Cet article traite du nouveau cadre d'orientation de la Federal Reserve (Fed) et met en évidence certaines implications de politique monétaire importantes qui découlent de sa déclaration révisée de consensus et de sa nouvelle stratégie. Il aborde notamment les facteurs qui ont motivé la Fed en novembre 2018 à annoncer qu'elle entreprendrait en 2019 la toute première revue publique de sa stratégie de politique monétaire, de ses outils et de ses pratiques de communication. L'article examine ensuite les principales conclusions de la revue, telles que retranscrites dans notre nouvelle Déclaration sur les objectifs à long terme et la stratégie de politique monétaire, et met en lumière certaines implications importantes qui en découlent.
Les motivations de la revue
Comme l'a indiqué d'emblée le Federal Open Market Committee (FOMC), le fait que le Système fédéral de réserve ait choisi de procéder à cette revue ne signifie pas que nous estimions avoir été mal servis par le cadre en place depuis 2012. En effet, je dirais qu'au cours de la période 2012-2020, le cadre nous a bien servis et a soutenu les efforts de la Fed après la crise financière mondiale, d'abord pour atteindre puis, pendant plusieurs années, pour maintenir – jusqu'à ce qu'elle soit interrompue au printemps 2020 par la pandémie de Covid-19 – le fonctionnement de l'économie à un niveau égal ou proche de nos deux objectifs statutaires de maximisation de l'emploi et de stabilité des prix au cours de ce qui est devenu le plus long cycle de croissance économique de l'histoire des États-Unis. Néanmoins l'économie américaine et, ce qui est tout aussi important, notre compréhension de l'économie ont clairement évolué selon plusieurs dimensions cruciales depuis 2012. Nous avons donc estimé en 2019, qu'il était temps de prendre du recul et d'évaluer si, et de quelles manières possibles, nous pourrions affiner et remanier notre stratégie, nos outils et nos pratiques de communication afin d'atteindre et de maintenir nos objectifs de manière aussi cohérente et robuste que possible au sein de l'économie mondiale dans laquelle nous évoluons aujourd'hui et dans un avenir prévisible1.
Le changement le plus important depuis 2012 quant à notre compréhension de l'économie a sans doute été la baisse substantielle des estimations du taux d'intérêt réel neutre, r*, qui, à long terme, est compatible avec nos mandats de maximisation de l'emploi et de stabilité des prix. Alors qu'en janvier 2012, le participant médian au FOMC prévoyait un r* à long terme de 2,25 % et un taux directeur nominal neutre de 4,25 %, en décembre 2021, le participant médian au FOMC prévoyait un r* à long terme égal à seulement 0,5 %, ce qui implique un taux neutre pour les fonds fédéraux de 2,5 %2. En outre, comme on le sait, la baisse des taux directeurs neutres depuis la crise financière mondiale est un phénomène mondial dont les prévisionnistes et les marchés financiers s'attendent à ce qu'il persiste pendant les années à venir3.
La baisse substantielle du taux directeur neutre depuis 2012 a des implications significatives en termes de politique monétaire, car elle laisse au FOMC une marge de manœuvre plus restreinte pour contrer les chocs négatifs sur la demande globale. Cette évolution, à son tour, rend plus probable que les récessions entraîneront des risques élevés de pressions baissières plus persistantes sur l'inflation et des pressions à la hausse sur le chômage que la politique monétaire de la Fed devrait, dans sa conception et sa mise en œuvre, chercher à compenser tout au long du cycle économique et pas seulement lors de ralentissements4.
