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 Quelles règles budgétaires pour quelle UEM ?


Pierre JAILLET * Chercheur associé, Iris et Institut Jacques Delors ; ancien directeur général, Économie et affaires internationales, Banque de France. Contact : p.h.jaillet@gmail.com.
Christian PFISTER * Chargé de cours, Sciences Po. Contact : christian.pfister@sciencespo.fr.L'auteur s'exprime en son nom personnel. Ses propos n'engagent pas Sciences Po.L'auteur remercie Françoise Drumetz, Pierre Jaillet, Pierre Lahbabi et Nicolas de Sèze pour leurs remarques et reste responsable de toute erreur.

Vingt ans après la mise en place de l'UEM, une révision de ses règles budgétaires et, au-delà, de son cadre de coordination économique est à l'ordre du jour. Cet article passe en revue quelques propositions récentes censées aboutir à des règles ou « standards » budgétaires moins complexes, plus flexibles, et tenant mieux compte des spécificités des États membres que les règles actuelles. À rebours, il propose une réforme fondée sur quelques critères simples : variables numériques « opposables » et non manipulables, dont la mise en œuvre soit aisément contrôlable par des autorités européennes  aux prérogatives renforcées. L'objectif de solde structurel, modulable en fonction de la dette des États membres, en deviendrait la variable de commande centrale. Cependant, instaurer de nouvelles règles du jeu communes dans une zone économique de plus en plus hétérogène apparaît plus qu'hypothétique sans un renforcement de la gouvernance communautaire. Aussi les discussions en cours sur le cadre budgétaire ne devraient-elles pas escamoter le chantier plus fondamental de la réforme globale des politiques économiques de l'UEM. Cela suppose naturellement une volonté politique d'aller vers un modèle moins intergouvernemental et plus fédéral.

La crise de la Covid-19 et la mobilisation exceptionnelle des finances publiques des États membres qu'elle a occasionnée ont conduit les autorités européennes à suspendre le dispositif d'encadrement des politiques budgétaires nationales fixées par le Traité de l'UE (Union européenne), amendé à plusieurs reprises depuis l'entrée dans l'UEM (Union économique et monétaire). En réalité, les règles budgétaires étaient critiquées depuis longtemps par les économistes et n'ont été qu'exceptionnellement respectées par les États membres. Au-delà des règles budgétaires, l'expérience des vingt premières années de fonctionnement de l'UEM incite à réviser le cadre global de coordination des politiques économiques de la zone euro. Or la plupart des réflexions et des propositions, émanant des cercles académiques ou officiels, se focalisent à ce jour sur les nouvelles règles de gestion budgétaire qui pourraient se substituer aux règles actuelles. C'est naturellement une préoccupation majeure en l'absence d'union politique et de mutualisation des dettes nationales. Mais ce n'est que l'un des aspects du problème. En outre, les meilleures règles (ou « standards ») budgétaires resteront peu utiles voire inopérantes dans un ensemble économique hétérogène caractérisé par des divergences croissantes entre les économies nationales, alors que s'essouffle la dynamique du marché unique et que l'espace financier de l'euro demeure fragmenté.

La première partie de cet article présente les justifications théoriques de règles budgétaires dans le cadre des unions monétaires et revient sur la genèse du cadre budgétaire initial de l'UEM et de ses développements ultérieurs. La deuxième partie expose quelques éléments de contexte importants pour la mise en œuvre d'un nouveau cadre budgétaire. La troisième partie examine divers projets récents de réforme de ce cadre. Une approche globale de la coordination macroéconomique est proposée en conclusion.

Le cadre budgétaire initial : justifié, peu adapté, non respecté

Des règles sont-elles justifiées ?

Dans le cas général, des règles budgétaires sont justifiées en raison d'un « biais au déficit » dans les démocraties (Wyplosz, 2012), d'où la nécessité de préserver la soutenabilité des finances publiques afin d'éviter la dominance budgétaire. Plus généralement, la notion de règles renvoie au débat « rules vs discretion », l'adoption de règles permettant de diminuer l'incertitude en favorisant la transparence et la responsabilité (accountability) (Kydland et Prescott, 1977). Les deux facteurs se combinent dans l'analyse des cycles politiques où des déficits publics élevés, par exemple à la veille d'échéances importantes, peuvent conduire à une forte poussée inflationniste, menant à l'adoption de politiques d'austérité drastiques pour rétablir la crédibilité perdue.

Dans le cas des unions monétaires s'ajoute le souci d'éviter des externalités négatives, via la politique monétaire ou les anticipations des marchés financiers. Ainsi, en l'absence d'un budget commun au niveau de l'UE, les pays membres de l'union monétaire peuvent être laissés libres de mener les politiques budgétaires qu'ils entendent sous réserve de ne pas gêner leurs voisins. Sous l'hypothèse que la conduite des politiques budgétaires incorpore l'objectif de stabilisation économique, de même que la politique monétaire unique incorpore celui de stabilisation au niveau de l'union, l'hypothèse implicite est que la politique monétaire permet de répondre aux chocs symétriques et les politiques budgétaires nationales aux chocs idiosyncrasiques. Toutefois, une union monétaire, supprimant le risque de change, est supposée favoriser les liens financiers entre les pays membres, que ce soit sous forme de crédits commerciaux, de prêts bancaires ou de placements. Le risque de contagion est ainsi accru, nécessitant la mise en place d'un dispositif de coordination des politiques budgétaires. Le risque de dominance budgétaire est aussi plus fort au sein d'une union monétaire. Chaque pays peut plus facilement faire supporter à ses voisins la charge d'un défaut, particulièrement lorsque la banque centrale a procédé à des achats de titres publics émis par l'ensemble des pays de la zone et lorsque l'intégration financière est poussée. Le risque de dominance budgétaire se pose avec acuité en période de crise, lorsque la politique monétaire se trouve confrontée à la borne effective des taux d'intérêt à la baisse (effective lower bound, ELB), que la banque centrale souhaite préserver un mécanisme de transmission de la politique monétaire homogène entre les pays de l'union et que, du fait de situations des finances publiques plus fragiles dans certains pays, les écarts de taux s'accroissent. La banque centrale est alors conduite à acheter des titres publics, en particulier ceux les plus dépréciés, afin de réduire les spreads.

