L'espérance de vie augmente régulièrement dans la plupart des pays développés depuis plusieurs décennies. Cette amélioration est anticipée grâce à des tables de mortalité prospectives qui prennent en compte l'évolution probable des taux de mortalité. Les fonds de pension, les assureurs et les réassureurs qui ont des engagements de rentes dans leurs passifs font face au risque de longévité, c'est-à-dire au risque que l'allongement de la durée de vie humaine progresse plus vite que prévu. Depuis la tentative avortée de titrisation du risque de longévité avec l'émission d'un longevity bond en 2005 par l'European Investment Bank, BNP Paribas et Partner Re qui n'a pas trouvé son public d'investisseurs, de nombreuses transactions privées ont eu lieu, mais nous sommes encore très loin des prémices d'un marché liquide de la longévité. Les opérations de titrisation du risque de mortalité extrême, les mortality bonds, ont été nombreuses. Plus récemment, la titrisation Kortis Capital a permis à Swiss Re de se protéger contre le risque de divergence entre les risques de longévité (et mortalité) du Royaume-Uni et des États-Unis sur une maturité de huit ans. C'est la seule opération qui transfère le risque de longévité aux marchés des capitaux, mais sa maturité est bien plus courte en comparaison de celle de la tentative de longevity bond de 2005 (vingt-cinq ans).
Les fonds de pension ont toutefois eu recours à des transferts de risque de longévité à de nombreuses reprises durant ces dernières années (voir Blake et al. (2018) pour une synthèse de ces opérations). Il s'agit soit de buy-in, opération dans laquelle le preneur de risque, souvent un assureur, achète le risque à l'intérieur du fonds de pension, qui continue à servir les rentes à ses bénéficiaires, en présence des arrangements habituels de gestion, soit de buy-out, opération dans laquelle l'assureur achète le risque en « l'arrachant au fonds de pension » et devient responsable des opérations, ou encore de longevity swaps dans lesquels le cédant et le preneur de risque (qui peut être un organisme d'assurance ou une banque, rentrant souvent elle-même dans des petits swaps avec des investisseurs) échangent une jambe fixe correspondant aux flux estimés par une table de mortalité intégrant une marge pour risque contre une jambe variable correspondant aux flux réels.
Comment ces différents acteurs font-ils pour donner un prix au risque de longévité ? Dans cet article, nous commençons par décrire le risque de longévité et ses composantes biométriques et financières, ainsi que les risques sociétaux induits. Dans une deuxième partie, nous décrivons les approches réglementaires, financières et actuarielles utilisées par ces acteurs et par les régulateurs pour quantifier le risque de longévité. Nous revenons en particulier en détail sur la notion centrale d'actualisation et de taux d'intérêt long terme, ainsi que sur les aspects subjectifs de cet exercice difficile.
Le risque de longévité : un risque,
plusieurs composantes
Avant d'aborder la question du prix potentiel du risque de longévité, il convient d'en décrire toutes les composantes. La longévité semble plutôt un bienfait, pourvu que les sujets qui en bénéficient jouissent en même temps d'une bonne santé suffisamment longtemps. Toutefois, inévitablement, le fait que l'on vive plus longtemps que prévu constitue un risque pour les fonds de pension, les gouvernements, les assureurs et toutes les institutions qui ont des engagements viagers ou en cas de survie jusqu'à un âge élevé. On distingue généralement deux grandes composantes du risque de longévité : les risques dits « biométriques », liés à la longévité humaine proprement dite, et les risques financiers liés aux contrats de rentes ou aux engagements de long terme. Il faut y ajouter des risques réglementaires et des risques sociétaux associés.
Risques biométriques
El Karoui et Loisel (2017) décomposent le risque biométrique de longévité en quatre composantes principales. La première composante est le risque d'échantillonnage, parfois confondu avec le risque de niveau par certains réassureurs : il s'agit du risque d'une mutualisation imparfaite, provenant du fait que la loi des grands nombres ne s'applique pas parfaitement à cause de la taille finie de la population ou du portefeuille de rentes considéré. Ce risque est d'autant plus important que la taille de la population est petite. L'expression « risque de niveau » provient du fait qu'en cas de population de taille modeste (quelques dizaines de milliers de personnes), l'estimation du niveau des taux de mortalité reste délicate et soumise à des intervalles de confiance trop larges. Le second risque est celui des oscillations « saisonnières » autour de la tendance, générant un aléa non diversifiable sur une population nationale, par exemple. Ce risque est la conséquence de pics de chaleur comme la canicule de 2003 en France, ou de différences de virulence des épidémies de grippe d'une année sur l'autre. En général, ce risque a un impact relativement faible pour ce qui est de la longévité, car il ne fait que décaler les décès de quelques mois, les individus les plus fragiles décédant quelques mois plus tôt ou plus tard. Il peut néanmoins engendrer de graves complications en cas de surréaction des dirigeants de fonds de pension, d'entreprises du secteur de l'assurance et de la réassurance ou encore de responsables des pouvoirs publics ou d'organismes de supervision.
