Depuis la controverse suscitée par les armes de destruction massive avant la seconde guerre du Golfe, aucun débat de politique internationale n’a reçu autant d’écho et souffert de tant d’ignorance. S’agissant de questions telles que celle des armes de Saddam Hussein – quant à leur existence, leur nature et leur localisation –, il est inévitable qu’une part de l’information reste dans l’ombre.
Or tel n’est pas le cas s’agissant de la gestion du renminbi, les données étant accessibles à tous et régulièrement mises à jour sur le site internet de la Banque des règlements internationaux (BRI) ( www.bis.org/statistics/eer/index.htm ). Malgré cela, tout le monde croit savoir que l’évolution du taux de change du renminbi depuis le milieu de 2005 s’est limitée à un glissement, voire à une stagnation, par rapport au dollar. L’opinion quasi généralisée en ce domaine est que les autorités chinoises tiennent de beaux discours sur un ancrage à un panier de monnaies (Hu, 2010a, b, c et d ; Zhou, 2009) et se contentent de procéder à de parcimonieux ajustements dollar/renminbi.
Cette vision est faussée par un sophisme d’instantanéité mal placée, variante de la concrétisation abusive (réification). Il est vrai que les fluctuations journalières du renminbi face au dollar ont une amplitude très restreinte. Si, en principe, les mouvements journaliers peuvent atteindre jusqu’à ± 0,5 %, dans la pratique, ils se sont plutôt situés aux alentours de ± 0,1 %. Par conséquent, les fluctuations journalières renminbi/dollar s’apparentent davantage à celles d’une monnaie à parité fixe comme le dollar de Hong Kong qu’à celles de devises à parité flottante telles que le yen, le dollar australien, voire la roupie indienne ou le won coréen (cf. graphiques 1a à 1f).
Cependant, la conclusion généralement dégagée ne suit pas ce constat. Nous soutenons que la description suivante de la gestion du renminbi n’est pas satisfaisante : hausse de 20 % par rapport au dollar entre juillet 2005 et le milieu de 2008, suivie d’un plateau à 6,6 renminbi/dollar, puis, plus récemment, d’une hausse de 3 % vis-à-vis du dollar entre juin et décembre 2010. Cette description est tout aussi erronée que la conclusion selon laquelle le renminbi est administré par rapport au dollar car l’ensemble des achats et des ventes de renminbis par les autorités s’effectue contre des dollars. La monnaie de transaction immédiate, ou celle ayant la volatilité la moins forte, ne révèle pas toute l’information.
Cet article propose d’examiner en profondeur la gestion du renminbi depuis son désancrage en juillet 2005. Tout d’abord, nous nous appuyons sur Ma et McCauley (2011) pour démontrer que sur la période allant du milieu de 2006 au milieu de 2008, le renminbi s’est comporté comme s’il avait été géré pour s’apprécier progressivement par rapport aux monnaies des partenaires commerciaux de la Chine. Ensuite, nous laissons de côté son taux de change nominal pour nous consacrer à son taux de change réel, c’est-à-dire corrigé des effets de l’inflation. Là, nous démontrons que son appréciation véritable face aux monnaies des partenaires commerciaux de la Chine a accusé une hausse plus rapide, reflet d’une inflation plus forte en Chine. Nous confirmons ces résultats par rapport à un autre panier, le DTS (droit de tirage spécial).
Dans l’ensemble, nous soutenons que l’opinion communément admise concernant le renminbi omet de prendre suffisamment en compte certaines dimensions : fréquences (variations journalières ou fluctuations sur de plus longues périodes), monnaies (dollar ou principaux partenaires commerciaux) et prix (nominaux/réels). Il est nécessaire de souligner que rien de ce que nous avançons ne vise à susciter un débat quant à savoir si la hausse du renminbi, passée ou future, a été ou sera suffisante, selon différents critères. Nous cherchons simplement à libérer le débat sur la politique chinoise du taux de change des malentendus imposés par une vision incomplète.
L’évolution du régime de change du renminbi
Le régime de change du renminbi a évolué au fil du temps. À la suite de l’unification de ses multiples taux de change en 1994, le renminbi a été assez librement arrimé au dollar. Cet ancrage a été considérablement renforcé au plus fort de la crise financière asiatique en 1998, mais a officiellement cessé en juin 2005 avec la réévaluation du renminbi de 2 % par rapport au dollar et l’annonce d’un flottement administré par rapport à un panier de monnaies (cf. graphiques 2a ci-après). Le renminbi s’est apprécié par rapport au dollar de quelque 20 % au milieu de 2008, lorsque la crise financière mondiale a conduit les autorités à revenir à un ancrage au dollar1. En juin 2010, la People’s Bank of China (PBoC) a annoncé un éloignement de cette « mesure exceptionnelle » (PBoC, 2010) et le renminbi s’est apprécié de près de 3 % par rapport au dollar à la fin de cette même année.