À noter que la notion de « biais au déficit », l'intérêt de règles pour diminuer l'incertitude et le risque de dominance budgétaire sont de peu de valeur pour les tenants de la théorie de la « finance fonctionnelle » (functional finance theory, FFT ; Lerner, 1943), dont se réclament notamment Blanchard (2021), Mathieu et Sterdyniak (2021) et les partisans de ladite « théorie monétaire moderne » (modern monetary theory, MMT)1. Dans la FFT, la dominance budgétaire est la situation qui tend naturellement à prévaloir en matière monétaire (cf. troisième partie) et les marchés financiers n'ont qu'un rôle subsidiaire à jouer dans la détermination des taux d'intérêt, ce qui rend peu utile de chercher à réduire l'incertitude. Le seul motif valable d'intervention communautaire est alors de réduire les externalités négatives. Encore celles-ci doivent-elles s'entendre, selon la FFT, comme s'appliquant aussi, et peut-être même surtout, à des politiques budgétaires jugées trop restrictives. Ainsi, pour Mathieu et Sterdyniak (2021), les règles budgétaires européennes ont pour objet d'« empêcher toute politique budgétaire expansionniste, des pays du Sud ou de partis de gauche qui arriveraient au pouvoir, car elles obligent les pays membres à tenter de rechercher la croissance par des gains de compétitivité, en copiant la stratégie allemande ».

Des règles peu adaptées et contestées

Si l'on se replace dans le contexte des discussions préalables à l'élaboration du volet économique du Traité de Maastricht, il en ressortait :

  • un postulat fondamental : l'absence d'union politique, excluant de ce fait la possibilité de transferts réguliers ou même contingents entre États membres ;

  • le principe d'indépendance de la politique monétaire vis-à-vis des politiques budgétaires nationales, incluant l'interdiction du financement « monétaire » des déficits publics ;

  • l'hypothèse de base selon laquelle les économies nationales, une fois passé l'examen de passage des critères de convergence préalable à leur admission dans l'UEM, seraient aptes à se fondre dans l'euro sans coûts d'ajustement excessifs pour elles, ni externalités significatives pour leurs partenaires ;

  • la conviction que l'intégration des économies dans le marché unique et leur entrée dans la zone euro favoriseraient leur convergence nominale et réelle ;

  • une présomption de bonne conduite, les membres de l'UEM devant s'abstenir de comportements de « cavalier seul », ce qui autorisait une coordination macroéconomique légère (soft-coordination) fondée sur la pression des pairs, apte à dégager des orientations communes de politiques économiques.

En résumé, l'UEM se présentait comme une communauté d'intérêts où les cartes étaient équitablement distribuées entre des membres pouvant optimiser leurs avantages comparatifs à condition d'observer quelques règles du jeu simples et clairement définies. Le cadre budgétaire pouvait dans ces conditions se limiter à un rôle « prudentiel » en se fixant deux objectifs : (1) assurer la soutenabilité des dettes publiques et éviter les effets d'externalités sur les partenaires en fixant une référence de 60 % du PIB aux dettes publiques ; (2) inciter les États membres à préserver des marges de manœuvre contracycliques suffisantes pour faire face aux aléas conjoncturels ou aux chocs. À cet effet, les déficits étaient plafonnés à 3 % du PIB. En outre, le Traité excluait formellement tout bail-out d'un État membre par l'un de ses partenaires ou une institution de l'UE.

Ce dispositif a très vite montré ses limites et ce sont les deux plus importants États membres de l'UEM, l'Allemagne et la France, qui ont ouvert les premières brèches. Confrontés en 2003 aux dernières étapes d'une procédure de déficits excessifs et passibles de sanctions, moins coûteuses pour leurs finances publiques que pour leur réputation, ces deux pays ont préféré s'abstraire du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), enterré avant d'avoir servi. Le recours de la Commission auprès de la Cour européenne de justice (CEJ) n'y changea rien. Les règles budgétaires furent ensuite amendées à plusieurs reprises entre 2005 et 2015 (Regling, 2022), par l'adjonction d'un objectif de moyen terme fixé au déficit structurel (1 % ou 0,5 % du PIB de l'État membre selon le niveau des dettes publiques), d'un mécanisme imposant à ces dernières une réduction annuelle de 1/20 pour la partie dépassant 60 % du PIB, ainsi que par l'instauration d'une référence alignant la trajectoire des dépenses publiques sur l'objectif de déficit structurel.

Le nouveau dispositif, plus large et plus flexible, n'a pas calmé les critiques. Le fait est que ce dispositif n'a atteint aucun de ses objectifs :

  • une majorité d'États membres n'ont pas respecté les règles (moins d'une fois sur trois, par exemple, pour la France, l'Italie, La Grèce, le Portugal, etc.), alors que d'autres, comme le Danemark ou la Suède, s'y pliaient constamment et sans difficultés, ce qui suggère que le problème résidait moins dans les vices du dispositif que dans la volonté de certains gouvernements à s'y conformer ;

  • les soldes structurels sont restés dans la plupart des pays supérieurs à l'objectif de moyen terme, illustrant le fait que les politiques budgétaires, généralement procycliques, n'ont pas su reconstituer les marges de manœuvre contracycliques dans les phases de croissance. En conséquence, le plafond de 3 % a été le plus souvent enfoncé quand la conjoncture était moins favorable, a fortiori en cas de crise. À cet égard, il est notable que la communication des responsables politiques porte exclusivement sur ce seuil de 3 %, la cible de solde structurel n'étant jamais évoquée2 ;

  • sauf exception, même en dehors des crises de la crise financière de 2008-2009 ou de la crise de la Covid-19 de 2020-2021, les dettes publiques n'ont pas suivi la trajectoire dictée par la règle de réduction annuelle de 1/20, en dépit de la baisse continue des charges d'intérêts.

Deux autres facteurs ont joué. D'une part, la surveillance macroéconomique opérée par la Commission, sous contrôle intergouvernemental et focalisée sur les indicateurs de finances publiques, n'a pas su prévenir les dérives macroéconomiques de certains États membres concernant en particulier les déficits de leurs transactions courantes. D'autre part, la discipline de marchés n'a pas joué le rôle stabilisateur initialement anticipé en complément des règles budgétaires. Ainsi de 1999 à la crise financière de 2008, les taux d'intérêt à long terme de tous les États membres se sont calés sur ceux des pays du cœur, dénotant que les marchés financiers anticipaient que ces derniers viendraient au secours des pays de la périphérie si ces derniers étaient confrontés à une crise, donc que la clause de no bail-out n'était pas crédible. De fait, après la chute de Lehman Brothers et surtout lors de la crise de la zone euro de 2010-2012, les titres publics des pays périphériques ont été massivement vendus, faisant s'envoler les primes de risque dans l'anticipation d'une intervention publique3.