La composante principale du risque de longévité reste celle de changement de tendance : si la vitesse de progression de la longévité augmente, l'impact reste marginal pendant plusieurs années, puis devient progressivement de plus en plus important. C'est un risque de long terme, difficile à maîtriser, et qui est soumis à un risque important de fausse alarme ou de surréaction. Il est en effet possible d'avoir une accélération suivie d'une décélération, ou l'inverse, par des phénomènes de rattrapage ou de temps long : par exemple, la mortalité des femmes danoises a présenté des ruptures importantes par rapport aux autres populations des pays voisins, du fait de spécificités liées à la consommation de cigarettes. Les effets des comportements de tabagisme et de la lutte antitabac se faisant sentir environ trente ans plus tard, des phénomènes de retard et de rattrapage doivent être analysés finement afin d'éviter de prolonger des tendances rapides qui n'ont pas lieu d'être après la fin de la phase de rattrapage. Plus généralement, les politiques publiques jouent un rôle important et peuvent entraîner notamment des stagnations temporaires dans certains pays qui auraient un potentiel d'amélioration de la longévité plus rapide.
La plupart des modélisations de longévité de fonds de pension ou de portefeuilles de rentes se font en relatif par rapport à une population de référence, le plus souvent la population nationale du pays concerné ou la population assurée si des tables sont disponibles. Certains mécanismes de transfert de risque, notamment les swaps de longévité, voient leurs flux financiers basés sur la population nationale, dans un souci de standardisation et de gestion du risque d'asymétrie d'information pour les investisseurs. Tout cela induit un risque de base, c'est-à-dire le risque que l'évolution de la longévité de la population d'intérêt diffère de celle de la population de référence, ou tout au moins que le lien entre les évolutions passées des longévités de ces populations ne change (Salhi et Loisel, 2017).
L'une des causes potentielles du risque de base correspond à l'impact des caractéristiques individuelles, aussi appelées traits des membres de la population d'intérêt et de leurs changements au cours du temps. En particulier, la longévité des pays du nord de l'Europe tend à stagner, voire à régresser légèrement pour certains d'entre eux ces dernières années, alors que celle des pays du sud de l'Europe continue à progresser. L'une des questions que l'on peut se poser est celle des migrations des retraités aisés : certains pays comme le Portugal attirent les retraités des pays du nord avec des avantages fiscaux et avec un cadre de vie très agréable ; nombre d'Anglais passent la majeure partie de leur retraite dans le sud de la France. Or, dans les statistiques nationales, ces « retraités migrants » sont comptabilisés au bout d'un an dans leur nouveau pays de résidence. Il est donc légitime de se demander si le gradient nord-sud de vitesse de progression de longévité n'est pas en partie dû à un effet de sélection, les plus riches retraités du nord, dotés d'une meilleure longévité moyenne, partant au sud, tandis que restent dans les pays du nord des individus moins riches en moyenne, dotés d'une longévité inférieure à la moyenne. Il est donc nécessaire de ne pas se limiter à une analyse économétrique des taux de mortalité, mais bien d'étudier la population dans son ensemble, la répartition des caractéristiques des individus qui la composent et leur évolution dans le temps, afin d'éviter le piège des non-linéarités qui vont nécessairement en résulter au niveau des taux de mortalité.
Dans tous les cas, le fait que les plus riches vivent en moyenne plus longtemps dans la plupart des pays nécessite de prendre garde à ces caractéristiques, car le montant de leur rente est supérieur à la moyenne. Toute méthode qui se baserait sur la longévité d'un rentier moyen sans marge de prudence sous-estimerait donc les flux moyens futurs à payer pour le portefeuille de rentes. Au-delà de cet aspect, la longévité des cadres dirigeants peut également poser des problèmes de démutualisation, en particulier lorsque les écarts de montants de rentes servies sont très importants. Cela conduit d'ailleurs certains fonds de pension à transférer les tranches les plus aisées de leur portefeuille vers des organismes d'assurance ou des institutions financières, du fait du risque d'échantillonnage global engendré par ces classes supérieures favorisées à l'extrême.
Les démographes ne sont pas d'accord entre eux sur les vraisemblances respectives des différents scénarios : Olshansky et al. (1990) privilégient l'hypothèse d'un âge limite biologique qui joue le rôle de barrière (qui peut se décaler dans certaines approches, mais très lentement) et est à la source d'une rectangularisation des courbes de survie ; Oeppen et Vaupel (2002) pensent que les progrès de la médecine vont permettre à l'espérance de vie dans le pays leader (en termes d'allongement de l'espérance de vie) de continuer sa croissance affine, grâce à l'élimination ou à la forte réduction de certaines causes de mortalité.
