Compte-rendu du séminaire : Les rendez-vous de la régulation financière et de la conformité 11ème édition du 14 décembre
jeudi 18 janvier 2018 AEFR Visiter le site sourceGeoffroy Cailloux – DG Trésor
Union des marchés de capitaux
Le Brexit conduit à s’interroger sur le statut des pays tiers tel qu’il est appréhendé dans de nombreuses législations récentes (directive révisée sur les marchés d’instruments financiers ou MIF 2, règlement sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux ou Emir…). L’équivalence au sens de MIF 2 constitue l’un des dossiers prioritaires de la direction générale du Trésor.
Le nouveau règlement sur les produits dérivés de gré à gré (Emir) comportera un volet sur la supervision des chambres de compensation, qui sont, en Europe, en situation d’oligopole.
La réforme en cours des autorités de contrôle européennes (Autorité européenne des marchés financiers, Autorité bancaire européenne, Autorité européenne des assurances et des pensions) va dans le bon sens, mais pas suffisamment loin. Ce n’est en tout cas pas le big bang dont parlent certains opposants à cette réforme.
La France est favorable à une plus grande convergence dans l’Union européenne en matière de supervision et à un renforcement des pouvoirs de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), pouvoirs qui sont exercés au sein de l’union mais aussi dans les relations avec les pays tiers, rendues plus sensibles par le Brexit. Il est faux de penser que doter l’AEMF de pouvoirs directs et indirects étendus revient à affaiblir les autorités de contrôle nationales.
Place financière
Les actions en faveur d’un renforcement de l’attrait de la place financière (5 % du PIB, 800 000 emplois) ne sont pas liées au seul Brexit. Le gouvernement a assumé de prendre un risque politique en valorisant la finance et en prenant des mesures fiscales et de droit du travail favorables au développement de la place financière.
Innovations
La France a été pionnière en dotant la finance participative d’un cadre législatif cohérent qui retient d’ailleurs l’attention de la Commission européenne. Elle l’a été aussi dans le domaine de la blockchain, avec des textes permettant l’échange de certains instruments financiers (actions et obligations non cotées notamment) en l’absence de compte-titres.
Plan d’actions pour l’investissement et la croissance des entreprises
Le gouvernement a demandé à six groupes de travail de lui faire des propositions qui seront rassemblées dans un projet de loi au printemps 2018. Parmi les sujets à l’étude, le fait de revenir sur certaines transpositions, pénalisantes pour les entreprises nationales, de textes européens.
Patrick Starkman - Cabinet Samman
Brexit
Le Royaume-Uni a profondément marqué la construction européenne. Avec des hommes : par exemple Jonathan Hill, commissaire européen aux Services financiers, chargé de mettre sur pieds l’Union des marchés de capitaux. Ou avec des conceptions : par exemple la notion de bac à sable en matière de réglementation (possibilité pour les fintechs, notamment, de se développer pendant un temps hors des contraintes réglementaires).
La City représente à elle seule 50 % de la finance dans l’Union européenne.
Le Royaume-Uni va probablement devenir un pays tiers pour l’Union européenne, avec, parmi les nombreuses conséquences induites, l’impossibilité pour les acteurs agréés par la Financial Conduct Authority d’utiliser les passeports européens et le retour en force des questions liées à la compensation de nombreux produits en euro à partir de Londres.
Trois scénarios envisageables : l’Union européenne et le Royaume-Uni concluent un accord cadre général (de type Ceta), mais cela nécessite beaucoup de temps ; le Royaume-Uni est considéré comme un pays tiers : les accords se concluent au cas par cas ; une période transitoire de deux à trois ans durant laquelle le Royaume-Uni bénéficie d’un régime d’équivalence.
Union des marchés de capitaux/Autorité européenne des marchés financiers
La sortie du Royaume-Uni constitue une chance pour l’Union européenne de procéder à l’intégration de sa réglementation (avec notamment, le renforcement des pouvoirs d’agences comme l’Autorité européenne des marchés financiers).
Les Britanniques ont été opposés avec constance à la supervision directe : c’est ainsi que les indices de référence ou encore les chambres de compensation ont échappé au contrôle de l’AEMF.
L’AEMF, où les décisions sont, aujourd’hui, collégiales (vingt-huit pays), pourrait être dotée demain d’un conseil restreint et de pouvoirs élargis. Mais jusqu’où peut s’exercer le contrôle des superviseurs nationaux, dont certains sont connus pour leur laxisme ?
Marie-Agnès Nicolet - Regulation Partners
Quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment d’argent
Cette directive européenne du 20 mai 2015 a été transposée en droit français par l’ordonnance du 1er décembre 2016 (où figurent le détail des mesures de vigilance complémentaires) et par le décret du 12 juin 2017 relatif au registre des bénéficiaires effectifs.
Les apports de la nouvelle directive : élargissement de la notion de personne politiquement exposée ; création du registre des bénéficiaires effectifs (personnes qui, soit contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, le client, soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée) ; un cinquième axe dans la classification des risques : pays ou territoire d’origine ou de destination des fonds.