L'échec du dispositif a des causes multiples. Certaines tiennent probablement à un défaut de lisibilité, d'ailleurs plus lié aux modifications qui lui ont été apportées au cours du temps qu'à sa supposée « complexité ». Ce dernier argument peut d'ailleurs faire sourire. Nos dirigeants, entourés d'experts et rompus à l'examen de projets de loi les plus ardus, seraient-ils à ce point égarés par des règles qu'ils ont eux-mêmes négociées ? Ceux des pays qui les ont toujours respectées seraient-ils plus intelligents que ceux qui les ont régulièrement transgressées ? Plus fondamentalement, si le cadre budgétaire dans ses divers avatars n'a pas rempli les objectifs qui lui étaient fixés à l'origine, c'est aussi que les hypothèses sur lesquelles se fondait le volet économique de l'UEM ne se sont pas vérifiées. La dynamique de convergence des économies, en trompe-l'œil avant la grande crise financière, s'est ainsi interrompue et même inversée depuis lors et la zone euro demeure un espace économique et financier hétérogène. La soft coordination et la pression des pairs se sont révélées impuissantes à prévenir et corriger les comportements déviants ou à faire émerger une orientation commune de politique économique, un fiscal stance correspondant au monetary stance de la BCE (Banque centrale européenne).

Cela a conduit à mettre en cause certains principes de base du Traité. Confrontées à des situations de crise, les autorités politiques ont mobilisé dans l'urgence des instruments de sauvegarde ou de soutien impliquant des transferts massifs contraires à la règle de no bail-out (cf. infra). Confrontée au défaut d'orientation commune de politique économique, aux dérives budgétaires et aux risques de fragmentation de la zone euro, la BCE a porté l'essentiel de la responsabilité des ajustements macroéconomiques. Après la crise financière et surtout après la crise de la zone euro de 2010-2012, elle a conduit une politique monétaire impliquant l'achat massif de dettes publiques, contraires à l'esprit, sinon à la lettre, du principe d'interdiction du financement monétaire du Traité, et s'est employée à comprimer les écarts de taux entre les États membres, ce qui n'est pas dans son mandat.

En fin de compte, les règles budgétaires, présentées comme coupables, apparaissent surtout comme le bouc émissaire des dysfonctionnements du cadre global de coopération économique de la zone euro.

Des critiques ont aussi porté sur leur pertinence, à trois égards : les limites qu'elles créeraient à la possibilité de réglage conjoncturel, le réalisme de la valeur de référence pour la dette et le caractère contingent voire arbitraire de normes :

  • au-delà de l'objection de principe soulevée par Mathieu et Sterdyniak (2021), qui s'opposent à toute contrainte sur les politiques budgétaires tant qu'il n'est pas prouvé que celles-ci nuisent aux partenaires, la possibilité de réglage conjoncturel serait limitée en raison de la sous-estimation des écarts de production par la Commission européenne (Darvas et al., 2018). Cependant, Cette et Jaillet (2018) objectent qu'il n'a pas été démontré que ces biais d'estimation étaient à l'origine des révisions des soldes budgétaires structurels opérées par la Commission, comme par le FMI (Fonds monétaire international) et l'OCDE. Leurs révisions sont d'ailleurs restées circonscrites entre 0,5 et 1 point de PIB pour les pays du cœur de la zone euro de 2012 à 2017. Ils observent aussi que l'estimation de la croissance potentielle (référence souvent préconisée dans la définition des objectifs de dépenses publiques, cf. infra) présente les mêmes difficultés de méthode. En outre, Darvas et al. (2018) n'envisagent pas que les révisions annoncées ex post par la Commission puissent découler, plus simplement, de mesures discrétionnaires d'États membres, au-delà de leurs engagements de réduction des soldes structurels. Enfin, pour Beetsma et al. (2018), ce n'est pas tant les règles en elles-mêmes, mais plutôt leurs révisions successives (assouplissement en 2005 lorsque la zone euro enregistrait de bonnes performances de croissance, resserrement lors de la crise financière mondiale et celles des dettes souveraines, puis nouveau relâchement en 2015 lors de la reprise) qui ont conduit à des politiques procycliques ;

  • la valeur de référence pour la dette et la vitesse d'ajustement pour la rejoindre ont également été critiquées en raison de leur manque de réalisme. Ainsi, retourner en 2023 à l'application de la règle édictée en 2011 (réduction de la distance entre le niveau de dette observé et la valeur de référence au rythme de 1/20e l'an) impliquerait dans certains pays des ajustements budgétaires excessifs (Giavazzi et al., 2021). Il est ainsi proposé que l'augmentation de la dette entre 2020 et 2022, liée à des facteurs exceptionnels au regard des évolutions passées (la pandémie de Covid-19 et le conflit russo-ukrainien), soit entérinée. Outre le problème de crédibilité que cette proposition soulève (cf. infra), il est malheureusement possible, voire probable, qu'en raison du changement climatique et de la destruction des écosystèmes liée à la déforestation de la planète, les événements climatiques extrêmes et les pandémies se multiplient au cours des prochaines années. Dans ces conditions, il faudrait au contraire disposer d'une marge de manœuvre budgétaire, donc de finances publiques saines, pour être capable d'engager les dépenses publiques nécessaires au jeu de la solidarité, sans risquer une crise financière ;

  • des normes ont pu être considérées comme contingentes voire arbitraires lorsque l'inégalité r < g, où r est le taux d'intérêt réel neutre, assimilé au taux réel des emprunts d'État, et g le taux de croissance de l'économie, prévaut (Blanchard, 2021). En effet, cette configuration accroît la marge manœuvre budgétaire puisqu'il devient possible de combiner déficits primaires et stabilité voire réduction du ratio de dette, d'autant plus en fait que ce dernier est élevé. Le déficit public correspond alors à la situation normale voire optimale et, tant que la dette est soutenable, le respect d'une norme de déficit entrave sans motif le réglage conjoncturel, particulièrement lorsque la politique monétaire est elle-même privée de marge de manœuvre. Par consé quent, si un ratio de solde primaire est retenu comme norme, il devrait être égal à (r – g) × d, où d est le ratio de dette observé et non, comme dans le dispositif actuel, à un seuil fixe (–0,5 % ou –1 % selon que le ratio de dette est supérieur ou non à 60 %). En sens opposé, il faut toutefois noter que la marge de manœuvre dégagée par des taux d'intérêt faibles peut être utilisée pour rembourser la dette publique, comme l'exemple de la France au dernier quart du xixe siècle le montre (Pfister et Valla, 2022). En outre, si l'inégalité se retourne, que ce soit par une baisse des taux d'intérêt ou par celle de la croissance potentielle4, la marge de manœuvre se transforme en un étranglement. Wyplosz (2019) indique également que l'inégalité r < g n'est pas une norme parmi les pays de l'OCDE et que, dans ces pays, r – g est très volatil. Cela suggère de nouveau, pour les pays fortement endettés, d'utiliser la marge de manœuvre budgétaire dégagée par la diminution des charges d'intérêts afin de réduire leur dette lorsque les taux sont bas, en anticipation de leur remontée ou d'une baisse de la croissance potentielle.

D'importants éléments de contexte

Ces éléments concernent la mise en commun de la dette, la politique monétaire et le rôle de la banque centrale, ainsi que l'hétérogénéité persistante de la zone euro.

