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 Ubérisation générale ! La révolution juridique 2.0 est en cours


Bertrand du MARAIS

Au début de l'automne 2015, un mélodrame, heureusement sans trop de gravité, a secoué la France. Le conflit opposant les chauffeurs de taxi à l'entreprise Uber a constitué une magnifique occasion ratée, comme sait en inventer si souvent notre beau pays, de traiter un sujet de société crucial. En effet, en focalisant le débat politique et médiatique autour des critiques contre le service Uber Pop que fournissait l'entreprise américaine sous un mode collaboratif, cet épisode a escamoté un débat de fond : est-il opportun – voire nécessaire – d'adapter notre droit aux nouvelles formes de transactions économiques induites par le développement des technologies internet ? En particulier, est-il nécessaire de réguler, et de quelle façon, ce nouveau paradigme baptisé de façon positive « économie collaborative » ou péjorative « ubérisation » ?

Aux très intéressantes analyses développées par d'autres auteurs dans ce Rapport moral sur l'argent dans le monde 2015-20161, il est permis d'ajouter les quelques considérations suivantes, à la lumière notamment du récent projet de loi « pour une République numérique » déposé le 9 décembre 2015 sur le Bureau de l'Assemblée nationale.

En premier lieu, il faut souligner l'importance du phénomène en cours de développement : le Web 2.0, déployé à partir du milieu des années 2000, marque en réalité le début de la véritable révolution numérique (première partie). Le constat de ce phénomène est déterminant pour pouvoir non pas répondre, mais seulement aborder la question – largement oubliée – de savoir que réguler et dans quel objectif2. En second lieu, dans un contexte où les technologies et plus encore les usages sont mouvants, la question du but de la régulation est occultée, presque spontanément et logiquement, par celle des modalités. Or la société comme les institutions françaises ont beaucoup de difficultés à passer d'une approche traditionnelle de régulation hiérarchique univoque (command and control) à une approche dans laquelle législateur et exécutif doivent faire preuve d'inventivité et d'agilité (deuxième partie).

QUE RÉGULER ? LA VRAIE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE NE FAIT QUE COMMENCER

La première révolution numérique ou l'avènement de « vitrines numériques »

Il n'est pas besoin de souligner l'importance des phénomènes procédant de l'« économie collaborative » ou encore de l'« économie du partage ». Cependant, il est utile, pour en rappeler le développement rapide, d'essayer de caractériser brièvement l'évolution à l'œuvre depuis la fin des années 2000, et surtout la rupture qui s'est opérée avec l'avènement du Web 2.0.

La première révolution numérique était le fait de l'ouverture au grand public, par le gouvernement américain en 1993, des infrastructures et des protocoles de communication créés initialement pour ses besoins de défense et qui constituent l'Internet. Révolutionnaire, son fonctionnement était simple, mais pourtant relativement rigide : navigation par PC et logiciels navigateurs entre des liens URL sur le World Wide Web ; relations de point à point et entre « client-serveur » ; communication surtout descendante avec la consultation de pages de sites web à recharger, hormis la messagerie électronique et quelques logiciels de chat, type MSN. Dès lors, le Web 1.0 fonctionnait plutôt selon une logique de « vitrine », il est vrai potentiellement créée par tout un chacun (à travers les blogs). Comme la numérisation permettait déjà un coût marginal de la diffusion de l'information faible, voire nul, il conduisait à des rendements d'échelle croissants, voire infiniment croissants3. Des gains d'efficacité phénoménaux en ont résulté, bénéficiant surtout au premier commerçant en ligne qui ouvrait sa vitrine dans un secteur porteur. Loin de conduire à une économie plus concurrentielle et à la gratuité des services de l'information, il est logique que ce phénomène ait permis à chacune de ces nouvelles vitrines, dès qu'elle rencontrait un nouvel usage, de se constituer rapidement en autant de nouveaux monopoles. Leur solvabilisation passait par des logiques connues dans l'audiovisuel hertzien (par la publicité) ou grâce à des prix unitaires très faibles avec de très grands volumes (type « place de marché »). C'était la période des MSN, des Amazon et autres eBay.

