Dissolution anticipée d’un ETF : les droits et obligations du distributeur et de la société gestionnaire du fonds
mercredi 06 novembre 2024 AMF Visiter le site sourceDepuis le début de l’année 2024, l’AMF, à travers son tableau de bord des investisseurs particuliers actifs, a observé une forte hausse du nombre des investisseurs ayant acheté ou vendu des fonds indiciels cotés (ETF). Ces derniers doivent avoir conscience, comme l’illustre le dossier que je vous présente ce mois-ci, que la société de gestion peut, à tout moment, décider de la dissolution anticipée d’un ETF, sous réserve de l’obtention d’un agrément AMF.
Les faits
Mme X. a reçu en mars 2024 un courrier l’informant de la dissolution anticipée du fonds indiciels cotés (ETF), dans lequel elle détenait 300 parts. Ce courrier d’information fixait la valeur liquidative du fonds à 15,3797 euros par part détenue. Or, elle indiquait avoir initialement acquis ces parts pour un montant unitaire de 18,4533 euros.
Elle se prévalait donc d'un différentiel défavorable d'un montant total de 922,89 euros, dont elle avait demandé le remboursement auprès de la société de gestion Y, mais également auprès de l’établissement bancaire Z, distributeur du fonds.
En outre, Mme X. aurait souhaité, plutôt que de subir cette liquidation forcée, un transfert vers un autre ETF similaire.
Le distributeur Z et la société de gestion Y ont tous deux rejeté les demandes de la cliente, en s’appuyant sur les termes du prospectus et du règlement du fonds. Dans sa réponse, le distributeur aurait également précisé ne pas conseiller ce type de produit.
Or, Mme X. faisait valoir d’une part, que les ETF sont largement promus et mis en avant sur l’espace bourse du distributeur et d’autre part, que le prospectus comme le règlement du fonds ne lui auraient jamais été communiqués.
C’est dans ce contexte que Mme X. a sollicité mon intervention afin d’obtenir l’indemnisation du différentiel constaté.
L’instruction
A titre liminaire, rappelons ce qu'est un ETF : un ETF (Exchange Traded Fund), également appelé tracker, est un fonds indiciel coté qui cherche à suivre le plus fidèlement possible l’évolution d’un indice boursier, à la hausse comme à la baisse. Les ETF sont des fonds d’investissement gérés par des sociétés de gestion et agréés. Ils ont pour particularité, contrairement aux autres fonds, d’être cotés en continu c’est-à-dire qu’ils peuvent être achetés ou vendus tout au long de la journée (Pour en savoir plus : Ce qu'il faut savoir sur les ETF (trackers) avant d'investir).
Dans ce dossier, j’ai successivement pris l’attache du réseau bancaire Z, distributeur du fonds, puis de la société de gestion Y.
Dans un premier temps, la banque Z m’a indiqué qu’elle considérait que Mme X. était, au regard de la classification des investisseurs dans la réglementation sur les Marchés d’instruments financiers (MIF), un investisseur « averti » et que la souscription au fonds s’était faite en toute autonomie, à partir de son espace bourse en ligne, en 2021. Le distributeur faisait également valoir que lors de la souscription, la cliente avait attesté avoir pris connaissance de la documentation juridique du fonds.
Enfin, le distributeur m’a indiqué, concernant le souhait de Mme X. d’obtenir un transfert vers un autre ETF similaire, que cela n’était pas de sa compétence, puisque la liquidation forcée d’un ETF ainsi que les possibilités de sortie offertes sont des choix appartenant exclusivement à la société de gestion.
Dans un second temps, la société de gestion m’a indiqué que deux mois avant le courrier postal évoqué par la cliente, un avis aux porteurs avait été publié sur son site internet, en libre accès.
Concernant la demande d’indemnisation de Mme X., la société de gestion faisait valoir que le risque de perte en capital était clairement explicité dans le prospectus du fonds.
Concernant sa demande de transfert vers un autre ETF similaire, le professionnel a rappelé que cela n’était pas proposé dans l’avis aux porteurs et que celui-ci précisait les différentes possibilités laissées aux porteurs (demander le rachat des parts sur le marché primaire ou sur le marché secondaire jusqu’au 28 février 2024).
A défaut d’action dans le délai imparti de la part de Mme X., la société de gestion a procédé au rachat automatique de ses parts sur la valeur liquidative du 7 mars 2024, comme prévu dans l’avis aux porteurs.