Des pressions en faveur d'une mutualisation des dettes

Des propositions de mutualisation, émanant des milieux universitaires, n'ont à ce jour pas fait l'objet d'un consensus parmi les décideurs de politique économique. Ces propositions ont porté sur une mutualisation partielle des dettes et une innovation financière ; en contrepoint ou en complément de ces propositions, il a été suggéré de crédibiliser la clause de non-renflouement :

  • la mutualisation est une proposition qui, sous le vocable d'Eurobonds, a été formulée lors de l'éclatement de la crise des dettes souveraines (voir, par exemple, Delpla et von Weizsächer, 2010, et Bofinger et al., 2011) et reprise par Giavazzi et al. (2021). Dans cette approche, une partie des emprunts souverains (la « dette Covid » détenue par la BCE dans la proposition la plus récente citée) bénéficie d'une caution solidaire de l'ensemble des pays de la zone ou est transférée à un organisme européen (le Mécanisme de stabilité européen, MSE, ou un organisme ad hoc). En créant une nouvelle capacité d'emprunt au niveau de la zone euro, cela revient à transformer une partie de la dette souveraine, existante ou à venir, en dette perpétuelle tout en continuant de payer un taux d'intérêt à moyen-long terme (celui auquel l'organisme communautaire s'endette pour porter les titres souverains acquis). Le problème est que, au-delà de l'enthousiasme suscité transitoirement par l'apparition d'un nouvel actif synthétique, il est difficile de voir ce que les émetteurs souverains les mieux notés pourraient y gagner. En outre, même si les moins bonnes signatures pourraient bénéficier de meilleures conditions sur les titres émis par la nouvelle entité, les autres titres émis par elle pourraient se trouver « juniorisés » et leur coût ainsi renchéri (ce ne serait qu'une application particulière de Modigliani et Miller, 1958). De la même manière, l'avantage de liquidité éventuellement obtenu sur les émissions du nouvel organisme pourrait se trouver compensé par une perte de liquidité au niveau des emprunts souverains. En outre, le risque d'« effet domino » serait renforcé en cas de défaut d'un grand ou plusieurs pays sur les titres détenus par le fonds commun (Tirole, 2012). Enfin, ces propositions ne permettent pas de bénéficier de l'élément de window dressing permis par NextGenerationEU. En effet, ce dernier dispositif, qui a représenté plus de 2 % du PIB de la zone euro – mais plus de 10 % du PIB de certains pays bénéficiaires, comme l'Italie – présente un double avantage comptable : exploiter une nouvelle capacité d'emprunt et, grâce au recours à la procédure de dons de l'UE aux États membres, éviter d'apparaître dans la dette publique des États ;

  • l'innovation financière (les European safe bonds, ESB, ou sovereign bond-backed securities, SBBS) a été suggérée par Brunnermeier et al. (2011, 2017) et souvent reprise depuis, par exemple par Bénassy-Quéré et al. (2018, p. 17) ou le Conseil européen du risque systémique (CERS, 2018). Dans cette proposition, des institutions financières, dont le statut serait à définir plus précisément, achèteraient à prix de marché des titres souverains de la zone euro, selon une clé proche de celle du capital de la BCE, en se finançant par émission de titres multitranches, la tranche senior (les SBBS) présentant le même degré de risque que les titres souverains les plus sûrs de la zone euro. Les SBBS soulèvent des questions, souvent similaires à celles posées par les Eurobonds, comme l'existence de gains pour les souverains ou le risque de fragmentation de la liquidité des marchés de dette souveraine. Il pourrait aussi se présenter des questions spécifiques, comme le risque moral qui pourrait découler d'une garantie implicite accordée par les autorités du pays d'émission aux titres des tranches mezzanine et junior afin de faciliter leur placement ;

  • la crédibilisation de la clause de non-renflouement vise à réduire l'élément de risque moral pesant sur les finances publiques de tout pays participant à une union monétaire, particulièrement lorsque la dette est mutualisée. Les propositions relevant de cette démarche prennent trois formes principales. La première consiste à renforcer le dispositif de sanctions, par l'extension de la conditionnalité prévue par les fonds structurels et d'investissement européens à l'ensemble du budget de l'UE (Beetsma et al., 2018 ; European Fiscal Board, 2018) et l'émission d'obligations souveraines juniors, en cas de dépassement de la norme de dépenses nettes (Bénassy-Quéré et al., 2018), également envisagée comme une possibilité par Darvas et al., 2018). Delpla et von Weizsächer (2010) proposent aussi que l'accès aux lignes de crédit du MSE soit conditionné à des critères de préqualification, à l'instar des facilités d'urgence du FMI. La deuxième voie propose la mise en place d'une procédure ordonnée de défaut souverain (Gross et Mayer, 2010 ; Bénassy-Quéré et al., 2018) et la création d'un Fonds monétaire européen (FME ; Gross et Mayer, 2010) ou l'attribution d'un rôle renforcé au MSE qui aurait la responsabilité exclusive, au lieu de nos jours de la Commission et la BCE, de la conception et de la négociation des programmes d'assistance conditionnels aux pays en difficulté, lui conférant de fait les attributions d'un FME (Bénassy-Quéré et al., 2018). La troisième catégorie de mesures est l'instauration de « charges de concentration » imposées aux banques sur leurs expositions souveraines, afin de les inciter à détenir les titres des autres pays membres de la zone euro et de distendre la « boucle infernale » (« doom loop ») entre les États et les systèmes bancaires nationaux (Bénassy-Quéré et al., 2018). Dans ce cas encore, il n'est pas certain qu'il y ait des gagnants, en particulier du côté des émetteurs les moins bien notés, dont les titres pourraient être boudés par les établissements des autres pays. À l'inverse, si la mesure produisait les effets de diversification escomptés, les risques de contagion pourraient être renforcés au sein de la zone euro, en cas de défaut d'un souverain important. Une mesure plus générale et donc plus neutre pourrait être de renoncer à accorder, dans le calcul du risque des exigences de capital bancaire, une pondération nulle aux titres émis par les pays de l'OCDE, comme l'est le cas dans la réglementation actuelle (de Bandt et al., 2021, chapitres 6 et 10).

En fait, si le principe d'une mutualisation des dettes publiques n'a pas été officiellement reconnu, il a été appliqué, tandis que celui du no bail-out a été écarté. Cela s'est vérifié lors de la crise financière avec la création du MSE, puis lors de celle de la Covid-19 avec la mise en place du programme d'emprunts et de dons communautaires (NextGenerationEU). Toutefois, la mise en œuvre de ce dernier type de mécanisme devrait être soumise à trois conditions. La première est d'éviter les effets d'aubaine, consistant à faire prendre en charge par la communauté des dépenses normalement inscrites dans les budgets nationaux. La deuxième est de garantir la transparence et la traçabilité des fonds mobilisés dans les programmes communautaires. La troisième, également pour des raisons de transparence, est de comptabiliser la dette communautaire, qui n'apparaît de nos jours dans aucunes des dettes de compta bilité nationale et se trouve donc ignorée par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), dans une dette de l'ensemble des administrations publiques nationales et européennes qui ferait elle aussi l'objet d'une publicité et d'une règle, évitant qu'elle ne soit « balayée sous le tapis ». À cet égard, si le programme NextgenerationEU doit en principe être financé sur des ressources propres du budget européen, ces dernières (taxe carbone aux frontières de l'UE, taxe « plastique », etc.) sont loin d'être garanties, les États membres demeurant en position de débiteurs en dernier ressort, et ces taxes seront de toute façon payées par les contribuables européens.

