Nous vivons actuellement, comme l'explique Collins (2010), l'avènement de la médecine personnalisée, souvent définie comme l'utilisation des caractéristiques génétiques individuelles à des fins de diagnostic, de prévention et de traitements médicaux. En effet, on assiste à l'émergence de tests génétiques nous informant non seulement sur notre propension individuelle à développer une pathologie, mais aussi sur ce que nous pouvons faire pour réduire sa probabilité d'occurrence (prévention primaire), son ampleur si elle devait se développer (prévention secondaire), ou sur son traitement le plus efficace.
D'un point de vue strictement médical, les avancées en matière de génétique représentent des opportunités considérables. De plus, comme le souligne le rapport France Médecine Génomique 2025 produit par Aviesan (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé), ces progrès ne sont pas forcément synonymes d'une augmentation des dépenses de santé, car la généralisation de la médecine personnalisée permettra à terme de pouvoir allouer de façon plus rapide le bon traitement à la bonne personne, ce qui évitera aux médecins de prescrire des traitements efficaces « en moyenne », mais qui ne le sont pas forcément selon le profil génétique des patients1.
Les avancées médicales et technologiques, tant au niveau de la précision des données issues de tests génétiques, de leur utilité médicale que de la baisse impressionnante de leur coût2, renforcent l'urgence de mener une réflexion sur les conséquences de cette nouvelle forme d'information sur le marché de l'assurance santé. Une décision fondamentale consiste à déterminer si l'information issue des tests génétiques doit ou non être révélée aux assureurs privés (par exemple, dans le cadre de l'assurance complémentaire en France). Les deux parties suivantes de cet article passent en revue les conséquences économiques qui découlent de la réponse donnée à cette question : discrimination des risques quand les assureurs ont accès à l'information génétique de leurs clients et antisélection quand ils ne l'ont pas. Nous passons ensuite en revue les quatre formes de régulation de l'information génétique observées de par le monde, avant de présenter les principaux résultats d'une étude à la fois théorique et expérimentale que nous avons menée récemment, et qui a pour but de comparer deux régulations existantes. Nous concluons par quelques pistes de recherche sur notre agenda.
Tests génétiques et discrimination des risques
Afin de comprendre les conséquences économiques que peut engendrer la disponibilité des tests génétiques, nous devons rappeler dans un premier temps le concept d'aversion au risque, ainsi que celui de valeur de l'information introduit par Hirshleifer (1971). Un individu fait preuve d'aversion au risque s'il préfère un paiement certain à une loterie (qui lui apporte un paiement élevé avec une certaine probabilité, et faible sinon) dont l'espérance de gain est identique. Or, d'une façon générale, tout mécanisme qui révèle de l'information (utilisée par un assureur dans sa tarification) sur le risque de santé d'un individu a comme conséquence de proposer à l'assuré un contrat basé non plus sur le risque moyen dans la population assurée, mais sur son risque individuel. Acquérir l'information revient donc à faire face à une loterie selon que son risque s'avère plus ou moins élevé que la moyenne dans la population. Les assurés faisant par définition preuve d'aversion au risque, l'information a alors une valeur négative, traduite par l'adage « le bonheur derrière le voile de l'ignorance ». En d'autres termes, l'acquisition d'une information plus fine sur le risque individuel de dommage, si elle est transmise à l'assureur, crée un risque de discrimi nation (d'un point de vue statique), ou encore de reclassification (si une nouvelle information amène l'assureur à modifier le contrat proposé à l'assuré).
Ce résultat théorique général de valeur négative de l'information doit être amendé, dans le cas des tests génétiques, en raison de deux particularités : les aspects dits « comportementaux » et les actions rendues possibles par l'information génétique. Nous couvrons ces deux aspects tour à tour.
Les aspects purement financiers (coût du test, type de contrat d'assurance proposé et prime) ne sont pas les seuls éléments influençant la décision de faire un test génétique. D'autres considérations, dites « comportementales », importent également, au premier rang desquelles l'aversion vis-à-vis de l'ambiguïté ou de l'incertitude (Epstein, 1999). Cette notion porte moins sur le risque lui-même que sur l'incertitude relative à la distribution de ce risque. Ainsi certains individus souhaitent en savoir plus sur leur risque santé (indépendamment de ses conséquences contractuelles et financières), tandis que d'autres sont plus heureux derrière le voile de l'ignorance. Un individu faisant preuve d'aversion à l'ambiguïté peut donc souhaiter faire un test génétique, même si la valeur de cette information, au sens de Hirshleifer, est négative3.
