Revue d’économie financière REF 113
Les banques centrales
Crises et défis
Les banques centrales
Introduction Accès gratuit
L’action des banques centrales et la crise
L’évolution du rôle des banques centrales dans la crise Accès gratuit
La politique monétaire face à la crise : enjeux de court terme et ancrage à long terme Accès gratuit
La crise a mis en lumière une tension fondamentale au cœur de la politique monétaire. D’un côté, les banques centrales sont des acteurs majeurs dans la lutte contre la crise. D’un autre côté, leurs efforts doivent être conçus et communiqués dans le strict respect de leur mandat qui consiste à assurer la stabilité des prix à long terme. Pour atteindre cet équilibre, une distinction claire doit être établie entre l’objectif de la politique monétaire et sa conduite. Le cadre stratégique de la BCE et l’objectif d’une hausse des prix « inférieure à, mais proche de 2 % à moyen terme » permettent d’obtenir cet équilibre. Tout d’abord, l’inflation peut varier au sein de l’intervalle pour peu que la convergence vers l’objectif de moyen terme de 2 % soit assurée, de nombreuses trajectoires étant possibles. En outre, la notion de « moyen terme » ne renvoie pas à un horizon préétabli et dépend de la nature des chocs sous-jacents. Ceci a permis à la BCE de réagir de manière flexible à la crise tout en s’inscrivant dans le cadre stable de sa stratégie monétaire.
Les conséquences fiscales du programme d’achat d’obligations de la BCE Accès gratuit
L’idée selon laquelle le programme d’achat d’obligations d’État (OMT) annoncé par la BCE pourrait imposer de nouvelles charges fiscales aux États, notamment à l’Allemagne, repose sur une application erronée des principes de solvabilité qui s’appliquent effectivement aux agents privés, mais pas aux banques centrales. Nous démontrons que grâce à la mise en œuvre des OMT, les contribuables des États créanciers, en particulier les contribuables allemands, bénéficieront de recettes fiscales. Nous évaluons ensuite dans quelle mesure le programme d’achat d’obligations est compatible avec la stabilité des prix. Il s’avère que cette estimation dépend principalement de la situation de la zone euro vis-à-vis de la trappe à liquidité. La zone euro étant toujours engluée dans une trappe à liquidité, la quantité d’obligations d’État que la BCE peut acheter sans engendrer d’inflation n’est pas limitée.
La crise de la zone euro et les deux BCE Accès gratuit
La BCE a agi rapidement et de manière efficace lorsque la crise financière s’est mise en place à l’été 2007, mais elle a ensuite éprouvé des difficultés à faire face à la crise des dettes souveraines. Jusqu’à l’été 2012, elle a refusé de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort et a aggravé la crise. Puis la nouvelle BCE a engagé une action courageuse et le programme OMT a changé la situation, même s’il n’a pas encore été testé par les marchés.
La différence de réactivité des deux BCE face à la crise des dettes souveraines peut avoir deux causes. Soit la BCE ancienne n’a pas pris la mesure de la gravité de la crise ou elle a craint une contagion malheureusement inéluctable. Soit elle a été paralysée par les contraintes politiques, en particulier du fait du poids de l’Allemagne. Mais l’adoption rapide par le gouvernement allemand du programme OMT montre que la BCE peut se dégager de ces contraintes lorsque la situation l’exige.
Sortir des politiques monétaires non conventionnelles : quels défis ? Accès gratuit
Les politiques monétaires engagées pour répondre à la crise financière ont démontré que modifier les bilans des banques centrales a des conséquences importantes. La nouvelle macroéconomie classique, qui a gagné en influence depuis la fin des années 1980 et qui a conduit à se concentrer exclusivement sur le taux directeur, avait simplement ignoré de tels effets (équivalence ricardienne). Ramener les bilans des banques centrales à des niveaux normaux est important pour parvenir à préserver les marges de manœuvres politiques et constituera un formidable défi. Cette tâche nécessitera la coopération de la banque centrale avec le Trésor sans sacrifier son indépendance en matière de politique monétaire. Alors que les banques centrales doivent surveiller la résilience des marchés avec pragmatisme, elles ne doivent pas tomber dans le piège de la domination financière.
