Nous proposons d'étudier ici les conséquences d'une remontée des taux d'intérêt sur l'endettement en titres de dettes négociables du Trésor français. Il ne s'agit pas d'analyser l'impact du déficit sur le niveau des taux. Cette question a fait l'objet d'une littérature abondante dont la conclusion la plus surprenante est qu'il ne semble pas que l'on ait observé jusqu'à présent de dépendance claire et significative en ce sens. À l'inverse, sans s'obliger à mener une étude de causalité, on ne peut exclure le lien mécanique de l'effet d'une hausse du niveau des taux d'intérêt sur le déséquilibre des finances publiques. Le support de cette réflexion repose sur un recensement exhaustif des titres de dettes négociables de l'État, une analyse du calendrier du service de la dette et la construction de tableaux de financement prévisionnels sur l'horizon 2017-2027. On peut dès à présent relever un paradoxe : le niveau des dettes publiques dans l'ensemble des pays développés est jugé plus que préoccupant, bien au-delà des seuils de tolérance théoriques et politiques. Pour autant, les charges d'intérêts issues des dettes actuelles sont restées très raisonnables.
On peut avancer deux familles d'explications à la relative faiblesse des charges financières supportées par l'État.
En premier lieu, le niveau anormalement faible des taux au niveau international depuis près de dix ans. La nécessité de soutenir une croissance fragile, associée à la volonté de sauver un système financier à la dérive, a conduit la plupart des banques centrales à pratiquer une politique monétaire ultra-accommodante, dont les zero interest rate policies (ZIRP). Une telle conjoncture par nature transitoire a perduré pour faire face à la profondeur des déséquilibres financiers, mais aussi pour ne pas traumatiser des marchés financiers en recherche de convalescence. Toutefois le signal d'un contexte de hausse a été inauguré depuis plus de deux ans aux États-Unis. La hausse n'est pas encore à l'ordre du jour en Europe, mais elle est déjà inscrite dans la courbe des taux au comptant.
En deuxième lieu, si une période de crise économique s'accompagne naturellement de la fragilisation des finances publiques (affaiblissement des recettes fiscales, hausse des dépenses publiques pour soutenir l'activité, efforts pour équilibrer les comptes sociaux), des taux proches de zéro ont représenté un effet d'aubaine pour les États. Un faible coût de financement a facilité l'usage répété d'une politique de déficit débridée, galvanisée par la relative gratuité d'un report du coût immédiat des déficits. On observe que dans la plupart des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), le développement et la modernisation des marchés de capitaux sont intervenus de manière synchrone avec les politiques de déficit public massif qui ont fait suite aux deux chocs pétroliers de 1974 et 1981. Les dettes publiques sont essentiellement portées par des instruments financiers négociables sur des marchés (BTAN – bons du Trésor à intérêt annuel – et OAT – obligations assimilables du Trésor). La valeur de marché de la dette, la capacité à contracter de nouveaux endettements s'exposent ouvertement au jugement des investisseurs par le biais des agences de notation. La relative gratuité du déficit public ne diminue pas les attaques des économistes qui considèrent que la politique budgétaire de stabilisation est mal utilisée et que sa principale conséquence reste un accroissement de la dette publique (Reinhart et Rogoff, 2010)1.
Dans la mesure où les taux sur les marchés révèlent des tensions sur l'équilibre des fonds prêtables, on aurait dû constater un accroissement de la rentabilité exigée pour rémunérer la prime de risque sur les dettes souveraines. Cette hausse n'a pas été observée en raison d'une relative rareté des titres publics, malgré leur gonflement exponentiel. De Boissieu et Passet (2012) ont observé que l'encours des titres de dettes privés a augmenté de plus de 210 % entre 1995 et 2007 aux États-Unis (167 % en zone euro), celui des titres publics de 70 % (47 % en zone euro). Face à une demande de capitaux en progression, le marché a été confronté à une augmentation encore plus importante des capitaux disponibles, le fameux saving glut dénoncé par Ben Bernanke en 2006. En raison de l'aversion au risque des fonds d'investissement, les stratégies de fly to quality se sont généralisées à mesure que les mauvaises nouvelles ont affecté les émetteurs privés. Cette avidité pour les titres souverains n'a pas été contrariée par le niveau de dette enregistré dans les principaux États de l'OCDE. Bien que ce niveau ait atteint dans beaucoup de cas les limites de la soutenabilité, il demeure insuffisant du point de vue de la diversification des portefeuilles.
De leur côté, les pays émergents ont dégagé de forts excédents financiers qu'ils étaient contraints d'exporter : manque d'opportunités pour réinvestir sur place, risque élevé des projets locaux. Tous ces éléments concourent à maintenir la relative rareté des titres publics des pays développés.
De ce qui précède, on peut soit être rassuré sur le coût de financement de la dette publique ou bien, à l'inverse, faire valoir que lorsque les conditions d'équilibre d'un marché sont à ce point contrariées, les forces de rappel seront encore plus brutales. En d'autres termes, si une hausse des taux d'intérêt devait intervenir sur les marchés de capitaux internationaux, que cette dernière soit encadrée et graduelle, ou bien subite et incontrôlée, quelles pourraient en être les conséquences sur les finances publiques ? Au préalable, dans une première partie, nous allons identifier l'exposition du budget de l'État français, au risque de cette remontée des taux, et décrire l'enchaînement des conséquences auxquelles aboutirait la constatation d'une hausse généralisée des taux d'intérêt.