Un troisième courant, celui des transhumanistes, va beaucoup plus loin : Aubrey de Grey affirme que la personne qui vivra mille ans est déjà sur terre et a environ 40 ans aujourd'hui. Le point de vue des transhumanistes est qu'il sera bientôt possible de ralentir, voire d'inverser dans certains cas le vieillissement cellulaire (voir De Grey, 2002). Même s'il y a de nombreuses façons d'interpréter le point de vue des transhumanistes (Dieltiens et al., 2019), ce scénario serait rédhibitoire pour la plupart des assureurs et des fonds de pension.
D'autres scientifiques, aux antipodes des transhumanistes, pointent les risques de mortalité qui pèsent sur l'espèce humaine et dont les effets seraient potentiellement atténuateurs pour le risque de longévité : la pollution, la résistance aux antibiotiques, l'émergence de nouveaux virus, les conflits sont autant de menaces pour l'Homme et des freins à la progression de la longévité, à la fois imprévisibles et pouvant s'avérer puissants.
Risques financiers
S'ils ont pu se matérialiser en partie dans les vingt dernières années, les risques biométriques de longévité n'ont vraiment pris de l'ampleur qu'à cause de la chute des taux d'intérêt. En effet, auparavant, l'actualisation (à des taux supérieurs à 4 % par an) des engagements des fonds de pension et des assureurs écrasait les passifs de maturités supérieures à vingt-cinq ans et les risques qui y étaient associés. En régime de taux bas, les engagements de long terme deviennent bien plus sensibles aux risques biométriques, et en particulier au risque de changement de tendance de longévité. Même si la corrélation entre les facteurs de risque de taux d'intérêt et de longévité était indépendante (ce qui est finalement assez difficile à juger), le risque de taux a un impact direct sur les risques biométriques de longévité, en jouant le rôle d'amplificateur ou d'atténuateur.
Selon les cas, le risque de taux peut jouer sur l'actualisation des flux et la détermination du taux technique utilisé pour convertir à une date donnée un capital en rente, ou bien directement sur la performance de l'actif lorsqu'une partie des investissements sont réalisés en obligations. Plus généralement, la performance financière et les risques liés à la gestion actif-passif peuvent être considérés comme faisant partie du risque de longévité au sens large, dans une vision LDI (Liability-Driven Investment). Une indexation par rapport à l'inflation est parfois présente dans les garanties offertes par les fonds de pension. Dans ce cas, la différence entre taux d'intérêt et inflation peut devenir plus importante que la dynamique des taux d'intérêt eux-mêmes pour la gestion des risques du fonds de pension. Récemment, beaucoup de fonds de pension et de régimes de retraite ont abandonné l'indexation stricte sur l'inflation en introduisant une limite maximale de désindexation, ou en désindexant purement et simplement les rentes de l'inflation.
Lorsque les assureurs ou les fonds de pension gèrent leur risque biométrique de longévité, leur risque de taux ou les deux en achetant, par exemple, un panier de « swaptions » (voir Bensusan et al., 2016, pour plus de détails), ils prennent le risque de cristalliser un taux bas pour tout le futur. C'est la raison pour laquelle de nombreux fonds de pension ont été très réticents à l'idée de transférer leur risque de taux et ont choisi de le conserver, faisant le pari d'une remontée des taux dans la décennie à venir. Ces organismes craignaient également le risque de contrepartie : dans un contexte post-Lehmann Brothers, comment faire confiance à un organisme tiers pour offrir une protection fiable sur cinquante ans ?
Risques réglementaires
Les fonds de pension et les assureurs sont soumis à une réglementation qui évolue dans le temps, avec une tendance vers la prise en compte du risque au lieu des seuls volumes d'activité (Solvabilité II pour les assureurs et réassureurs européens et IORP (Institutions for Occupationnal Retirement Provision) pour les fonds de pension), mais aussi avec une tendance à la myopie, puisque le référentiel Solvabilité est fondé sur la mesure d'un quantile de changement de valeur économique de la position de l'assureur à l'horizon de risque d'un an. Même s'il est demandé aux organismes assureurs de la plupart des grandes zones géographiques (Europe, Amérique du Nord, Australie entre autres) d'étudier des scénarios de moyen terme et leur conséquence sur leur solvabilité et leur profitabilité futures, cela reste à l'horizon d'un business plan (trois ans à cinq ans). De plus, la quasi-totalité des assureurs et réassureurs ont abandonné les mesures de risque comme le LTEC (long term economic capital) pour se concentrer uniquement sur le STEC (short term economic capital), capital économique lié à Solvabilité II avec un horizon d'un an. Les normes comptables internationales IFRS (International Financial Reporting Standards) renforcent ce court-termisme en remettant en cause un certain nombre d'amortisseurs qui permettaient aux assureurs et réassureurs d'investir sur le plus long terme plus sereinement.
En dépit de tentatives de faire converger les différents systèmes réglementaires d'assurance, notamment en termes de solvabilité, les fonds de pension restent soumis à des cadres réglementaires assez différents d'un pays à l'autre, notamment en termes de respect de taux de financement, ce qui génère plus ou moins d'appétit des fonds de pension pour l'achat de protection ou le transfert de risque.