Deux autres évolutions apparentées sont également devenues plus évidentes qu'elles ne l'étaient en 2012 : l'inflation des prix semble moins sensible aux sous-utilisations des ressources et les estimations des sous-utilisations des ressources fondées sur les relations de la courbe de Phillips des prix historiquement estimés sont moins fiables et sujettes à des révisions plus importantes qu'on ne le pensait auparavant5. Par exemple, face à des taux de chômage en baisse qui n'ont pas entraîné de pressions excessives sur l'inflation par les coûts, la médiane des projections du Comité pour u* – le taux de chômage compatible à long terme avec l'objectif d'inflation de 2 % – a été revue à la baisse à plusieurs reprises, passant de 5,5 % en janvier 2012 à 4 % dans la synthèse des projections économiques (summary of economic projections, SEP) du mois de décembre 20216. Les projections de u* par le Congressional Budget Office et les prévisionnistes professionnels montrent une baisse similaire au cours de cette même période et pour la même raison7. Au cours des dernières années du précédent cycle de croissance, la baisse du taux de chômage s'est conjuguée à une hausse significative et bienvenue des salaires réels, qui s'est accompagnée d'une augmentation de la part du travail dans le revenu national, mais pas d'une poussée d'inflation à un rythme incompatible avec notre mandat de stabilité des prix et des anticipations d'inflation bien ancrées. En effet, ce schéma de baisse du chômage en milieu de cycle coïncidant avec des augmentations non inflationnistes des salaires réels est évident dans les données américaines depuis les années 19908.
En ce qui concerne les anticipations d'inflation, les universitaires et les responsables de la politique économique s'accordent largement à dire que pour atteindre durablement la stabilité des prix, il faut que les anticipations d'inflation soient bien ancrées au taux d'inflation compatible avec l'objectif de stabilité des prix. La littérature académique antérieure à la crise financière mondiale a abouti à un résultat important : une stratégie de politique monétaire crédible axée sur l'inflation, qui n'est pas limitée par la borne inférieure effective (effective lower bound, ELB), peut produire, dans le cadre d'anticipations rationnelles, des anticipations d'inflation qui sont elles-mêmes bien ancrées à l'objectif d'inflation9. En d'autres termes, en l'absence d'une contrainte ferme liée à l'ELB, une politique qui vise l'inflation réelle dans ces modèles produit « gratuitement » des anticipations d'inflation à long terme bien ancrées à l'objectif. Mais cette « bien satisfaisante coïncidence » ne tient plus dans un monde où r* est faible et où l'on s'attend à ce que des chocs défavorables de la demande globale conduisent l'économie, au moins dans certains ralentissements, jusqu'à l'ELB. Dans ce cas, l'analyse économique indique qu'une politique monétaire flexible en matière de cibles d'inflation ne peut garantir des anticipations d'inflation ancrées à l'objectif, mais qu'elle aura plutôt tendance à produire des anticipations d'inflation qui, dans chaque cycle économique, s'ancrent à un niveau inférieur à l'objectif10. Ce biais à la baisse des anticipations d'inflation dans le cadre d'un ciblage de l'inflation dans un monde d'ELB peut à son tour réduire la marge de manœuvre déjà limitée de la politique monétaire – parce que les taux d'intérêt nominaux reflètent à la fois les taux réels et l'inflation attendue – et engendrer une spirale à la baisse de l'inflation réelle et attendue qui a été observée dans certaines autres grandes économies.
Bien entendu, les anticipations d'inflation ne sont pas directement observées et doivent être imparfaitement déduites d'enquêtes, de données des marchés financiers et de modèles économétriques. Chacune de ces sources contient des bruits et des signaux. Cela pourrait, et ça arrive, parfois engendrer des interprétations contradictoires. Mais, a minima, l'incapacité de l'inflation réelle des dépenses de consommation personnelle (indice PCE, personal consumption expenditures), qu'elle soit sous-jacente ou globale, à atteindre durablement l'objectif de 2 % au cours de la période 2012-2020 n'a pu avoir un effet positif sur les anticipations d'inflation ancrées à 2 %. En effet, selon mon interprétation des données recueillies au cours de cette période, les divers indicateurs d'anticipations d'inflation que je suis, se situaient dans la partie inférieure d'une fourchette que je considère comme compatible avec notre objectif d'inflation de 2 %.
La nouvelle déclaration et la nouvelle stratégie
Le 27 août 2020, le FOMC a approuvé à l'unanimité une déclaration révisée sur les objectifs à long terme et la stratégie de politique monétaire qui représente une véritable évolution de son cadre de politique monétaire11.