Les caractéristiques des finances publiques
et l'exposition au risque de taux d'intérêt
Nous avons choisi de ne pas intégrer les aspects indirects sur les recettes fiscales qui sont relayés par les effets sur l'activité, les prix et l'épargne. Ce choix arbitraire est conforté par l'opacité et la faible robustesse des tests de ces relations. Dans leur relecture du modèle de prévision à court terme Opale, Bardaji et al. (2010)2 observent qu'une hausse de 100 points de base se traduit par une baisse de l'activité comprise entre 0,1 point de PIB (produit intérieur brut) la première année et 0,2 la troisième année. Il s'en suit logiquement une diminution des recettes de TVA, sans doute de l'impôt sur les bénéfices et sur le revenu les années suivantes.
Dans cette première partie, nous allons revenir sur les aspects généraux de la dette publique française et en ayant bien soin de n'en retenir que les aspects qui éclairent notre thème d'étude. On distingue la dette publique et la dette de l'État. À la dernière définition, on ajoute la dette des administrations locales et celle des administrations de sécurité sociale. La dette publique représente l'ensemble des titres émis et des emprunts contractés par les administrations publiques. Il s'agit d'une dette nette des créances de l'État. En pratique, les avoirs de l'État sont marginaux, de sorte que l'impact d'une hausse des taux sera plutôt rapporté à la dette brute sans que le biais introduit ne soit significatif. La dette de l'État représente 75 % à 80 % de la dette publique. Sur une longue période, on observe que la hausse de l'endettement public est pour l'essentiel expliquée par la progression de l'endettement de l'État, tandis que l'endettement des administrations locales reste contenu. La progression de la dette des organismes sociaux est une nouvelle caractéristique apparue au cours de la décennie 1990.
Le caractère systématique du deficit spending introduit durablement la préoccupation de la charge croissante des intérêts dans le budget de l'État, mais aussi le contrôle et le remboursement de la dette publique. La crise financière survenue en 2007 a patiemment couvé grâce à la diminution des taux d'intérêt constatée sur les marchés de capitaux. Sur le graphique (infra), on observe que la hausse de la dette s'accompagne d'une relative stagnation de la charge d'intérêts liée à la diminution du taux d'intérêt apparent. Si le taux d'intérêt apparent était resté stable, la charge d'intérêts aurait été multipliée environ par quatre.
La baisse du taux d'intérêt apparent et plus généralement de la structure des taux est le fruit des politiques monétaires volontaristes, comme mesure de soutien à la consommation et à l'investissement. Mais la baisse des taux a aussi permis aux États d'aggraver les déficits publics de manière relativement indolore. La part des budgets consa crée au service de la dette (versement des intérêts, remboursement du capital) est restée stable, parce que les taux ont diminué et parce qu'une part de plus en plus importante du remboursement des titres existants s'est effectuée grâce à l'émission de nouveaux emprunts.
L'encours de la dette
La situation financière actuelle des États est caractérisée par un endettement permanent. Le recours à la dette publique semble saturé. Le ratio « endettement public/PIB » qui était de l'ordre de 20 % à 30 % à la fin des années 1970 avoisine aujourd'hui les 100 %. Au début des années 2000, les États-Unis et l'Allemagne avaient programmé d'entamer le désendettement public. Ce mécanisme devait être alimenté par des soldes budgétaires en excédent, tout en s'interdisant d'émettre des titres de dettes à long terme. Comme tous les États, ils ont été rattrapés par la conjoncture des marchés, ces bonnes résolutions ont dû être reportées. L'enchaînement de budgets en déséquilibre a conduit à des niveaux de dettes importants et à une part préoccupante des budgets annuels consacrée aux paiements des intérêts. Ce phénomène a peu de chances de se réguler de lui-même. Pour autant, l'histoire ancienne nous fournit des exemples de dettes au moins aussi importantes et inquiétantes. Grenier (2012) relève que la dette de l'Angleterre au xviiie siècle est passée de 5 % de son PIB à plus de 200 %. En 1815, le service de la dette épuise près de la moitié des recettes fiscales. Mais à la différence de ces exemples du passé où la dette était motivée par l'effort de guerre et les dépenses d'armement, la dette actuelle est justifiée par l'excès de dépenses civiles.
On observe que les marchés financiers constituent un véhicule de financement favorable à la dette publique. Ce n'est pas une découverte récente. Les marchés de la rente publique ont depuis toujours capturé l'attention des investisseurs. Les transactions sur les titres publics représentent une part essentielle de l'activité des marchés. Le recours à une multitude de créanciers dilue la dépendance vis-à-vis d'un prêteur, tandis que les titres de dettes prennent l'apparence de placements sans risque, d'intérêt public, voire de devoir patriotique lorsqu'il s'agit de financer un effort de guerre. Dans le passé, l'excès d'endettement était résorbé par la dévaluation ou l'inflation, tandis que les périodes d'après-guerre se sont caractérisées par une forte croissance qui a contribué à la résorption de la dette. La lecture est aujourd'hui différente. Cette préoccupation a conduit le conseil ECOFIN à étudier l'obligation pour les pays très endettés d'abaisser chaque année leur ratio « dette/PIB » d'un montant moyen égal à 1/20e pour la fraction de la dette publique dépassant 60 % du PIB.