Ces changements réglementaires passés peuvent être considérés comme relativement indépendants de l'évolution de la longévité, mis à part peut-être les scénarios à la base du calcul du risque de longévité et de mortalité dans la formule standard de Solvabilité II. Toutefois, l'un des risques principaux pour les assureurs et les fonds de pension correspond au risque de mise à jour des tables de mortalité prospectives réglementaires. On pourrait penser que les hypothèses actuarielles portant sur la longévité sont mises à jour au fur et à mesure. En réalité, dans certains cas, il faut qu'une table réglementaire soit construite à partir des données des différents assureurs. Ceux-ci disposent donc d'une capacité à faire traîner collectivement le processus d'élaboration des nouvelles tables, ce qui pose un clair problème de gouvernance en termes de régulation de l'activité. De plus, cela entraîne des corrections potentiellement violentes, qui ne respectent pas parfaitement l'équité intergénérationnelle. À titre d'exemple en France, pour la population assurée, les tables prospectives TPRV93 de 1993 ont été mises à jour en 2005-2006. Cette mise à jour a entraîné une augmentation d'environ 8 % des provisions mathématiques (valeurs actuelles des engagements) pour le marché de l'assurance vie français. Les tables réglementaires TGH-TGF05-06 auraient probablement dû être revues il y a quelques années. Sans pression forte du régulateur, les assureurs peuvent continuer à repousser le chantier, quitte à subir dans quelques années une correction plus importante. Cela n'empêche pas les assureurs les plus exposés de surveiller la longévité de leurs assurés comme le lait sur le feu, sans attendre le changement réglementaire pour réagir.
Si le risque de changement de table réglementaire est un risque plutôt défavorable pour les assureurs, ceux-ci peuvent à l'inverse espérer une évolution favorable de la réglementation si la longévité progressait beaucoup plus rapidement que prévu. En effet, le régulateur allemand a récemment permis aux assureurs vie allemands qui avaient promis des taux minimums garantis intenables par le passé et étaient menacés de défaut de ne pas tenir leurs promesses envers leurs assurés, puisque c'était le seul moyen de les sauver de la faillite. Certains dirigeants sont donc plus enclins à prendre du risque de longévité ou à le garder, en se disant que la réglementation évoluera nécessairement si tout le monde ou presque tout le monde est concerné. Cela pose la question du comportement moutonnier et a également des impacts sur le comportement des bénéficiaires, en particulier sur leur confiance dans les organismes d'assurance ou dans les fonds de pension pour tenir leurs promesses sur le très long terme.
Risques sociétaux associés
L'accroissement de la longévité peut avoir des conséquences sociétales importantes. Outre le vieillissement de la population, la question du cinquième risque, celui de la dépendance, devient centrale dans la plupart des pays développés. Va-t-on vivre plus longtemps ? Cette question est bien évidemment fondamentale. Mais la question suivante, « va-t-on vivre plus longtemps en bonne santé ? » revêt une importance encore plus capitale. S'il est très difficile de prédire la longévité future, il est encore plus difficile de prédire les taux de passage et de maintien en affections de longue durée et en état de dépendance, au pluriel puisqu'il existe dans toutes les échelles de mesure de la dépendance différents niveaux de gravité de dépendance. Il est encore plus délicat d'estimer le coût futur de prise en charge de cet état de dépendance et de se projeter dans un système où les rôles futurs des États et des organismes d'assurance restent très incertains.
D'autres risques peuvent être induits par la longévité, par exemple le risque de chômage des séniors, que certains voient atténué par l'émergence probable d'une silver economy. Les personnes dont les âges sont compris entre 65 ans et 75 ans sont en général bien plus en forme que ne l'étaient leurs parents à ces âges, ce qui devrait amener la société à évoluer pour en tenir compte. Le risque de longévité peut aussi entraîner une augmentation mécanique de la population mondiale, avec les défis que cela peut représenter en termes d'impact sur l'environnement. L'augmentation de la longévité et l'évolution des comportements peuvent aussi favoriser une hausse du nombre de partenaires avec lesquels un individu se met en couple pendant une période de sa vie, ce qui peut poser des problèmes de protection des conjoints survivants, avec le morcellement des rentes de réversion au prorata temporis du temps passé avec chaque partenaire.
Comment ces composantes du risque
de longévité sont-elles évaluées ?
Contrairement à la notion de prix en finance mathématique qui est liée (en marché complet, en absence d'opportunité d'arbitrage et sous certaines hypothèses techniques supplémentaires) au prix de la stratégie de couverture à mettre en place, le prix du risque de longévité doit être envisagé en marché incomplet, puisqu'il n'existe pas à ce jour de marché liquide du risque de longévité. Des banques et des assureurs sont à l'origine de la Life and Longevity Markets Association (LLMA) dont le but est de favoriser l'émergence d'un marché du risque de longévité. Nous en sommes encore très loin, car la plupart des transactions sont privées et car la capacité de prise de risque de longévité est très inférieure aux capitaux sous risques qui se chiffrent en dizaines de milliers de milliards d'euros.
