Le conseil d'orientation de la Revue d'économie financière (REF) a saisi l'occasion de la tenue à Paris à la fin de 2015 de la conférence Climat (COP 21) pour consacrer un numéro spécial au changement climatique et à la finance durable. Ce numéro est le bienvenu. Sur ce sujet essentiel pour l'avenir de notre planète, il est l'occasion d'actualiser nos connaissances sur l'ampleur des défis à venir, les solutions envisageables, mais aussi de rendre compte des réflexions et des modifications de comportements d'ores et déjà entamées dans le secteur financier. Le lecteur fidèle de la REF pourra ainsi mesurer le chemin parcouru depuis la publication en 2002 du numéro 66, Johannesburg 2002 : écologie et finance, et en 2006 du numéro 83 consacré à la finance carbone ; il mesurera aussi le chemin restant à parcourir.
Contrairement à l'intuition première, le secteur de la finance est en réalité en première ligne dans la lutte contre le réchauffement climatique. Comme toujours, l'argent est le nerf de la guerre et son utilisation n'est pas neutre. Le secteur financier prend conscience de la réalité financière du changement climatique et travaille à de nouvelles méthodologies permettant de mieux évaluer et gérer ce risque financier. Les questions sont nombreuses : quelles activités financer ? et selon quels critères ? faut-il exclure le financement d'activités jugées néfastes ? quels sont les mécanismes financiers susceptibles d'inciter les agents économiques à adopter un comportement responsable ? comment mesurer et réduire l'empreinte carbone de l'industrie financière ? l'industrie financière peut-elle être tenue pour responsable des émissions carbone effectuées par les entreprises ou les projets qu'elle finance ? Ces questions se posent aujourd'hui à tous les décideurs financiers.
Elles rejoignent d'autres préoccupations, plus anciennes parfois que celles tenant strictement à l'environnement, et qui ont pris une acuité particulière du fait de la crise financière. Cette dernière a en effet servi de révélateur, mettant à nu certaines parties et pratiques du secteur financier largement éloignées de l'intérêt général et conduisant à saper la confiance dans l'industrie financière. Le concept d'une finance durable, respectueuse de l'environnement et œuvrant au développement économique et social, émerge ainsi sous la pression de la société et d'une prise de conscience salutaire des acteurs du secteur.
Depuis plusieurs années déjà, la Caisse des Dépôts a mis au cœur de son développement et donc de ses métiers cette vision d'une finance durable et responsable au service de l'intérêt général. Quatre axes forts de notre Groupe constituent un résumé de ce que devrait ou pourrait être la finance durable pour accélérer la transition écologique et énergétique du pays vers une économie sobre en carbone et respectueuse de l'environnement : investir responsable, financer des villes et des territoires durables, créer et valoriser des actifs verts, enfin innover pour l'environnement et la biodiversité. Plus largement, la Caisse des Dépôts agit et renforce son exigence à l'aune de sa responsabilité sociétale. En tant qu'investisseur responsable, le Groupe travaille à la réduction de l'empreinte carbone de son portefeuille financier. D'ores et déjà, la Caisse des Dépôts effectue systématiquement une évaluation environnementale de ses investissements en capital ou en dette dans les entreprises, notamment les émissions de gaz à effet de serre. Elle intègre les enjeux de performances climatiques et énergétiques dans le dialogue mené avec les sociétés cotées dans lesquelles elle détient des participations. Elle investit dans les obligations vertes contribuant directement à la transition écologique et énergétique. Enfin, elle s'engage dans un programme ambitieux de rénovation de son portefeuille immobilier de placement vers une plus grande efficacité énergétique, et vise la baisse de l'intensité carbone de son portefeuille d'infrastructures. Signataire du « Global Investor Statement on Climate Change », en septembre 2014, le Groupe Caisse des Dépôts a engagé des travaux méthodologiques afin de faire encore progresser l'analyse environnementale et climatique de ses portefeuilles.
Plus largement, en tant qu'organisme de place, la Caisse des Dépôts a souhaité, dans la perspective de la COP 21, apporter une contribution à l'agenda des solutions en mobilisant la sphère financière privée autour de la thématique de la « réorientation des capitaux vers une économie bas carbone ». En partenariat avec la Banque européenne d'investissement, Paris Europlace et les réseaux mondiaux de la finance durable (UNEP-FI, IIGCC, PRI), elle organise un colloque international, « Climate Finance Day: How to Shift the Trillions? », qui aura lieu le 22 mai 2015 à Paris. Cet événement aura précisément pour objet de clarifier le débat sur les contributions de l'industrie financière à la transition vers une économie bas carbone, de faire connaître l'action des acteurs pionniers de la sphère financière, de provoquer un effet d'entraînement et de montrer que ces débats concernent aussi les pays émergents.
Je suis donc particulièrement heureux de préfacer ce numéro de la REF qui contribuera à faire progresser nos pratiques et vous en souhaite bonne lecture.