Néanmoins l'augmentation en volume et en proportion de l'offre de titres de dette publique doit être relativisée au regard de la demande. De Boissieu et Passet (2012) mentionnent que la part des titres publics n'a jamais excédé 20 % du portefeuille des investisseurs depuis 1970. La part des dettes publiques resterait donc faible et pourrait encore augmenter. Ce serait une bonne nouvelle pour le financement des États. Qui plus est, la mise en place de la directive Bâle III pourrait alimenter la contrainte d'investissement en titres d'État.
En conclusion, si l'on s'accorde sur l'importance des dettes publiques, il semblerait que l'on n'ait pas atteint un plafond, la satiété des investisseurs pourrait être repoussée, de manière naturelle ou réglementaire. Cette observation renforce la pertinence des préoccupations sur le coût de cet endettement, puisque la part des recettes fiscales consacrée au service de la dette constitue un garde-fou important à ne pas négliger. Enfin, à la relative inertie du montant de la dette, il faut opposer la volatilité croissante du coût de la dette.
La charge des intérêts de la dette
En France, pour 2016, les charges d'intérêts de la dette des administrations publiques ont atteint 44,6 Md€. 2 % du PIB en 2016 pour 1,2 % en 19803. Au cours de cette période, la charge d'intérêts a atteint un maximum en 1996 (3,6 % du PIB). Elle est ensuite redescendue en 2009 et 2010 (moins de 2,5 % du PIB), pour à nouveau progresser en 2011 (2,6 % du PIB). La France ne fait pas figure d'exception : ces ratios sont respectivement de 2,8 % dans la zone euro (4,2 % en 1998 !) et de 1,9 % pour l'ensemble de l'OCDE. La diminution de la charge des intérêts est imputable à la conjoncture des taux, puisque sur cette période, l'endettement public n'a fait que progresser. C'est ainsi que l'on peut expliquer le répit que nous avons connu jusqu'en 2011, année où les taux d'intérêt ont été historiquement bas. La volatilité du coût de la dette devient un nouveau paramètre pour les États, qui représente une source supplémentaire de fragilité.
S'agissant du taux apparent de la dette publique, on relève un taux de l'ordre de 10 % au début des années 1980, pour un peu plus de 3 % à compter de 2010. Sachant que la part des prélèvements obligatoires consacrée à la charge d'intérêts représente aujourd'hui environ 15 % de l'ensemble, on n'ose imaginer ce qu'il en aurait été si la conjoncture des taux n'avait pas été aussi basse. À l'inverse, on peut aussi estimer que l'endettement des États se serait peut-être moins dilaté s'il n'avait pas donné de tels signes de gratuité. Comme le souligne Hertzog (2012) : « L'immense dette publique, ombre portée de recettes passées, produit une charge financière qui chasse des budgets les capacités d'investissement et constitue une bombe à retardement par ses coûts potentiels en cas de hausse des taux. » Dans le projet de loi de finance pour 2017, la charge nette des intérêts prévue représente près de 40 Md€ pour les seules OAT. En termes de prospective, Heyer et al. (2010) impute à la hausse de près de 60 % de l'encours de la dette une hausse de la charge d'intérêts de l'ordre de 0,8 % de PIB pour les dix années qui suivent l'année 2007. Il note que « si les taux d'intérêt apparents de 2018 étaient équivalents à ceux de 2007, la hausse de charge d'intérêts serait de 1,5 point de PIB de 2018 à 2030 ». Il en conclut que la charge d'intérêts annuelle resterait aux alentours de 3,4 % du PIB. Une fois encore, on observe que les autres nations ne sont pas mieux armées : pour la période 2010-2012, en Grande-Bretagne, la charge d'intérêts aura progressé de 0,8 % de PIB, alors que tous les autres postes des dépenses publiques auront diminué. La baisse des taux qui a marqué la période récente a donné de l'oxygène aux dettes publiques. Mais cette aubaine n'est que transitoire. Ainsi l'Agence France Trésor rappelle que le taux d'intérêt moyen des émissions était de 4,15 % de 1998 à 2008, pour 1,31 % en 2014, et même 0,63 % en 2015. Depuis on aura même vu les taux de rendement passer en territoire négatif jusqu'à l'échéance de sept ans.