Méthodes d'évaluation actuarielles et financières
En marché incomplet, la méthode d'évaluation financière repose sur le choix d'une mesure risque-neutre, par exemple grâce à des principes d'indifférence d'utilité ou d'indifférence d'utilité locale, puis par le calcul d'une espérance sous la probabilité ajustée du risque.
Les méthodes actuarielles sont plutôt basées sur le monde réel, en ajoutant à la moyenne des flux futurs actualisés (appelée dans la réglementation Best Estimate of Liabilities – BEL) une marge pour risque. En pratique, beaucoup d'assureurs utilisaient par le passé une marge pour risque proportionnelle à la moyenne, ou proportionnelle à l'écart type en présence de volatilité forte. Solvabilité II a changé la donne, puisque la marge pour risque, supposée s'ajouter à la moyenne du monde réel pour former un prix de transfert théorique, est obtenue dans cette réglementation en faisant la somme des Solvency capital requirements (SCR, capitaux de solvabilité requis fondés en théorie sur un quantile à 99,5 % de la perte de valeur économique à horizon un an) actualisés à constituer. Dans une démarche enterprise risk management (ERM), on peut même faire appel au coût d'immobilisation du capital économique au lieu du coût d'immobilisation du SCR. Les SCR peuvent être obtenus soit en utilisant une formule standard, soit en utilisant un modèle interne. Il est également possible d'utiliser un modèle interne partiel pour une partie de l'univers des risques ou de remplacer certains paramètres de la formule standard par des undertaking specific parameters (USP), à condition de démontrer au superviseur que ces paramètres sont bien adaptés aux particularités du modèle d'affaires de l'assureur. Lorsqu'ils sont obtenus en formule standard, les SCR sont la plupart du temps calculés à partir d'une différence entre un BEL dans un scénario central et la même quantité recalculée dans un scénario de stress (par exemple, une diminution permanente des taux de mortalité pour ce qui concerne le risque de longévité). Comme l'assureur bénéficie d'un effet de diversification entre les différents modules et sous-modules de risque (d'assurance non-vie, d'assurance- vie, de finance, d'assurance-santé, etc.), le prix obtenu avec l'ajout de cette marge pour risque ne sera pas le même chez deux assureurs différents, même si leurs risques de longévité étaient identiques. Ce phénomène est décuplé pour les « gros » assureurs qui utilisent un modèle interne, faisant généralement la part belle à la diversification.
Pour les fonds de pension qui ne sont pas soumis à Solvabilité II et qui souhaiteraient faire certifier une table de mortalité prospective propre à leur population, on retrouve là aussi une marge de risque implicite, puisque les hypothèses actuarielles sous-jacentes à la construction de la table doivent contenir une marge de prudence, dont l'épaisseur est toutefois laissée à l'appréciation du fonds de pension et du certificateur de la table.
Dans les deux cas, les méthodes d'évaluation actuarielles ne sont pas si différentes de l'approche financière traditionnelle, puisqu'une sorte de distorsion des probabilités est appliquée soit avant de prendre l'espérance (en finance pour l'approche risque-neutre et pour les fonds de pension avec les hypothèses actuarielles prudentes), soit a posteriori, mais avec des calculs faits avec des mesures de risque comme la value-at-risk (dans Solvabilité II dans l'Union européenne) ou la tail-value-at-risk (dans le Swiss Solvency Test en Suisse) qui peuvent elles-mêmes être vues comme des mesures de distorsion.
Taux d'intérêt à long terme pour le risque de longévité
L'un des ingrédients principaux du prix du risque de longévité est le modèle de taux d'intérêt utilisé. La réglementation impose parfois l'utilisation de courbes de taux particulières, en faisant jouer des amortisseurs comme l'ultimate forward rate dans Solvabilité II qui permet, en forçant des taux long terme élevés, de maintenir en vie certains assureurs, dont certains assureurs allemands en grande difficulté. Le modèle de taux utilisé doit être market consistent (cohérent avec les prix de marché), ce qui pose de nombreux problèmes théoriques et pratiques expliqués dans El Karoui et al. (2017) et Borel-Mathurin et al. (2019).
La modélisation d'un taux d'actualisation long terme a été étudiée dans la littérature économique (voir, par exemple, Gollier, 2007), pour différents enjeux d'envergure notamment pour le financement de projets écologiques. Elle est basée sur la théorie de l'équilibre général, qui n'est pas toujours assez flexible et adaptative pour appréhender le long terme. Notamment la question de l'hétérogénéité des acteurs économiques est souvent minimisée dans l'application concrète qui est une version simplifiée de cette théorie. Le concept d'utilité progressive permet de proposer des améliorations de ces points.
