9e colloque de la Commission des sanctions de l'AMF - Discours de Marie-Hélène Tric, Présidente de la Commission des sanctions - Jeudi 6 octobre 2016
mercredi 12 octobre 2016 AMF Visiter le site source
Mesdames et messieurs, chers collègues, chers amis,
La Commission des sanctions est
heureuse de vous accueillir une nouvelle fois à son Colloque
annuel.
En prenant la relève de Michel Pinault appelé sans préavis aux très
hautes fonctions de membre du Conseil constitutionnel, je me suis
dit que j’avais beaucoup de chance de succéder à des présidents qui
ont beaucoup fait pour améliorer le fonctionnement et la qualité
des travaux de notre Commission.
Je rends ici hommage à ceux avec lesquels j’ai eu la chance de
travailler : Daniel Labetoulle, Claude Nocquet et Michel
Pinault.
Mais aussitôt, je me suis inquiétée de savoir comment je pourrais
apporter autant qu’eux. Impossible de faire mieux.
Si l’on fait un rapide bilan, l’on constate qu’au cours des années,
la procédure et la motivation des décisions n’ont cessé de
s’améliorer, tandis que la technicité des dossiers et leur
internationalisation ont incontestablement augmenté.
En ce qui concerne la procédure, d’abord :
Lors de la phase de l’enquête, l’introduction de la lettre
circonstanciée qui permet aux intéressés de connaître la position
des enquêteurs et de faire des observations en réponse a apporté
une possibilité de discussion de la position des enquêteurs qui est
de nature à éclairer le Collège lorsqu’il prend sa décision de
notifier ou non des griefs. Un processus similaire existe en fin de
contrôle.
S’il y avait une amélioration à apporter à notre procédure, il me semble qu’elle résiderait dans la phase postérieure à la notification de griefs. En effet, si nous mettons tout en œuvre pour respecter les droits de la défense, nous devons faire face à une recrudescence de demandes de délais supplémentaires de la part des mis en cause, ce qui ne laisse que peu ou pas de temps au Collège pour répliquer. Il me semble très important que les droits de la poursuite soient mieux respectés afin que s’exerce un débat contradictoire équilibré. Et si j’ai aujourd’hui un message à faire passer aux représentants de la défense, c’est que le respect des délais est un point positif qui ne les désavantagera jamais…
En ce qui concerne le fond, ensuite :
Un travail continu est entrepris pour que la motivation de nos
décisions soit précise et complète tout en restant concise.
Sans doute, des améliorations peuvent-elles encore être apportées,
tels l’allégement des visas, l’exposé des moyens de défense ou
l’écriture en style direct. Mais il me semble que globalement nos
décisions sont bien comprises.
S’il est vrai que la sanction a
pour but premier la dissuasion et que, comme le disait Claude
Nocquet, la Commission des sanctions doit faire peur, elle doit
avoir aussi un rôle pédagogique car nous n’avons pas affaire qu’à
des délinquants financiers.
La sanction doit donc tenir compte des cas où le manquement procède
de mauvaises habitudes prises par certains professionnels. D’autres
estiment que leur cas est si particulier que la règlementation ne
s’applique pas à eux et il faut les remettre sur les rails.
Dans ces cas, nous devons surtout faire comprendre la portée que
nous entendons donner à la règle qui peut avoir été mal perçue.
C’est ce que nous avons clairement rappelé dans plusieurs décisions
de sanction récentes concernant la pré-affectation des ordres.
Nos décisions permettent une clarification de la doctrine par
exemple en définissant mieux le métier de CIF et les obligations
qu’entraîne cette qualité. Nous avons aussi tracé clairement la
ligne de partage entre un bien courant, tel un tableau, une
bouteille de vin, un panneau solaire etc., et un bien divers qui
fait l’objet d’opérations qui ne doivent pas échapper au contrôle
de l’AMF.
Pour conclure, s’il fallait encore apporter la preuve de la qualité
de nos procédures et de nos décisions, je me permets de mentionner
que le taux de réformation de nos décisions devant les juridictions
de recours reste très faible.
Enfin, dans un arrêt tout récent, la CEDH a constaté que la
Commission des sanctions de l’AMF était indépendante et
impartiale.
Si la Commission des sanctions et l’AMF n’en doutaient pas, ce
rappel par une grande juridiction européenne est plus que
satisfaisant.
Mais venons-en aux travaux qui vont nous occuper aujourd’hui. Je
vous le disais il y a un instant, l’une de nos missions est de,
patiemment, décision après décision, apporter de la clarté sur la
façon dont les règles doivent s’appliquer. Récemment, l’information
financière diffusée par les sociétés cotées nous a conduits à
rendre plusieurs décisions largement commentées. Le grand principe
auquel la communication financière obéit est simple : les sociétés
doivent diffuser au marché dès que possible toute information
privilégiée. Elles peuvent cependant, sous leur responsabilité et
sous certaines conditions, en différer la diffusion.
Mais il faut bien reconnaître que le diable réside dans la mise en
œuvre de ce principe simple ! A partir de quand une information
est-elle suffisamment précise pour devenir privilégiée ? A partir
de quand peut-on considérer que l’entreprise a bien communiqué «
dès que possible » ? Le nouveau règlement européen sur les abus de
marché entré en vigueur en juillet dernier change-t-il la donne ?
Autant de questions sur lesquelles nous brûlons d’entendre
l’opinion des praticiens sur notre jurisprudence et d’entendre les
professionnels nous exposer les difficultés qu’ils rencontrent au
quotidien dans l’application de ce grand principe. Patricia Lazard
Kodyra, membre de la Commission des sanctions, a accepté d’animer
cette table ronde et je remercie par avance les spécialistes dont
elle a su s’entourer pour leur éclairage sur ce sujet
passionnant.
Mais la sanction n’est plus le seul rôle de la Commission. Dans un
souci d’économie de moyens, de rapidité et d’efficacité, le
législateur a prévu que le Collège puisse proposer à la personne à
laquelle il notifie des griefs d’entrer en voie de composition
administrative. Dans ces cas, l’accord passé entre le Secrétaire
général et le mis en cause devra être homologué par la Commission
des sanctions.
Cette procédure représente environ le tiers de nos décisions, et
même davantage cette année. Elle est donc d’importance, c’est
pourquoi il nous a semblé opportun d’y consacrer la première table
ronde de notre colloque, car si les textes sont silencieux et si le
rôle de la Commission des sanctions est moins visible, il n’en est
pas moins important. Je tiens à préciser que la Commission des
sanctions n’est pas une simple chambre d’enregistrement qui se
contente d’apposer un tampon sur l’accord conclu entre le
Secrétaire général et le mis en cause, mais qu’elle examine le
dossier en vérifiant la régularité de la procédure, l’adéquation
des faits établis par le contrôle avec ceux décrits dans l’accord,
les textes visés et leur adéquation avec ceux de la notification de
griefs et la qualification. Nous délibérons aussi sur le montant de
l’engagement pécuniaire et sur les engagements destinés à mettre
fin aux irrégularités, voire indemniser les victimes.
Alors, quelle philosophie sous-tend cette nouvelle forme
d’alternative à la justice ? Comment l’AMF va-t-elle en pratique
étendre ce dispositif à l’ensemble des manquements?
Je n’en dis pas plus et – avant de céder la place à Christophe
Soulard et à ses invités qui vont nous faire partager leurs
expériences et leurs convictions sur la transaction pénale ou
administrative – je vous souhaite de passer un agréable et
fructueux après-midi en notre compagnie.