Grâce à quelques innovations technologiques et surtout quelques logiciels, et davantage encore grâce à la combinaison de ceux-ci dans des services et des produits intuitifs, ouverts et participatifs, le Web 2.0 a remis en cause cette logique de « vitrine ». Il fait entrer l'économie et la société dans la véritable révolution numérique, dans un nouveau paradigme, dont l'ubérisation semble justement à tous l'archétype.

La deuxième révolution numérique : Web 2.0 et ubérisation

On ne reprendra pas une définition de l'ubérisation par ses effets comme, par exemple, « l'avènement, sur un marché donné, d'acteurs internet proposant des services à la demande et soumis à des règles plus souples » (Aïdan et al., 2015). Ce type de définition est trop contingent et finalement peu précis. Préférons définir l'ubérisation par ses composantes, ou plutôt comme la confluence de deux dynamiques. Comme toute révolution économique et sociale, et sans reprendre Rifkin (2014), cette révolution numérique est ainsi le fruit de la rencontre entre des innovations technologiques et de nouveaux usages sous-tendus par des évolutions sociologiques profondes.

La première composante de cette révolution technologique est industrielle, voire technique autant que technologique. Elle rassemble plusieurs phénomènes dont le plus important est sans conteste ce que l'on a appelé la « convergence des médias ». Il s'agit de la réception de l'ensemble des flux d'informations (voix, images, données) sur un seul terminal numérique : autrefois le PC, aujourd'hui plus souvent le smartphone et, dans une moindre mesure, la tablette. Contrairement à l'écran du PC, le smartphone est hyper portable et donc omniprésent, mais aussi géolocalisable tout en recevant la même diversité de services offerts sur le web.

Celui-ci a de son côté muté vers des services réellement interactifs, dans lesquels les destinataires du service contribuent eux-mêmes à l'agrégation de contenus (type réseaux sociaux). Cette méthode d'agrégation des contenus personnels, que permettent ces nouvelles technologies applicatives, correspond d'ailleurs à une forme extrêmement élaborée et efficiente d'organisation. Certains analystes voient dans le succès opérationnel des grands projets collaboratifs (comme Wikipedia ou les logiciels libres, etc.) un nouveau mode d'organisation, plus efficient que le marché ou la firme, pour reprendre les catégories établies par les économistes Ronald Coase ou Oliver Williamson (Benkler, 2012).

La révolution des applis réside alors dans la capacité à prendre des décisions instantanément (par téléphone mobile) tout en bénéficiant de l'immensité du champ informationnel qu'offre le web, lequel s'enrichit justement par l'apport instantané des autres usagers.

La deuxième composante de cette révolution technique, dont on ne voit que les prémices, est l'Internet des objets qui, davantage qu'une communication entre objets, génère des quantités gigantesques de flux d'informations individuelles très précises sur le fonctionnement et l'usage de ces objets.

La troisième composante est l'imprimante 3D. Sans que celle-ci ne révolutionne l'ensemble de la production industrielle, qui ne constitue d'ailleurs plus qu'une part limitée du PIB (Gadray, 2014), cette innovation permet de décentraliser – voire de relocaliser – des productions en petite série au plus près de leur foyer de consommation. Elle facilite l'individualisation très précise des produits et donc parfois leur production par les consommateurs eux-mêmes.

Il faut souligner que la France bénéficie, face aux deux premières composantes de cette révolution, d'une situation très particulière, voire d'un avantage comparatif indéniable. En effet, contrairement à ce que serinent beaucoup de dirigeants publics et privés, repris sans trop de discernement par les médias, notre pays n'est pas « en retard dans la numérisation ». Au contraire, la France présente un très haut niveau de déploiement d'infrastructures de communications modernes qui sont les vecteurs de la convergence et de l'Internet des objets, deux des composantes de la révolution numérique. En outre, le niveau d'usage et de compréhension de ces technologies est plutôt élevé dans la population française, relativement à beaucoup de pays développés. Ainsi, les politiques publiques d'équipement en haute technologie soutenues par les gouvernements successifs depuis une quinzaine d'années ainsi que la relative qualité de notre système éducatif font de la France un terrain privilégié du développement d'entreprises et de services « ubérisants ». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Paris a été la première ville en dehors des États-Unis où s'est installée Uber et si Airbnb s'est particulièrement développée en France.

Paradoxalement, à travers son « ubérisation », notre société touche ainsi le « dividende numérique » de tous les investissements consentis depuis quinze ans…

Toutefois, l'ubérisation n'est pas une révolution exclusivement technologique : elle s'inscrit dans une seconde dynamique, de nature sociale, ou plutôt dans une déstructuration du paradigme social traditionnel.