La fixation des taux d'intérêt long terme repose sur l'hypothèse que l'économie est à l'équilibre et que son fonctionnement est analogue à celui d'une économie avec un seul agent (l'agent représentatif ou central planner) qui va prendre des décisions cohérentes selon un critère de préférence (représenté par une fonction d'utilité) qui est une résultante de cet équilibre. Le calcul d'un taux d'actualisation tel que proposé par Ramsey (1928) peut être interprété comme une fonction de la quantité de bien-être/d'utilité à sacrifier aujourd'hui pour financer des projets dans le futur. Le calcul d'un taux d'actualisation long terme est donc relié à l'utilité de l'agent représentatif. La formule de Ramsey relie le taux d'actualisation à l'utilité marginale de la consommation agrégée à l'équilibre. L'hétérogénéité des économies rend très complexe le critère de préférence de cet agent représentatif. Néanmoins, par simplicité, la fonction puissance est souvent prise pour fonction d'utilité de l'agent représentatif. Mais cela masque l'hétérogénéité car une utilité agrégée puissance implique une économie homogène avec des critères de préférence identiques pour tous les acteurs (El Karoui et al., 2018). De même, un équilibre standard à la Leland et Pyle (1977), dans un marché complet markovien, ne peut être obtenu que dans un modèle d'économie très simplifié, correspondant à un noyau d'évaluation qui est nécessairement un mouvement Brownien géométrique et la fonction d'utilité de l'agent représentatif ne peut qu'être un mélange d'utilité puissance (El Karoui et Mrad, 2018b).
Par ailleurs, bien que la règle de Ramsey soit très simple, il n'existe pas de consensus parmi les économistes concernant les valeurs des paramètres (comme, par exemple, sur la valeur du taux de préférence pour le présent), ce qui conduit à des taux d'actualisation qui peuvent être très différents. Les économistes semblent unanimes (cf. Hourcade et Lecocq, 2004) sur la nécessité d'un schéma de décision dynamique qui permet de réviser les premières décisions à la lumière de nouvelles informations et des résultats des premières expériences. Cependant les utilités déterministes n'incorporent pas la possibilité de changements de préférence des agents au cours du temps et de l'évolution aléatoire de l'environnement économique, financier ou démographique. Et pourtant, à des horizons lointains comme pour les produits dérivés de longévité, les changements et les bouleversements sont encore plus probables que sur des échéances à plus court terme.
Il faut donc donner plus de degrés de liberté dans le fonctionnement des utilités qu'il faut prendre stochastiques (et non plus déterministes) afin de pouvoir intégrer de façon dynamique l'appréciation du passé dans le critère de décision, comme cela est fait dans les méthodes d'apprentissage. C'est ce que propose le concept d'utilité progressive (El Karoui et al., 2018a, 2018b ; El Karoui et Mrad, 2018). Ce sont des utilités qui s'adaptent au fur à mesure des changements aléatoires de l'environnement. Elles permettent de modéliser les changements de pré férence des agents au cours du temps, ce qui est important, d'autant plus lorsqu'on s'intéresse à des évaluations économiques à long terme. La théorie des utilités progressives permet de construire une utilité représentative agrégée de l'économie, sous une hypothèse de non arbitrage (qui est plus faible que celle d'existence d'un équilibre). Cette utilité est en quelque sorte « calibrée » à partir de la richesse agrégée de l'économie et des noyaux d'évaluation agrégés (correspondant à la somme, respectivement des richesses et des noyaux d'évaluation, des agents). Par ailleurs, l'étude des utilités progressives mettant l'accent sur la dépendance des processus par rapport à leur condition initiale, elles sont donc particulièrement bien adaptées pour étudier la dépendance et la non-linéarité des processus macroéconomiques en fonction des indices économiques.
Les utilités dynamiques progressives sont donc particulièrement adaptées pour la modélisation des taux d'intérêt long terme en apportant un cadre suffisamment flexible pour prendre en compte les évolutions des critères de préférence dans le temps, ainsi que l'hétérogénéité des agents, ce qui est important dans le calcul d'un taux d'actualisation agrégé long terme. Afin de concilier le compromis entre complexité due à l'hétérogénéité et maniabilité des critères de décision, des mélanges d'utilités dynamiques puissantes fournissent des critères de décision qui sont relativement simples, compréhensibles et interprétables par les décideurs.
Par ailleurs, indépendamment du modèle de taux d'intérêt utilisé, le prix de certains risques financiers est potentiellement mis à zéro par certains gestionnaires de fonds de pension qui sont souvent réticents à l'idée de cristalliser des taux bas en achetant des « swaptions ». Ce prix subjectif est renforcé par la crainte du risque de contrepartie sur des horizons particulièrement longs.
Importance des régulateurs
Le fait que les taux de couverture des engagements des fonds de pension soient plus encadrés dans certains pays que dans d'autres modifie les équilibres et les prix que les fonds de pension sont prêts à payer pour transférer certains risques de longévité. C'est notamment le cas au Royaume-Uni, ce qui fait qu'il a été pendant plusieurs années plus facile pour un assureur ou un réassureur d'acheter du risque de longévité au Royaume-Uni qu'aux États-Unis, par exemple. Nous verrons que cela aura un impact sur le prix et sur la gestion des grosses masses de risque de longévité et de mortalité.