Le registre des bénéficiaires effectifs est tenu par le greffe du tribunal de commerce qui conserve les informations suivantes : nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms, date et lieu de naissance, nationalité, adresse personnelle de la ou des personnes physiques ; modalités du contrôle exercé sur la société ou l'entité juridique ; date à laquelle la ou les personnes physiques sont devenues le bénéficiaire effectif de la société ou de l'entité juridique.
Deuxième directive sur les services de paiement
Cette directive, entrée en vigueur en janvier 2018, consacre de nouveaux usages en matière de paiement et rehausse les standards de sécurité.
Elle a été transposée en droit français (Code monétaire et financier) par une ordonnance du 9 août 2017 complétée par un décret du 31 août 2017.
Elle donne une existence juridique à de nouveaux acteurs, les tiers de paiement. Ces tiers ont la particularité de baser leurs services sur les données des comptes bancaires. On distingue les prestataires de service d’information sur les comptes (agrégateurs) et les prestataires de service d’initiation de paiement.
La directive introduit la notion d’authentification forte du payeur. Cette authentification repose sur l’utilisation de deux éléments ou plus appartenant aux catégories « connaissance » (mot de passe, code PIN…), « possession » (token, téléphone portable…) et « inhérence » (caractéristiques biométriques).
Règlement européen sur la protection des données personnelles
Ce règlement, entré en application le 25 mai 2018, s’ajoute, en France, aux règles établies par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il instaure des règles de transparence (le consentement doit être explicite...), prévoit des sanctions dissuasives, donne une définition précise de la notion de donnée personnelle et créé la fonction de délégué à la protection des données.
Les droits des personnes ayant consenti à ce que leurs données soient traitées : à l’accès ; à la rectification ; à la portabilité ; à la limitation du traitement ; à l’effacement des données.
Parmi les missions du délégué à la protection des données : informer et conseiller le responsable du traitement ou le sous-traitant ainsi que les employés qui procèdent au traitement sur les obligations qui leur incombent ; contrôler le respect du règlement ; dispenser des conseils, sur demande, en ce qui concerne l'analyse d'impact relative à la protection des données et en vérifier l'exécution ; coopérer avec l'autorité de contrôle ; faire office de point de contact pour l'autorité de contrôle sur les questions relatives au traitement.
Hubert de Vauplane - Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP
Les organismes de financement spécialisé, nouveaux véhicules du financement alternatif
Créés par l’ordonnance du 4 octobre 2017 applicable le 3 janvier 2018, les organismes de financement spécialisé (OFS) permettront de rivaliser avec des dispositifs équivalents luxembourgeois.
Société de financement spécialisé ou fonds de financement spécialisé quant au statut, ils ont la particularité d’accepter une large gamme d’actifs éligibles (titres de capital ou de créances sur le marché secondaire, octroi de prêts sur le marché primaire, bons de caisse, minibons…). Grande souplesse aussi concernant le passif, en dehors du tranching. En quelque sorte, « les meilleurs côtés de la titrisation et des fonds professionnels spécialisés réunis ».
Les OTF sont éligibles au label Eltif (fonds d’investissement européen à long terme), ce qui facilite la commercialisation.
Brexit
En ce qui concerne les conséquences juridiques du Brexit, on se reportera aux travaux publics du Haut Comité juridique de la place financière de Paris et notamment aux rapports « Accessibilité du marché français aux établissements bancaires et financiers britanniques dans un environnement post-Brexit », « Brexit et infrastructures de marché » et « Rapport sur les implications du Brexit dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale ».
En ce qui concerne l’exécution des contrats conclus avant la sortie du Royaume-Uni, il faut noter que si, en principe, la simple exécution ne peut être assimilée à une prestation de service bancaire ou d’investissement, il faut distinguer les services à exécutions successives (tirages successifs d’un prêt par exemple), qui peuvent se prolonger au-delà de la sortie du Royaume-Uni, et les services à exécution instantanée.
Consultation de l’Autorité des marchés financiers sur les Initial Coins Offerings (ICO)
L’émetteur propose en contrepartie à l’investissement des jetons (tokens), un actif immatériel transféré dans la blockchain qui incorpore des droits (droit d’usage, droit de gouvernance, droit au partage des revenus).
Dans de nombreuses juridictions, les ICO sont désormais interdites, ou freinées, par les autorités.
Dans sa consultation, lancée on octobre 2017, l’AMF envisage trois scénarios : pas de règles spécifiques, règles spécifiques, prospectus. L’AMF entame une démarche sans a priori, plutôt positive, probablement dans la perspective de faire de la France le pays des ICO réglementées.
Bertrand Lussigny - FBF
Bâle III
La revue des directives européennes sur les fonds propres réglementaire (CRD) et « établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement » (BRRD) aura probablement du mal à aller à son terme avant l’installation de la nouvelle Commission européenne.
Une partie du texte (ce qui concerne les risques de marché) est obsolète, y compris aux yeux du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Il faudra veiller à ne pas pénaliser l’Union des marchés de capitaux naissante et à ne pas surtransposer les standards internationaux en matière de résolution.