La durée de vie moyenne de la dette
Face à ce fiscal cliff, les États ont cherché à raccourcir la durée de vie moyenne de la dette. La motivation serait de réduire les intérêts en privilégiant la partie court terme d'une courbe des taux naturellement croissante. Il s'agissait en quelque sorte d'économiser la prime de terme. C'est un mauvais choix. D'abord parce que cette stratégie ne fonctionne que dans un contexte de désendettement. Si les emprunts arrivant à maturité sont remplacés par de nouveaux emprunts, on risque même de ne dégager que des inconvénients. Ensuite parce que les courbes de taux actuelles sont relativement plates, de sorte que les taux longs sont bon marché, pour une variabilité acceptable. Enfin les prévisions de taux sont actuellement durablement orientées à la hausse. Sachant que les titres publics sont essentiellement assortis de coupons fixes, il vaudrait mieux au contraire allonger la durée de vie moyenne. Cela retarderait le renchérissement des coupons fixes à offrir sur les nouveaux titres d'emprunt. L'Agence France Trésor, bien consciente de tous ces éléments, doit néanmoins trouver un compromis que n'entache pas la volonté affichée des États de se désendetter. Cette réduction passait par la conclusion de contrats de swaps4 avec les spécialistes en valeurs du Trésor.
La viabilité budgétaire et la soutenabilité de la dette publique
La notion de viabilité budgétaire est assez simple à cerner. Elle rend compte de la capacité de l'État à assurer le paiement des charges financières et à faire face aux coûts des programmes d'action qu'il a engagés. En d'autres termes, la soutenabilité de la dette publique reflète la capacité de l'État à assurer le service de sa dette grâce à ses recettes budgétaires futures. Pour faire face aux dépenses financières, l'État doit même dégager un excédent primaire, s'il ambitionne d'équilibrer son solde global. Les études font le plus souvent référence au solde primaire corrigé des fluctuations conjoncturelles (SPCC). Dans une logique prévisionnelle, nous ne disposerons pas de cet indicateur.
À long terme, pour que les excédents soient suffisants, il faut que le taux de croissance du PIB soit supérieur au taux d'intérêt de la dette. Cette observation constitue une alerte supplémentaire pour se prémunir d'une hausse des taux, dans un contexte de croissance future « molle ». Dans le cas contraire, nous serions soumis à un effet boule de neige : la charge des intérêts génère elle-même des déficits croissants. Deroose (2010) a observé que la viabilité de la dette devient de plus en plus incertaine à mesure que l'endettement augmente. En retour, l'augmentation de la dette peut aussi impacter à la hausse le spread de taux. Il identifie deux indicateurs du SPCC. S1 mesure l'ajustement permanent du SPCC qui est nécessaire pour atteindre un taux d'endettement brut de 60 % du PIB en 2060. S2, quant à lui, repose sur la comparaison entre la valeur actuelle des excédents budgétaires futurs et la valeur actuelle de la dette de l'État. Il conclut que « l'écart de soutenabilité se monte à 6,5 points de PIB ». Il faudrait que le taux de croissance du PIB excède le niveau du taux d'intérêt de 6,5 points. Il fait remarquer enfin que la dette augmentera sous l'effet du vieillissement de la population. Nous sommes prévenus, même si l'on devait trouver des éléments de corrections aux résultats inquiétants de ce travail, le chemin de l'équilibre est étroit… Ce pessimisme est renforcé par la prédiction dès 2010 que l'endettement public pourrait atteindre en Europe 120 % du PIB sous dix ans. Avec 90 % en 2017, la ligne rouge est proche.
Il est fait référence à des excédents budgétaires, alors que les États visent plutôt à l'équilibre. Si nous voulons nous engager sur la voie du désendettement, ne plus contracter de nouvelle dette, il faudra dégager des excédents primaires dont le montant permettra non seulement de payer les intérêts annuels, mais aussi d'assurer le remboursement des titres arrivés à échéance. Ainsi, pour 2017, il faudrait dégager 125 Md€ pour rembourser les emprunts arrivés à échéances en 2017, 40 Md€ pour la charge de la dette existante en 2017, soit un excédent primaire de 165 Md€.
Le solde définitif prévu dans la loi de finance est un déficit de l'ordre de 70 Md€, soit un solde primaire de – 30 Md€. La différence avec l'excédent qui permettrait de ne pas lever de nouvel emprunt est de 195 Md€. L'écart avec la réalité est vertigineux.
En résumé, la dette reste contrôlable tant que l'on n'est pas conduit à lever de nouveaux emprunts dont le capital sert à payer les intérêts de la dette existante. C'est ainsi que les États-Unis ont pu résorber avec facilité leur endettement né de l'économie de guerre : des taux réels négatifs et une croissance économique soutenue.
Si l'endettement ne s'emballe pas aujourd'hui dans une situation de croissance très faible, c'est bien en raison de la faiblesse des taux. Une hausse des taux représente une perspective inquiétante.
L'Évolution de la dette publique française
à moyen terme et la conjoncture
des taux d'intérêt
Selon les données fournies par l'Agence France Trésor en décembre 2016, nous avons recensé tous les titres négociables à moyen et long terme, construit un calendrier annuel du versement des intérêts et du planning de remboursement. Nous obtenons un tableau du service de la dette annuel pour les années 2017 à 2060. Les montants en jeu ne permettent pas un financement du service de la dette par les seules recettes budgétaires de l'année en cours. Il faut recourir à l'émission de nouveaux emprunts. Nous allons évaluer les montants qu'il faudra engager pour assurer la gestion de la dette, en intégrant aussi les nouveaux intérêts que génèrent les émissions futures. La version financière des poupées russes. Une fois que ces émissions sont calibrées, on pourra tester la soutenabilité de la dette publique selon des prévisions et des simulations d'indicateurs économiques et financiers.