Politique monétaire et rôle des banques centrales

Nous distinguons entre politique monétaire conventionnelle impliquant la seule gestion des taux d'intérêt à court terme, qui n'ont pas à s'accompagner de changements dans la taille du bilan de la banque centrale (Drumetz et al., 2018, chapitre 6), et politiques de bilan. Dans beaucoup de propositions de réforme des règles budgétaires, les pressions sur la politique monétaire unique, déjà très fortes, seraient accrues ; nous expliquons pourquoi cela n'est pas acceptable.

S'agissant de la politique conventionnelle, dans un cadre d'analyse (Blanchard, 2021 ; Mathieu et Sterdyniak, 2022) où la croissance potentielle aurait été bridée par une faiblesse chronique de la demande, tandis que des facteurs réputés durables mais sans lien ou faiblement reliés à la croissance contribueraient à la faiblesse des taux d'intérêt, les taux neutres seraient devenus inférieurs au taux de croissance et au taux d'intérêt sur le plus bas que la politique monétaire peut atteindre. La politique monétaire se trouverait ainsi invalidée comme instrument de réglage conjoncturel, d'où le retour de la FFT. Cette approche « rejette complètement [...] le principe d'essayer d'équilibrer le budget sur une année solaire ou toute autre période » (Lerner, 1943)5. En effet, d'après la FFT, le budget sert à gérer l'économie, avec pour objectif le plein-emploi et la stabilité des prix. En conséquence, le rôle de la banque centrale n'est pas d'assurer cette dernière ; il est de garantir sans limite le financement des déficits et des dettes publics et d'administrer à bas niveau les taux des emprunts publics, ce qui revient à faire de la dominance budgétaire la situation normale.

Une conséquence importante est que, appliquée à une union monétaire sans union budgétaire telle que la zone euro, la FFT revient, par rapport au cadre institutionnel actuel, à renationaliser la stabilité des prix. Ainsi, Mathieu et Sterdyniak (2022) préconisent que, dans le cadre d'un exercice de coordination des politiques budgétaires, les États membres devraient présenter des stratégies permettant d'atteindre l'objectif d'inflation de la zone, qui serait relevé si une reprise était souhaitée6. Les auteurs ne disent pas si l'objectif d'inflation devrait être atteint au niveau de chaque pays ou à celui de la zone, mais, que ce soit individuellement ou collectivement, les pays membres seraient bien responsables de la stabilité des prix, privant la BCE de ce qui constitue son objectif statutaire. En outre, les auteurs proposent d'ajouter des objectifs nationaux de progression des salaires à celui d'inflation, afin que ceux-ci ne prennent pas de retard par rapport aux évolutions de la productivité et des prix, ainsi que des objectifs de soldes courants, afin de contraindre les pays dégageant des excédents importants à rendre leurs politiques budgétaires plus expansives, ce qui n'est pas forcément cohérent avec l'objectif de stabilité des prix fixé par le TFUE. Dans l'ensemble, appliquer la FFT impliquerait une régression dans la construction européenne. Par ailleurs, comme indiqué plus bas, la banque centrale serait fortement impliquée, à l'inverse de ce qui est proclamé.

À rebours de cette approche, on peut contester l'idée que la faiblesse de la croissance potentielle soit imputable à celle de la demande. On peut aussi rappeler que l'ELB résulte de la rémunération à taux nul de la monnaie fiduciaire. En conséquence, rémunérer celle-ci à un taux indexé sur un taux de politique monétaire, par exemple le taux de la facilité de dépôt dans le cade de la politique monétaire unique, rendrait certes l'usage de la monnaie fiduciaire plus mal commode, mais supprimerait l'ELB7. À cette occasion, les banques centrales pourraient également s'affranchir de politiques monétaires non conventionnelles impliquant leur bilan (cf. infra)8.

S'agissant de ces dernières, elles peuvent prendre trois formes comportant un degré croissant d'intégration avec la politique budgétaire, la deuxième discutable et la troisième inacceptable :

  • le financement monétaire de la dette publique : celui-ci se produit lorsqu'une banque, centrale ou « commerciale », accorde un crédit à une administration publique ou achète des titres publics. Contrairement à une opinion répandue, le financement monétaire par la banque centrale n'est pas interdit par le Traité sur l'UEM puisque celui-ci ne prohibe que les achats de titres publics sur le marché primaire9, ce qui a permis à la BCE de mener ses opérations d'achat d'actifs. De même, l'émission d'une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) par la BCE, avec pour contrepartie le placement en titres publics, pourrait à l'avenir financer les dettes publiques. Par rapport aux achats d'actifs, l'avantage pour les émetteurs est qu'il s'agirait a priori d'un financement permanent, l'émission de MNBC ne pouvant, comme celle de monnaie fiduciaire au cours du siècle écoulé, qu'augmenter sur la longue période (Pfister et Valla, 2022) ;

  • l'administration des taux d'intérêt à long terme : celle-ci peut revêtir deux formes. Dans la première, elle vise la compression des spreads souverains, comme dans le « Whatever it takes » de Mario Draghi en juillet 2012. Blanchard (2021) préconise ainsi que la banque centrale intervienne en cas de « pures tâches solaires » sur les marchés des titres publics. Blanchard et al. (2021) indiquent également que la banque centrale pourrait s'engager à limiter la hausse des taux souverains en cas de crise. Dans une deuxième forme, se combinant éventuellement avec la précédente, l'administration des taux d'intérêt à long terme porte sur les niveaux de taux ; c'est le contrôle de la courbe des taux pratiqué par la Banque du Japon depuis septembre 2016. Mathieu et Sterdyniak (2022) recommandent ainsi que la BCE, considérée comme responsable de la soutenabilité des finances publiques, intervienne sur les marchés des dettes souveraines pour y assurer des taux d'intérêt inférieurs au taux de croissance. L'inégalité r < g pourrait de la sorte être maintenue en permanence. Dans les deux cas d'administration des taux, le risque est que la banque centrale soit prise au piège de son action par les intermédiaires financiers. Tout événement pouvant affecter les dettes publiques, particulièrement celles des pays les plus endettés, serait ainsi dramatisé, entraînant l'effondrement des cours des titres souverains, précipitant l'intervention de la banque centrale et permettant aux salles de marché d'effectuer de fructueux arbitrages ;

  • un rôle budgétaire de la banque centrale, comme dans les propositions de monnaie-hélicoptère (Martin et al., 2021), dans la MMT où la banque centrale règle systématiquement les dépenses publiques sur injonction de l'État, sans provision préalable de son compte (Drumetz et Pfister, 2022), et dans le cas où un ou plusieurs émetteur(s) souverain(s) choisirai(en)t de faire défaut sur les titres détenus par la banque centrale. Dans tous ces cas, les pertes enregistrées par la banque centrale, en contrepartie des charges qui lui seraient imposées, provoqueraient une perte de confiance du public dans la monnaie et une très forte poussée inflationniste, comme l'expérience historique l'a maintes fois démontré (Sargent, 1982 ; Pfister et Valla, 2020).