L'autre particularité des tests génétiques est que l'information qui en est issue permet des modifications de comportement avec un bénéfice médical. Il en est ainsi car de nombreuses maladies sont la résultante d'une interaction complexe entre prédisposition génétique et environnement, lequel inclut les comportements. Cette interaction est résumée par ce proverbe cher aux généticiens : « Les gènes arment le pistolet, l'environnement appuie sur la détente. » (Collins, 2010).
Bardey et de Donder (2013) étudient ainsi un environnement dans lequel les individus ont un profil génétique qui soit favorise (test « positif »), soit défavorise (test « négatif ») l'apparition d'une maladie, et où un effort de prévention (dit « primaire ») est particulièrement efficace pour décroître la probabilité de développer cette maladie quand le test est positif. L'information issue du test permet donc de prendre une meilleure décision sur l'effort de prévention que derrière le voile d'ignorance, et un individu peut donc décider de faire le test, même s'il éprouve de l'aversion pour le risque.
La décision (de faire le test ou non) dépend évidemment des spécificités de la technologie de prévention, à savoir son coût (financier et/ou psychologique) et son efficacité à réduire la probabilité d'occurrence du dommage. Nous montrons dans Bardey et de Donder (2013) que, même en présence d'une discrimination des risques de la part des assureurs santé, la valeur de l'information véhiculée par un test génétique est positive si la prévention est suffisamment efficace.
Nous montrons également que la valeur de l'information n'est pas monotone avec le coût de la prévention. Plus précisément, lorsque le coût de la prévention est faible, les individus réalisent des actes de prévention même lorsqu'ils n'ont pas fait de test génétique. La valeur de l'information du test augmente alors avec le coût de l'effort de prévention qui peut être évité en cas de test négatif. En revanche, lorsque le coût de la prévention est tel que les individus réalisent des actes de prévention seulement en cas de test positif, la valeur de l'information générée par le test génétique diminue avec le coût de la prévention.
Pour conclure, l'une des recommandations que nous formulons est qu'il est préférable de restreindre les tests génétiques à la détection de gènes associés aux maladies pour lesquelles les comportements de prévention assurent une valeur de l'information positive. Cette recommandation va à l'encontre de la tendance actuelle de fournir des tests globaux (comme le décodage de l'ensemble du génome) qui incorporent des pathologies pour lesquelles la valeur de l'information est négative.
Tests génétiques et antisélection
La partie précédente supposait que l'information génétique acquise par les assurés devait obligatoirement être partagée avec l'assureur, résultant en un risque de discrimination qui décourage cette acquisition d'information. Dans cette partie, nous faisons l'hypothèse opposée et étudions la situation dans laquelle un assuré peut cacher son information génétique à l'assureur, générant de l'antisélection. Nous résumons dans un premier temps les principaux enseignements de la littérature « classique » sur l'antisélection et nous décrivons ensuite les particularités générées par les tests génétiques.
Supposons que les individus puissent être de deux « types » (selon que leur probabilité de dommage soit faible ou forte) et qu'ils connaissent leur type, à l'inverse des assureurs qui ne connaissent que la proportion de chaque type dans la société. Les assureurs peuvent offrir deux types de contrats, appelés « mélangeants » et « séparateurs ».
Un contrat mélangeant est souscrit par tous les assurés (indépendamment de leur niveau de risque) et tarifé sur base du risque moyen dans la société. Il implique donc une redistribution depuis les risques faibles (qui perçoivent rarement le transfert de l'assureur) vers les risques élevés (qui en bénéficient souvent). Si cette redistribution est faible (par exemple, parce que la différence de risques entre types est faible, ou parce que les « mauvais risques » sont peu nombreux). Wilson (1977) montre que c'est ce type de contrat qui est offert à l'équilibre par les assureurs.