Les ajustements techniques et les hypothèses de travail
Le point de départ repose sur l'examen du tableau de financement du budget de l'État. La structure est classique et met en parallèle des besoins et des ressources de financement. S'agissant des besoins, deux postes se dégagent, par leur importance et leur pertinence : l'amortissement de la dette et le déficit du budget de l'État. Pour les ressources, le pendant de l'amortissement correspond aux émissions de titres de dettes. L'essentiel des autres postes est technique, difficilement prévisible et peut être considéré comme neutre à moyen terme.
En revanche, il faut approfondir quelques mécanismes liés aux caractéristiques des titres obligataires.
Le remboursement des titres indexés sur l'inflation (1,8 Md€ en 2015). En échange d'un coupon plus faible que celui habituellement constaté pour des obligations à taux fixe classiques, la valeur finale de rembour sement des OATi et OAT€i sera indexée selon l'indice des prix. Le transfert en apparence indolore vers le futur d'une partie de la charge imputable à l'exercice en cours permet de desserrer l'étau de la charge de la dette actuelle. En fin d'étude, la construction de scénarios reposant sur des hypothèses d'inflation renverra les informations d'indexation vers les titres concernés :
Valeur de remboursement OAT€i = Valeur nominale
réévaluée en 2017 selon indice connu x(1 + p)n
où n est le nombre d'années qui sépare la date de remboursement de la date d'évaluation de l'encours.
L'amortissement des primes d'émission. Dans le contexte de baisse des taux des dernières années, les OAT ont bien souvent été mises en vente « au-dessus du pair ». L'État a régulièrement encaissé une somme supérieure au montant facial de la dette. Cette « rente » doit être prise en compte par actualisation sur la période qui va jusqu'à leur maturité. Ce montant est loin d'être négligeable. En 2015, l'Agence France Trésor indiquait qu'il restait 52 Md€ à amortir et étaler selon un calcul actuariel. Pour l'année 2015, la prime reçue s'est élevée à 6,1 Md€. Ce phénomène va s'éroder de lui-même. Mais en tout état de cause, il n'impacte plus les flux de trésorerie à venir.
L'état n'émet pas de titre long terme à taux flottant. Ce choix limite l'exposition au risque de hausse des taux.
Les OAT démembrées ou titres à « zéro coupon ». Ils sont libres de charge annuelle, mais cette technique conduit en fait à renchérir la valeur du remboursement, comme si le coupon annuel était prêté par le détenteur jusqu'à la date de remboursement. Les règles de comptabilité publique conduisent à augmenter la valeur de marché de ces produits pour intégrer le coût de cette dette sur chacune des années concernées. Néanmoins cela reste une plus-value calculée qui n'est pas payée annuellement. Dans notre cas, la progression de valeur des titres à zéro coupon, même si elle représente un alourdissement de la dette, n'impacte pas nos tableaux annuels. Nous pouvons nous contenter d'enregistrer la valeur de remboursement à l'échéance sans introduire de biais de trésorerie.
Les coupons courus. Les dates d'émissions et d'échéances des OAT sont regroupées en avril et en octobre. La comptabilité par période introduit nécessairement des coupons courus à payer. Nous avons considéré que dans le cadre d'une étude pluriannuelle, nous pouvions l'ignorer, l'excédent comptabilisé une année est compensé l'année suivante. Nous sommes résolument dans une optique de trésorerie et non d'engagement. L'impact de la conjoncture des taux ? En période d'anticipation de hausse des taux, cette simplification allège la charge : les intérêts un peu plus élevés qui seront à payer l'an prochain ne sont pas pris en compte.
Les contrats de swaps de taux. Leur montant (notionnel) est de 58 Md€, ce programme est suspendu depuis plusieurs années, en raison du contexte de taux faibles. Ils ont pour objectif de gérer le risque de taux du Trésor et de capturer toute opportunité de taux d'intérêt.
Les tableaux de financement prévisionnels
et les dettes de renouvellement
L'essentiel des besoins de financement correspond à la valeur de l'amortissement de la dette à moyen et long terme. Cette ligne recense les BTAN pour le moyen terme et les OAT pour le long terme. Les bons du Trésor sont regroupés dans la ligne trésorerie. Ils sont émis pour financer les décalages entre décaissements et encaissements. Leur montant est secondaire en comparaison des deux autres catégories. Leur taux proche du marché monétaire est plus faible, voire négatif actuellement. Le second poste est le solde budgétaire. Depuis de nombreuses années, il reste ancré dans la catégorie « besoin ».
Les ressources de financement correspondent aux émissions destinées à couvrir le solde d'exécution du budget de l'État et ses contraintes de remboursement de la dette existante arrivée à maturité. Il faut par conséquent recenser toutes les lignes d'endettement de l'État, les classer par maturité, comptabiliser chaque année le paie ment des intérêts et le montant des remboursements. Ce tableau atteint l'horizon 2060, nous avons choisi de nous limiter à la période 2015-2027. Concernant les dettes à émettre à partir de 2017, leur montant aura vocation à équilibrer le tableau de financement de l'année considérée en tant que variable d'ajustement, une fois le solde primaire déterminé.