L'hétérogénéité de la zone euro

Si les critères d'accès à l'UEM portaient sur des variables nominales – inflation, taux d'intérêt à long terme, stabilité des changes – et sur la situation des finances publiques, il était généralement admis que l'entrée dans la zone monétaire entraînerait la convergence réelle des économies nationales. Ce n'est pas ce qui s'est produit et le constat, après plus de vingt ans, est préoccupant. Dans une première phase, de 1999 à la crise financière, le revenu par habitant des économies « périphériques » du Sud et de l'Est s'est effectivement rapproché de la moyenne communautaire. Mais cette crise a mis en évidence que ce rattrapage était, en particulier dans le cas de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal, un trompe-l'œil masquant une dérive incontrôlée du crédit, alimentant des bulles immobilières et des coûts de production au détriment de la compétitivité et de la position extérieure. En revanche, dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), le rattrapage reposait sur des bases plus solides liées à l'intégration de ces économies, notamment la Slovénie, la Slovaquie et la République Tchèque, cette dernière n'étant pas dans la zone euro, dans les chaînes de valeur de l'industrie manufacturière des pays du Nord et à des politiques d'offre préservant la compétitivité.

La crise financière mondiale, puis celle de la zone euro entre 2010 et 2012 ont inversé la dynamique de convergence, ce qui semble valider, au moins partiellement, la thèse de Krugman (1993) selon laquelle l'intégration dans une zone économique et monétaire favorise la spécialisation des économies et la polarisation des activités à forte valeur ajoutée vers les zones initialement les mieux dotées en capital physique et humain. Le fait est qu'au cours de la dernière décennie, les économies du Sud ont perdu l'essentiel du terrain gagné avant 2008, alors que le processus de rattrapage s'est poursuivi et même accéléré dans les PECO et les pays baltes (Cabrillac, 2019). Peut-être encore plus préoccupant, l'Italie et la France tendent à se désindustrialiser et leurs spécialisations productives s'écartent de celles de l'Allemagne et des économies du Nord. Ce phénomène s'est accompagné d'une divergence d'évolution des PIB par habitant. Entre 2009 et 2019 (l'année 2020 ayant été très chahutée), ceux de la France, de l'Espagne et de l'Italie ont reculé en euros courants de 13 %, 14 % et 17 %, respectivement, par rapport à l'Allemagne (Banque mondiale-Databank).

Or il est difficile d'imputer à l'euro ou aux règles budgétaire des spécialisations productives peu efficaces et des contre-performances commerciales, alors que des économies partageant la même monnaie et les mêmes règles en tirent avantage. La responsabilité des politiques économiques nationales est naturellement engagée. Cependant, l'hétérogénéité croissante de la zone euro apparaît largement imputable aux dysfonctionnements du marché unique.

En premier lieu, les échanges intracommunautaires, dont la progression a surtout reflété l'intégration des nouveaux entrants dans la zone euro (Slovénie, Slovaquie et pays baltes) après 2007, stagnent depuis 2012. Une étude récente de la BCE portant sur la période 1995-2015 évalue par ailleurs la contribution du passage à l'euro sur le commerce intracommunautaire à seulement 5 % entre 1995 et 2015 (Gunella et al., 2021). Surtout, l'intégration financière est restée l'« angle mort » des politiques et de la surveillance communautaires. Les flux de capitaux intrazone ont reculé après la crise financière et plus encore après la crise de la zone euro de 2010-2012. Le « biais domes tique » affectant la détention par les banques de titres publics et privés souverains, inférieur à 40 % avant 2008, est monté depuis à près de 70 %, reflétant les achats effectués par les banques centrales. Les systèmes bancaires nationaux et les autres compartiments des marchés financiers demeurent cloisonnés, comme l'illustre la subsistance de barrières réglementaires et d'incitations fiscales spécifiques régissant dans les États membres l'allocation de l'épargne et des investissements.

Après plus vingt ans d'existence, l'euro circule dans un marché bancaire et financier toujours fragmenté. Lors des travaux préparatoires au Traité de Maastricht, le rapport Emerson évoquait la complémentarité « One market, one money » (Commission européenne, 1990). Il faudrait aujourd'hui renverser l'ordre des facteurs. Car cette fragmentation favorise la tendance spontanée à la polarisation des activités et entrave la convergence réelle des économies. Elle renforce aussi le risque de chocs asymétriques, met sous pression les politiques budgétaires nationales en l'absence d'une capacité commune de stabilisation macroéconomique et réduit l'efficacité des canaux de transmission de la politique monétaire unique (Jaillet, 2018 ; Jaillet et Vidon, 2018). Divers travaux ont en effet souligné la complémentarité du partage privé/public des risques en union monétaire (voir, par exemple, Farhi et Werning, 2017). Les travaux empiriques sur une longue période enseignent qu'aux États-Unis, par exemple, l'intégration financière par le crédit et les marchés de capitaux a amorti les trois quarts des chocs affectant les États, la contribution des transferts budgétaires « fédéraux » se limitant à un peu plus de 10 % (Asdrubali et al., 1996 ; Melitz et Zumer, 2002). En comparaison, des études similaires sur la zone euro montrent que le canal de l'intégration financière reste marginal, alors que celui des transferts budgétaires est inexistant (Furcery et Zdzienicka, 2013). Sans partage des risques publics ou diversification adéquate des risques privés, la charge d'amortissement des chocs et les coûts liés au défaut de convergence incombent ainsi aux seuls budgets des États membres et à la BCE. Cette configuration explique sans doute en partie la difficulté à se conformer à des règles budgétaires communes. Elle est surtout intenable en cas de choc majeur. C'est pourquoi, à la suite de la crise de 2010-2012, une mutualisation partielle des dettes publiques a été mise en place et la politique monétaire fortement sollicitée (cf. supra).

Perspectives d'évolution du dispositif

Les propositions d'amendement du cadre budgétaire portent sur principalement sur trois aspects : une mise en cause des normes quantitatives, des modifications dans la gouvernance et le traitement spécifique de certaines dépenses.