La reconnaissance du transfert de risque par le régulateur est également un élément crucial de la formation du prix et de la construction des solutions de transfert de risque de longévité. Certains régulateurs comme le régulateur hollandais ne reconnaissent pas vraiment le transfert de risque de longévité si les flux financiers liés au produit sont basés sur un indice de longévité national et non sur la population du fonds de pension. D'autres régulateurs exigent que la modélisation du risque de longévité couvre l'ensemble de l'évolution de la population assurée jusqu'au dernier décès, ce qui complique énormément les choses pour des queues de portefeuilles très aléatoires et qui sont souvent gérées par une transaction de clôture du portefeuille, alors qu'il vaudrait mieux être beaucoup plus fin sur la période pendant laquelle l'essentiel du risque peut se matérialiser, pour un budget de temps de calcul donné. En effet, les simulations faisant intervenir des mécanismes comptables et des logiciels qui ne sont pas faits pour la simulation intensive se révèlent souvent très longues à mettre en œuvre, avec le risque induit que les scénarios défavorables ne soient pas suffisamment explorés par un jeu de simulations limité à quelques milliers, alors qu'il en faudrait des millions pour estimer correctement les quantiles recherchés, même en négligeant tous les autres risques de modèle. Cela peut parfois affecter les prix de manière significative.
Prix et pouvoir de diversification
Le marché de la longévité est souvent vu, à juste titre, comme un marché à sens unique. Il est difficile de trouver des preneurs de risque. La diversification géographique du risque de longévité est assez limitée en comparaison aux risques d'assurance plus traditionnels (catastrophes naturelles, automobile, etc.), car les progrès de la médecine incertains concernent toute la population mondiale. Comme mentionné plus haut, les assureurs mondiaux ont le pouvoir de diversifier ce risque avec d'autres risques d'assurance, comme les risques automobile, les multirisques habitation, ou de catastrophes naturelles, qui même s'ils sont corrélés à la mortalité puisque les catastrophes majeures engendrent des décès restent en réalité très peu corrélés à la longévité du fait du petit nombre de victimes de ces catastrophes au regard des populations nationales.
Lorsqu'on parle de diversification, on pense forcément au risque de mortalité, qui peut être vu comme une source de couverture dite naturelle du risque de longévité. Il existe d'ailleurs au niveau mondial une énorme accumulation de risque de mortalité, notamment aux États-Unis pour les tranches d'âges de 50 ans à 65 ans. Il s'agit des personnes qui épargnent pour leur retraite et protègent leur famille contre leur risque de décès prématuré. L'exposition du marché de l'assurance est majeure et elle déséquilibre le bilan des réassureurs majeurs qui étaient auparavant très bien diversifiés. Cette accumulation de risque de mortalité attise la tentation de compenser ce risque avec l'achat de risque de longévité. Mais ces deux risques sont-ils parfaitement négativement cor rélés ? Dans Solvabilité II, le paramètre de corrélation entre les modules de risque de longévité et de mortalité est l'un des très rares à être négatifs, ce qui montre que les régulateurs reconnaissent l'efficacité de cette couverture naturelle, mais pas à 100 %. En réalité, les tranches d'âges concernées pour lesquels l'évolution des taux de mortalité est la plus cruciale ne sont pas les mêmes pour les deux risques (50 ans à 65 ans pour le risque de mortalité, plutôt de 70 ans à 85 ans pour le risque de longévité). Les populations exposées ne sont pas les mêmes. Les scénarios extrêmes sont très différents. Pour le risque de mortalité, le scénario extrême principal correspond à une pandémie à court terme, alors que pour le risque de longévité, le scénario extrême redouté est celui d'un changement de tendance, qui prend de l'ampleur graduellement sur le long terme.
Toutefois, plusieurs réassureurs majeurs ont été tentés de gérer leur surexposition au risque de mortalité américain en prenant du risque de longévité là où les conditions étaient les plus favorables, c'est-à-dire au Royaume-Uni. Ils font donc face à un risque de base, car les populations peuvent évoluer différemment. Ce risque a été jugé suffisamment important par Swiss Re pour lancer une opération de titrisation de maturité huit ans appelée Kortis Capital. Les investisseurs ont accepté de prendre un risque financier lié à un indice de divergence de longévité entre les deux populations nationales, pour les classes d'âges correspondant aux expositions principales de l'émetteur. Toutefois, le réassureur est toujours soumis à un risque de base résiduel, puisque la divergence entre les longévités des populations nationales pourrait très bien ne pas coïncider avec celle des populations assurées par ses cédantes.
