Le Pacte vert, un vrai projet pour l’Europe
jeudi 19 décembre 2019 AGEFI Visiter le site sourceSon Pacte vert est, dit-elle, d’une importance comparable aux premiers pas de l’homme sur la Lune. Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission européenne, a voulu marquer les esprits en présentant sa feuille de route pour une neutralité carbone à l’horizon 2050. Comme les pionniers de la conquête spatiale, il faudra en effet aux dirigeants européens déployer des trésors d’ingéniosité et de courage pour arriver à bon port. Ce voyage revêt pour l’Europe une dimension existentielle : le « Green Deal » constitue une chance unique de fédérer à nouveau ses 513 millions d’habitants autour d’un projet commun.
L’Union s’est bâtie après-guerre sur une promesse de paix et de prospérité partagées, puis, quelques décennies plus tard, sur l’accès à la démocratie et au libre-échange des pays méditerranéens et des anciens satellites communistes. Au tournant du siècle, le projet communautaire s’est peu à peu éloigné des citoyens, se résumant à leurs yeux à la construction d’un grand marché de consommateurs livré à tous les appétits. En se voulant à la pointe de la lutte contre le changement climatique, l’Europe parle à nouveau au monde entier et notamment aux jeunes générations. Le défi est immense, comme le montrent l’échec de la COP25 à Madrid et les tergiversations autour d’une taxonomie verte. Atteindre la neutralité carbone d’ici trente ans, un délai jugé déjà trop long par les activistes du verdissement, suppose une remise à plat complète des modes de production, de consommation, de financement et de taxation, sans oublier la politique monétaire. A ce stade, le Pacte vert reste plus proche de l’explosion en vol que de l’alunissage réussi. S’il fait porter excessivement le coût de cette révolution industrielle sur les Etats et les citoyens les plus faibles, les populistes de tous bords se chargeront de le torpiller.
En se fixant, avant les autres puissances économiques, une telle ambition, l’Europe a aussi l’occasion d’affirmer sa souveraineté et d’exporter ses standards. L’idée d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, destinée à éviter la concurrence déloyale de pays peu regardants sur leurs émissions de CO2, va dans ce sens. Cette capacité à produire des normes et à les intégrer dans des accords commerciaux constitue un atout précieux dans la concurrence qui l’oppose aux Etats-Unis et à la Chine. L’exemple de l’industrie financière est éclairant : voilà des décennies que Washington fait des normes internationales de comptabilité et de solvabilité un instrument du pouvoir des banques américaines. Il est temps de lutter à armes égales. Depuis peu, le Vieux Continent assume enfin ses convictions, qu’il s’agisse de la protection des données, de la contestation des pratiques hégémoniques des géants du digital, et bientôt, espérons-le, de la fiscalité des multinationales. C’est à cette condition que ses citoyens retrouveront la fierté du projet européen.