Au contraire, un contrat séparateur est dédié à un type de risque précis. Comme l'assureur ne connaît pas le type individuel du souscripteur, il propose alors un menu de contrats face auquel les individus s'autosélectionnent selon leur classe de risque. Plus précisément, les individus de risque élevé choisissent un contrat avec une couverture généreuse et une prime élevée, tandis que les individus de faible risque choisissent des contrats moins coûteux, mais avec des couvertures beaucoup moins généreuses. Wilson (1977) montre que ce type d'équilibre émerge lorsque la proportion d'individus risqués est suffisamment élevée, de telle façon que les subventions croisées contenues dans le contrat mélangeant deviennent intenables dans un cadre concurrentiel4.
Cette dichotomie entre équilibres mélangeants et séparateurs est affectée de deux manières par les tests génétiques. Tout d'abord, l'évolution des connaissances médicales et des technologies de test influence la proportion de gens informés de leur type. La médecine personnalisée en étant à ses débuts, avec des tests encore très coûteux, la proportion de gens informés est actuellement (très) faible (Hoy et al., 2014) et il paraît raisonnable de supposer, comme l'argumentent Hoy et al. (2003), que l'équilibre mélangeant est le plus réaliste. Cet argument est d'ailleurs confirmé empiriquement, dans la mesure où l'on n'observe pas, à notre connaissance, de contrats séparateurs ayant pour objectif d'amener les assurés à révéler leur information génétique. Il n'y a donc pour l'instant ni antisélection, ni risque de discrimination associé aux tests génétiques. Cependant, ce type de contrats pourrait disparaître au profit des contrats séparateurs quand les tests génétiques seront plus répandus5. Dans ce cas, on verrait apparaître non seulement un risque de discrimination (lié à l'offre de contrats séparateurs), mais également une perte de bien-être liée à la présence d'antisélection (qui requiert de dégrader les couvertures offertes en vue de permettre l'autosélection des contrats séparateurs par le type auquel chaque contrat est destiné).
Cela nous amène à la seconde spécificité des tests génétiques qui est que l'acquisition d'information sur son type de risques est coûteuse et fait donc l'objet d'un choix par l'individu. Cet aspect explique la différence entre l'information issue de tests génétiques et celle issue de la connaissance de ses habitudes de vie (alimentation, consommation d'alcool et de tabac, activité sportive, prises de risque, etc.) ainsi que de ses antécédents familiaux, qui est largement sans coût. Cela veut dire que l'intensité de l'antisélection est endogène et dépend de la proportion des individus qui choisissent de faire un test génétique, un thème sur lequel nous reviendrons plus en profondeur dans la section (infra) intitulée « Antisélection versus discrimination des risques : une approche théorique et expérimentale ».
Nous sommes maintenant en situation d'étudier les diverses régulations des tests génétiques utilisées de par le monde, que nous présentons et étudions dans la partie suivante.
Quelle régulation des tests génétiques ?
Tout d'abord, nous énumérons les différentes régulations en expliquant comment celles-ci arbitrent antisélection et risque de discrimination. Ensuite, nous exposons les résultats d'une étude qui combine analyses théoriques et expérimentales, afin d'étudier deux régulations particulièrement intéressantes.
Les régulations actuellement observées
Otlowski et al. (2012) recensent quatre régulations qui s'appliquent à l'usage de l'information véhiculée par les tests génétiques au sein des marchés d'assurance santé.
La régulation appelée « laissez-faire », qui correspond concrètement à une absence de régulation, autorise les assureurs à exiger de la part de leurs assurés qu'ils réalisent un test génétique et qu'ils leur communiquent les résultats de ce test. Cette régulation, qui s'applique de façon non exhaustive au Canada, en Australie, en Chine, au Japon, en Corée du Sud, au Portugal et en Russie, élimine totalement l'antisélection des marchés d'assurance santé. En revanche, la discrimination des risques à laquelle sont exposés les assurés s'en trouve alors à son paroxysme.
Une régulation proche de la précédente, appelée « obligation de révéler » (« disclosure duty »), interdit aux assureurs d'exiger la réalisation d'un test, mais oblige l'assuré testé à en partager les résultats avec son assureur santé. Cette régulation, en vigueur au Royaume-Uni, en Allemagne ainsi qu'en Nouvelle-Zélande, permet d'éliminer le risque d'antisélection, tout en laissant l'opportunité aux assurés d'échapper à la discrimination des risques s'ils ne font pas de test. Néanmoins les assurés qui ne veulent pas être soumis à un processus de discrimination des risques doivent alors renoncer à l'information médicale véhiculée par les tests génétiques. Cette régulation déplace ainsi la traditionnelle tension entre l'antisélection et la discrimination des risques vers un arbitrage entre la discrimination des risques et l'information médicale apportée par les tests génétiques.