Notre nouveau cadre et les orientations fournies depuis la déclaration du FOMC de septembre 2020 reposent sur six éléments fondamentaux. Cinq de ces éléments définissent la manière dont le Comité compte remplir son mandat de stabilité des prix au fil du temps, tandis que le sixième concerne son mandat de maximisation de l'emploi. Bien sûr, les mandats du Comité en matière de stabilité des prix et de maximisation de l'emploi sont généralement complémentaires et, en fait, cette complémentarité est reconnue et respectée dans le langage de forward guidance introduit dans la déclaration du FOMC de septembre 202012. Toutefois, pour faciliter l'exposé, je commencerai par me concentrer sur les cinq éléments du nouveau cadre qui définissent la manière dont le Comité cherchera à remplir dans le temps son mandat de stabilité des prix :
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le Comité prévoit de différer le relèvement des taux de l'ELB jusqu'à ce que l'inflation mesurée par l'indice des prix à la consommation atteigne 2 % sur une base annuelle et que d'autres conditions complémentaires, compatibles avec la réalisation durable de cet objectif et qui seront examinées ultérieurement, soient remplies13 ;
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si l'inflation reste durablement inférieure à 2 %, le Comité s'efforcera d'atteindre une inflation légèrement supérieure à 2 % pendant un certain temps, afin que l'inflation s'établisse en moyenne à 2 % dans le temps et que les anticipations d'inflation à long terme restent bien ancrées à l'objectif des 2 % à long terme14 ;
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le Comité s'attend à ce que la politique monétaire adaptée reste accommodante pendant un certain temps après que les conditions nécessaires au début de la normalisation de la politique aient été remplies15 ;
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la politique visera, au fil du temps, à ramener l'inflation vers son objectif à long terme, qui reste de 2 %, mais pas en dessous, une fois que les conditions pour commencer la normalisation de la politique seront réunies16 ;
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une inflation de 2 % en moyenne dans le temps représente une aspiration ex ante du FOMC, mais pas un engagement ex post qui serait incohérent dans le temps17.
Comme je l'ai souligné dans Clarida (2020b, 2021a), je pense qu'une manière utile de résumer le cadre défini par ces cinq caractéristiques est un ciblage temporaire du niveau des prix (temporary price-level targeting, TPLT, à l'ELB) qui revient à un ciblage flexible de l'inflation (une fois que les conditions du relèvement ont été atteintes). Un tel cadre a été analysé par Bernanke et al. (2019) et Bernanke (2020), qui s'appuient à leur tour sur les travaux antérieurs de Eggertsson et Woodford (2003), de Reifschneider et Williams (2000) et de Evans (2012), entre autres.
Une politique qui diffère le relèvement des taux à l'ELB jusqu'à ce qu'un seuil moyen d'inflation soit atteint est un élément de la stratégie de TPLT. À partir de notre déclaration du FOMC de septembre 2020, nous avons fait savoir qu'une condition nécessaire pour relever les taux directeurs de l'ELB serait que l'inflation atteigne le seuil des 2 %18. Le FOMC a également indiqué dans ces déclarations que le Comité prévoit de retarder toute intervention jusqu'à ce que l'inflation soit « en passe de légèrement dépasser 2 % pendant un certain temps ». La signification de « légèrement » et « pendant un certain temps » dépendra des conditions initiales au moment du relèvement (tout comme dans les autres versions du TPLT), et le jugement du Comité sur la durée et l'ampleur prévue de l'écart par rapport à l'objectif d'inflation de 2 % sera communiqué dans la SEP trimestrielle pour l'inflation.
