Les pays de la rive sud de la Méditerranée dans leur majorité enregistrent un taux de croissance en deçà de ce qui est nécessaire pour améliorer les conditions de vie d'une part importante de la population et permettre ainsi de limiter les pressions sur les flux migratoires. Les déficits macroéconomiques et les taux d'endettement élevés en sont la conséquence. Le dépassement de cette situation nécessite un renforcement des investissements aussi bien dans les infrastructures de base que dans le secteur productif, ce qui fait du financement et de l'épargne financière une préoccupation centrale.
Toutefois, une comparaison de la situation des pays de la rive sud de la Méditerranée apparaît difficile à établir du fait de la carence des données statistiques homogènes. C'est pour cette raison que les développements qui vont suivre se focaliseront principalement sur le cas du Maroc en faisant référence à chaque fois que cela sera possible à des pays riverains de la Méditerranée. Le Maroc n'échappe pas à cette insuffisance de données puisqu'il n'existe pas de production de séries statistiques officielles permettant d'appréhender directement l'épargne financière en tant qu'agrégat macroéconomique hormis la décomposition de l'épargne brute par catégorie d'agents publiée par le Haut-Commissariat au Plan.
D'autres pistes seront ainsi empruntées pour analyser l'épargne financière des ménages tels la composition du patrimoine financier, l'évolution des OPCVM comme produit d'épargne phare pour les ménages, le comportement des personnes physiques sur le marché boursier primaire et secondaire et les caractéristiques du marché de la dette privée.
L'épargne financière est souvent définie comme « la part du revenu disponible brut investie dans les actifs financiers »1. Ces derniers, en plus des avoirs liquides détenus auprès des institutions financières, peuvent être des valeurs mobilières, des titres d'OPCVM ou des produits d'assurance vie.
Au Maroc, malgré la carence manifeste des données statistiques, la question de l'épargne financière des ménages est une préoccupation récurrente des institutions financières et des pouvoirs publics. De nombreuses recommandations sont faites à la suite d'études concernant cette question, mais il semble que cela n'a pas permis une amélioration de la mobilisation de l'épargne financière. En fait, le problème réside davantage dans la canalisation de l'épargne vers le secteur financier que dans sa mobilisation globale, puisque le taux d'épargne brut du Maroc, en se situant à 30 % du PIB, est le plus élevé de la région après l'Algérie sur les quinze dernières années.
Par ailleurs, les niveaux de croissance affichés par l'économie marocaine ces dix dernières années, soit en moyenne 3,6 % par an (contre 5,25 % pour la Turquie), n'ont pas permis de résorber de façon significative le chômage et risquent de remettre en cause l'équilibre des principaux agrégats macroéconomiques. Cette situation intervient alors que le taux d'investissement du Maroc « est l'un des plus élevé au monde avec une moyenne de 34 % du PIB par an depuis le milieu des années 2000 » (Banque mondiale, 2019) notamment l'investissement public dans des secteurs d'infrastructure de base (ports, autoroutes, chemin de fer, etc.) qui devrait bénéficier d'un financement long susceptible d'éviter un recours à un endettement extérieur. Les pouvoirs publics sont d'ailleurs à la recherche de nouveaux modèles de développement pour dépasser cette situation.
Dans la région de la rive sud de la Méditerranée, le Maroc fait partie des pays qui ont engagé les réformes de structure les plus importantes de leur système financier (cf. tableau A2 en annexe) à travers une modernisation du cadre légal et réglementaire, des infrastructures techniques (adjudication des bons du Trésor, cotation électronique, dématérialisation des titres, règlement-livraison simultané en j + 3, etc.), la restructuration du secteur des assurances2, le lancement d'un mouvement important de privatisation sur le marché boursier3 touchant plusieurs secteurs y compris les télécommunications4, le lancement de nouveaux produits financiers dès les années 1990 tels les TCN, les OPCVM et plus tard les PEA, PEL et PEE en 2011. En outre, sous l'angle de la supervision, les autorités de régulation ont vu leur pouvoir et leur indépendance se renforcer.
Ainsi, cet article visera à répondre successivement aux questionnements suivants : le mouvement de réformes volontariste des pouvoirs publics au Maroc, depuis la deuxième moitié de la décennie 1990, a-t-il permis d'améliorer la canalisation de l'épargne financière des ménages ? quelles sont les caractéristiques de cette épargne financière ? quels sont les facteurs impactant l'épargne financière des ménages ? et enfin quels pourraient être les leviers pouvant créer une nouvelle dynamique de développement de l'épargne financière ?