Mise en cause des normes quantitatives

S'agissant des normes quantitatives, dans la plupart des propositions, la valeur de référence de 3 % pour le déficit public est abandonnée pour les pays qui ne respectent pas celle pour la dette. Comme c'est le cas pour la quasi-totalité des États membres, la discussion qui suit porte essentiellement sur le critère de dette. De fait, les critiques sur les contraintes supposément mises au réglage conjoncturel et sur le critère peu réaliste de la cible de dette convergent vers deux sortes de propositions : réduire le rythme d'atteinte de la cible de dette, voire en relever le niveau, faisant de cette cible un objectif de long voire de très long terme, ou bien supprimer les règles, donc en particulier les normes quantitatives :

  • la première approche conserve le principe d'un objectif de dette, assorti de normes de progression des dépenses publiques. Ainsi, le Conseil budgétaire européen (CBE ; Beetsma et al., 2018 ; European Fiscal Board, 2018) propose de conserver un objectif de réduction du ratio de dette à 60 %, à l'horizon, par exemple, de quinze ans, en mettant un plafond, revu tous les trois ans, à la progression des dépenses nominales nette des mesures fiscales nouvelles (la valeur de référence de 3 % continuerait de s'appliquer aux pays respectant celle de 60 %). Cette proposition a été amendée lors de la pandémie de Covid-19 en suggérant de tenir aussi compte de la composante cyclique des dépenses d'indemnisation du chômage et en différenciant la vitesse d'ajustement vers la cible, de sorte que l'horizon d'atteinte de la valeur de référence pourrait dépasser vingt-cinq ans pour un pays très endetté comme l'Italie (European Fiscal Board, 2020 ; Thygesen et al., 2020). Darvas et al. (2018) suggèrent une approche similaire, avec un objectif à moyen terme de réduction de la dette spécifique à chaque pays, mis en œuvre via une norme de progression des dépenses publiques nette des intérêts, des dépenses d'indemnisation du chômage et des mesures fiscales nouvelles, avec une progression plus lente dans les pays où la dette est plus importante. Bénassy-Quéré et al. (2018) proposent une règle de même type, où le rythme de réduction de la dette pourrait dépendre des mesures d'abaissement des droits à la retraite (pour curieusement relever la norme de dépenses publiques) et plus généralement des réformes structurelles adoptées, bien que celles-ci soient justement destinées à soutenir la croissance donc le dénominateur du ratio de dette. Dans le même sens également, Giavazzi et al. (2021, pp. 4-8) recommandent qu'une « ancre de dette » soit fixée à moyen terme pour chaque pays, avec une vitesse d'ajustement qui dépendrait de la part des dépenses consacrées à l'investissement public, à la contribution à la production de biens publics européens et à la lutte contre les récessions, et serait mise en œuvre à travers une règle de dépenses primaires nettes d'intérêts, du jeu des stabilisateurs et des « dépenses d'avenir ». Martin et al. (2021) proposent une règle du même type. Ces propositions sont supposées permettre la consolidation des finances publiques en période de reprise économique, mais la possibilité d'édicter des mesures fiscales nouvelles laisserait en fait une marge de discrétion très importante aux États membres10. En conséquence, le processus de surveillance communautaire aurait de fortes chances de se retrouver vidé de son contenu. En outre, un inconvénient de la règle de dépenses nettes est qu'elle conduit dans la plupart des cas à un report dans le temps des ajustements, ce qui ne permet pas aux souverains dont la dette est élevée de bénéficier d'un gain de crédibilité significatif et de la baisse des conditions créditrices associée, alors que c'est l'une des motivations principales de tout plan de consolidation budgétaire. Enfin, le MSE (Francová et al., 2021 ; Regling, 2022) propose le maintien de la valeur de référence de 3 % et le relèvement à 100 % de la valeur de référence pour la dette, combiné à une règle de dépenses permettant de réduire la vitesse d'ajustement vers la cible (cf. ci-après). La proposition s'appuie sur le même raisonnement que celui effectué lors de la rédaction du Traité de Maastricht, à partir de l'égalité Δb = d – gb, où Δ est l'opérateur changement, b le ratio de dette, d le ratio de déficit et g le taux de croissance nominal. Ce dernier était à l'époque évalué à 5 %, se décomposant en 3 % de croissance potentielle (1 % de nos jours) et 2 % de hausse des prix, tandis que la moyenne des ratios de dette s'établissait à 60 %. Par conséquent, un déficit de 3 % permettait de stabiliser la dette à 60 % du PIB et permettrait de le faire à l'avenir à 100 %, soit à peu près le niveau constaté dans la zone euro à la fin de 2021. Toutefois, cette proposition soulève un problème de crédibilité puisqu'un relèvement de la valeur de référence en laisserait anticiper de suivants ;

  • la suppression des règles est suggérée selon deux approches. Dans la première (Blanchard et al., 2021), les règles sont remplacées par des standards : une incertitude « knightienne » pèserait sur toute estimation d'un niveau de dette publique réduisant très significativement le risque d'insoutenabilité, ce qui contraindrait excessivement les capacités stabilisatrices de la politique budgétaire. Les auteurs proposent qu'un déficit soit considéré comme excessif lorsque « la dette n'apparaît pas soutenable avec une forte probabilité11, en prenant en compte les politiques économiques courantes et projetées » (p. 21). L'outil de base pour effectuer le diagnostic de soutenabilité serait constitué par une analyse stochastique des déterminants de la dette permettant de construire des graphiques en éventail de l'évolution de la dette. Si la probabilité que le solde primaire permettant de stabiliser la dette dépasse celui constaté n'excédait pas un certain niveau – par exemple 5 % –, le standard de soutenabilité serait considéré comme satisfait ; dans le cas contraire, le pays devrait procéder à un ajustement. En outre, les pays pourraient bénéficier d'une clause d'exemption si « un choc économique ou la survenance d'un passif contingent était si important que l'ajustement requis pour prévenir une évolution explosive de la dette devenait économiquement ou politiquement infaisable (comme dans l'exemple de la Grèce en 2009-2010) » (p. 23). La référence à l'incertitude « knightienne » et à des circonstances politiques qui pourraient d'ailleurs être suscitées ou stimulées par les gouvernements fait de ce dispositif un exercice largement discrétionnaire et ne va pas dans le sens de la simplification souhaitée du dispositif. Dans une deuxième approche, plus radicale, toute norme quantitative est supprimée, aussi bien pour le déficit que pour la dette, sans édiction correspondante de standards, en faveur d'une seule coordination des politiques budgétaires (Mathieu et Sterdyniak, 2021, 2022). Un pays ne devrait, par exemple, se voir demander de modifier sa politique que s'il est prouvé qu'elle nuit à ses partenaires, y compris par son caractère jugé trop restrictif.

