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Compte - rendu Matinale Monopole bancaire : propositions du Haut Comité Juridique de la Place de Paris avec Jacques DELMAS-MARSALET

vendredi 27 mai 2016 AEFR Visiter le site source

Compte rendu Matinale du 11 mai 2016

 

Rapport sur le monopole bancaire

du Haut comité juridique de la place de Paris

 

En introduction, Michel Prada, ex-président de l’AMF et actuel président du conseil de normalisation des comptes publics, a rappelé le contexte qui a présidé à la création de ce Haut comité juridique de la place de Paris. Le HCJP a été créé sous l’impulsion de l’AMF et de la Banque de France. Il est constitué d’experts reconnus du monde universitaire, de la Justice, du Barreau et des professions financières. Il associe à ses réunions le Trésor, l’ACPR et la Chancellerie. C’est un organisme de place original et indépendant.

Ses objectifs sont de : 

  • proposer des réformes favorisant la compétitivité juridique française ;
  • accompagner les autorités dans le cadre des négociations des textes européens et internationaux
  • contribuer à la sécurité juridique en fournissant des réponses à des questions juridiques intéressant les acteurs financiers publics et privés.

Puis, Jacques Delmas-Marsalet, Président du Groupe de travail et rapporteur du rapport a précisé le périmètre  de « monopole » concernant les banques :

- à la réception des dépôts et autres fonds remboursables du public, réservée aux établissements de crédit ;               
- aux services de paiement ainsi que d’émission et de gestion de monnaie électronique, réservés, outre à ces établissements, aux établissements de paiement et de monnaie électronique ; ce qui, dans les deux cas, est de règle dans l’Union Européenne ;        
- aux opérations de crédit, réservées aux établissements de crédit et aux sociétés de financement, ce qui n’est pas le cas dans certains autres pays européens.

1-Le monopole des dépôts et autres fonds remboursables du public et le monopole des services de paiement : deux monopoles qui n’appellent que des clarifications

A Le monopole des dépôts et autres fonds remboursables du public

Propositions du Groupe de travail : le Groupe de travail propose de se référer à l’exer­cice de l’activité « à titre de profession habituelle », expression déjà employée dans le CMF, notamment pour définir les établissements de crédit (article L. 511-1 du CMF).

B-Le monopole des services de paiement

Pour ce qui concerne les services de paiement, la réglementation européenne est en principe harmonisée et ne comporte donc pas en elle-même de risque de distorsions de concurrence et d’arbitrages pouvant conduire à des délocalisations d’opérations. Le Groupe de travail n’a d’ailleurs pas eu connaissance de tels problèmes dans le cadre de ses travaux.

2-Le monopole du crédit : un monopole qui mériterait d’évoluer

Le Groupe de travail propose 6 évolutions possibles et souhaitables du monopole du crédit.

1/ Elargir les possibilités d’acquisition des créances bancaires non échues à caractère professionnel

2/ Assouplir les conditions d’admission des opérations de trésorerie intra-groupe

3/ Etendre de manière sélective la possibilité d’octroyer des prêts à caractère professionnel

4/ Soumettre les nouveaux prêteurs à des règles adaptées

5/ Sécuriser les possibilités ouvertes aux particuliers d’octroyer directement des prêts aux entreprises et - plus encore - aux ménages

6/ Sécuriser la qualification juridique des titres de créance

 

Conclusions :

Les mesures proposées tendent à éviter des arbitrages réglementaires et des délocalisations défavorables à la Place Financière de Paris. Aussi doivent-t-elles être ciblées et encadrées:

- Centrées d’abord sur des dispositions qui permettent de concilier la compétence éminente et irremplaçable des établissements de crédit et des sociétés de financement en matière d’ «origination» des prêts et la possi­bilité d’alléger leur bilan d’une partie des risques de crédit, ce à quoi tend l’ouverture de la possibilité de céder des créances bancaires non échues à d’autres entités.

- Ciblées « nouvelles sources de finance­ment » autres que les financements bancaires et les financements de marché, comme les crédits de trésorerie aux PME dépendant d’un même groupe ou incluses dans une même filière de production.

- Encadrées enfin, de manière à ce que le risque de crédit ne soit pas renvoyé sans filtres aux investisseurs finaux, notamment les investisseurs de détail. D’où l’importance que revêt, dans ce système pour partie « bancairement désintermédié », d’intermédiaires financiers soumis à un tronc commun de régulation et, là où c’est nécessaire, de contrôle.

Appel des règles actuellement imposées en France aux entités accordant ou acquérant des prêts de caractère professionnel

Les principales règles actuellement applicables en matière d’octroi ou d’acquisition de prêts de caractère professionnel.

En fonction de leur objet, ces règles se répartissent en 5 catégories :

- celles concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme,

- celles concernant le secret professionnel,

- celles concernant la collecte d’informations sur la distribution de crédits et à l’accès au fichier FIBEN, celles concernant la sélection et le suivi des risques de crédit,
- celles concernant le soutien abusif et la rupture abusive de crédit.

Règles relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Il en résulte que les diverses catégories d’entreprises qui, en France, sont habilitées à exercer une activité d’octroi de prêts de caractère professionnel sont placées dans des conditions égales de concurrence en ce qui concerne les règles LAB/FT.

 

L’extraterritorialité

Principe

Le monopole bancaire est territorial. Les établissements étrangers non agréés ou non « passeportés» ne peuvent réaliser d’opérations soumises au monopole bancaire sur le territoire français.