A l’occasion de la réunion du Comité de Bâle du 7 décembre 2017, il n’y a pas eu de consensus à propos du risque attaché à la détention d’obligations souveraines (pas de charge en capital pour l’instant). En ce qui concerne les risques de marché, le Comité de Bâle rouvre le chantier, pour des propositions fin 2018 et une réforme repoussée à 2022. Le « plus mauvais point » de l’accord du 7 décembre concerne la limitation apportée aux modèles internes dans le calcul des actifs pondérés du risque (output floor). L’output floor a été fixé à 72,5 %. Il faudra éventuellement procéder à des ajustements liés aux spécificités de l’économie européenne (crédits immobiliers, financements spécialisés…)
Union bancaire
La question des créances douteuses est avant tout politique. Le problème doit être traité pays par pays, car les situations sont disparates en Europe. Un texte général risquerait d’avoir des effets négatifs sur le crédit.
En ce qui concerne le Fonds de garantie des dépôts européen, pas d’opposition de principe quant à son existence, mais pas dans les conditions envisagées pour l’instant, qui poussent à la déresponsabilisation des banques les plus fragiles.
Le Single Rulebook de l’Autorité bancaire européenne doit être maintenu en l’état.
Françoise Costinesco - FFA
L’entrée en application de la directive européenne sur la distribution d’assurance a été reportée au 1er octobre 2018, mais sa date limite de transposition demeure fixée au 23 février 2018. Dans ses objectifs, cette directive est très proche de la directive révisée sur les marchés d’instruments financiers (MIF2).
Surveillance et gouvernance des produits/période post-souscription
Lors du processus d’approbation, la notion de marché cible développée dans la directive diffère de la notion de conseil, usuelle dans l’assurance en France.
Les obligations incombant au concepteur du produit (calquées sur MIF 2) : déterminer un marché cible par produits, garantir que les risques pertinents pour le marché cible sont évalués ; adapter la stratégie de distribution au marché cible défini ; prendre les mesures raisonnables pour que le produit soit distribué au marché cible ; vérifier dans le temps l’adaptation du produit au marché cible.
Se conformer à ces obligations est difficile dans le cas de l’assurance-vie : comment appréhender la notion de marché cible alors que le profil de l’assuré évolue au cours de la vie du contrat ? quel niveau de contrôle des intermédiaires indépendants (CGPI) ? quel niveau de sélection des canaux de distribution ? comment faire quand la distribution s’effectue à par des plates-formes électroniques ?
Pour ce qui est de la relation avec le client avant la souscription, la directive introduit une obligation d’information proche de celle qui prévaut dans MIF 2.
En ce qui concerne l’assurance-vie, produit phare en France, il y a des différences entre les dispositions du texte européen et celles qu’on trouve dans le droit français après transposition (voir notamment les recommandations de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) : dans ces conditions, que faudra-t-il appliquer dans le règlement délégué ?
Conflits d’intérêt et rémunérations
Les principes sont les mêmes que ceux qui prévalent dans MIF 2. Une question non résolue cependant : les dispositions liées aux conflits d’intérêt et aux rémunérations s’appliquent-elles au stock de contrats ?
Kevin Coornaden, Celine Grateau-Dumortier - AMF
Le règlement sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (Priips) du 26 novembre 2014, applicable à compter du 1er janvier 2018 (période dérogatoire jusqu’au 31 décembre 2019 pour les OPVCM et FIA disposant d’un DICI OPCVM), vise à assurer la comparabilité des informations, quel que soit le canal de distribution. Le dispositif central du règlement est le document d’informations clés.
Deux points importants : établir des scénarios de performance (le scénario intermédiaire sert de base au calcul des coûts) ; assurer la transparence sur les frais.
Frais
Le règlement délégué donne un modèle de présentation.
Les coûts se décomposent en coûts directs et coûts indirects (dont les coûts de transaction : une des difficultés liées à l’application de ce règlement). Ces coûts viennent en minoration du retour sur investissement.
Deux méthodes de calcul : Full Priips pour les produits existants : méthode basée sur les coûts réels des trois dernières années ; New Priips pour les nouveaux produits (le règlement délégué définit une méthode de calcul des frais de transaction basée sur des valeurs de spread standardisées).
Virginie Gaborit - AFG
Le règlement Priips, véritable feuilleton réglementaire, constitue un casse-tête opérationnel pour les acteurs concernés. Par exemple, les textes de niveau 3 n’ont été publiés qu’à quelques semaines de l’entrée en application (1er janvier, sauf dérogations), et l’on attendait encore des Q & A. Par ailleurs, la clause de réexamen du texte a été maintenue à fin 2018.
Le cas de l’assurance-vie (multi option supports ou MOPs) : période transitoire jusqu’au 31 décembre 2019. Se reporter à la position commune AFG/FFA du 31 avril 2017.
Il existe de nombreux cas posant encore des difficultés, par exemple : mise en œuvre de la méthode New Priips (coût de transaction à partir de spreads standardisés : se reporter à la table indicative publiée par l’AFG ; calcul des coûts indirects (difficulté de calculer les coûts par transparence dans les fonds de fonds) ; traitement des mandats dans le cadre des contrats d’assurance-vie.