Jean Saint-Geours, un « homme aux talents multiples », ainsi l’a qualifié le journal Le Monde. Parmi ces talents, il en est un qui nous touche particulièrement : sa proximité philosophique avec la Revue d’économie financière (REF). Jean Saint-Geours aurait pu être le parrain de la REF, et ce, pour deux raisons au moins.
D’abord parce que la finance, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il la connaissait. En tant qu’acteur avant tout : par ordre chronologique, le Crédit Lyonnais (en tant que directeur général adjoint, puis directeur général), le Crédit National (en tant que président), le Crédit Industriel et Commercial (CIC), la Lyonnaise de Banque, le Crédit Industriel d’Alsace et de Lorraine (CIAL), la Banque de l’Union Européenne (BUE), sans oublier la Banque Européenne d’Investissement (BEI) (en tant qu’administrateur) : finalement, il y a bien peu de banque, au moins en France, qui aient pu échapper à sa gouvernance... En tant qu’acteur donc, mais aussi en tant que régulateur puisqu’il a présidé la Commission des Opérations de Bourse (COB) à une période (1989-1995) où la France découvrait les charmes, mais aussi les risques des marchés financiers.
Mais Jean Saint-Geours a été aussi, et peut-être encore plus, compagnon de route (et parfois de lutte) de la REF parce qu’il aimait sincèrement et intimement l’économie. Cela s’est traduit par de nombreux livres aux titres – et aux contenus – parfois prémonitoires comme, par exemple, Pouvoir et finance (1979), L’impératif de la coopération Nord-Sud (1981) ou L’éthique aux énarques (1997). Mais cela s’est encore plus traduit par sa volonté de mettre l’analyse économique au cœur du ministère qui était le sien, celui des Finances. Patron incontesté du Service des Études Économiques et Financières (SECF) de la Direction du Trésor, il a tout fait pour que celui-ci se transforme en Direction de la Prévision, Direction qui a longtemps apporté à ce ministère une légitimité scientifique que de nombreux économistes, de tous bords et parmi les meilleurs, regrettent aujourd’hui.
Et puis Jean Saint-Geours, cela a été aussi une carrière de haut fonctionnaire à faire pâlir d’envie tous ceux qui lui ont succédé. Ne serait-ce que membre du cabinet de Pierre Mendès France à Matignon et membre du Club de Rome : qui n’en aurait pas rêvé ? S’ajoutent à cela deux passions moins médiatiques, mais tout aussi sincères : celle de la prospective, dont témoigne sa présidence de la revue Futuribles, et celle de la défense de la langue française. Qui sait ? Peut-être que sans Jean Saint-Geours, la REF, dont il a été membre du conseil d’orientation de décembre 1989 à mars 2008, serait aujourd’hui publiée seulement en anglais. Ce qui serait bien dommage...
En apparence, il n’existe qu’une seule passion qui ait pu éloigner Jean Saint-Geours de la REF : c’est sa passion pour le cinéma dont témoigne, entre autres, sa présidence de la Cinémathèque française de 1991 à 2000. Mais, même dans ce « jardin secret », il était parvenu à concilier la culture et la finance en présidant pendant de nombreuses années l’IFCIC, la légendaire société de financement des arts cinématographiques à laquelle de nombreuses créations, aujourd’hui inscrites dans l’Histoire du cinéma, doivent, si ce n’est tout, au moins beaucoup. Finalement, même dans ce domaine, il est parvenu à rapprocher autant que faire se peut culture et finance, ce qui, aujourd’hui, sonne d’un timbre si particulier... Il ne reste donc plus qu’à la REF de consacrer, à la mémoire de Jean Saint-Geours, très vite un numéro à ce thème.
À tous ces titres – et nous en oublions sûrement –, la REF s’enorgueillit d’avoir eu Jean Saint-Geours comme ami.
La Revue d’économie financière