Le monopole bancaire n’est donc pas extraterritorial. Il est loisible à un national français de s’abstraire des protections octroyées par le législateur pour son bénéfice en décidant de conclure à l’étranger avec un éta­blissement étranger une opération qui, si elle avait été conclue sur le territoire français, aurait été soumise au monopole bancaire français.

Les critères de rattachement d’une opération de banque

La loi étant muette, c’est la jurisprudence qui a déterminé les critères de rattachement d’une opération au territoire français.

Recommandation du groupe de travail

Une des pistes de réflexion qui pourrait être envisagée serait de s’inspirer de ce que prévoit pour le monopole « parallèle » de la prestation de service d’investissement, le Règlement MIF pour les entreprises de pays tiers souhaitant fournir des services d’investissement au sein de l’UE à des clients professionnels. Cette solution rapprocherait les solutions en droit français de celles en vigueur dans d’autres Etats de l’UE à commencer par le Royaume-Uni où les règles du monopole bancaire ne s’appliquent apparemment pas aux opérations conclues entre profes­sionnels.

Observations de la Fédération Bancaire Française (FBF)

Elargir les possibilités d’acquisition des créances bancaires non échues à caractère professionnel

Au total il apparait aux banques qu’il est essentiel d’introduire une différence majeure entre la sélec­tion de prêts (déjà originés par les banques ou les sociétés de financement) et l’octroi de prêt.

Extension à certains FIA de la possibilité d’octroyer des prêts

FBF s’oppose à cet élargissement au-delà du périmètre ELTIF prévu par le règlement européen.

En conséquence, la suppression de la notion de contrôle contribuerait à créer une insécurité financière et juridique au titre de la mise en place et en œuvre de la centralisation, dès lors qu’elle impliquerait que les sociétés qui intègreraient une centralisation de trésorerie pourraient à tout moment, au nom du respect de l’intérêt social (ou plutôt de son irrespect), la remettre en cause, en tout ou partie. A cet égard, il est central de rappeler que l’acte contraire à l’intérêt social ne peut être opposé aux associés même s’il entre dans l’objet social.

Par ailleurs, il convient de souligner qu’abaisser l’exigence de participation à une participation minoritaire, pourrait avoir pour effet de remettre en cause la notion même de groupe, ce qui aurait alors pour consé­quence de mettre en péril le respect des deux autres conditions posées par la Cour de Cassation, préalable­ment à l’octroi licite d’un prêt intragroupe.

Soumettre les nouveaux prêteurs à des règles adaptées

Pour la FBF le projet de rapport semble sous-estimer l’importance de la réglementation rela­tive à la connaissance du client (KYC), au respect de la législation anti blanchiment et de lutte contre le fi­nancement du terrorisme (AMML/CFT), ainsi qu’au devoir d’information et de mise en garde («suitability »).

Purger la réglementation applicable aux sociétés de financement des dispositions qui portent atteinte, sans réelle utilité, à leurs conditions de concurrence

La FBF partage les commentaires de l’ACPR.

Le périmètre de la définition française de l’opération de crédit

La France retient l’approche la plus restrictive en la matière si on la compare à celle de ses homologues euro­péens qui, pour la plupart, n’ont pas intégré les opérations de crédit aux entreprises dans le champ d’appli­cation du monopole bancaire. Ainsi, les cessions de créances non échues ne relèvent pas d’une activité réglementée dans nombre d’autres Etats de l’Union européenne, comme la Grande Bretagne ou l’Allemagne par exemple. Ainsi, alors qu’une opération de distribution du risque lié à une créance sous forme de cession de créance peut être réalisée par un établissement de crédit librement en Allemagne ou en Grande Bretagne, cette même opération ne peut être réalisée qu’auprès d’établissements de crédit ayant un agrément ou agissant par le biais du passeport européen si elle est localisée en France.

Ainsi, les contraintes posées par la réglementation actuelle entraînent la délocalisation des opérations en dehors de la France. Elles incitent à la création d’entités ad hoc dans des Etats où la cession de créances non échues ne tombe pas dans le champ d’application du monopole bancaire, ou même sur des plateformes « off-shore » en dehors de l’Union européenne. Elles peuvent également amener certaines banques à mettre les crédits à disposition (origination) ou à enregistrer les crédits (« booking ») dans des pays où la législation est plus favorable, afin de faciliter ensuite leur syndication.

Les banques ne souhaitent pas remettre en cause le monopole bancaire concernant l’activité de mise à dis­position des fonds (marché primaire), car l’origination des créances dans de bonnes conditions doit rester l’une des missions principales des établissements de crédit.

Les banques souhaitent donc limiter l’aménagement du monopole bancaire à la seule distribution du risque de crédit (marché secondaire) sous la forme d’une « syndication directe » (cessions ou transferts de créances) concernant des créances originées par les banques et les autres entités visées à l’alinéa 1er de l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier.

Observations de l’AFTE

Tous les groupes ont mis en place des centralisations de trésorerie généralement doublée de conventions dites de Netting pour faciliter les paiements intragroupe. Les paiements et encaissement hors groupe de­meurent néanmoins problématiques.

 

Observations de l’ASF

Partisans de normes prudentielles adaptées aux risques encourus, les adhérents de l’ASF ne remettent pas en cause le cadre auquel ils sont soumis, mais dans le contexte de l’émergence de nouveaux acteurs et face aux atteintes récentes portées au monopole bancaire, ils considèrent qu’une même activité de crédit ou de prestation d’investissement doit être régulée et supervisée à l’identique. C’est d’ailleurs ce qui permet aux clients - ménages et entreprises - de bénéficier de la même sécurité et à la Place française, de conser­ver sa réputation de solidité.