La dernière ligne révèle un pic de financement en 2019, qui se détend progressivement les années suivantes. Ce tableau retrace les seuls emprunts actuels sans recenser ceux qui devront être émis à l'avenir pour assurer l'équilibre. Les deux premières lignes sont ensuite ajoutées aux besoins de financement pour aboutir à la valeur des émissions nécessaires pour équilibrer le tableau de financement. Dans le tableau de financement, le solde primaire est calculé sur la base de projections de PIB (croissance en volume et composante inflation), auquel on ajoute naturellement les intérêts à payer pour la période. On obtient in fine le montant de dettes à émettre.
Quelques hypothèses doivent être envisagées quant aux caractéristiques des dettes à émettre à compter de 2017. Le choix de la maturité s'est porté sur sept ans, ce qui ne correspond pas aux standards (deux ou dix ans pour les plus usitées), mais qui reflète la durée de vie moyenne de la dette relevée en 2016, chiffre relativement stable dans le temps. Dans un contexte de baisse des taux, il était favorable de maintenir cette vie moyenne et profiter pleinement de l'inertie des charges financières face à la remontée des taux. Mais cette stratégie ne fonctionne que si l'on conserve la confiance des marchés.
Nous avons calculé la valeur du coupon avec les taux de rendement anticipés sur la base des taux d'intérêt au comptant de 2017. Sur une longue période, notre choix conduit à l'hypothèse que les titres sont mis en vente au pair, pour un rendement correspondant à celui qui est requis par les investisseurs. Le calcul de ces taux implicites à dix ans5 repose sur un calcul classique de mathématiques financières, où le taux à dix ans dans cinq ans est construit avec les taux au comptant à cinq ans et quinze ans.
La courbe des taux actuels révèle dès à présent une hausse des taux anticipée par les acteurs des marchés. Le taux à dix ans devrait doubler d'ici à 2025.
Les finances publiques françaises à moyen terme
sous hypothèse de stabilité des taux
Le tableau 4 des financements prévisionnels s'appuie sur quelques hypothèses inspirées des conclusions retenues dans l'article de Heyer et al. (2010) sur les projections de dette publique à l'horizon 2030. La progression annuelle en volume du PIB est fixée à 1,5 %, valeur médiane de leurs hypothèses selon lesquels le PIB tendanciel se situerait à 1,4 % (2011-2020) et 1,6 % (2021-2030). Cet indicateur est utilisé pour évaluer les recettes fiscales. Il est pris en compte lorsque le solde primaire est non nul et comme référence pour les ratios de déficit et de stock de la dette publique négociable. L'inflation annuelle est estimée à 2 % (la valeur de remboursement des titres de dettes indexés sur l'inflation est ajustée en conséquence). Le déficit budgétaire est appréhendé selon deux indicateurs : le solde primaire et le solde global. Nous ferons l'hypothèse d'un solde primaire nul dans un premier temps.
Pour mémoire, les projections du Trésor pour les années à venir font état d'un solde primaire négatif en 2017 (– 0,7 % du PIB), puis 0,1 % et 0,9 % du PIB en 2018 et 2019. L'hypothèse d'un solde neutre n'est pas incohérente. L'objectif à moyen terme est un solde positif de 2 %.
La dernière ligne du tableau 4 (supra) enregistre les nouvelles dettes à émettre pour équilibrer chaque année le financement. Ces nouvelles dettes génèrent des coupons jusqu'à maturité qui sont pris en compte dans le tableau de financement des années suivantes, pour sept ans. Bien entendu, à l'échéance de cette nouvelle vague d'emprunt, il faudra à nouveau émettre des titres. Le renouvellement est irrésistible, tant que la dette n'aura pas sensiblement diminué. La dette à rembourser (amortissement) diminue tendanciellement, ce qui est naturel s'agissant de la dette actuelle. Mais elle est impactée par les nouvelles dettes émises qui sont reprises en dernière ligne.
Jusqu'en 2023, le montant de la dette à émettre diminue, mais reste important. L'année 2024 correspond à une augmentation car les nouvelles dettes émises à partir de 2017 arrivent à échéance à compter de 2024. Il faut à nouveau émettre de nouveaux titres. Pour les années suivantes, nous conservons le même ordre de grandeur. Qu'en est-il en réalité ? L'État va échelonner les maturités, de deux ans pour les BTAN les plus courts à cinquante ans pour les OAT les plus longues. Le phénomène que nous relevons en 2024 sera plus diffus, étalé sur plusieurs exercices, mais reste réel. Enfin nous avons ignoré les effets de la prime de terme qui accompagne naturellement les emprunts les plus longs et qui s'illustre par des taux un peu plus élevés. Cette négligence est secondaire dans un contexte de taux faible et de courbe des taux plate, mais elle deviendra une préoccupation supplémentaire à mesure que la hausse des taux s'installera.