Il ne fait aucun doute que le régime de change du renminbi a été un ancrage rigide au dollar pendant la période allant de la crise financière asiatique de 1997-1998 jusqu’au milieu de 2005 et pendant la crise financière mondiale de 2008-2010. La plupart des économistes en dehors de la Chine considèrent qu’entre ces deux périodes, ce régime n’a guère été plus qu’un ancrage au dollar avec un glissement, en dépit de l’annonce faite par la PBoC en 2005. Les intervenants sur le marché se sont simplement concentrés sur les fluctuations journalières limitées du renminbi par rapport au dollar (cf. graphiques 1a à 1f plus haut). Il est facile de comprendre comment les observateurs des données journalières ont pu conclure que « le renminbi se conforme étroitement à l’ancrage au dollar » (Ito, 2008).
Cependant, les déclarations officielles font sans cesse référence aux fluctuations du renminbi exprimées selon l’indice du taux de change effectif calculé par la BRI (PBoC, 2008). De telles déclarations sont-elles vides de sens ?
Nous pensons que « non ». La BRI a mis au point un taux de change effectif nominal (TCEN) du renminbi basé sur les monnaies de cinquante-huit partenaires commerciaux. Entre le milieu de 2006 et le milieu de 2008, ce TCEN a augmenté progressivement et régulièrement, dénotant une appréciation du renminbi non seulement par rapport au dollar, mais aussi par rapport aux monnaies des principaux partenaires commerciaux de la Chine (cf. graphique 2b ci-contre). De plus, il s’est brusquement, et pour la première fois, écarté du TCEN du dollar, lequel s’est en fait déprécié au cours de cette période. Malgré les fluctuations journalières limitées du renminbi par rapport au dollar, cette gestion a en quelque sorte rompu la relation observée avec une fréquence basse entre le renminbi effectif et le cycle du dollar.
Plutôt qu’à un glissement ascendant par rapport au dollar, la gestion du renminbi entre juin 2006 et mai 2008 s’est apparentée à celle des monnaies du panier de Singapour. Là, les autorités placent le TCEN du dollar de Singapour sur une trajectoire d’appréciation ciblée, autorisant les fluctuations au sein d’une fourchette étroite.
En effet, la Chine a de sérieuses raisons de gérer le renminbi par rapport à un panier de monnaies des partenaires commerciaux plutôt que d’adopter le simple arrimage au dollar, en particulier à plus long terme. Elle a autant de relations commerciales avec le Japon et la zone euro qu’avec les États-Unis. Une stabilité par rapport au dollar confère une influence déflationniste lorsque le dollar est fort (comme en 2001-2002) et une impulsion inflationniste lorsque le dollar est faible et que les prix en dollars des matières premières augmentent2. Une stabilité par rapport à un panier de monnaies des partenaires commerciaux amortit de telles pressions transfrontalières sur les prix tout en maintenant mieux la compétitivité mondiale (Fung et al., 2009).
Par conséquent, il est nécessaire de regarder au-delà des fluctuations journalières où le dollar domine. Les données de fréquence inférieure rendent plausible une interprétation différente selon laquelle les autorités chinoises ont géré le renminbi par rapport à leur panier pondéré pendant un certain temps. Certains analystes ont discerné les signes d’un retour à une telle politique depuis juillet 2010 (Peng, Zhang et Xu, 2010). Une telle politique provoquerait un précédent régional et serait cohérente en matière de stabilisation des prix en Chine.
Indications basées sur le taux de change effectif nominal : la gestion du renminbi dans un monde multidevises
Dans un premier temps, nous examinons les indications basées sur le TCEN, en nous appuyant sur l’expérience de la gestion du dollar de Singapour par l’Autorité monétaire de ce pays. L’analyse statistique classique à diverses fréquences et l’analyse graphique que nous avons menées ainsi que le modèle à correction d’erreur que nous avons appliqué au renminbi effectif sont tous trois cohérents avec un renminbi géré en 2006-2008 par rapport à un panier de monnaies (Ma et McCauley, 2011).