Notre nouveau cadre d'intervention est asymétrique. En d'autres termes, comme dans les études du TPLT citées précédemment, l'objectif de la politique monétaire après le relèvement de l'ELB est de ramener l'inflation à son objectif à long terme de 2 %, mais pas de la faire descendre en dessous de 2 %, et le rythme souhaité de retour à 2 % peut refléter d'autres facteurs que l'objectif d'inflation à long terme de 2 % qui sont pertinents pour le mandat du Comité. Dans le cas de la Fed, nous avons souligné que le fait de s'assurer que les anticipations en matière d'inflation restent ancrées à notre objectif de 2 % constitue justement une telle préoccupation. Je suis de près l'indice des anticipations communes d'inflation (CIE, common inflation expectations) du staff de la Fed – qui est maintenant mis à jour trimestriellement sur le site internet du Conseil – comme un indicateur pertinent de la réalisation de cet objectif19. Toutes choses étant égales par ailleurs, le rythme de normalisation de la politique que je souhaite après le relèvement pour ramener l'inflation à 2 % serait un peu plus lent si l'indice CIE au moment du relèvement est inférieur au niveau pré-ELB.
Notre cadre vise ex ante à ce que l'inflation s'établisse à 2 % en moyenne sur la durée, mais il ne s'engage pas à obtenir ex post une inflation moyenne de 2 % en toutes circonstances. Il en va de même pour les études du TPLT que j'ai précédemment citées. Dans ces études, le seul moment où l'inflation moyenne a sa place au sein des règles de politique monétaire est celui du relèvement lui-même. Pourtant, dans les simulations stochastiques du modèle FRB/US sous le TPLT avec une mémoire d'un an qui revient à un ciblage flexible de l'inflation après le relèvement, l'inflation est en moyenne très proche de 2 % dans les simulations stochastiques rapportées dans les travaux de Bernanke et al. (2019). Le modèle de Mertens et Williams (2019) arrive à un constat similaire : même si la fonction de réaction de la politique monétaire dans leur modèle n'intègre pas d'élément d'habillage ex post, elle permet d'obtenir un taux d'inflation moyen à long terme (inconditionnel) égal à l'objectif en visant un dépassement modéré de l'inflation par rapport à l'ELB qui est calibré pour compenser le déficit d'inflation causé par l'ELB.
Le nouveau cadre d'intervention
et l'emploi maximum
Une évolution importante de notre nouveau cadre est que le Comité définit désormais l'emploi maximal comme le niveau d'emploi le plus élevé possible sans générer de pressions durables qui mettraient le mandat de stabilité des prix en danger20. En pratique, cette définition signifie que lorsque le taux de chômage est élevé par rapport à ma projection SEP de son niveau à long terme, la politique monétaire devrait, comme auparavant, continuer à être calibrée pour éliminer ces déficits d'emploi tant que cela ne met pas en danger le mandat de stabilité des prix. En effet, depuis notre déclaration au FOMC de septembre 2020, nous avons indiqué que nous pensons qu'il sera adapté de maintenir le taux des fonds fédéraux dans la fourchette cible actuelle de 0 à 25 points de base jusqu'à ce que l'inflation annuelle atteigne 2 % et que les conditions du marché du travail atteignent des niveaux compatibles avec l'évaluation du Comité de l'emploi maximum. Dans notre nouveau cadre, lorsque, au cours d'une expansion du cycle économique, les indicateurs du marché du travail reviennent dans une fourchette qui, selon le Comité, est largement compatible avec son mandat de maximisation de l'emploi, c'est aux données sur l'inflation elle-même que la politique réagira, mais à l'avenir, la politique ne se durcira pas uniquement parce que le taux de chômage est tombé en dessous d'une estimation économétrique particulière de son niveau naturel à long terme.