Les résultats de la réforme du système financier
Les effets les plus notables de la réforme financière sont observables dans l'organisation et le fonctionnement du système bancaire, concentré, rentable et se projetant à l'international notamment dans les pays de l'Afrique subsaharienne. Les activités de marché bien que bénéficiant d'une grande modernité dans leur structuration et organisation n'ont pas connu la même évolution. Quant au comportement des acteurs, les mutations attendues tardent à se concrétiser.
Le patrimoine financier des ménages est liquide et à court terme
En atteignant 791 milliards de dirhams (dhs), en 2018, le patrimoine financier des ménages représente une part importante du PIB, soit près de 72 % contre 212 % en France. Toutefois, ce patrimoine reste essentiellement constitué par des dépôts auprès des banques à raison de 83 % dont respectivement 61 %, 15 % et 24 % sous forme de dépôts à vue, dépôts à terme et comptes d'épargne. Les produits d'assurance vie arrivent en 2e position avec 10 %, supplantant ainsi depuis 2015 la part des valeurs mobilières qui a atteint 7 %.
Le paradoxe des OPCVM
L'actif net drainé par les OPCVM au Maroc a atteint un degré élevé au niveau de la région, mais il demeure détenu en majorité par les entreprises financières notamment les compagnies d'assurance, la participation des particuliers demeurant modestes. À la fin de 2018, les entreprises financières détiennent près de 75 % de l'actif net (dont 46 % pour les compagnies d'assurance et les organismes de prévoyance et de retraite et 16 % pour les banques), contre près de 7 % pour les personnes physiques. À la même période, l'actif net est constitué à plus de 70 % par les « OPCVM obligations » suivis par « les OPCVM monétaires », les « OPCVM actions » et « les OPCVM diversifiées » avec respectivement 14 %, 7 % et 6 %.
Si l'industrie des OPCVM a connu une croissance de 167 % sur les dix dernières années en termes d'actifs gérés pour représenter près de 40 % du PIB en 2018, plaçant ainsi le Maroc comme leader dans la région Sud-Méditerranée, le nombre de personnes physiques détenteurs d'OPCVM a connu une baisse de près de 39 %. Avec 18 949 détenteurs dont 13 313 personnes physiques, en 2018, le Maroc réalise l'une des performances les plus faibles de la région comparée à la Turquie dont le nombre de détenteurs avoisine 3,3 millions ou la Tunisie avec 57 994.
Par ailleurs, cette faiblesse au niveau du nombre de détenteurs est conjuguée à un actif net moyen par investisseur non négligeable de l'ordre de 2,29 millions de dhs pour les personnes physiques en 2018, contre 0,74 million de dhs en 2008.
Un marché primaire des actions avec une forte demande
de la part des institutionnels
Une analyse des indicateurs sur la période 2015-2019 montre que le marché primaire des actions notamment lors des introductions en bourse est caractérisé par un excédent de la demande par rapport à l'offre, le taux de satisfaction (rapport entre le nombre d'actions attribuées et le nombre d'actions demandées) se situant en moyenne à près de 30 % (cf. graphique A3 en annexe). Aussi, le marché est dominé par les investisseurs institutionnels avec près de 70 % du total des souscriptions, même si la part des personnes physiques n'est pas négligeable avec 25 % en moyenne.
Par ailleurs, il ressort, et comme pour le cas des OPCVM, que le nombre de personnes physiques est faible et en diminution illustrant la désaffection de cette catégorie d'investisseurs en raison notamment d'une correction sévère des cours (particulièrement entre 2008 et 2012) et des pertes ainsi enregistrées. Près de 25 000 personnes physiques ont participé à la dernière offre de vente au public de Maroc Telecom, en juillet 2019. Sur les quinze dernières années, trois opérations d'introduction en bourse ont légèrement dépassé le nombre de 100 000 personnes physiques.
En outre, il est à noter que la souscription moyenne par personne physique paraît élevée au Maroc se situant en moyenne à près de 250 000 dhs sur les cinq dernières années avec un pic de 580 000 dhs sur l'opération Total Maroc (cf. tableau A4 en annexe).