Les répercussions sur les pays tiers
Politique monétaire non conventionnelle : l’expérience israélienne Accès gratuit
La politique monétaire israélienne pendant la crise financière mondiale a eu recours à des mesures non conventionnelles tout en réduisant drastiquement le taux d’intérêt. Les mesures comprenaient les achats de devises et les achats d’obligations d’État sur le marché secondaire. Quand la situation économique a commencé à se rétablir, la Banque d’Israël a réduit progressivement l’ampleur de l’expansion monétaire, en supprimant d’abord les mesures non conventionnelles. L’achat de devises a pourtant continué par différents dispositifs actualisés pour refléter l’importance des exportations dans l’économie et l’éternel défi posé par une monnaie appréciée. Plusieurs leçons sont à tirer des mesures non conventionnelles : elles pourraient être considérées comme une composante à part entière de la politique monétaire quand le taux d’intérêt nominal est proche de zéro, elles augmentent l’intensité de la réponse de la politique monétaire, ce qui est primordial en temps de crise avec des risques graves en cas de réaction trop timide, et leur diversité rend possible la poursuite de plusieurs objectifs en dehors de l’expansion économique elle-même.
La politique monétaire des pays émergents : les cinq dernières et les cinq prochaines années Accès gratuit
Avant le déclenchement de la crise, les pays émergents jouissaient d’une croissance rapide et leurs banques centrales avaient fortement progressé dans la mise en œuvre de politiques monétaires modernes se rapprochant de celles en vigueur dans les pays développés. Cette période de croissance généralisée est maintenant révolue et a fait place à un jeu à somme nulle. Il en résulte que les dernières générations d’investissements réalisés dans les économies émergentes ne procureront que de très faibles rentabilités. Nous considérons donc que le modèle de croissance des pays émergents est en panne et qu’il est urgent de mettre un terme à cette mauvaise allocation des ressources. Comme cela est apparu depuis 2013, la politique monétaire n’est pas capable d’engendrer les réallocations de capital nécessaires vers de nouveaux secteurs et de nouvelles zones géographiques. L’adoption de politiques industrielles modernes est un outil bien plus efficace qui doit devenir le socle des politiques économiques des pays émergents.
Nouveau central banking et cycle international du crédit Accès gratuit
Depuis la crise financière internationale, il est question d’un nouveau central banking et donc d’une redéfinition des politiques menées par les banques centrales sous l’angle des objectifs de la politique monétaire et des instruments permettant d’assurer la stabilité financière. L’analyse menée dans cet article se consacre à la question des rapports entre le nouveau central banking et la globalisation du crédit, notamment à la lumière de l’expérience récente des pays émergents. On y trouve un plaidoyer en faveur d’une extension des politiques macroprudentielles aux sources étrangères de boom du crédit.
La gouvernance et l’indépendance mises à l’épreuve
L’autonomie de la Banque de France de la Grande Guerre à la loi du 4 août 1993 Accès gratuit
Cet article propose une mise en perspective de l’histoire de l’autonomie de la Banque de France au xxe siècle afin de faire ressortir la tradition d’un fort interventionnisme gouvernemental dans les affaires de la Banque de France, les tergiversations et les résistances qui ont empêché de faire évoluer la loi de janvier 1973, et ainsi de mieux mesurer la rupture que constitue la loi d’août 1993 sur l’indépendance de la Banque de France.
Les banques centrales peuvent-elles mener des politiques non conventionnelles tout en conservant leur indépendance ? Accès gratuit
Au cours des années 1970 et 1980, les banques centrales ont vu leur objectif principal devenir la stabilité des prix et elles ont acquis de l’indépendance pour assumer ce mandat. Ces deux évolutions sont nées de l’expérience pratique combinée à de nouvelles théories macroéconomiques. La création de la BCE en offre un exemple frappant. Des mesures ont été prises pour supprimer explicitement les objectifs et/ou les outils susceptibles de détourner la BCE de son mandat principal. Après 2008, les banques centrales des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon ont entamé des politiques non conventionnelles – achats massifs de titres et annonces concernant les futures mesures de politique monétaire – dans le but de contourner leur incapacité à diminuer les taux directeurs à court terme. Elles se sont ainsi rapprochées des gouvernements sans remise en cause officielle de leur indépendance. La BCE n’a pas suivi cette voie, la diversité des membres de la zone euro a rendu plus difficile voire carrément impossible l’usage de politiques non conventionnelles.