La régulation appliquée aux Pays-Bas et en Suisse est intitulée « règle du consentement » (« consent law ») et laisse la liberté aux assurés de tester ou non et d'informer ou non leur assureur des résultats du test, qui peuvent être utilisés par l'assureur dans sa tarification. Elle atténue la discrimination des risques, puisque les assurés sont protégés des conséquences négatives de cette discrimination, c'est-à-dire qu'ils sont discriminés seulement quand cela leur est favorable (en informant l'assureur de leur faible risque santé). En revanche, elle génère des problèmes d'antisélection, puisque le contrat mélangeant offert aux individus qui prétendent ne pas avoir effectué de test est aussi souscrit par ceux qui se savent à risque élevé (voir la section suivante pour une analyse plus approfondie de cette régulation).
Enfin la régulation dite « strict prohibition » interdit l'utilisation des tests génétiques par les assureurs dans leur tarification6. Cependant, rien n'interdit à un assureur de proposer un menu de contrats qui amène les assurés à s'autosélectionner selon leur niveau de risque. Cette régulation n'est donc pas aussi protectrice contre les risques de discrimination qu'elle ne paraît à première vue et peut cumuler les inconvénients de la discrimination et de l'antisélection (faible couverture pour les risques peu élevés, afin de décourager les risques élevés d'acheter ces contrats moins coûteux).
À première vue, les deux dernières régulations semblent protéger davantage les assurés contre la discrimination des risques, tandis que les deux premières atténuent les phénomènes d'antisélection. Néanmoins il serait erroné d'assigner aux deux premières régulations un objectif de protection des assureurs et aux deux dernières un objectif de protection des assurés. En effet, les phénomènes d'antisélection n'affectent que transitoirement les assureurs (si on fait l'hypothèse d'un degré de concurrence suffisamment élevé sur ce marché) et ce sont les assurés qui en pâtissent le plus lourdement, car l'antisélection résulte en une couverture incomplète pour la plupart des individus, soit un rationnement de la quantité d'assurance disponible sur le marché.
Antisélection versus discrimination des risques : une approche théorique et expérimentale
Dans Bardey et al. (2017), nous nous concentrons sur les régulations dites « consent law » (CL) et « disclosure duty » (DD), car ce sont celles qui (1) laissent les individus choisir librement s'ils souhaitent réaliser un test génétique ou non et (2) diffèrent selon que l'information issue de ces tests doive être révélée (DD) ou puisse être cachée (CL) aux assureurs santé. En d'autres termes, la comparaison de ces deux régulations constitue un cadre privilégié pour étudier l'arbitrage entre antisélection et discrimination des risques, lequel est inhérent aux contrats d'assurance santé (voir Handel et al., 2015), mais exacerbé par les tests génétiques.
Nous comparons ces régulations dans un cadre analytique dans lequel les assureurs offrent des contrats mélangeants quand ils ne disposent pas d'information sur le type génétique des individus (soit parce qu'ils n'ont pas fait de test, soit parce qu'ils n'ont pas révélé la « mauvaise » information génétique reçue dans le cas de CL). L'article contient à la fois une étude théorique analytique de ces régulations et une partie expérimentale en laboratoire. Son objectif est d'étudier à la fois (1) les décisions individuelles d'effectuer un test ou non selon la régulation mise en œuvre et (2) les préférences des sujets quant à ces régulations (en comparant les niveaux de bien-être atteints, à l'équilibre et en fonction de la décision de tester ou non, sous ces deux régulations). Nous nous sommes particulièrement intéressés à découvrir comment la réponse à ces deux questions change quand le coût des tests génétiques décroît en partant d'un niveau élevé, comme c'est le cas actuellement.
