De nos jours, les banques centrales opèrent au cœur d'un système financier très fragile et très volatil. N'ayant aucun contrôle ou presque sur les aspects procycliques de ce système lors des phases d'expansion, les banques centrales jouent aujourd'hui le rôle de filet de sécurité lorsque des perturbations apparaissent, agissant non seulement comme prêteurs en dernier ressort pour les banques, mais également comme teneurs de marché en dernier ressort et investisseurs en dernier ressort pour l'ensemble des marchés financiers (Mehrling, 2010). Si cette hypothèse avait besoin d'une nouvelle confirmation après la crise financière mondiale de 2008, la crise de la Covid et la « folle course aux liquidités » de mars 2020 l'ont en effet confirmée. Sur la base du rôle de filet de sécurité qu'elles jouent de facto pour le système, les banques centrales occidentales ont procédé à des injections massives de liquidités, recourant à des facilités de liquidités d'urgence ainsi qu'à de nouvelles vagues d'assouplissement quantitatif pour rétablir la stabilité financière (Schnabel, 2020). Plus frappant encore, la Federal Reserve (Fed) est intervenue sur les marchés financiers au cours de la seconde quinzaine du mois de mars 2020 pour acheter des stocks de courtiers-contrepartistes, accroissant ainsi son portefeuille de bons du Trésor de 775 Md$ et son portefeuille de créances hypothécaires (mortgage-backed securities, MBS) d'agences de 291 Md$ (Fleming et al., 2020a). Ces programmes d'achats massifs d'actifs mis en œuvre en l'espace de deux semaines ont été quasiment équivalents à ceux mis en œuvre après la crise financière mondiale, lorsque la Fed a porté son portefeuille total à 2,1 billions de dollars en juin 2009 (contre 920 Md$ en décembre 2007).
La proposition centrale que je souhaiterais défendre dans cet article est que ce dernier épisode met au jour une asymétrie dans le programme politique adopté par les banques centrales pour prévenir l'instabilité financière : ce programme s'avère rapide et décisif en période de crise (de la crise financière mondiale à la crise de la Covid, il comporte à la fois des mesures d'assouplissement quantitatif et des facilités de liquidités d'urgence), mais lent et hésitant, pour ne pas dire inefficace, en période de booms financiers. Cela a été le cas à partir de 2015, lorsque certains instruments contracycliques de politique macroprudentielle se sont révélés particulièrement inefficaces, ont à peine été utilisés ou n'existaient tout simplement pas (Thiemann, 2019). À mon sens, cette relation asymétrique s'explique en partie par le fait que les banques centrales n'ont aucun contrôle (ou un contrôle très limité) sur le comportement des acteurs du secteur du shadow banking (secteur bancaire parallèle), un secteur de l'intermédiation de crédit opérant largement en dehors du contrôle prudentiel des banques centrales. Cela se produit au moment même où les banques centrales ont dû intervenir de manière explicite pour soutenir le système de financement de marché, injectant des liquidités et « désengorgeant » par là même le système de la fourniture de liquidités au secteur privé en cas d'« événement de liquidité extrême » (BoE, 2021).
En conséquence de cette mise en place asymétrique des politiques de stabilité financière, les banques centrales se retrouvent aujourd'hui dans une configuration intenable : elles sont contraintes d'intervenir en tant que teneurs de marché et investisseurs en dernier ressort dans un système financier dont elles ne contrôlent pas les tendances expansionnistes. L'accroissement de leurs bilans, qui découle de cette tentative de réduire davantage les instabilités financières, conduit les acteurs sociétaux à demander de plus en plus fréquemment à ce qu'ils soient utilisés à d'autres fins que le sauvetage du système financier, dans la mesure où l'on peut faire valoir que les risques systémiques s'étendent au-delà du système financier (par exemple, changement climatique). Les banques centrales se retrouvent donc à un tournant déterminant pour leur évolution institutionnelle. Cet article propose, comme moyen d'aborder ce problème, d'accorder aux banques centrales un contrôle plus large sur le comportement procyclique du système du shadow banking avant une crise ou, au contraire, de réduire le filet de sécurité du système de financement de marché.