Cette faiblesse du nombre de personnes physiques induit un nombre total de porteurs de valeurs mobilières faible au niveau de la région puisqu'en 2018, le nombre de porteurs de valeurs mobilières en Égypte est estimé à près de 411 000, 1,2 million en Turquie, 1,4 million en Grèce, 67 000 à Malte, contre près de 146 000 au Maroc.5
Le marché secondaire de la bourse de Casablanca dominé
par les investisseurs institutionnels
La part des personnes physiques dans le volume traité à la bourse de Casablanca semble volatile avec une part moyenne qui avoisine les 10 % du volume total sur les cinq dernières années. Le volume traité sur le marché boursier est dominé par les personnes morales et les OPCVM qui drainent près de 75 % du total des transactions (cf. tableau A5 en annexe).
Le marché de la dette privée avec une forte présence des entreprises
financières (émetteurs) et des OPCVM (détenteurs)
Le marché de la dette privée marocain a connu ces dix dernières années une dynamique intéressante en termes d'encours dont le pic a été atteint, en 2012, avec près de 20 % du PIB. Toutefois, ce marché demeure toujours peu ouvert sur les entreprises non financières et méconnu des ménages : les entreprises financières ont été à l'origine, sur la période 2006-2017, de près de 60 % des émissions (dont les banques à hauteur de 50 %) et les OPCVM détiennent près de 58 % du total des encours.
Quelques éléments d'explication de la faiblesse
de l'épargne financière des ménages
La faible capacité des ménages marocains à épargner s'explique non seulement par l'importance du taux d'endettement des ménages, par la persistance des inégalités des revenus, mais aussi par des distorsions fiscales.
La dette des ménages au Maroc comparée à celle de quelques pays du pourtour méditerranéen est plus élevée. Elle avoisine 30 % du PIB, depuis 2012, dépassant ainsi la médiane des pays émergents (21 %), contre seulement 15 % en Turquie (FMI, 2017). Les crédits à l'habitat constituent presque 64 % de la dette financière des ménages (ACAPS, AMMC, Bank Al-Maghrib, 2019).
Bien plus, seule une faible proportion des ménages (17,8 %), d'après l'enquête de conjoncture du Haut-Commissariat au Plan (2019), comptait épargner en raison notamment de l'augmentation des dépenses annuelles de consommation en éducation et santé et la montée du chômage notamment des jeunes. Le Maroc consacre plus de 25 % (BAD et MCC, 2015) de son budget au financement de l'éducation, mais pour des résultats somme toute mitigés notamment en matière d'insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail, ce qui pousse les ménages marocains à investir dans l'éducation des enfants. Aussi, la part des ménages dans le financement des dépenses de l'éducation est passée de 20 % en 2006-2007 à 29 % en 2013-2014, contre respectivement 80 % à 71 % pour l'État. Rapportées au PIB, les dépenses en éducation sont passées de 7,0 % en 2006-2007 à 7,5 % en 2013-2014 en raison notamment de l'augmentation de la contribution des ménages à l'éducation 2,2 % en 2013-2014, contre seulement 1,4 % en 2006-2007 et la diminution de celle de l'État de 0,3 point de pourcentage (de 5,6 % à 5,3 %) (Ezzrari, 2018).
D'un autre côté, la présence de quelques personnes physiques avec un fort potentiel d'épargne s'explique par la forte inégalité de revenus. En 2013, la part du revenu national des 10 % les plus riches du Maroc se situe à près de 32 %, mais avec un écart type important, soit douze fois plus que la part du revenu national des 10 % les plus pauvres de la population.
Le décile supérieur comprend une population hétérogène qui peut contenir aussi bien la classe moyenne la plus aisée qu'un petit groupe de ménages relativement aisés appartenant au 1 % supérieur et qui gagnerait, selon un bon nombre de spécialistes, environ 1,5 fois plus de revenus au total que les 50 % inférieurs de la population (Dadush et Saoud, 2019).
L'inégalité peut être approchée par l'indice de Gini calculé sur la base des dépenses annuelles par habitant. Ce dernier est de l'ordre de 0,395 exactement le même que celui enregistré en 1998 (Dlia et Ihnach, 2018) au-dessus de la médiane mondiale ainsi que de la médiane de la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire, soit respectivement 0,36 et 0,38 (cf. graphique A6 en annexe).