Ainsi, le « fordisme », ce complexe qui liait consommation de masse, organisation taylorienne de la production et salariat stable est sévèrement érodé depuis le début des années 1980, avec la montée de la précarité de l'emploi. Parallèlement, la distinction entre consommateur, salarié et producteur s'est estompée tout au long de la même période, la création du statut d'auto-entrepreneur marquant la reconnaissance officielle de la fusion de ces catégories. Enfin, les années 2000 et la permanence d'un chômage de masse dans certaines catégories de la population française ont marqué l'éviction de l'emploi salarié de toute une frange de la population : jeunes, d'origine immigrée et sans qualification.

De même, depuis le début des années 1980, la globalisation s'est traduite par l'ouverture des économies nationales à la concurrence des productions étrangères et surtout à la réification, voire la marchéisation croissante de biens, de valeurs, et donc également de relations, jusqu'alors traditionnellement exclus de la sphère marchande (du Marais, 2012).

Or ces tendances ne sont pas nées avec les applis.

Cependant, la crise financière de 2007 a introduit deux éléments supplémentaires dans cette déstructuration du modèle social. Dans les économies développées, elle a d'abord créé une profonde perte de confiance des citoyens à l'égard de leurs dirigeants, publics et privés, et, par contrecoup, dans les institutions publiques. Non seulement celles-ci ne les avaient pas protégés, mais aussi ceux-là les avaient trahis, en succombant aux mythes de l'ajustement automatique des marchés, de la financiarisation de l'économie, voire en les empoisonnant physiquement, comme en ont témoigné au même moment quelques scandales sanitaires majeurs (hormones de croissance, puis Mediator).

Ensuite, et cela est banalement logique, la crise de 2007 a imposé la nécessité de trouver des revenus de substitution aux revenus classiques du travail. La globalisation les avait déjà atrophiés en ouvrant la plupart des productions nationales, dans les pays développés, à une concurrence exacerbée des industries du sud.

Avec la crise financière, ce besoin de revenus d'appoint fait évoluer le modèle économique et social vers ce que l'on pourrait appeler l'« économie du yard sale » ou du « vide grenier », pour faire référence à des pratiques bien connues aux États-Unis. La classe moyenne américaine, contrainte dans ses revenus et soumise à de forts impératifs de mobilité, compense une partie de ses coûts de consommation et de déménagement par une revente systématique des objets usuels, donnant lieu à des après-midi d'âpres marchandages sur la pelouse de la maison familiale… La montée sur Internet de ce phénomène n'est pas non plus nouvelle depuis la naissance – aux États-Unis d'ailleurs – d'eBay, voire plus récemment du site français Leboncoin, dont le décollage date justement de 2008... Mais le développement récent des applis permet de décupler cette recherche de revenus d'appoint, les particuliers ne vendant plus seulement des biens de consommation obsolètes, mais aussi des services qui utilisent les capacités inutilisées de leurs équipements courants.

L'ubérisation de la société ne fait que commencer…

Ainsi définie comme confluence de deux dynamiques, l'ubérisation constitue donc un changement de paradigme économique et non seulement de business model. Elle repose sur ce que les économistes de l'Internet appellent les « marchés bifaces »4 dont elle entraîne, par effet retour, le développement. Elle est également le vecteur de diffusion de l'« économie collaborative » ou « économie de partage », dont elle est en même temps l'archétype. Ce nouveau paradigme pourrait se résumer ainsi, certes de façon un peu caricaturale : grâce à des applis sur smartphone, tout agent économique devient le fournisseur potentiel de quelqu'un, à tout instant, en utilisant au mieux son capital (physique, social ou en temps).

Ce nouveau paradigme remet alors en cause le paradigme consumériste traditionnel : en reposant sur l'existence de capacités excédentaires en capital physique et humain, il réduit son inutilisation et donc la demande pour l'acquisition ou le renouvellement de biens durables5. L'ubérisation est donc, dans une certaine mesure, favorable à l'environnement. Pour caricaturer : si à tout instant, grâce à une appli, le père de famille sait lesquels de ses voisins emmènent ses enfants à la même école, la question de posséder une seconde voiture peut se poser…

Généralisé, ce mouvement remet également en cause les nombreuses politiques qui recourent aux instruments classiques de l'intervention publique directe. La polémique autour du service UberPop, comme le développement des applis de covoiturage ont montré, par exemple, que les politiques traditionnelles de transports ou de déplacements urbains reposant sur un investissement public massif – y compris sous la forme de location de véhicules type autolib – devenaient clairement inefficientes par rapport à des solutions issues de l'économie collaborative.