Premièrement, nos exercices économétriques s’appuient à la fois sur Haldane et Hall (1991) et sur Frankel et Wei (1994) et examinent la relation entre le renminbi et les monnaies de ses quatre principaux partenaires commerciaux : le dollar, le yen, l’euro et le won coréen. Les fréquences journalières, hebdomadaires et mensuelles permettent aux données de révéler si la gestion par rapport à un panier est plus évidente avec le temps, compte tenu des fluctuations quotidiennes limitées du renminbi par rapport au dollar. Le choix des périodes est essentiel à notre analyse : nous divisons la période allant de 1999 à 2010 en quatre sous-périodes. Nos analyses statistiques montrent que le renminbi réagit davantage aux fluctuations du dollar par rapport à l’euro et au yen dans la sous-période allant de juin 2006 à mai 2008 et plus encore à des fréquences inférieures. En d’autres termes, le poids estimé du dollar dans le panier du renminbi était considérablement plus faible à des fréquences inférieures pour cette période de deux ans, par opposition aux résultats des analyses statistiques basées sur des données de fréquence supérieure ou au cours d’autres sous-périodes.
Deuxièmement, les graphiques 3a et 3b (ci-après) mettent l’accent sur la récente évolution de l’indice du TCEN calculé par la BRI. Au cours de l’année suivant le changement de politique de change du milieu de 2005, le renminbi effectif a continué de suivre les fluctuations du dollar par rapport aux autres devises principales ; ainsi, il augmentait (déclinait) lorsque le renminbi glissait vers le haut par rapport à un dollar à la hausse (à la baisse). Par la suite, il a progressé avec régularité. Les données parlent d’elles-mêmes sur la question du taux de glissement cible. La droite linéaire des moindres carrés appliquée aux données entre juin 2006 et mai 2008 indique une tendance à la hausse d’environ 0,006 par jour ou un taux de glissement annuel juste en dessous de 2 %. Si nous prenons l’hypothèse que le TCEN du renminbi a été administré avec une fourchette de ± 2 % (la marge que les intervenants du marché considèrent et que l’Autorité monétaire de Singapour tolère généralement autour de sa cible pour le dollar effectif de Singapour), les fluctuations de ce TCEN s’inscrivent dans cette marge. En fait, entre le milieu de 2006 et le milieu de 2008, la plupart des transactions s’inscrivent dans les sous-marges de ± 1 %. Il semblerait que les autorités aient interrompu cette politique expérimentale de deux ans lorsque la crise financière mondiale s’est intensifiée.
Des observations similaires peuvent également être formulées en utilisant le taux de change du renminbi par rapport à un autre panier, le DTS, que Zhou (2009) considère comme étant prééminent (cf. graphiques 4a et 4b ci-après). La tendance dans les données journalières indique une hausse très similaire, mais légèrement moins rapide, du renminbi par rapport au DTS que par rapport au TCEN calculé par la BRI en 2006-2008. Là encore, la plupart des observations s’inscrivent également dans la marge de ± 2 %. La similarité des interprétations du DTS et de celles de la mesure mise au point par la BRI n’est guère surprenante puisque les quatre monnaies du DTS représentent plus de 60 % du panier du renminbi tel que déterminé par la BRI3. Néanmoins, sur la période allant de juin 2005 à décembre 2010, le TCEN calculé par la BRI s’est apprécié de 15 %, une valeur très inférieure à la hausse de 19 % du renminbi par rapport au DTS (cf. tableau 1 plus loin). L’une des raisons à cette différence est le dynamisme général des monnaies des marchés émergents par rapport aux principales monnaies pendant cette période.
Troisièmement, nous soutenons cette analyse graphique en modélisant la gestion du renminbi entre le milieu de 2006 et le milieu de 2008 à l’aide d’un modèle à correction d’erreur. Cela permet aux mouvements journaliers du dollar effectif d’avoir une grande influence sur les fluctuations journalières du renminbi effectif et au glissement haussier cible du panier d’avoir une plus grande influence encore sur les variations à des fréquences inférieures (Ma et McCauley, 2011).
Notre analyse statistique explique pourquoi les chercheurs qui font appel à l’analyse de Frankel et Wei (1994) n’ont guère trouvé beaucoup plus que l’influence du dollar dans les fluctuations journalières du renminbi. En effet, en 2006-2008, à la fréquence journalière, le renminbi effectif suit le dollar effectif. Cependant, une force imperceptible et lente, mais très significative d’un point de vue statistique, renvoie le renminbi effectif à son appréciation tendancielle. Cette caractérisation aide également à expliquer pourquoi les résultats de l’estimation obtenue par les analyses de Haldane et Hall (1991) ou de Frankel et Wei (1994) pointent de façon plus marquée vers une gestion du panier à une fréquence hebdomadaire plutôt que quotidienne.