Cette configuration asymétrique nous invite à revenir brièvement sur la croissance du financement de marché avant la crise et sur les efforts en matière de réforme de la réglementation macroprudentielle de ce système du shadow banking tels qu'ils ont été envisagés immédiatement après la crise financière de 2007-2008. Nous montrerons comment leur mise en œuvre limitée a laissé aux banques centrales la responsabilité d'un système financier qu'elles ne sont guère en mesure de réguler. Nous expliquerons ensuite comment ce système de financement de marché a manifestement manqué de résilience face au choc de la Covid et donnerons des détails sur les évolutions réglementaires les plus récentes et sur la probabilité limitée qu'elles modifient cette configuration. Nous conclurons enfin par quelques recommandations.
La croissance du système du shadow banking avant la crise et ses effets procycliques
Au cours des trois décennies ayant précédé la crise financière de 2007 a émergé un système d'intermédiation de crédit qui fonctionnait en dehors du périmètre de la régulation bancaire, mais dont les banques formaient le centre (Claessens et Ratnovski, 2015). Ce système, qui correspond en fait à un « financement sur le marché monétaire de prêts sur le marché des capitaux » (Mehrling et al., 2013), établissait un lien entre des trésoreries communes fermées au risque mais riches en liquidités et des investisseurs favorables au risque tels que les fonds spéculatifs, pauvres en liquidités. Cette chaîne d'intermédiation, qui a souvent placé les sociétés de holding bancaire au centre (Pozsar et al., 2010), fonctionnait par le biais des marchés des opérations de pensions et des investisseurs intermédiaires, tels que les fonds communs de placement monétaire, qui promettaient une sécurité absolue aux investisseurs. Pour y parvenir, des précautions de sécurité qui associaient des pratiques de valorisation boursière à des liquidités de financement étaient mises en place (par exemple, dans les pratiques de décote des pensions livrées), rendant le système sujet à de fortes boucles de rétroaction procycliques entre liquidités de marché et liquidités de financement (Brunnermeier et Pedersen, 2009), à la fois en périodes favorables et en périodes défavorables (Adrian et Shin, 2010). La crise financière de 2007-2008, qui s'est traduite par un désengagement massif vis-à-vis de ce système du shadow banking (Gorton, 2010), a mis en évidence les aspects procycliques du système et sa dépendance à un soutien public.
En période de crise, les boucles de rétroaction procycliques entre valorisation boursière des actifs et endettement ont donné naissance à une crise de liquidités majeure en 2008, laquelle a conduit à un désendettement massif dans le système du shadow banking (ibid.). Afin de contrer cette tendance, les banques centrales ont fourni des facilités de liquidités d'urgence pour soutenir l'ensemble des marchés et des instruments impliqués dans la production de crédit, y compris les fonds communs de placement monétaire et le marché des pensions, endossant ainsi le rôle de teneurs de marché en dernier ressort (Mehrling, 2010). L'opération de sauvetage par les banques centrales avait pour objectif principal de donner une impulsion majeure à la mise en place d'initiatives réglementaires après la crise ; toutefois, comme je le montrerai dans ce qui suit, rien ou presque n'a été obtenu en termes de limitation des boucles de rétroaction procycliques inhérentes à ce système d'intermédiation de crédit.
Efforts en matière de réforme macroprudentielle : une tâche inachevée (2009-2015)
En réponse à la crise, le G20 a chargé des organismes de réglementation, sous la direction du Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board, FSB) nouvellement formé, de concevoir une réforme du système financier qui en renforcerait la résilience tout en luttant contre ses tendances procycliques (G20, 2009). Par conséquent, la première phase des efforts de réforme post-crise avait pour objectif de renforcer la résilience du système bancaire et de réduire le rôle des sociétés de holding bancaire dans le système du shadow banking. En ce sens, les réformes peuvent être considérées, dans une large mesure, comme un succès, du moins à la lumière de la récente crise de la Covid (Schnabel, 2020). La seconde phase de réformes ciblait les aspects procycliques du système du shadow banking (FSF, 2009 ; CGFS, 2010). Ces efforts de réforme peuvent quant à eux être considérés, dans une large mesure, comme un échec, comme l'a montré la crise de la Covid (Schnabel, 2020). L'opposition des régulateurs de marchés ainsi que des difficultés de coordination internationale entre régulateurs prudentiels ont eu pour conséquence que les efforts de réforme visant à réduire les risques de liquidité inhérents au secteur des fonds communs (en particulier les fonds communs de placement monétaire) et au marché des pensions n'ont pas eu les effets escomptés.