Bonne nouvelle pour l'environnement et la dépense publique, mauvaise pour la croissance…

Une autre des conséquences de l'ubérisation, et sans doute la plus surprenante pour le juriste, est relative à la confiance entre acteurs économiques. De façon très contre-intuitive, la révolution technologique du Web 2.0 produit chez ses utilisateurs une confiance qui se construit, à partir de la technologie, sur le nombre, érigé en label de qualité, et donc sur l'information.

Cette situation est d'autant plus paradoxale que dans la période du Web 1.0, une large partie du débat public portait en France sur le sentiment d'insécurité des consommateurs, obstacle au développement de la société de l'information. La priorité des pouvoirs publics a alors été de créer des moyens de certifier la sécurité des transactions par l'intervention de « tiers de confiance », de les garantir par des obligations pesant sur les fournisseurs d'accès et les hébergeurs6.

Aujourd'hui, au contraire, plutôt que de se fonder sur la proximité géographique – comme sur la place du marché du village – et encore moins sur la réglementation, les intervenants sur les marchés peer to peer vont se fonder sur la réputation virtuelle soit des fournisseurs avec lesquels ils sont mis en relation, soit de la plate-forme qui les met en relation. Cette réputation se construit grâce aux avis des autres internautes, à la notation, voire aux échanges directs avec le futur partenaire, donc de façon extrêmement informelle. Le rôle de la notation par les autres consommateurs est à cet égard primordial (Beauvisage, 2013). Ce n'est pas un hasard si le projet de loi « République numérique » prévoit plusieurs dispositions relatives à « la loyauté des plates-formes » et surtout à « l'information des consommateurs sur les avis en ligne ». C'est donc largement la technique qui va permettre la confiance.

La prospective que l'on peut tirer de ces tendances sociétales est que l'ubérisation devrait particulièrement frapper les secteurs de services et/ou les marchés dans lesquels la confiance est un élément majeur de la transaction. Cela peut valoir notamment dans tous les marchés où s'échangent des « biens de confiance », dont la consommation est trop peu fréquente – voire unique – pour permettre de révéler au consommateur leur qualité. Ces marchés recouvrent surtout des services, aussi variés que les services juridiques de notaire ou d'avocat, les soins médicaux, les pompes funèbres, etc. La confiance – et donc la qualité – sur ce type de marchés était traditionnellement garantie par une régulation à la fois ex ante, portant sur les conditions d'entrée dans ces activités, et ex post par un régime disciplinaire interne à la profession, qui en assumait le contrôle par délégation des pouvoirs publics (Chaserant et Harnay, 2015). On aura identifié dans ces caractéristiques le modèle français des professions réglementées – comme les taxis – et des ordres professionnels.

Les marchés financiers et plus encore les banques, pour lesquelles la confiance dans l'emprunteur ou dans le produit d'investissement joue un rôle déterminant, devraient également être profondément bouleversés par cette construction à la fois technologique et collective de la confiance. Ces secteurs avaient été relativement épargnés par la logique de « vitrine » du Web 1.0. Or, traditionnellement très réglementées, la banque et la finance ont présenté les pires faiblesses pendant la crise financière. Le crowdfunding et ses divers avatars conduisent alors à ce paradoxe que les épargnants, réputés les consommateurs les plus frileux, préfèrent investir leurs économies dans des projets souvent flous, portés par des inconnus, plutôt que de les placer dans un établissement bancaire « de la place », sujet à de nombreux contrôles et sous observation constante du régulateur. Encore sans doute les épargnants consentent-ils à prendre ce type de risques parce qu'ils n'investissent certainement qu'une part marginale de leurs économies dans ces projets collaboratifs.

Le nouveau paradigme de l'ubérisation remet alors paradoxalement en cause l'un des fondements de la réglementation publique : la prévention des risques, qui constitue la raison d'être du régime de police administrative. Le fonctionnement de ces nouveaux marchés, dans lesquels la confiance est une construction collective du marché lui-même, pourrait rendre inutile la régulation ex ante.