Indications basées sur le taux de change réel : la gestion du renminbi dans un monde à deux vitesses
Il est nécessaire de prendre en considération le taux de change effectif réel (TCER) du renminbi, corrigé des effets de l’inflation, si l’on souhaite évaluer la compétitivité de l’économie chinoise vis-à-vis de celle de ses partenaires commerciaux. En particulier, si les salaires et les prix augmentent plus rapidement en Chine que chez ses partenaires commerciaux alors l’appréciation du TCEN que nous venons d’étudier minimise l’érosion de la compétitivité de la Chine telle que mesurée par son TCER.
C’est particulièrement vrai dans le monde d’aujourd’hui qui fonctionne à deux vitesses. D’abord le Japon et maintenant les États-Unis et la zone euro luttent contre une déflation ou une inflation trop faible, alors que les autorités chinoises se débattent avec une inflation plus forte. Puisque ces trois monnaies de premier plan comptent pour la moitié du panier pondéré de la Chine, toute description de la gestion du taux de change chinois qui ne tiendrait pas compte des implications de cette double réalité a de fortes chances d’induire en erreur. Bien entendu, les TCER posent plusieurs problèmes conceptuels et pratiques bien connus et il faut composer, dans le meilleur des cas, avec une fréquence mensuelle4.
La première observation est qu’en décembre 2010, le TCER calculé par la BRI s’était apprécié de 23 % depuis juin 2005 (cf. graphiques 5a et 5b ci-après). C’est bien plus que l’appréciation de 15 % du TCEN calculé par la BRI à la même période. Comparé à cela, le DTS/RMB réel pendant ces cinq années s’était apprécié de 25 % par rapport aux seuls 19 % du DTS/RMB nominal (cf. graphiques 6a et 6b ci-après). Nous avons soutenu ci-dessus que les fluctuations du renminbi par rapport au dollar ne suffisaient pas pour analyser sa gestion. Or le panier déterminé par la BRI ainsi que le DTS démontrent que les mouvements nominaux ne suffisent pas non plus5. Le résultat est que l’appréciation effective réelle du renminbi a, de loin, dépassé son appréciation effective nominale, quelle que soit la façon dont elle a été mesurée sur la période 2005-2010.
La deuxième observation se rapporte à la période allant du milieu de 2006 au milieu de 2008, lorsque le taux de change du renminbi a fluctué comme s’il avait été dirigé pour s’apprécier progressivement par rapport aux taux de change de ses partenaires commerciaux. Nous réévaluons la tendance du TCER calculé par la BRI en admettant que les données mensuelles ne permettent pas de tirer de solides déductions statistiques. Le coefficient de tendance estimé confirme ce qui saute aux yeux, à savoir que le gradient est sensiblement plus fort pour le TCER que pour le TCEN (cf. graphiques 5a et 5b ci-après). En particulier, la pente indique un taux annuel d’appréciation effective réelle de plus de 5 %, contre une appréciation de 2 % estimée pour le taux nominal.
Une fois encore, nous confirmons le résultat obtenu pour le TCER avec son équivalent pour le DTS réel6. En ce qui concerne le RMB/DTS, le taux annuel d’appréciation réelle est de plus de 6 %, contre un taux nominal de 2 % (cf. graphique 6a et 6b ci-avant). La règle des 70 rappelle que la compétitivité de la Chine s’en trouve divisée de moitié en quatorze ans (5 %) ou en onze ans (6 %). Comme dans les cas nominaux, le TCER reste principalement dans la marge de ± 2 % pendant la période de deux ans, que ce soit pour le panier déterminé par la BRI ou pour le DTS.
La troisième observation concerne la relation entre les phénomènes observés en décembre 2010 et l’évolution constatée en 2006-2008. Le TCER calculé par la BRI et le RMB/DTS réel ont tous deux nettement convergé à nouveau vers leurs marges précédentes, mais restent cependant en dessous ou du côté inférieur de leurs lignes de tendance pour 2006-2008 (cf. graphiques 5a, 5b, 6a et 6b ci-avant). En revanche, leurs contreparties nominales sont, quant à elles, restées au-dessus ou du côté supérieur de leurs marges précédentes (cf. graphiques 3a, 3b, 4a et 4b plus haut). On pourrait relever que le TCEN et le TCER calculés par la BRI sont bien plus proches de leurs marges précédentes en décembre 2010 que de leurs contreparties DTS. Si l’hypothèse d’un retour au défi inflationniste de 2006-2008, qui entraînerait un retour à la trajectoire du taux de change défini à cette période, venait à se confirmer, on pourrait penser que les autorités chinoises accordent davantage d’attention au panier le plus large.
