Matinale avec Philippe-Pierre Cabourdin, CNIL : LCB-FT : du public ou du privé, qui doit contrôler les données ?
mardi 23 janvier 2024
8h30 - 10h00
Philippe-Pierre Cabourdin
Membre du collège de la CNIL et Président de section et conseiller maître à la Cour des comptes
Alors que la Commission européenne a démontré que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme constitue une de ses préoccupations majeures, plusieurs acteurs mettent en garde contre les risques introduits par la LCB-FT sur les libertés individuelles. S’il est nécessaire de renforcer toujours davantage la LCB-FT, cette dernière ne doit pas se faire au dépend des libertés fondamentales.
C’est sur cette tension, inhérente à l’objet spécifique de la LCB-FT, que Philippe-Pierre Cabourdin concentrera sa présentation, au regard notamment du paquet législatif européen dont le règlement unique européen et les attentes liées à la mise en place de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (AMLA).
Le paquet législatif présenté par la Commission en 2021, rassemble notamment 3 grandes propositions : le règlement unique européen et le règlement instituant l’AMLA, mentionnés ci-dessus, auxquels il faut ajouter la sixième directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Ce large éventail permet à l’UE d’élargir le spectre des personnes contrôlées, qui vont de la banque aux agents immobiliers en passant par les clubs de football ou les PSAN.
Dans une lettre publique, le Comité européen de la protection des données (CEPD), organisme rassemblant la CNIL et ses homologues, mentionne certains points d’inquiétude. Tout en rappelant la nécessité de renforcer la LCB-FT, le CEPD conteste la proportionnalité, la nécessité et la légalité de certaines mesures envisagées. Au centre de celles-ci se trouvent les différents dispositifs qui permettent, incitent ou demandent, aux entités assujetties de partager entre elles, et avec les pouvoirs publics, les informations concernant leurs clients. Doit également être souligné le risque de mise en place d’une infrastructure privée de surveillance de masse, et le glissement potentiel du contrôle de la LCB-FT du secteur public vers le secteur privé, alors que certaines missions d’enquêtes doivent impérativement rester le fait des autorités publiques. En outre, le risque d’exacerbation de de-risking pourrait, s’il est automatisé et non contrôlé, exclure de manière non justifiée certains acteurs du marché bancaire.
Biographie
Il est diplômé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, de l’Ecole du commissariat de l’armée de terre et de l’Ecole supérieure en sciences économiques et commerciales (ESSEC-MSGAI).
Auditeur puis conseiller référendaire à la Cour des comptes, il est Conseiller maître à la Cour des comptes depuis 2013.
Il a été Directeur de la protection judiciaire et de la jeunesse au ministère de la Justice et recteur de l’Académie de Reims et de Caen.