étant un statut national)
En dépit des difficultés rencontrées les CIF haut de bilan sont très attachés à la réglementation, qui représente un gage de sérieux, d’honorabilité et de professionnalisme vis-à-vis de leurs clients
Dans ce contyexte et depuis deux ans, renforcement des échanges entre les associations professionnelles et avec l’AMF qui comme l’espèrent les associations professionnelles concernées pourront aboutir à un aménagement des règles applicables aux CIF haut de bilan.
Stéphane Fantuz
Les conseils en gestion de patrimoine vus par leur chambre
Les adhérents de la Chambre nationale des conseillers en investissements financiers sont majoritairement des conseils en gestion de patrimoine, qui pratiquent une activité d’intermédiation (à 90 %) ou de conseil.
Dans la pratique, la plupart des professionnels adoptent une approche généraliste assez éloignée des distinctions opérées par la réglementation.
Ces professionnels sont de plus en plus accaparés par les tâches liées à la conformité.
Bientôt près de 40 heures par an de formation.
Les fintechs seront-elles du côté du CGP ou seront-elles des concurrents directs ? Le débat est ouvert à ce stade.
On se dirige vers une profession constituée de généralistes, qui feront office de hubs, et d’hyper-spécialistes (crédit, haut de bilan…). La population des CGP (environ 4000 aujourd’hui) est probablement amenée à diminuer.
La profession doit monter en gamme, en passant de l’intermédiation au conseil, ce qui représente un bouleversement important.
Benoist Lombard
La Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine compte 2100 adhérents, qui interviennent notamment dans l’investissement financier, le courtage en assurance (60 % du chiffre d’affaires total des adhérents), l’immobilier (10 % de l’activité) ou encore le crédit.
En moyenne, l’adhérent a 44 ans et réalise 340 000 euros de chiffre d’affaires avec un collaborateur et demi.
La chambre recommande à ses adhérents de se conformer strictement aux procédures imposées au CIF, car lors de l’entrée en relation avec le client, on ne sait pas quelle prestation sera proposée.
La chambre compte douze permanents, un conseil d’administration de dix-sept élus, et est présente dans les régions.
Le statut de CIF a bien préparé les CGP à l’application des règles européennes (directive MIF 2, directive DA). Cependant, cela nécessitera des regroupements, associatifs ou capitalistiques.
La chambre est favorable à la réglementation de tous les produits : forêts, diamants, forex, manuscrits…
Christel Bogard
Les enjeux des plates-formes de distribution
La plate-forme de distribution Stellium Invest, filiale d’Omnium Finance, est depuis 2012 agréée entreprise d’investissement par l’ACPR, et est prestataire de services d’investissement.
La plate-forme est à la disposition d’un réseau de CIF et d’agents liés et se positionne ainsi dans la chaîne de distribution en tant qu’intermédiaire, entre les producteurs et les distributeurs, allégeant ainsi les contraintes des CIF et étant chargée des relations avec les producteurs.
Elle s’assure de la fiabilité (solidité financière, conformité) des producteurs, de la compatibilité des produits avec le processus de distribution, de la gouvernance des produits (MIF 2), et pour ce qui est des distributeurs, de leur habilitation, de leur honorabilité, de leur bonne compréhension des produits.
Ce positionnement lui permet de référencer une offre de solutions diversifiée sélectionnée en architecture ouverte qui devrait être de nature pour les CIF de fournir un conseil non indépendant.
Dans le cadre de l’intervention des CIF auprès des clients, Stellium Invest intervient en amont afin d’assurer la fiabilité et la qualité des informations fournies aux clients mais également suite au conseil délivré par le CIF dans le cadre de la fourniture du service RTO.
La complexification du travail des CIF et les obligations irréalistes qui pèsent sur eux au regard des différents statuts qui régissent leur activité (formation…) constitue une difficulté opérationnelle pour Stellium Invest, même si elle apporte un encadrement de leur activité.
Une question pendante à propos des rétrocessions de commissions : quand y a-t-il amélioration du service notamment au regard de la nature de certains produits (FCPI, SCPI)?
Mourtaza Asad-Syed
Yomoni, une société de gestion de portefeuille, a été lancée il y a un an, avec l’objectif de diminuer les déperditions de performances (sous-performance de la gestion active, frais de gestion, pertes d’opportunité dues aux entrées et sorties dans les fonds…).
Le coût réel d’une assurance-vie en gestion pilotée en France serait de 3,6 %.
Yomoni, qui vise une clientèle aux portefeuilles modestes, propose une assurance-vie en ligne à base de fonds indiciels.
La plate-forme mise beaucoup sur sa procédure d’entrée en relation avec le client, qui ne prend que quinze minutes, ce qui constitue un avantage décisif par rapport au know your customer des CIF.
Mathieu Hamel
Marie Quantier est un CIF (courtage en assurance, réception-transmission des ordres) qui propose une assurance vie et un compte-titres.
La plate-forme propose des recommandations d’investissement personnalisées (à partir d’algorithmes issus de l’intelligence artificielle et de la finance comportementale), que l’on peut suivre ou non, ou modifier, une quantification précise du risque de pertes (crash tests), ainsi que l’accès à des données financières.
Les commissions sont perçues sur les gains, non sur les montants investis.
Silvestre Tandeau de Marsac
La rémunération des intermédiaires : les nouveaux enjeux réglementaires
Les commissions sur encours versées par les producteurs d’instruments financiers représentent environ 80 % de la rémunération des CGPI. Les textes communautaires récents, eux, affirment le rôle de conseil des intermédiaires et introduisent la notion d’indépendance du service de conseil en investissement.
MIF 2 pose l’interdiction de principe de recevoir des inducements.
Mais la directive MIF 2 prévoit des exceptions à cette interdiction en cas de reversement intégral de la somme au client ou lors de la perception d’avantages non monétaires mineurs.
Cela étant, elle consacre l’interdiction de percevoir des commissions quand le conseil est pratiqué sur une base indépendante.
Il y a donc interdiction de percevoir des commissions quand le conseil est pratique sur une base indépendante.
.Cette interdiction ne s’applique pas à l’agent lié, à conditions de respecter les règles sur les inducements (transparence de la rémunération, amélioration de la qualité du service fourni au client, absence de conflit d’intérêt).
Une même personne peut-elle fournir à la fois des services sur une base indépendante et sur une base non indépendante ?
- impossibilité absolue pour une personne physique : risque de confusion
- possibilité, sous conditions, pour une personne morale
Les intermédiaires en assurance peuvent-ils percevoir des rétrocessions de commissions ?
- pas d’interdiction de principe mais obligation de respecter les règles sur les inducements.
Compte tenu de ses nouvelles règles communautaires, la profession va devoir évoluer sensiblement.