En ce qui concerne les fonds communs de placement monétaire, la SEC (Securities and Exchange Commission) a refusé en 2012 d'entériner les vastes efforts de réforme qui leur étaient destinés, ces efforts de réformes dilués laissant largement intact le caractère paritaire de ces fonds (Thiemann, 2018). Des tentatives de remédier au caractère procyclique du marché des pensions, en imposant à la fois des décotes plus élevées tout au long du cycle et des majorations contracycliques des décotes (CGFS, 2010 ; FSB, 2012), ont rencontré une résistance de la Fed, préoccupée par des problèmes d'arbitrage réglementaire et par la difficulté de la mise en place d'une action internationale coordonnée (Thiemann et al., 2018). Au final, ces réformes ont tout juste imposé une décote tout au long du cycle si minime qu'elle n'était pas contraignante. De la même façon, le projet d'imposer de telles mesures de décote aux contreparties centrales, devant être établies et modifiées par les régulateurs, a fait face à la résistance des régulateurs de marchés, aboutissant au final à la simple requête réglementaire faite aux contreparties centrales de veiller à ce que leurs systèmes de gestion des risques ne soient pas procycliques (tel que prévu par le règlement EMIR ; ibid.), n'accordant par conséquent aux régulateurs aucune capacité d'influencer directement les développements procycliques, à la fois pendant les phases de progression et pendant les phases de ralentissement.
Paradoxalement, les seuls efforts en matière de réforme réglementaire ayant eu une incidence marquée sur le système du shadow banking ont été ceux ayant affecté les activités des grandes sociétés de holding bancaire opérant en son sein (par exemple, concernant leur rôle en tant que filets de sécurité du marché des billets de trésorerie adossés à des actifs ou leur rôle de vendeurs de produits dérivés, remplacés par la compensation obligatoire des produits dérivés standard par le biais des contreparties centrales). En ce qui concerne le marché des pensions, deux nouvelles réglementations mises en place par Bâle III, à savoir le ratio de financement stable net (NSFR, net stable funding ratio) et le ratio de levier, ont particulièrement impacté le rôle des grandes banques agréées sur le marché des pensions. Ces mesures ont rendu coûteux l'accroissement des liquidités par le biais de la prise en pension de titres pour les courtiers-contrepartistes en termes d'espace de bilan, limitant quelque peu la capacité de ces teneurs de marché privés à tenir les marchés en toutes circonstances (Liang et Parkinson, 2020). Ces mesures réglementaires, qui ont provoqué plusieurs épisodes de turbulences sur les marchés à court terme (d'abord en octobre 2014, puis en septembre 2019) ont nécessité plusieurs interventions des banques centrales en tant que teneurs de marché en dernier ressort, avec la Banque d'Angleterre (Bank of England, BoE) jouant un rôle particu lièrement proactif dans ce développement (Carney, 2013, tel que cité dans Birk et Thiemann, 2020). Dans l'ensemble, ces liens croissants des banques centrales avec le marché des pensions, à la fois en tant qu'absorbeurs des excédents de liquidités au moyen de la prise en pension de titres pour les fonds communs de placement monétaire et en tant que fournisseurs de liquidités pour les courtiers-contrepartistes, ont signifié que les facilités de trésorerie fournies par les banques centrales occidentales au système de l'intermédiation financière non bancaire sont devenues encore plus explicites.
En dépit du succès plutôt limité des efforts de réforme, qui n'ont donné aux banques centrales aucun contrôle ou presque sur la dimension procyclique de l'intermédiation financière non bancaire, le FSB a déclaré en 2015 avoir largement accompli sa mission de « transformation du secteur du shadow banking en un secteur du financement de marché résilient ». Sans surprise, compte tenu du déséquilibre entre la rigueur des mesures réglementaires s'appliquant au secteur bancaire et le laxisme de celles s'appliquant au système du shadow banking, l'expansion du crédit dans le système financier entre 2010 et 2020 a principalement eu lieu dans le système du shadow banking. En particulier, le secteur des fonds spéculatifs et des fonds d'investissement a presque triplé son portefeuille d'actifs liés au crédit au cours de cette période, avec un total de 11 billions de dollars en 2020 (FSB, 2021a, p. 8). Ce système du shadow banking désormais étendu, les réformes limitées et les soutiens croissants des banques centrales allaient être mis à l'épreuve par les événements de liquidités de mars 2020 faisant suite au déclenchement de la crise de la Covid (FSB, 2020).