Cette orientation a une implication importante pour la fonction de réaction de la politique de type Taylor que je vais consulter. En particulier, je continuerai – comme je l'ai fait depuis que j'ai rejoint la Fed – à consulter les règles de politique monétaire qui respectent le principe de Taylor comme référence pour calibrer le rythme et la cible de la normalisation des taux directeurs une fois que le processus de normalisation de la politique aura commencé, une fois les seuils d'inflation et d'emploi atteints. Conformément à notre nouveau cadre, la règle de politique monétaire de référence que je consulterai une fois les conditions du relèvement réunies est une règle inertielle de type Taylor avec un coefficient de zéro pour l'écart de chômage, un coefficient de 1,5 pour l'écart entre l'inflation sous-jacente et l'objectif de 2 % à long terme, et un taux directeur réel neutre égal à ma projection SEP de r* à long terme. Comme nous l'avons vu précédemment, le degré d'inertie de la règle de référence que je consulte dépendra des conditions initiales au moment du relèvement, notamment de l'interprétation de l'indice du staff (CIE) par rapport à son niveau de février 2020. Une telle règle de référence, qui devient pertinente une fois les conditions de normalisation de la politique monétaire réunies, est similaire à la règle prospective de type Taylor pour la politique monétaire optimale dérivée dans Clarida et al. (1999). Les propriétés de stabilité des règles de type Taylor dans les modèles d'équilibre général dynamique et stochastique ont été notamment étudiées par Bullard et Mitra (2002) et Galí (2008), et ils montrent que pour un coefficient de Taylor standard de 1,5 sur l'écart d'inflation et un coefficient nul sur l'écart de chômage, l'équilibre des anticipations rationnelles est unique pour les paramétrages standards.
Implications pour la politique monétaire dans l'environnement macroéconomique actuel
En décembre 2021, les indicateurs de l'activité économique et de l'emploi révèlent que l'économie américaine a continué à se renforcer après l'effondrement catastrophique de l'activité économique au cours du premier semestre 2020, en raison de la pandémie mondiale et des efforts d'atténuation mis en place pour la contenir. Le produit intérieur brut (PIB) réel a augmenté à un rythme soutenu de 6,5 % au cours du premier semestre de 2021, et l'on s'attend à ce que la croissance se poursuive à un rythme soutenu, bien qu'un peu moins vigoureusement, au cours du second semestre de l'année. Si cela se vérifie, la croissance du PIB en 2021 pourrait être la plus rapide depuis 1983, malgré une augmentation des cas de Covid-19 au cours de l'été et des goulets d'étranglement au sein de la chaîne d'approvisionnement qui ont freiné l'activité économique au troisième trimestre.
L'inflation sous-jacente du PCE depuis février 2020 – une fenêtre de calcul qui permet de lisser les effets de base résultant des variations « aller-retour » des niveaux de prix des secteurs sensibles à la Covid-19 et qui, parallèlement, mesure également le taux moyen d'inflation sous-jacente du PCE depuis l'atteinte de l'ELB en mars 2020 – a atteint un rythme annuel de 3 % jusqu'en octobre 2021, ce qui est bien supérieur à ce que je considère comme un dépassement modéré de notre objectif d'inflation à long terme de 2 %. La réouverture totale d'une économie de 20 000 Md$ prend essentiellement plus de temps et coûte plus cher que sa fermeture. La réouverture a notamment été caractérisée par d'importants changements au niveau des secteurs, tant au niveau de la demande globale que de l'offre, et ces changements ont provoqué des goulets d'étranglement généralisés et déclenché des changements substantiels dans la structure des prix relatifs et des salaires au sein de l'économie. Une dynamique de réouverture similaire s'est manifestée dans d'autres économies avancées, comme au Canada et au Royaume-Uni. Lorsque ces ajustements des prix relatifs se répercutent sur l'économie, l'inflation mesurée augmente. Mais je continue à penser que le taux d'inflation sous-jacent de l'économie américaine est proche de notre objectif à long terme de 2 % et, par conséquent, que la poussée indésirable de l'inflation en 2021, une fois que ces ajustements de prix relatifs seront achevés et que les goulets d'étranglement auront été débloqués, s'avérera en fin de compte largement transitoire dans le cadre d'une politique monétaire adaptée. Pour l'avenir, je note que, comme le montre la dernière SEP, publiée en décembre 2021, l'inflation devrait rester supérieure à 2 % pendant toutes les années de la période de projection. Ainsi, les projections d'inflation médianes de la SEP pour 2022 et 2023 indiquent une prévision d'inflation qui semble être « en passe de légèrement dépasser 2 % pendant un certain temps », le seuil indiqué dans la déclaration du FOMC.