Nous obtenons d'abord que les sujets sont très sensibles au risque de discrimination, car très peu d'entre eux choisissent d'effectuer un test quand la régulation est DD, et cela même si le coût du test est faible. En revanche, la proportion de sujets qui testent est plus élevée avec CL et décroît de façon intuitive avec le coût du test. Pour ce qui est des préférences quant aux régulations, elles varient en fonction de l'intensité de l'antisélection en cas de régulation CL. Cette intensité est mesurée par la proportion de gens, parmi ceux achetant un contrat mélangeant, qui prétendent ne pas avoir fait le test, alors qu'ils l'ont réalisé et obtenu un mauvais résultat. Une particularité de notre expérience est que nous pouvons considérer cette intensité soit comme exogène, soit comme endogène. Le premier cas correspond à une vision de court terme, dans laquelle les assureurs n'ont pas le temps de revoir leurs contrats à la suite d'une baisse du coût des tests. Dans le second cas, nous pouvons calculer l'intensité d'équilibre de l'antisélection, pour chaque niveau de coût du test, en fonction de la proportion endogène d'individus qui choisissent de faire le test. Les résultats que nous obtenons varient fortement en fonction de l'horizon temporel considéré.
À court terme (intensité d'antisélection exogène), la proportion de sujets qui préfèrent CL plutôt que DD augmente quand le coût du test diminue. Ce résultat est assez intuitif, dans la mesure où beaucoup plus de sujets choisissent de tester plus avec CL qu'avec DD, et CL bénéficie donc du plus faible coût du test que DD. Ce résultat reste valable à long terme quand le coût du test est soit faible, soit élevé. Dans ces deux cas, la proportion d'agents qui choisissent de tester est peu affectée par la variation du coût du test, de sorte que le niveau d'équilibre d'antisélection varie peu et que le raisonnement de court terme reste valide. En revanche, quand le coût du test est intermédiaire, la proportion de sujets qui testent augmente rapidement quand le coût du test décroît, entraînant une augmentation rapide de l'intensité de l'antisélection présente avec CL, ce qui rend cette régulation moins attractive. Nous obtenons donc que la proportion de sujets préférant CL à DD est une fonction non monotone du coût du test, puisqu'elle augmente quand le coût décroît tout en restant soit élevé, soit faible, et diminue quand il est intermédiaire.
Conclusion
Même si la progression récente des connaissances en matière génétique a été rapide, les tests génétiques individuels restent onéreux et sont actuellement encore peu utilisés par le corps médical et les patients. Ils restent cantonnés à certaines configurations médicales précises, notamment lorsque les médecins suspectent l'origine génétique de certaines maladies auto-immunes, ou visent à ajuster les décisions médicales liées aux traitements de certains cancers.
Dans la situation actuelle, la régulation CL semble implémenter un compromis acceptable, puisqu'elle permet de juguler l'inefficacité générée par la discrimination des risques en contrepartie d'une antisélection modérée. En effet, les marchés d'assurance santé fonctionnent relativement efficacement quand la proportion d'individus informés de leurs mauvais risques par les tests génétiques est faible. Néanmoins cette situation pourrait être bouleversée si la proportion d'individus ayant effectué un test génétique augmente de façon significative au cours des prochaines années, à la suite des progrès médicaux et technologiques. Bardey et al. (2017) montrent que le soutien politique à la régulation CL pourrait rapidement s'affaiblir dans ce cas. Notons cependant que ces mêmes auteurs supposent que le contrat d'équilibre reste mélangeant même en présence d'une forte antisélection. Nous ambitionnons à l'avenir d'étudier le changement endogène d'équilibre (vers des contrats séparateurs) quand l'antisélection atteint un seuil critique, et l'impact de ce changement sur les régulations offertes.
Une autre piste de recherche intéressante consiste à étudier la régulation jointe des tests génétiques et des antécédents familiaux. Plusieurs pays (dont la France) combinent une régulation de type « laissez-faire » pour les antécédents familiaux et « strict prohibition » pour les tests génétiques. Cette dichotomie entre ces deux régulations est curieuse, car même si l'information émanant des données médicales des membres de la famille peut être moins précise que celle transmise par les tests génétiques, elles sont intrinsèquement de même nature. Notre objectif est d'étudier à l'avenir les conséquences (et donc la désirabilité) d'établir des régulations différentes pour ces deux types d'informations.