Bien que la société de gestion ne commercialise pas directement cet ETF, elle m’a précisé mettre à disposition, sur son site internet, l’intégralité de la documentation juridique du fonds.
En tout état de cause, la société de gestion faisait valoir que le fonds a perduré durant dix années et que la stratégie de développement des produits ETF est principalement guidée par la demande des investisseurs.
La liquidation contestée avait, en outre, fait l’objet d’un agrément AMF, en amont de toute communication aux porteurs.
La recommandation
J’ai examiné attentivement les éléments de ce dossier.
J’ai tout d’abord relevé, concernant le préjudice allégué par Mme X., que celui-ci résultait de l’évolution des marchés financiers et que la liquidation de l’ETF n’avait fait que concrétiser la moins-value latente. J’ai également précisé à Mme X. que l’ETF étant détenu sur un PEA, il n’y avait pas d’incidence fiscale puisque la dissolution est sans impact sur la fiscalité de celui-ci.
J’ai également rappelé que la simple mise en avant, sur la plateforme bourse du distributeur, n’équivaut pas à la qualification du service de conseil en investissement. Ce service est défini comme la fourniture de recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l’initiative du prestataire qui fournit le conseil, en ce qui concerne une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers[1].
En outre, j’ai relevé que Mme X. était, au moment de l’achat des parts, considérée comme étant une cliente avertie au sens de la classification MIF et avait procédé, en toute autonomie, depuis son espace bourse, à l’achat des parts de cet ETF après avoir attesté avoir pris connaissance de la documentation juridique du fonds.
J’ai donc indiqué à Mme X. que le prospectus et le règlement du fonds avaient bien été mis à sa disposition et lui étaient bien opposables.
Au demeurant, j’ai rappelé que le prospectus du fonds litigieux, dont Mme X. avait indiqué avoir pris connaissance et qui était également disponible sur le site internet de la société de gestion, précisait bien que celle-ci pouvait procéder à une dissolution anticipée.
En effet, la décision de dissoudre par anticipation un ETF constitué sous la forme de fonds commun de placement (FCP) [2] ne requiert pas l’approbation ou l’acceptation des porteurs des parts. Toutefois, préalablement à la mise en œuvre d’une telle décision, la société de gestion a dû demander et obtenir un agrément auprès de l’AMF en déposant un dossier de mutation. En l’espèce, le dossier de mutation a été validé par l’AMF en décembre 2023.
Enfin, j’ai relevé que dès janvier 2024, soit après l’obtention de l’agrément AMF, la société de gestion avait publié sur son site internet un avis informant les porteurs de la suspension à venir du fonds et de la liquidation anticipée de celui-ci. Sur ce point, j’ai précisé à Mme X. que cette information aux porteurs avait également fait l’objet d’une validation de la part de l’AMF lors de la validation du dossier de mutation.
Outre l’information émise par la société de gestion, Mme X. avait également reçu deux courriers de la part du distributeur. Le premier courrier l’a informée de la date de la dissolution, à venir, par rachat des parts. Le second courrier est, quant à lui, venu préciser la valeur liquidative qui allait être appliquée lors du rachat.
Par conséquent, j’ai considéré que ni le distributeur, ni la société de gestion n’ont manqué à leurs obligations et que je ne pouvais donc émettre une proposition favorable à la demande de Mme X.
La leçon à tirer
Pour l’investisseur :
- La décision de liquider par anticipation un fonds constitué sous la forme de FCP, qu’il s’agisse d’un ETF ou non, ne requiert pas l’approbation ou l’acceptation des porteurs de parts ;
- Tous les porteurs doivent se voir offrir les mêmes possibilités de sortie par la société de gestion afin de permettre le respect du principe d’égalité entre les porteurs.
Pour la société de gestion :
- Si le professionnel souhaite procéder à la liquidation du fonds, il doit déposer un dossier dit de « mutation » auprès de l’AMF, afin de recevoir l’agrément nécessaire ;
- La note d’information aux porteurs doit également faire l’objet d’une validation de la part des services compétents de l’AMF.
Pour le distributeur :
- Bien qu’il commercialise le fonds en direct, la décision de liquider ce dernier ainsi que les modalités de sorties du fonds ne sont pas de sa compétence ;
- Il doit, selon la nature du document, remettre ou mettre à disposition du client, la documentation juridique du fonds, en amont de toute souscription.