La charge totale des intérêts sur la dette existante et sur les nouvelles dettes reste stable. Cela est assez logique dans la mesure où les dettes remboursées sont affectées d'un coupon ancien plus élevé que celui supposé accompagner les nouvelles émissions. Ainsi les titres à maturité 2014 affichaient un coupon moyen de 4 %, ceux de maturité 2020, la moitié. Pour les titres existants de maturité 2025, quatre lignes d'endettement sur cinq affichent un coupon de 1 %. Tout dépend des conditions de taux rencontrées lors de leur émission. Mais cette économie potentielle touche à sa fin et s'inversera irrésistiblement lorsque la hausse des taux commencera à produire ses effets. Nous ne bénéficierons plus, pour de très longues années, de ce free lunch…
Quoi qu'il en soit, on note dans le tableau 5 (infra) que la dette progresse en valeur absolue, comme en valeur relative rapportée au PIB6. Nous ne parvenons pas à engager un processus de désendette ment, alors même que le solde primaire est nul. Le seul élément positif vient du déficit, la part du déficit revenant à la charge des intérêts reste stable, mais dans un contexte de taux faibles et progressant peu.
Nous allons construire plusieurs scénarios pour évaluer quels objectifs financiers devraient être respectés pour maintenir le niveau de la dette à sa valeur actuelle, voire la ramener à des ratios compatibles avec les engagements européens :
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le solde primaire annuel qui maintiendra en 2027 le ratio « dette long terme négociable/PIB » à son niveau de 2017 (73,43 %) représente un excédent de 1,10 % du PIB, soit 25 Md€ pour 2017 ;
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sachant que notre ratio « dette/PIB « est d'environ 75 % tandis que la dette globale avoisine les 100 % du PIB, s'il fallait redescendre au niveau de dette préconisé par le traité européen à 60 % et 45 % de dette long terme négociable, ce même excédent primaire devrait flirter avec 3,6 % du PIB. Dans ce contexte, toujours sans hausse des taux, cela conduirait à enregistrer un solde budgétaire global positif oscillant entre + 1,8 % en 2018 et + 2,7 % en 2027 ;
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on sait que l'inflation permet aux emprunteurs de réduire le poids de la dette. On a mesuré combien cette préoccupation était vitale lorsque l'Europe frôlait la zone de déflation. Outre le cercle vicieux bien connu de ce mécanisme, l'empressement des États et de la BCE (Banque centrale européenne) à quitter cette zone rouge trouve aussi son explication dans leur endettement. La déflation dégrade la situation des emprunteurs.
Un niveau d'inflation annuel de 3,50 % serait nécessaire pour maintenir la dette au niveau actuel, sous hypothèse d'un solde primaire nul. Somme toute un montant supportable. Mais notre calcul ignore les variations de pouvoir d'achat qui s'ensuivent, la hausse des taux que ne manquerait d'accompagner un tel phénomène. Nous reprendrons ce point au dernier paragraphe. Revenir à 45 % du ratio « dette long terme/PIB » supposerait une inflation annuelle de 8,20 %. Les dommages collatéraux seraient conséquents et irrémédiables. Enfin, pour revenir à 45 % de stock de dette, un solde primaire positif de 2 % du PIB serait nécessaire accompagné d'un niveau d'inflation de 4,50 %.
En conclusion, notre analyse de la dette publique et de sa soutenabilité ne diverge pas des conclusions inquiétantes émises par bon nombre d'études. L'apport original de cette première simulation réside dans le chiffrage de quelques solutions, sans faire intervenir les modèles économétriques, mais en retenant une logique comptable et financière. Elle est plus précise, permet d'intégrer les vagues d'emprunts successifs, mais elle a le défaut de ne pas gérer les effets induits qui transitent par la sphère réelle de l'économique.
Les conséquences d'un relèvement des taux d'intérêt
Les anticipations de remontée des taux d'intérêt sont largement partagées. La hausse des taux va concerner les nouvelles dettes émises. L'endettement de l'État à taux fixe lui permettra de profiter de conditions avantageuses encore quelques années. La soutenabilité de l'endettement public mise en lumière au paragraphe précédent est encore fragilisée.
Dans les simulations qui suivent, la hausse des taux se manifeste au travers d'une hausse du spread de 100 points de base, soit un point de taux qui s'ajoute uniformément à la gamme des taux au comptant. Cette hausse correspond aux anticipations qui font consensus aujourd'hui dans les études de conjoncture. Les taux à dix ans « futur » sont ensuite recalculés. Ainsi le taux à dix ans dans cinq ans qui était de 1,77 % dans le paragraphe précédent passe à 3,28 %. Il est observé en 2017 à 0,83 %. Les hypothèses de base restent les premières valeurs envisagées en l'absence de hausse des taux : un solde primaire nul.
Les principales conséquences d'une hausse des taux seraient les suivantes :
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un supplément de dette publique négociable à l'horizon de 2027 d'un montant de 135 Md€ par rapport à la hausse de la dette mesurée sans hausse des taux supplémentaire. Cette hausse est la conséquence d'un déséquilibre accru du financement de l'État lié à la hausse des charges d'intérêts. Elle réduit la capacité de l'État à dégager un solde de trésorerie utilisé pour rembourser les emprunts actuels, au moins en partie. Exprimée en points de PIB, cette hausse représente 4 % en 2027. Les tentatives de projection sur les années suivantes accentuent le phénomène, mais il est connu que les mécanismes d'intérêts portent en eux des conséquences exponentielles à long terme ;
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une hausse de la charge des intérêts sur les nouvelles dettes conduit à émettre encore plus de dette ultérieure pour assurer l'équilibre du tableau de financement annuel. Cette hausse progresse année après année : aux intérêts des dettes émises dans l'année s'ajoutent ceux des dettes émises les années précédentes. En cumul, en 2027, cette hausse représente 135 Md€, un ordre de grandeur équivalent à la hausse de la dette.