POURQUOI ET COMMENT RÉGULER L'UBÉRISATION ?

Pour maintenir l'ordre existant ?

L'opinion que l'on peut se faire de la réponse spontanée du système juridique et institutionnel français devant ces phénomènes d'ubérisation est plutôt mitigée. En effet, les premières mesures ont été davantage orientées vers l'interdiction pure et simple, ou tout au moins vers l'encadrement général, que vers le soutien, voire la simple prise en compte, du phénomène.

De ce point de vue, celui-ci n'a pas échappé à une tradition nationale qui aborde toujours l'innovation avec circonspection, souvent par incompréhension, parfois en raison de la capture des décideurs par les producteurs en place. À cet égard, la régulation n'est jamais innocente et la lutte contre la capture constitue un enjeu majeur pour le fonctionnement de la démocratie, mais aussi l'équilibre du marché. On le sait depuis Marx en passant par l'école du public choice : la puissance publique est rarement neutre et foncièrement bienveillante. L'intérêt général, pivot de la tradition institutionnelle française, est plus souvent l'intérêt « du » général…

À l'égard de la société Uber elle-même, les réactions des pouvoirs publics, l'exécutif comme les juridictions, mais aussi des médias ont été la parfaite manifestation de ce réflexe traditionnel. Le débat public et juridique est allé de l'incompréhension à l'interdiction, en passant parfois par la satisfaction de lobbies (les taxis) ou d'opérateurs dominants (comme le G7) (Nora, 2015). La problématique de fond a été obscurcie par une succession de décisions juridictionnelles éparses et de textes souvent de circonstance. La logique de l'ensemble est parfois difficile à discerner, comme en témoigne la libéralisation des VTC aussitôt suivie d'une lutte sans merci contre Uber (Broussolle, 2015 ; Delebecque, 2015). À cet égard, il reste à démontrer que les alternatives réglementées à Uber (les taxis notamment), mais aussi aux autres plates-formes collaboratives, sont toutes exemptes des maux reprochés à ces dernières, parfois sur la seule foi d'articles de la grande presse7 : travail au noir, exploitation de travailleurs dits « indépendants » par les plates-formes de donneurs d'ordres, fraude fiscale, méconnaissance des obligations de sécurité, etc.

Finalement, les conflits entre professions réglementées et plates-formes collaboratives attestent de la nature, à la fois triste et rassurante, des relations humaines dans une société moderne. Dès lors qu'il existe un échange économique et quelles que soient les promesses libératrices de la technologie – et les promesses d'Internet en cette matière sont aussi nombreuses qu'illusoires et manipulatrices8–, le capitalisme reprend ses droits, avec son cortège d'innovations et de progrès, mais aussi d'exploitation et de souffrances. Dit d'une autre façon, qui n'aurait pas déplu à Ronald Coase : dès lors qu'il existe des besoins et que les technologies peuvent les satisfaire moyennant finance, des relations d'échange se nouent et, avec elles, apparaissent des comportements stratégiques et des dysfonctionnements du marché.

Ce sont donc sur ces dysfonctionnements, ces pathologies, qu'il faut mettre l'accent et axer la régulation publique. Ce qui suppose également une petite révolution dans l'art de réglementer.

Ou plutôt réguler les seules pathologies ?

Au moins jusqu'à ce que le nouveau paradigme soit établi et banalisé, l'intervention publique doit se concentrer sur la réduction, voire la compensation des pathologies qu'il crée, plutôt que de chercher à encadrer a priori son développement, et notamment ses acteurs, par des règles uniformes, précises, voire pointilleuses, établissant une relation hiérarchique entre les pouvoirs publics et les acteurs.

L'ubérisation rend également difficile, dans le droit substantiel et processuel, l'usage d'un droit constitué de garanties collectives, obtenues collectivement par des luttes sociales et mises en œuvre collectivement, que ce soit par un appareil de police administrative soumis au pouvoir hiérarchique de l'État ou par les professions elles-mêmes, par délégation de la puissance publique.

En premier lieu, la lutte contre les effets collatéraux de l'ubérisation suppose un droit plutôt centré sur les responsabilités et les garanties individuelles, mis en œuvre par des mécanismes décentralisés. Ceux-ci devraient mobiliser en priorité les juridictions étatiques.