La crise de la Covid et la folle course aux liquidités
Lors des événements liés à la Covid, la résilience du secteur du financement de marché s'est avérée insuffisante (BoE, 2021), les banques centrales ayant dû intervenir en recourant aux liens directs nouvellement établis par le biais des facilités du marché des pensions, mais aussi en réinstaurant les facilités de liquidités d'urgence mises en place lors de la crise de 2008 et en initiant de nouvelles vagues d'assouplissement quantitatif. Ces événements, qui ont eu lieu lors de la troisième semaine du mois de mars 2020 et que l'on connaît sous le nom de « folle course aux liquidités » (FSB, 2020), peuvent être décrits comme une crise classique de liquidités, lors de laquelle la demande soudaine de liquidités a exercé de fortes pressions sur le système financier. Par conséquent, les fonds communs de placement monétaire ont fait face à d'importantes demandes de rachat, et le marché des pensions s'est pour ainsi dire retrouvé engorgé, les courtiers-contrepartistes refusant de tenir les marchés parce qu'ils étaient submergés par la demande (Liang et Parkinson, 2020, p. 6).
Au final, ce sont les achats d'actifs directs par les banques centrales plutôt que les mesures de liquidités d'urgence ou les facilités de pension qui ont apaisé le marché dans cette situation (BoE, 2021). Les interventions déterminantes incluent l'achat de plus de 670 milliards d'actifs en mars 2020 par la Fed, libérant ainsi les bilans des courtiers-contrepartistes (Schrimpf et al., 2020, p. 6) ; le programme d'achats d'urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchasing program, PEPP) de la BCE, d'un montant de 750 Md€, annoncé en mars 2020 ; et les achats par la Banque d'Angleterre de valeurs garanties par l'État pour un montant de 200 Md£ au cours du même mois (House of Lords, 2021). Ces efforts ont largement porté leurs fruits, comme le confirment de récents rapports consacrés à l'événement (ibid. ; Altavilla et al., 2021)1. Ces événements ont mis au jour une nouvelle fois l'inévitable filet de liquidités fourni par les banques centrales au secteur de l'intermédiation financière non bancaire, mais ont également montré que l'ampleur du soutien dépasse très vraisemblablement les facilités de pension et nécessite plutôt des achats directs d'actifs par les banques centrales.
Considération et perspectives réglementaires actuelles
À la suite de ces événements, des réformes institutionnelles visant les liens des banques centrales avec le système de l'intermédiation financière non bancaire ainsi qu'un débat portant sur l'élargissement des réformes réglementaires ont eu lieu (FSB, 2021a). Conformément à la tendance de liens toujours plus explicites avec le système de l'intermédiation financière non bancaire, la Fed a transformé ses facilités de pension d'urgence en facilités de pension permanente en juillet 2021, offrant de s'engager durablement dans des transactions de pension avec les courtiers-contrepartistes et les banques commerciales. Des experts associés à la Fed continuent de débattre sur l'extension de cette facilité au secteur non bancaire ainsi que sur l'élargissement du rôle des contreparties centrales sur les marchés des pensions (Liang et Duffie, 2020 ; Parkinson, 2020), ce qui renforcera vraisemblablement un peu plus le rôle de cette infrastructure critique. Enfin, un assouplissement permanent du ratio de levier pour les courtiers-contrepartistes est actuellement à l'étude.
Cependant, de récents débats entre banques centrales indiquent que ces changements pourraient être insuffisants, et que le financement de marché pourrait bien nécessiter un soutien des banques centrales s'étendant au-delà de ces facilités de pension. Ainsi que la Banque d'Angleterre le précise dans un récent rapport sur la résilience du secteur du financement de marché, « là où ces facilités se sont avérées efficaces pour favoriser la résilience et prévenir les tensions entre les banques, elles n'ont pas été suffisantes pour faire face à l'ampleur des tensions ayant touché le système financier dans son ensemble, et en particulier les institutions financières non bancaires. Les achats d'actifs mis en œuvre dans le cadre de l'assouplissement quantitatif étaient nécessaires pour restaurer efficacement la stabilité monétaire et financière. D'autres grandes banques centrales ont pris des mesures analogues pour lutter contre les dysfonctionnements de marché au sein des principaux marchés » (BoE, 2021).