Au final, sur dix ans, en valeur actualisée 2017, une hausse d'un point de taux générerait une dépense supplémentaire de 260 Md€, nouvelle dette et intérêts compris. Soit environ 11 % du PIB 2017.
Dernière étape de notre étude, si l'on tient pour acquis que la hausse des taux d'intérêt interviendra effectivement à court ou moyen terme, il faut envisager quels leviers permettront de contrôler la dette publique dans cet environnement défavorable. Nous allons reprendre l'analyse menée en contexte de stabilité des taux d'intérêt. Envisageons de modifier tout à tour, le solde budgétaire primaire, puis l'inflation.
Sous hypothèse d'une inflation « naturelle » de 2 %, le solde primaire excédentaire devrait passer à 1,44 % du PIB, pour maintenir la dette à son niveau actuel. Soit une hausse supplémentaire de 0,33 point par rapport au scénario sans hausse des taux. Pour 2017, cela représente un effort budgétaire de 7,6 Md€. Ramener la dette long terme négociable à 45 % du PIB, pour respecter le ratio de 60 % du PIB de dette publique, obligerait à atteindre un solde primaire excédentaire de 3,76 %.
Avec un solde primaire nul, si l'on reste sur le scénario de la hausse de l'inflation, celle-ci devrait atteindre 4 % pour maintenir la dette à son niveau actuel. Ce niveau entre en contradiction avec les objectifs de politique monétaire et conduirait vraisemblablement par feed-back à une hausse des taux d'intérêt. De plus, pour diminuer la dette avec un solde primaire nul, une inflation annuelle de 8,66 % serait nécessaire. Enfin, si l'on observe une inflation de 2 %, un solde primaire en excédent de 2 %, la hausse annuelle moyenne du PIB devrait atteindre 4,45 %. Nous sommes bien au-delà de la hausse tendancielle du PIB en France. Et pourtant, si la soutenabilité de la dette publique suppose que la hausse du PIB soit supérieure au taux d'intérêt, une croissance du PIB pourrait rapidement s'avérer insuffisante pour maintenir l'équilibre budgétaire face à la hausse des taux.
Conclusion
Les enseignements de cette étude confirment les inquiétudes légitimes que la dette publique suscite, craintes renforcées par la perspective d'une augmentation des taux d'intérêt. Même si Mario Draghi annonce en avril 2017 que la hausse n'est pas à l'ordre du jour, elle est déjà inscrite dans la courbe des taux au comptant. Le ralentissement du programme de rachat de la dette par la BCE pourrait déjà peser sur les taux constatés sur les marchés. Enfin, si les taux se sont installés en territoire négatif jusqu'à l'horizon de sept ans, cette anomalie ne sera pas éternelle.
Les résultats que nous avons obtenus reposent sur une analyse technique et dynamique des conditions d'équilibre du financement de l'État. L'étude de la décennie à venir révèle les besoins de financement nécessaires, son échéancier et les contraintes supplémentaires qu'ils génèrent en termes de charges d'intérêts. La prise en compte de la hausse des taux occulte la propagation des effets d'appauvrissement qu'elle génère tant pour les entreprises que pour les ménages emprunteurs. Nous les retrouvons toutefois par le biais du solde primaire calculé en pourcentage du PIB qui serait légèrement impacté à la baisse. De même, toute accélération de l'inflation alimentera la hausse des taux. Nos estimations chiffrées seraient donc optimistes.
Quant à la question de la soutenabilité de la dette, nos résultats montrent que le simple maintien de la dette à son niveau actuel exigera des efforts importants (inaccessibles ?), qu'il y ait ou non une hausse des taux. Dans l'éventualité d'une hausse, il faudrait dégager un excédent primaire annuel moyen de 1,5 %, pour seulement maintenir la dette publique négociable à son niveau de 2017. Vouloir ramener la dette publique dans le territoire des 60 % et la dette négociable à 45 % obligerait à augmenter l'excédent à 3,70 %. Même si l'on prend en compte l'inflation comme « alliée », les marges de manœuvre restent très étroites. Enfin s'engager sur un chemin même long du désendettement se révélera être un chantier titanesque.
Dans ce contexte de surendettement, on recherche les dernières opportunités liées à la restructuration de la dette. Profiter le plus longtemps possible de la mémoire des taux proches de 0 % que nous constatons depuis quelques années passe par un allongement important de la durée de vie moyenne de la dette, et pourquoi pas émettre plus d'OAT à taux zéro. Quelques entreprises françaises ont émis récemment des emprunts à cent ans. La demande était abondante, les taux servis raisonnables. L'État français bénéficie encore d'une réputation financière solide. Il faut peut-être en profiter, au plus vite…