Le prix des différentes composantes du risque de longévité
Le prix de transfert du risque de longévité qui a pu être observé lors de la conclusion de transactions privées de type longevity swaps, buy-in et buy-out dépend de plusieurs paramètres. Tout d'abord, le trade-off classique entre risque d'asymétrie d'information du point de vue de l'investisseur et risque de base du point de vue du cédant fait qu'il est bien moins cher d'utiliser un longevity swap standardisé (basé sur l'évolution de la population nationale) qu'un longevity swap customisé (basé sur l'évolution réelle de la population de rentier sous-jacente).
En cas de buy-in ou de buy-out, la question du prix est aussi celle du moment auquel il faut le payer. Les fonds de pension préfèrent bien évidemment les solutions qui limitent le montant à payer initialement et privilégient le lissage du prix sur la durée du contrat, par l'intermédiaire d'une marge de prudence sur les hypothèses de longévité future utilisées pour calculer le prix.
Le prix du transfert de risque sera d'autant plus intéressant pour le fonds de pension que le risque d'échantillonnage est grand, puisque cela veut dire que les risques non diversifiables sont moins importants, et qu'il est possible de gagner en mutualisation par l'assurance ou la réassurance. C'est pour cela que certains fonds de pension acceptent de payer un prix même élevé pour transférer le risque lié à la longévité des tranches les plus fortunées de leur portefeuille, alors qu'ils ne sont pas prêts à transférer le risque pour le reste du portefeuille.
Le prix est aussi fonction du caractère typique ou atypique de la population du fonds de pension. Si les caractéristiques de la population assurée sont relativement semblables à celles de la population assurée nationale ou de la population nationale, alors le fonds de pension sera avantagé dans la négociation. Si le risque est spécifique (population très éduquée, ou localisée dans une région favorisée, par exemple), alors le prix du transfert de risque peut être beaucoup plus important, du fait du risque de base et de l'incertitude qui l'accompagne.
En amont, la tarification et le provisionnement des rentes viagères et des contrats d'assurance décès offerts par certains assureurs dans les pays anglo-saxons peuvent faire intervenir le code postal au Royaume-Uni ou même des tests ADN aux États-Unis. Cela pose la question de l'hyper-individualisation des contrats d'assurance et du maintien d'un principe de solidarité, d'inclusion et de mutualisation des risques. Le Règlement général de protection des données personnelles et d'autres mesures pourraient très bien interdire aux assureurs et aux réassureurs l'usage de certaines données personnelles, et favoriser les assurés en terme d'asymétrie d'information, ceux-ci pouvant, par exemple, librement effectuer des tests ADN et ajuster en conséquence leurs choix d'assurance au détriment de l'assureur.
Gouvernance et rémunération
La gestion du risque de longévité par les assureurs et les pouvoirs publics pose plusieurs questions de gouvernance. Les commerciaux et les dirigeants, trop souvent payés avec une politique de rémunération court-termiste et fondée sur les volumes, peuvent être tentés d'accepter des risques de longévité dont la maturité excède cinquante ans, en sachant très bien qu'ils ne seront plus là dans dix ans, si le risque se matérialise, ou simplement si les projections se confirment en cas de sous-tarification. Cela est renforcé par les normes comptables et les référentiels de solvabilité de plus en plus myopes (privilégiant le court terme). Pire, les responsables des pouvoirs publics pourraient être tentés de gérer le problème des retraites et de la longévité en dé-remboursant certains traitements clés ou en limitant certaines dépenses de santé. À l'inverse, le vieillissement de la population pourrait tout à fait changer à l'inverse l'équilibre des votes dans nos démocraties et les faire basculer vers le tout pour les personnes âgées, au détriment des plus jeunes.
Le prix des risques extrêmes de longévité
En présence de scénarios incertains, les commissaires aux comptes des assureurs utilisent en général une pondération des scénarios par niveau de vraisemblance. Si l'on appliquait cette méthode au scénario transhumaniste, la plupart des fonds de pension ne résisteraient pas. La probabilité de ce scénario est donc mise à zéro par pragmatisme, même si les actuaires lui accordent une probabilité de survenance de 1 % à 2 %. Dieltiens et al. (2019) se posent la question du type d'événement qui pourrait conduire à affecter un poids strictement positif à ce scénario. Le fait de percevoir une probabilité très faible comme nulle est un phénomène de comportement classique en économie des comportements de l'assurance (Kahneman et Tversky, 1982). Cela est renforcé par le sentiment partagé par la majorité des décideurs que si la longévité progresse vraiment, il faudra changer les règles : rester bien au chaud dans la mêlée, avec un portefeuille si possible pas trop éloigné de la population générale, demeure une stratégie largement plébiscitée.
D'autres voix suggèrent de modifier les contrats de rentes, en les limitant à un âge maximum (jusqu'à 90 ans ou 95 ans, par exemple), ce qui n'est pas sans risque pour l'assuré, particulièrement si celui-ci est concerné ou menacé par la dépendance à ces âges.
En conclusion, donner un prix au risque de longévité n'est pas chose aisée et constitue à coup sûr un sujet de recherche promis à une grande longévité !