Comme pour l'activité économique dans son ensemble, les conditions sur le marché du travail ont également continué à s'améliorer. Les créations d'emplois, telles que mesurées par l'enquête sur les salaires, ont continué à être soutenues au cours des derniers mois. Les progrès du marché du travail cette année, tels que mesurés par les indicateurs des conditions du marché du travail de la Fed de Kansas City, ont été considérables, cet indice de vingt-quatre indicateurs du marché du travail ayant comblé son retard par rapport à son niveau d'avant la pandémie. Néanmoins des facteurs liés à la pandémie, tels que la nécessité pour certains individus de s'occuper de leurs proches et la crainte persistante du virus, continuent de peser sur l'emploi et la participation. Ainsi, l'évolution du marché du travail et, en fait, celle de l'économie continuent de dépendre de l'évolution du virus, bien que je m'attende aujourd'hui à ce que le marché du travail atteigne mon évaluation de l'emploi maximal d'ici à la fin de 2022 si le taux de chômage baisse d'ici là à la médiane des projections modales du SEP, soit 3,5 %.
Compte tenu de ces perspectives et tant que les anticipations d'inflation restent bien ancrées à l'objectif de 2 % à long terme – ce que, sur la base de l'indice CIE du staff de la Fed, j'estime être actuellement le cas et qui, selon mes prévisions, restera vrai sur l'horizon de projection –, le début de la normalisation de la politique en 2022 serait, dans ces conditions, tout à fait conforme à notre nouveau cadre de ciblage de l'inflation moyenne flexible. Je note que selon la médiane des projections modales de la SEP du mois de décembre 2021, l'inflation annualisée des prix à la consommation depuis l'adoption du nouveau cadre en août 2020 devrait atteindre une moyenne de 3,6 % à la fin de 2022 et de 3,2 % à la fin de 2023.
Dans le contexte de notre nouveau cadre, si l'ELB est une contrainte pour la politique monétaire, elle ne l'est pas pour la politique budgétaire, et une politique monétaire adaptée dans notre nouveau cadre doit, selon moi, – et peut certainement – intégrer cette réalité. En effet, dans les circonstances actuelles, j'estime que le soutien apporté à la demande globale par la politique budgétaire – y compris les quelque 2 000 Md$ d'épargne excédentaire accumulée provenant des paiements de transfert (non encore dépensés) – en tandem avec une politique monétaire adaptée peut entièrement compenser la contrainte, indiquée dans notre Déclaration sur les objectifs à long terme et la stratégie de politique monétaire, que l'ELB impose à la capacité d'une politique monétaire axée sur l'inflation, agissant seule et en l'absence d'un soutien budgétaire suffisant, de rétablir, après une récession, le maximum d'emploi et la stabilité des prix tout en maintenant les anticipations d'inflation bien ancrées à l'objectif de 2 % à long terme21.
Conclusion
Le nouveau cadre de ciblage flexible de l'inflation moyenne de la Fed allie le TPLT à l'ELB avec un ciblage flexible de l'inflation, auquel le TPLT revient une fois que les conditions pour commencer la normalisation de la politique articulées dans notre déclaration du FOMC de septembre 2020 ont été remplies. En ce sens, notre nouveau cadre représente bien une évolution, et non une révolution. Il est important de noter que, même si l'économie à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui est différente de celle qui prévalait lorsque nous avons entrepris de réviser le cadre, nous pensons que le nouveau cadre nous servira bien. Bien que les déséquilibres de l'offre et de la demande liés à la pandémie et à la réouverture de l'économie contribuent à des niveaux d'inflation élevés pour le moment, plusieurs des facteurs qui ont motivé la révision demeurent, notamment la baisse substantielle des estimations du r*. Le FOMC s'est engagé à utiliser tous les outils disponibles, y compris la forward guidance, basés sur des seuils, ainsi que les achats d'actifs à grande échelle, pour atteindre les objectifs de stabilité des prix et de maximisation de l'emploi spécifiés dans notre nouvelle déclaration de consensus.