Cela suggère aux auteurs qu'il pourrait être nécessaire d'étendre les liquidités directement au secteur non bancaire afin de contrer les « événements de liquidités extrêmes », ce qui les conduit à considérer l'option d'acheter ou de vendre directement au secteur non bancaire, plutôt que se lancer dans un assouplissement quantitatif général (ibid.). L'institutionnalisation de ce rôle, plutôt que sa mise en œuvre ponctuelle, requerrait que les banques centrales spécifient ex ante des taux et des conditions d'accès applicables au secteur non bancaire, qui devraient être suffisamment larges pour juguler d'éventuels chocs de liquidités tout en limitant la prise de risque excessive ainsi que les risques pour les bilans des banques centrales (ibid.). Comme le montrent ces conditions, la mise en place d'une telle mesure, qui institutionnaliserait le rôle des banques centrales en tant qu'investisseurs en dernier ressort, serait un formidable exercice d'équilibriste eu égard à la gestion du compromis entre aléas moraux liés à la prise de risque privée et efficacité du soutien apporté par les banques centrales.
Dans le contexte de ces considérations se posent deux questions : dans quelle mesure les banques centrales contrôlent-elles la tendance à l'expansion du crédit du secteur de l'intermédiation financière non bancaire et quelle incidence leur soutien aurait-il sur ces tendances (aléa moral) ? Si ses tendances expansionnistes demeurent hors de leur contrôle, comme c'est le cas aujourd'hui, les banques centrales devraient chercher à éviter de soutenir ce secteur, dans la mesure où l'acceptation de ces pratiques expansionnistes exposerait leurs bilans à des risques considérables et croissants. En revanche, si les banques centrales décidaient d'étendre les filets de sécurité à ces acteurs, elles devraient demander la mise en œuvre d'importantes réformes visant à réduire la fragilité du système de production de crédit basé sur le marché et l'élargissement de leurs capacités prudentielles afin d'imprimer le rythme de la création de crédit, y compris aux contreparties centrales.
Une telle expansion devrait être accompagnée d'une expansion de la surveillance et du contrôle réglementaires exercés sur ces entités non bancaires et sur le marché des pensions, ce qui ne s'est absolument pas produit après 2008. Les efforts de réformes devraient inclure des réformes rigoureuses des fonds communs de placement monétaire pour limiter considérablement la convertibilité paritaire des dépôts de fonds communs de placement monétaire. Là où plusieurs de ces mesures de réforme sont actuellement considérées aux niveaux national et international (FSB, 2021b ; FSOC, 2021), les banques centrales devraient faire preuve de circonspection quant à l'adoption effective de ces mesures. Nombre de ces efforts de réforme étaient déjà envisagés en 2012, mais n'ont pas été mis en œuvre en raison d'une résistance de la SEC et du lobby du secteur des fonds communs de placement monétaire. Se pose alors la question suivante : l'expérience de la crise de la Covid modifie-t-elle cet état de choses ?
Les banques centrales devraient également chercher à obtenir le droit d'imposer d'importantes décotes tout au long du cycle et une majoration des fonds propres contracycliques aux décotes sur le marché des pensions, une demande qu'elles ont formulée après la crise (CGFS, 2010). De tels outils permettraient aux banques centrales de gagner un certain contrôle sur les expansions de crédit procycliques dans le système du financement non bancaire, à la fois en périodes de progression et en périodes de ralentissement. De la même façon, un rôle plus important des contreparties centrales dans la compensation du marché des pensions est recommandé et, là encore, se pose la question du contrôle sur les exigences relatives au calcul des marges procycliques de ces acteurs, à la fois en période de reprise conjoncturelle et en période de ralentissement conjoncturel. En l'état actuel des choses, les banques centrales jouent aujourd'hui de facto le rôle de soutien de trésorerie pour ces infrastructures critiques, dont elles ne contrôlent ni ne supervisent directement le comportement la plupart du temps. Si ces réformes ne se produisent pas et que le filet de sécurité est tout de même étendu, elles risquent de poursuivre une dynamique qui les a amenées à devenir l'ultime soutien d'un système financier dont elles ne contrôlent plus la dynamique.