Les banques centrales et la stabilité financière : nouveau rôle, nouveau mandat, nouveaux défis ? Accès gratuit
La doctrine des banques centrales ainsi que leur cadre stratégique ont été soumis à rude épreuve lors de la crise financière : leur objectif de stabilité des prix était défini de façon trop étroite et les considérations de stabilité financière laissées au second plan. Lorsque les taux d’intérêt directeurs nominaux ont heurté leur « contrainte zéro », les banques centrales ont dû mettre en œuvre des mesures non conventionnelles les conduisant à sortir très largement des limites fixées par leur mandat de stabilité des prix. Paradoxalement, au sortir de la crise, le cadre stratégique des banques centrales ne semble pas fondamentalement remis en cause. Leur mandat a même été étendu pour intégrer de nouvelles missions en matière de politique macroprudentielle et, dans certains cas, la supervision microprudentielle. Le principal défi soulevé par la centralisation de toutes ces fonctions au sein des banques centrales est leur capacité à les mener en toute indépendance. Or l’indépendance est la condition première du succès de leurs missions traditionnelles de maintien de la stabilité des prix et de prêteur en dernier ressort.
Les banques centrales et les défis à venir
Les défis pour les banques centrales après la crise Accès gratuit
La crise récente va certainement modifier durablement le comportement des banques centrales. Avant la crise, elles contrôlaient les taux d’intérêt à très court terme et veillaient à rester crédibles en cas de chocs inflationnistes en réagissant très rapidement. Depuis la crise, elles ont mené des politiques non conventionnelles, ce qui leur impose maintenant d’apporter des solutions à des problèmes qui n’existaient pas avant la crise. Nous considérons que les banques centrales sont aujourd’hui confrontées à cinq défis nouveaux : la sortie des politiques monétaires ultra-expansionnistes, le piège de l’irréversibilité des politiques monétaires, l’adoption d’une doctrine antidéflation, l’identification des actifs dont elles doivent surveiller les prix et le risque de conflits d’intérêts entre politique monétaire et supervision des banques.
Banques centrales : les défis de la sortie de crise Accès gratuit
Une politique monétaire inédite et innovante a été mise en œuvre avec les crises de 2008-2010, et le retrait de ces mesures exceptionnelles représente un défi, car la santé des économies développées reste fragile. Au-delà de ces enjeux de transition, le défi majeur réside dans les nouveaux contours du champ d’action des banques.
Cet article souligne d’abord la difficulté de concilier trois objectifs : accompagner la reprise économique quand celle-ci est faible, temporiser la normalisation de la liquidité interbancaire et ne pas inhiber l’assainissement des bilans bancaires. L’articulation des enjeux de court et moyen termes milite en faveur des opérations d’open market de long terme, alors que les politiques de taux d’intérêt négatifs ou de forward guidance montrent leurs limites.
La BCE devra également relever d’autres défis de long terme : la désintégration financière, l’économie politique de son programme OMT, la dynamique institutionnelle de l’union bancaire, mais aussi la conjonction de ses nouvelles casquettes (stabilité financière et supervision) avec la politique monétaire, ce qui appelle une redéfinition de son mandat.
L’aggiornamento des politiques monétaires Accès gratuit
Le ciblage de l’inflation comme objectif exclusif de la politique monétaire repose sur l’hypothèse d’une efficience forte de la finance que la crise systémique a invalidée. La politique monétaire doit être reconfigurée dans un univers incertain où la monnaie est endogène et où la stabilité financière est une responsabilité éminente des banques centrales. On peut alors élaborer les fondements théoriques de la politique macroprudentielle et montrer que la politique monétaire a plusieurs objectifs. Elle doit donc se doter de plusieurs instruments et les affecter aux objectifs sur lesquels ils sont relativement les plus performants. En outre, les politiques monétaire et budgétaire interagissent, ce qui conduit à reconcevoir l’indépendance des banques centrales.
Articles divers
La construction progressive de l’avantage compétitif financier suisse (1914-1936) Accès gratuit
L’objectif de cet article est d’expliquer comment la Suisse est parvenue à construire un avantage compétitif majeur dans le secteur financier. À partir d’une perspective historique, nous montrons que la période 1914-1936 a été décisive dans cette construction, la Suisse passant d’un statut de place financière internationale de second rang à celui de lieu incontournable, avec l’émergence associée d’acteurs très puissants comme les banques. Si nous mettons en évidence une influence majeure exercée par l’industrie bancaire et financière, un tel avantage compétitif ne s’est durablement solidifié qu’à partir d’une coalition nationale autour de la préservation de la valeur du franc suisse, dans laquelle l’industrie des biens a aussi joué un rôle important. La stabilité de la monnaie nationale au cours de cette période a ainsi été décisive pour la spécialisation financière de la Suisse.