De tels contrôles a posteriori et décentralisé supposent, tout d'abord, des innovations dans la mise en œuvre contentieuse du droit9. Du point de vue de la procédure juridictionnelle, l'économie collaborative est sans doute la terre d'élection de modes de représentation collective des intérêts des plaignants contre les plates-formes. Sans souscrire au développement généralisé de l'« action de groupe » (class action) à l'anglo-saxonne dont on a souligné par ailleurs les limites et les méfaits, l'ubérisation se prête particulièrement bien à l'action contentieuse d'associations représentant les intérêts des différentes parties prenantes. La création d'associations d'auto-entrepreneurs pour porter leurs revendications contre les plates-formes l'annonce d'ailleurs. L'accès des syndicats de salariés classiques aux prétoires dans ce type de contentieux devrait également être développé. Dans une certaine mesure et au moins dans une première étape, l'ubérisation confère sans doute au juge un rôle privilégié de régulateur en dernier ressort.

Par ses propres caractéristiques, l'ubérisation incite également à la recherche de mécanismes privés de réduction de ces dysfonctionnements. Compte tenu de la grande masse des transactions et de leur montant unitaire souvent réduit, le rôle de l'assurance privée devrait sans doute faire l'objet d'une réflexion de tous les acteurs.

Toutefois, si ces acteurs traditionnels, publics ou privés, doivent être mobilisés, le caractère numérique des litiges en cause appelle enfin à rechercher des solutions décentralisées à travers la technologie elle-même. Les dispositifs de ODR (on-line dispute resolution) devraient être particulièrement adaptés et offrir des plates-formes de médiation ou de conciliation entre les différents acteurs de l'économie collaborative. Les travaux précurseurs autour des plates-formes entièrement numériques de type eResolution ou ECODIR10 ont montré l'intérêt de résoudre des petits litiges répétitifs par des infrastructures automatisées, gratuites ou quasi gratuites, d'aide à la négociation et à la transaction. Sans aborder les litiges purement numériques, la récente directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE ouvre, certes à titre d'alternative et sans doute trop timidement, des possibilités d'exécuter efficacement dans l'économie réelle les décisions de ce type d'infrastructures.

En second lieu, l'ubérisation renforce le rôle de la puissance publique comme mécanisme de sanction et comme garante de l'objectivité des comportements.

À cet égard, la prétention de certains opérateurs dominants de l'économie collaborative à revendiquer la suppression des règles minimales du marché, en bâtissant sans vergogne des monopoles, ne doit pas faire illusion. Cette pratique appelle logiquement à un renforcement des contrôles et des sanctions classiques au titre de l'égale concurrence. Cette fonction rejoint le rôle traditionnel du droit de la concurrence, en particulier dans la tradition américaine, qui vient limiter l'excès de puissance, y compris politique, d'intérêts purement privés.

Un autre rôle pourrait nécessiter l'intervention de la puissance publique, en tant qu'institution surplombant les différents intérêts privés en cause et détentrice du monopole de la puissance légitime. Il s'agit de garantir l'objectivité de la notation, mais aussi des plates-formes de résolution en ligne. Ce rôle de garant pourrait être rempli par des institutions existantes, comme l'Institut national de la consommation, mais aussi à travers les pratiques qui se développent en matière de labels que l'État attribue sous réserve du respect d'un cahier des charges. Ensuite, sans créer un nouveau régime juridique, mais en renforçant ses moyens, l'administration devrait constituer un instrument de sanction rapide des infractions commises par les plates-formes, sur saisine des utilisateurs eux-mêmes, trop petits ou isolés pour actionner les mécanismes juridictionnels évoqués ci-dessus. Pour cette fonction de sanction administrative, mais actionnée par les particuliers, on peut penser à des administrations comme la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