S'agissant de la fiscalité, malgré les incitations octroyées depuis la loi de finances 2001, à l'occasion des introductions en bourse, le nombre de souscripteurs et donc de détenteurs de valeurs mobilières reste très limité en raison notamment de la baisse des taux de rendement des produits financiers, ce qui favorise l'arbitrage en faveur d'autres supports d'épargne non forcément financière. Aussi le secteur immobilier demeure la priorité de l'investissement des ménages qui drainent plus de 98 % des flux d'épargne de ce secteur (Ministère de l'Économie et des Finances, 2014).
La fiscalité de l'épargne financière des ménages au Maroc semble peu attractive :
les comptes sur carnet et les dépôts à terme, comparativement à d'autres pays, restent largement surfiscalisés. Alors qu'au Maroc, la retenue à la source6 est de l'ordre de 30 %, en France, hors prélèvements sociaux7 (impôts affectés) les livrets8 ne subissent aucune imposition et le prélèvement forfaitaire (PFU) n'est que de 12,8 % pour les dépôts à terme. Les plans d'épargne (PEE et PEL) sont fiscalisés en France au PFU de 12,8 % et le sont au Maroc en retenue à la source à 30 % si les épargnants décident de sortir avant le terme (cinq ans), l'exonération étant possible qu'après les cinq ans ;
la détention des valeurs mobilières ne subit aucun traitement fiscal selon la durée. Ainsi les profits de cession de valeurs mobilières ne subissent aucun traitement modulé : les plus-values de cession sur les obligations sont imposées à droit constant à l'impôt sur le revenu au taux de 20 %, alors que pour les actions, l'imposition est de 15 % avec un seuil d'exonération de 30 000 dhs depuis la loi de finances 20109. Le contribuable français peut opter pour une imposition progressive10 tout en bénéficiant des abattements modulés en fonction de la durée de détention11 ;
au même titre que la majorité des pays du pourtour méditerranéen, la fiscalité sur les dividendes reste moins attractive en raison d'une imposition à un double niveau : une première fois au niveau de la société distributrice, et une seconde fois entre les mains du bénéficiaire (Oubal, 2013) ;
la rigidité de la fiscalité des PEA, PEL et PEE n'a pas permis d'atteindre les objectifs attendus en termes de développement des encours. Ces derniers pour les trois plans avoisinent 60 millions de dhs à la fin de juin 2019 (Bank Al-Maghrib, 2019) ;
le traitement plus favorable accordé au secteur immobilier apparaît clairement tant du côté du poids de ce dernier dans la contribution à l'impôt (IS, IR et TVA) qui ne dépasse pas 1,7 % en 2018, contre 22,8 % pour les activités financières et d'assurance, que du côté des dépenses fiscales qui révèlent « une prédominance des dérogations au profit des activités immobilières » (CESE, 2019), avec une part dans les dépenses fiscales en 2018 de 20 %, contre seulement 6 % pour le secteur financier (CESE, 2019). Les rapports sur les dépenses fiscales au Maroc indiquent que la TVA est l'impôt qui bénéficie le plus d'incitations fiscales, soit 51 % des dépenses fiscales totales en 2018 et 2019. Par catégories de bénéficiaires, les dépenses fiscales bénéficient presque autant aux ménages qu'aux entreprises. Cependant, les promoteurs immobiliers ne bénéficient que de 2,7 % des incitations accordées au secteur immobilier contre un bénéfice atteignant à peu près 10 % pour les salariés de la catégorie ménages12.
Il ressort de ce qui précède que le développement de l'épargne financière nécessite la mise en place des mécanismes à même d'induire du changement dans le comportement des ménages allant dans le sens de l'élargissement de la base des épargnants.
Les pistes à explorer afin d'induire
des mutations dans le comportement
des ménages
La taxation de l'épargne devrait mettre beaucoup plus l'accent sur les mesures incitatives à même d'enrichir l'offre financière longue. Des réformes sont à envisager notamment dans le sens du découragement du comportement spéculatif surtout dans le domaine de l'immobilier et d'aller dans le sens d'une différenciation de la fiscalité des valeurs mobilières selon la durée. Ne serait-il pas souhaitable, sur le plan des incitations fiscales, de mettre beaucoup plus de souplesse notamment pour les supports de l'épargne longue ? Pour éviter toute discrimination fiscale, favorisant des plus-values de cession et donc influençant la préférence des investisseurs pour les gains en capital, et une imposition totalement dissuasive des dividendes. Ne serait-il pas plus opportun dans le contexte actuel d'opérationnaliser les recommandations des dernières assises fiscales qui ambitionnent de connecter la fiscalité au nouveau modèle de développement et au bout du compte instaurer l'équivalent d'un PFU qui se rapprocherait du système fiscal nordique dont la caractéristique principale est la dualité ? Cette façon de voir permettrait dans le cas de sa généralisation de réorienter les placements financiers en faveur des actions (Pfister, 2018).
