Edmond Malinvaud, membre du conseil d’orientation de la Revue d’économie financière n’est plus. Cette phrase n’a aucun sens. Edmond Malinvaud sera toujours là. Ne serait-ce que par ses écrits, qui sont pléthoriques, mais,surtout, qui ont marqué et marqueront encore des générations d’étudiants, dont certains, nombreux, ont eux aussi accédé aux plus hautes fonctions.
Les plus hautes fonctions, Edmond Malinvaud en a occupé de nombreuses. Pour n’en prendre que quelques-unes, il fut le patron incontesté, craint et estimé – pour certains adulé – de la Direction de la prévision du ministère des Finances (la regrettée DP) et de l’Insee, ainsi que professeur au Collège de France. Mais là n’était pas l’essentiel pour cet homme timide, qui cachait parfois cette timidité derrière une rugosité (qui devait beaucoup à sa rigueur scientifique) trompeuse.
Au-delà des honneurs justifiés et des responsabilités qui jalonnent une carrière de haut fonctionnaire émérite, Edmond Malinvaud avait deux immenses qualités. C’était un pédagogue d’exception, ceux qui se sont épuisés au fil des pages de ses Méthodes statistiques de l’économétrie (Dunod, 1978) peuvent en témoigner. Mais peuvent aussi témoigner ceux, plus nombreux, qui, grâce à La croissance française (Seuil, 1972, écrit avec Jean-Jacques Carré et Paul Dubois, livre d’accès très facile), ont compris ce qu’étaient les Trente Glorieuses et le rôle essentiel qu’y jouait le progrès technique dans l’explication de la croissance économique. Sans parler des milliers d’étudiants, illustres ou non, qui doivent beaucoup à son enseignement délivré avec le charisme et la modestie qui étaient les siens.
Mais Edmond Malinvaud était aussi un homme libre. Assez conventionnel dans sa formation et même dans le début de sa carrière, il a, par la suite, tout fait pour se libérer des liens de la pensée « économiquement correcte ». Il est allé compléter sa formation à Chicago, mais, contrairement à d’autres, il n’en est pas revenu transformé en « Chicago boy ». Par ailleurs, il a été l’un de ces pionniers de la théorie du « déséquilibre » qui ont finalement imposé l’idée que le monde économique n’était pas chromosomiquement équilibré.
Enfin, dernier hommage à Edmond Malinvaud : il avait compris que le pire des maux modernes était le chômage. Il a consacré une part très importante de ses travaux à essayer d’expliquer les ressorts de cette horrible maladie et à tenter d’y trouver des remèdes. Ses efforts dans ce domaine n’ont pas été couronnés de succès. Puissent certains de ses élèves reprendre le flambeau que vient de lâcher leur Maître.
Edmond Malinvaud avait avec la REF une relation paternaliste et affectueuse. Il n’était pas un fanatique de la finance dont – à juste titre – il se méfiait. Mais il aimait bien nos efforts, qu’il a encouragés tout au long de notre vie commune, pour essayer de mieux la comprendre et de promouvoir les réformes permettant de la mettre au service de l’intérêt général. L’intérêt général : Edmond Malinvaud savait de quoi il parlait...
La Revue d’économie financière