Un droit spécifique ? Plutôt adapter la réponse normative

Dès lors qu'il n'est ni réaliste, ni sain d'adhérer à un discours purement permissif et de prôner un total « laisser-faire », voire une simple régulation permissionless11, traiter le nouveau paradigme de l'ubérisation suppose une réflexion méthodologique préalable pour construire une approche de la régulation qui lui soit adaptée. La difficulté est à la fois de répondre au caractère parfois déstructurant du phénomène d'ubérisation, mais aussi de protéger la part d'innovation – et donc de fragilité – et d'effets bénéfiques de l'économie collaborative. Comme toute révolution, cette révolution numérique 2.0 crée des opportunités pour des outsiders, en particulier pour les personnes peu qualifiées dans les savoirs classiques, pour les laissés-pour-compte ou les consommateurs marginaux. Il n'est à cet égard pas fortuit de constater que beaucoup de chauffeurs de VTC sont jeunes et issus de l'immigration. De même, les sites de covoiturage – Blablacar, par exemple – ont d'abord été plébiscités par les étudiants, etc. Enfin, soulignons à nouveau que dans « économie du partage », il y a aussi « partage »…

Adopter une nouvelle attitude en matière de régulation pourrait s'articuler autour des quelques principes suivants.

Tout d'abord, il s'agit d'utiliser les instruments existants, mais d'une façon adaptée au dilemme que suscite l'économie collaborative numérique : affecter chacun des instruments de politiques publiques existants, et plus précisément chaque instrument normatif, selon les lois de Mundell et Tinbergen (autant d'instruments que d'objectifs et à chaque instrument doit être assigné l'objectif qu'il remplit le mieux)12 ; mettre en œuvre les contrôles et les sanctions pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire en respectant une neutralité entre acteurs de l'économie collaborative et acteurs de l'économie classique ; ne pas compliquer progressivement des règles qui ont été conçues initialement pour être simples.

Sur ce dernier principe, il est frappant de constater que deux régimes juridiques, inventés bien avant la phase d'ubérisation actuelle afin de simplifier et rendre officielles des activités individuellement de faible importance économique, ont été graduellement complexifiés. Le régime juridique, social et fiscal des employeurs de personnel à domicile et celui des auto-entrepreneurs pourraient être les réceptacles naturels des activités collaboratives. Il serait intéressant d'analyser s'il existe une corrélation entre, d'un côté, le développement des pathologies nées d'une ubérisation sauvage et, d'un autre côté, l'augmentation des contraintes imposées progressivement à ces deux régimes. De même, il est frappant de constater que le covoiturage se développe après une période de complexification et d'augmentation des tarifs de la SNCF pour les jeunes et les étudiants. Enfin, il serait intéressant d'identifier les effets de reports de clientèles sur des dispositifs de location type Airbnb dus à l'accumulation de normes techniques pesant sur la petite hôtellerie indépendante.

Ensuite, distinguer les dysfonctionnements inhérents à l'ubérisation d'avec les aspects positifs de l'économie collaborative impose d'adapter le niveau de la réglementation à la cible visée. Il n'est pas possible de traiter juridiquement, fiscalement, socialement les particuliers qui interviennent comme producteurs de l'économie collaborative, à l'instar de professionnels pour lesquels il s'agit de nouveaux canaux de distribution.

Enfin, comme en général dans le domaine numérique, la régulation de l'ubérisation suppose une modification en profondeur de l'attitude même des régulateurs et des producteurs de la norme, pouvoir exécutif ou législatif.

D'une part, ils doivent adopter une stratégie d'adaptation constante au comportement des grands acteurs dominants de ce secteur. Sans chercher à légiférer à tout instant, cette attitude ne peut reposer que sur une veille prospective permanente, s'appuyant sur une recherche académique dynamique sur les nouveaux modèles économiques et sociaux, mais aussi juridiques qui sont sous-jacents.

D'autre part, les caractéristiques mêmes de la société de l'information, et particulièrement sa dimension transnationale, imposent aux pouvoirs publics de mettre en œuvre une stratégie nouvelle pour l'application du droit national. Il s'agit d'user du marché comme d'un levier pour donner son effectivité à la contrainte légale légitime, ce que l'on pourrait appeler la « Yahoo ! attitude » ou la « jurisprudence Yahoo ! ». Souvenons-nous : en mai 2000, le président du tribunal de grande instance de Paris avait été brocardé par la presse nationale et internationale pour avoir imposé au géant de l'Internet de l'époque de filtrer des contenus ouvertement nazis, contraires à la loi Gayssot. Pourtant, malgré les dénégations des responsables du site, cette décision de justice nationale a obtenu une complète exécution, pas tellement en raison de l'exequatur obtenue en Californie, mais surtout en raison de l'appel au boycott de Yahoo ! par plusieurs ONG américaines. Cette effectivité résultait d'une subtile combinaison entre une règle de droit purement nationale (l'infraction à la législation sur l'incitation à la haine raciale définie très strictement en France), la dimension commerciale mondiale de l'Internet, mais aussi la gestion universelle et instantanée de l'information qui démultiplie les campagnes d'opinion sur le réseau (du Marais, 2004). Il reste cependant à élaborer une doctrine objective pour encadrer l'usage dans un État de droit d'une telle « ruse du marché ».

