Les banques européennes sont mieux armées face aux chocs macroéconomiques
jeudi 08 novembre 2018 MAZARS Visiter le site sourceComme prévu l’ABE (Autorité Bancaire Européenne) a publié sur son site internet vendredi 2 novembre à 18h les résultats des tests de résistance 2018 de la solvabilité des banques face à des chocs macroéconomiques. Il s’agit du 4e exercice d’un rendez-vous désormais biennal pour les banques de l’Union européenne (UE).
Malgré des tests plus sévères qu’en 2016 les banques ont démontré leur capacité de survie
Ces stress tests 2018 n’ont pas révélé de fragilité extrême dans le secteur bancaire européen mais ont tout de même mis en exergue quelques résultats inattendus. Le Président de l’ABE, Andrea Enria, a déclaré que « le scénario adverse a généré un montant substantiel de pertes mais la résilience du secteur bancaire a été accrue par un renforcement significatif du capital et une amélioration graduelle dans la qualité des actifs ». L’indice DJ Euro Stoxx Banks, lequel regroupe les principales banques de la zone euro, s’est affiché largement en territoire positif le jour de bourse suivant la publication de l’ABE.
Ainsi, l’implémentation du scénario adverse par les banques a dévoilé une baisse globale de capital d’un montant de 226 Mds EUR, plus importante que suite aux tests 2016, ayant comme conséquence un impact négatif de près de 400 bps sur le ratio de capital CET1 moyen à 14% des banques de l’UE (après prise en compte d’un impact négatif de 20 bps dû à la FTA IFRS 9 car les données de référence sont celles du 31 décembre 2017).
Avec 358 Mds EUR, le risque de crédit a généré le plus de pertes dont une large part est due à des expositions localisées au Royaume-Uni, Italie, France, Etats-Unis, Espagne et Allemagne. Puis les risques de marché et opérationnel ont engendré respectivement 94 Mds et 82 Mds EUR de pertes dont 54 Mds pour le seul risque de conduite. Toutefois, des profits considérés sur la période ont pu contrebalancé ces pertes. Il est à noter que 25 banques de l’échantillon ABE ont été contraintes de déclencher les mécanismes de restrictions de distributions dans le cadre du scénario adverse.
D’un point de vue banque par banque, l’impact sur le ratio CET1 est très hétérogène et varie de -30 bps à -770 bps. Si 2016 avait mis en lumière la situation fragile de certaines banques telle Monte dei Paschi di Siena (MPS) en Italie, les tests 2018 ont révélé les fragilités potentielles de 5 banques : la banque régionale Allemande spécialisée dans le crédit maritime Nord LB, l’Italienne Banco BPM et les Britanniques Lloyds, Royal Bank of Scotland et Barclays. S’agissant de ces dernières, elles ont subi les conséquences d’un « hard » Brexit dans le cadre du scénario adverse, ce qui fut déjà le cas à l’occasion des stress tests 2017 mené localement par la Banque d’Angleterre. Attendues au tournant, les banques Italiennes à l’exception de Banco BPM ont pour leur part passé ces tests sans encombre. On peut toutefois relativiser ces résultats étant donné que les taux longs Italiens anticipés pour 2018 issus du scénario adverse se sont avérés plus faibles que les taux récemment observés sur le marché ! De plus l’échantillon ne comprenait cette fois pas MPS. Enfin, s’agissant des banques françaises la situation est assez disparate entre les six principaux prêteurs du pays : trois banques affichent des ratios CET1 inférieurs à 9%, tandis que les trois autres sont au-dessus de 10%. Dans tous les cas celles-ci seraient prêtes à faire face à un choc économique adverse.
Le superviseur utilisera ces résultats aux fins de son processus de revue et d’évaluation prudentielle (SREP)
Les stress tests n’étant pas « pass or fail », les résultats vont être utilisés par la BCE (Banque Centrale Européenne) pour calibrer les demandes additionnelles de fonds propres au titre du pilier 2. Le scénario économique de base n’ayant pas montré de situation non conforme à un ratio minimum de 8%, les banques n’auront pas d’exigence supplémentaire (P2R – Pillar II requirement) à ce titre. Elles pourront toutefois être soumises à du P2R en cas de gouvernance des risques faible.
En revanche, la BCE devrait fixer des cibles de fonds propres additionnels (P2G – Pillar II guidance) dans le cadre du scénario adverse, sur la base de la situation du ratio de capital d’une banque par rapport à un seuil de 5,5%, de son profil de risque et de sa sensibilité aux scenarii de stress. La BCE a par ailleurs indiqué qu’elle suivra de très près les établissements dont les ratio CET1 se sont affichés à des niveaux inférieurs à 9%.
Rappel du contexte
L’exercice de stress 2018 a porté sur les 48 groupes bancaires européens les plus importants, dont 33 groupes sous la supervision directe de la Banque centrale européenne, et couvrant 70 % des actifs du système bancaire européen. La BCE a décidé d’étendre ces tests à 4 banques grecques dont elle a déjà révélé les résultats en mai 2018, ainsi qu’aux autres banques significatives dont elle assure la supervision directe selon une méthodologie propre dérivée de celle de l’ABE. Sur la base de leurs propres modèles et en intégrant les scenarii de base et adverse transmis par les institutions Européennes, les banques ont eu entre février et mai pour produire et transmettre leurs données à leur autorité compétente conformément au guide méthodologique développé par l’ABE. L’été a permis aux superviseurs de fiabiliser les données transmises par les banques via un dialogue constant avec ces dernières. Les principales hypothèses du scénario adverse intègrent que l’UE ferait face à une récession qui se traduirait par un recul global du PIB de 2,7%, un taux de chômage à 9,7%, une inflation à 1,7% et une chute des prix de l’immobilier résidentiel de 19,1%, sur la période 2018 à 2020.