Pour conclure, nous pensons que les autorités chinoises ont effectué, en pratique, la transition pour s’éloigner d’un glissement ou d’une stagnation par rapport au dollar. Si elles n’ont pas opté pour une gestion du renminbi par rapport à un panier, tout indique qu’elles ont au moins mené l’expérience prolongée d’une telle gestion au cours de la période allant de 2006 à 2008.
Notre raisonnement principal est très simple : premièrement, le taux de change bilatéral du dollar n’est pas représentatif de la gestion du renminbi depuis 2005 ; deuxièmement, le DTS est un peu plus représentatif de cette gestion ; troisièmement, l’indice effectif calculé par la BRI est le plus représentatif des trois (cf. tableau 1 plus haut). Il se trouve que le taux EUR/RMB a été représentatif des fluctuations plus larges du renminbi sur la période allant de juin 2005 à décembre 2010. De plus, le taux de change nominal ne résume pas à lui seul la politique de change de la Chine. Puisque l’inflation diffère nettement, nous devons nous référer au taux de change réel du renminbi. Là encore, la hausse réelle du renminbi par rapport au dollar n’était pas représentative des fluctuations plus larges du renminbi alors que sa hausse réelle par rapport à l’euro l’était.
Ainsi, il est exact d’affirmer que le renminbi s’était apprécié d’un tiers en termes réels par rapport au dollar depuis le milieu de 2005, avec un quart de ce tiers issu de l’appréciation nominale. Mais il est plus révélateur d’observer que le renminbi s’était apprécié en termes réels d’environ un quart par rapport à l’euro ou par rapport à son panier de monnaies pondéré pendant cette période, avec un peu plus de la moitié de cette appréciation provenant de l’appréciation nominale.
Les indications concernant la période allant du milieu de 2006 au milieu de 2008 ne font pas de différence entre les hypothèses parentes de la gestion des TCEN et des TCER. Dans l’économie très ouverte de Singapour, le TCEN est au centre de la politique monétaire. Cette politique détermine l’appréciation du TCEN pour qu’elle produise l’écart souhaité entre les prix des biens faisant l’objet d’échanges internationaux et ceux de Singapour afin d’atteindre une inflation d’environ 2 %. L’interprétation du TCER dénote plutôt une inquiétude vis-à-vis d’un changement progressif dans la compétitivité.
Dans leurs déclarations, les responsables de la PBoC donnent de l’importance à la fois au TCEN et au TCER. Hu (2010a) ne les différencie pas, mais Hu (2010c) débute en observant que « théoriquement, le meilleur indicateur de mesure du prix relatif international des biens exportables est le TCER, c’est-à-dire le taux de change mesuré par rapport à un panier de monnaies des principaux partenaires commerciaux ». Elle poursuit néanmoins en mentionnant deux des avantages pratiques du TCEN pour la prise de décisions : il n’est nul besoin de s’accorder sur un indice des prix approprié et comparable ; le TCEN est disponible en « temps réel ». Hu (2010b et 2010c) fait référence à la capacité de l’appréciation du renminbi à amortir l’inflation importée, désignant le TCEN comme étant un point de référence essentiel.
Comme on l’a remarqué au début, l’acception de notre interprétation ne répond pas à la question de savoir si les autorités chinoises en ont suffisamment fait avec leur taux de change, que ce soit dans le sens d’un contrôle de l’inflation, d’un rééquilibrage de l’économie vers la demande intérieure ou d’une limitation de l’excédent des paiements courants. Cependant, nous pensons que le débat autour de ces problèmes ne peut que bénéficier d’une compréhension approfondie de l’évolution du taux de change du renminbi au cours de ces cinq dernières années. Le point de départ idéal d’un tel débat pourrait être les gradients (les pentes estimées) des trajectoires du renminbi effectif et du renminbi effectif réel.
À la longue, la gestion par rapport à un panier peut s’avérer utile pour que les autorités de la Chine acquièrent l’expérience d’une transition progressive vers une plus grande souplesse du taux de change. À son tour, un renminbi plus souple devrait contribuer à l’objectif de la Chine d’ouvrir ses comptes de capitaux de façon progressive et d’effectuer la conversion en renminbis (la « renminbisation ») de certaines de ses créances extérieures (Cheung, Ma et McCauley, 2010).