CONCLUSION : NI UBÉRISATION DU DROIT, NI DROIT DE L'UBÉRISATION

En conclusion, face à l'ubérisation de la société, il ne faut craindre ni l'ubérisation du droit, c'est-à-dire la déstructuration complète de notre système et de nos concepts juridiques, ni rechercher la création d'un droit de l'ubérisation, un régime juridique spécifique qui aurait vocation à encadrer très précisément et par avance les dérives de ce nouveau phénomène.

La première réponse est celle souhaitée par certains opérateurs dominants qui rêvent d'imposer leur stratégie comme standard normatif. La seconde est une tentation qui s'impose naturellement dans notre pays jacobin, mais elle aurait pour effet de rompre l'équilibre subtil entre ordre public et innovation qui doit prédominer pour le développement d'activités et d'usages nouveaux. La voie moyenne – donc étroite par nature – se situerait plutôt dans un usage renouvelé des instruments classiques du contrôle de la puissance publique – notamment en droit de la concurrence – et des procédures de résolution des litiges, juridictionnelles ou en ligne. Par une construction progressive et incrémentale, il s'agit de se concentrer sur la correction a posteriori des dysfonctionnements de l'économie collaborative. Cependant, face à ceux-ci, les pouvoirs publics ne peuvent faire l'économie d'une évolution de leur attitude face à l'instrument du droit comme outil de politique publique.

Mais que le lecteur se rassure : le génie français saura se défier également de ces deux écueils. Il suffit de se rappeler que notre pays a vu naître la première réglementation de l'aviation civile – dès 1783, lorsque le roi interdit à Jean-François Pilâtre de Roziers d'emmener des passagers humains dans sa montgolfière. Cela n'empêcha pas le roi de changer ensuite d'avis, et la France de devenir plus tard une grande puissance aéronautique…


Notes

1 Et notamment l'analyse de notre ami Jean-Baptiste Soufron, à laquelle nous souscrivons très largement.
2 Dans ce texte, on prendra comme définition de la régulation : « l'introduction de la préoccupation d'efficience économique au centre des politiques publiques et donc de leur régime juridique, dans le but d'assurer l'équilibre entre le bon fonctionnement du marché et l'intérêt général » (Bazex et du Marais, 2015).
3 À cet égard, ce phénomène issu de la numérisation de l'information n'avait pas attendu Rifkin (2014) : voir Volle (1999) cité, par exemple, dans Mandelkern et du Marais (1999).
4 Marché dans lequel une plate-forme de mise en relation entre une offre et une demande peut générer des revenus des deux côtés, tant du côté offre que du côté demande.
5 Une perceuse ne serait utilisée par un ménage qu’une dizaine d’heures dans son existence...
6 Voir notamment la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
7 Sur lesquels se fondent d'ailleurs les rapporteurs du Sénat : Bouvard et al. (2015).
8 Promesses déjà non tenues pour le Web 1.0 : voir du Marais (2004). Quant aux promesses alléchantes faites pour le Web 2.0, on lira dans ce présent Rapport moral sur l'argent dans le monde 2015-2016 notamment Soufron (2015).
9 Ce que les anglo-saxons appellent « enforcement » par complément à « implementation ».
10 Pour une approche à la fois complète et pionnière, voir : Benyekhlef et Gélinas (2003 et 2005), ainsi que les travaux actuels du laboratoire de Cyberjustice sur le site www.laboratoiredecyberjustice.org/, visité le 15 décembre 2015.
11 « Permissionless innovation » n'est pas synonyme de « sans intervention publique », mais repose sur le principe que l'option par défaut, la réponse spontanée des régulateurs devraient être de toujours autoriser l'innovation avant d'envisager une réglementation (voir : Thierer, 2014).
12 Règles de bon sens économique opportunément rappelées par le Conseil d'État (2015).

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