Dans le même ordre d'idées, et en se référant aux best practices à l'international au niveau de la fiscalité de l'épargne, il apparaît nécessaire de réformer le cadre juridique des plans d'épargne pour concilier les objectifs d'efficacité économique et d'équité fiscale par l'introduction notamment pour les PEA d'une taxation modulée en fonction de la durée de détention des comptes, d'assouplir l'obligation du plafond à 600 000 dhs (la loi de finances pour l'année 2020 a relevé ce plafond à 2 000 000 dhs) et d'abandonner la rigidité qui les caractérise notamment pour ce qui est de la durée de souscription qui conditionne l'obtention de l'exonération. Les PEA au Maroc sont exonérés si la durée de détention dépasse les cinq ans ; le même produit en France subit une fiscalisation modulée selon la durée de détention soit un taux de 22,5 % pour une durée inférieure à deux ans, 19 % si la durée de détention est entre deux ans et cinq ans et au-delà exonéré.
En dernier ressort, un marché de capitaux intégré, liquide offrant une grande palette d'instruments financiers et ouvert aux innovations financières pourrait certainement améliorer le développement de l'épargne financière. Au Maroc, et après les réformes de structure lancées dans les années 1990, une deuxième génération de réformes a été lancée ces dernières années en vue d'apporter une nouvelle dynamique à la canalisation de l'épargne financière et à l'élargissement de la base des détenteurs d'instruments financiers. Il s'agit notamment du lancement des produits financiers participatifs13, des OPCI, des instruments financiers à terme et de la finance verte. L'éducation financière des épargnants14 notamment le grand public pourrait contribuer à l'élargissement de la base des investisseurs par la diffusion des informations sur les différents instruments financiers, leurs caractéristiques et les risques encourus par les épargnants. Toutefois, pour être efficace, cette action nécessite également une expertise et des compétences dans les circuits de distribution des différents instruments financiers. L'obligation d'enregistrement des conseillers en investissement auprès de l'AMMC pourrait jouer un rôle important dans ce sens. Enfin, l'objectif de l'élargissement de la base des investisseurs pourrait être également atteint à travers la réforme des systèmes de retraite dont le système par répartition a semble-t-il atteint ses limites au vu de la transition démographique que connaît le Maroc.
Conclusion
Comparé à la majorité des systèmes financiers de la rive sud, si le système financier marocain semble résilient, rentable et dynamique, il bénéficie de plusieurs facteurs favorables. En effet, en 2018, les ressources bancaires sont constituées à près de 70 % des dépôts de la clientèle et leur coût demeure très bas à hauteur de 1,37 %. Aussi la marge globale d'intermédiation quoique suivant une tendance baissière demeure élevée à 2,98 % en 2018. Par ailleurs, l'activité bancaire classique continue de dominer la structure par métier des activités des groupes bancaires avec plus de 90 % du total-actif laissant une part marginale à la gestion d'actifs (1 %) et l'activité d'assurance (2 %) (Bank Al-Maghrib, 2018). L'expérience internationale a montré que face à la baisse des marges d'intermédiation et la forte concurrence, les banques ont dû notamment développer les activités de marché pour préserver leur rentabilité.
Du côté des activités de marché, celles-ci semblent se développer au sein d'un cercle fermé constitué par les entreprises financières et le Trésor laissant très peu de place aux ménages : une détention très importante de l'actif net OPCVM par les entreprises financières (75 % de l'actif net),15 une détention importante par les OPCVM de la dette du Trésor (30 % de la dette du Trésor)16 et de la dette privée (58 % de l'encours), cette dernière étant constituée principalement par de la dette bancaire et des sociétés de financement (60 % de l'encours).
Ainsi il appartiendrait aux pouvoirs publics de briser ce cercle fermé en favorisant le développement de l'épargne financière des ménages susceptible d'apporter un nouveau souffle au financement de la croissance de l'économie marocaine.