Les deux catégories de propositions concernant les normes quantitatives sont souvent assorties de la suggestion de mettre en place, ou de développer sur la base de programmes du type NextGenerationEU (cf. supra), une capacité budgétaire au niveau de l'UE :

  • dans la première approche qui conserve un objectif de ratio de dette, le CBE (European Fiscal Board, 2020 ; Thygesen et al., 2020) propose d'accroître le budget communautaire pour répondre à des chocs économiques importants, mais aussi pour renforcer la convergence des économies et soutenir la production de « biens publics européens » (cf. infra). Giavazzi et al. (2021) proposent la création d'une agence européenne de la dette qui, en contrepartie de ses émissions, achèterait une part croissante des dettes publiques nationales en liaison avec la BCE, permettant à celle-ci de se défaire d'une partie du stock qu'elle détient ;

  • dans la deuxième approche où les normes quantitatives sont supprimées, Blanchard et al. (2021) proposent d'activer cette capacité budgétaire si la politique budgétaire est jugée trop restrictive à ce niveau, en raison soit de la survenance d'un choc de demande symétrique et d'une marge de manœuvre insuffisante de la BCE, soit d'une orientation budgétaire jugée trop restrictive d'un ou plusieurs pays. La possibilité de réduire cette capacité budgétaire de l'UE en cas d'orientation trop expansive de la politique budgétaire au niveau de l'UE n'est pas envisagée par les auteurs. Comme indiqué plus haut, Mathieu et Sterdyniak (2021, 2022) suggèrent que, dans le cadre de la coordina tion des politiques budgétaires au sein de l'UE, une pression s'exerce sur les pays plutôt que de mettre en place une capacité budgétaire au niveau de l'UE.

La question de la gouvernance

La plupart des propositions évoquées ci-dessus sont assorties d'importantes modifications de la nature de la gouvernance du cadre budgétaire. Une hypothèse implicite est que son échec, au-delà de ses vices de conception, est imputable aux autorités européennes et plus spécifiquement à la Commission. C'est lui faire un mauvais procès, car si elle n'a pas joué son rôle de prévention, la responsabilité en incombe au moins autant aux États membres, qui exercent une pression constante sur la surveillance macroéconomique et s'affranchissent allègrement de leurs propres engagements, la logique intergouvernementale l'emportant sur la discipline communautaire.

Or la plupart des propositions évoquées plus haut vont encore plus loin dans ce sens. Elles préconisent une sorte de « renationalisation » du cadre budgétaire. Les objectifs de dépenses publiques seraient ainsi définis sous la responsabilité des exécutifs et des parlements nationaux, un argument étant qu'une telle procédure favoriserait leur « appropriation » nationale et donc les chances qu'ils soient respectés. Cette orientation paraît discutable à plusieurs égards. En premier lieu, confier aux États membres la responsabilité d'édicter leurs propres objectifs, même sur la base d'une méthodologie commune qui pourrait être du ressort du CBE, ne garantit pas leur cohérence au niveau de la zone euro et soumet l'ensemble de la procédure aux aléas des débats politiques nationaux et à la pression des calendriers électoraux12. En deuxième lieu, se pose la question de l'arbitrage en cas de non-respect des engagements nationaux ou de conflit d'objectifs entre États membres, alors que la Commission serait mise en retrait. La solution, préconisée notamment par Martin et al. (2021), est de confier à des comités nationaux « indépendants » la responsabilité de valider les objectifs et d'apprécier la cohérence des trajectoires avec les objectifs. Mais dans quelle mesure des comités – par essence consultatifs – pourraient-ils s'imposer au pouvoir politique (voir à ce sujet Beetsma et al., 2018)13 ? Il resterait au Conseil des ministres à valider ces engagements, mais a-t-il jamais invalidé un programme ? Quant au Parlement européen, il serait « auditionné ».

En définitive, au-delà des risques de politisation et de manipulation liés aux discussions sur les trajectoires de dépenses publiques et la nature des dépenses à prendre en compte, propres à chaque État membre, le danger est d'affaiblir encore davantage l'arbitrage communautaire.

Dans l'option des « standards budgétaires » proposée par Blanchard et al. (2021), il reviendrait à des comités d'experts de fixer les trajectoires – sur la base d'une méthodologie il est vrai trop sophistiquée pour être du ressort des responsables politiques. Ce serait alors à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de statuer en cas de désaccords ou de conflits, ce qui ne manquerait pas d'occasionner de multiples litiges et d'allonger les délais de procédure. Les autorités économiques européennes seraient là aussi mises en retrait, sinon sur la touche, au bénéfice d'un dialogue entre experts et juges. Un risque supplémentaire serait de faire de la CJUE un bouc émissaire en l'opposant régulièrement aux gouvernements nationaux.

Traitement spécifique de certaines dépenses

 Bien qu'il s'agisse d'un choix délibéré des États membres, il est souvent reproché aux règles européennes de les avoir conduits à repousser certaines dépenses porteuses d'avenir, comme les dépenses d'investissement14, ou contribuant à des « biens publics européens » (en fait, mondiaux) comme la lutte contre le changement climatique. Il est donc proposé soit de faire échapper ces dépenses au plafond prévu pour réduire le ratio de dette visé à moyen terme, soit de relever directement celui-ci. Faut-il alors aller au-delà des éléments de flexibilité, introduits en 2015 sous forme d'autorisation de déviations temporaires des objectifs budgétaires à moyen terme, et faire bénéficier ces dépenses d'un traitement encore plus favorable, les faisant échapper aux limites de dépenses publiques, leur permettant de rehausser ce dernier ou de ne pas les intégrer dans le calcul du déficit et/ou de la dette, comme proposé sous ces différentes formes par de nombreux auteurs (European Fiscal Board, 2020 ; Thygesen et al., 2020 ; Blanchard, 2021 ; Giavazzi et al., 2021 ; Regling, 2022) ? Nous distinguons le cas général de celui des dépenses liées au changement climatique :

  • s'agissant du cas général, il y a quelque condescendance à prétendre juger mieux que les autorités nationales du bon emploi des fonds publics. Beaucoup de pays de la zone euro sont d'ailleurs déjà très bien dotés en infrastructures et même trop dotés dans ce domaine, au regard tant des coûts de fonctionnement qu'ils occasionnent que des dommages souvent irréversibles qu'ils infligent à l'environnement. En outre, la question se pose de ce que l'on peut considérer comme un investissement. De nos jours, singulièrement pour les économies les plus dotées en infrastructures et les plus développées de la zone euro, il s'agirait des dépenses de recherche et d'éducation, ou même des dépenses militaires. Mais faire échapper un ensemble aussi vaste de dépenses au dispositif de surveillance communautaire serait de vider les comptes d'une grande part de leur contenu et ouvrir une boîte de Pandore, conduisant à toutes sortes de manipulations et de distorsions entre États membres, dont les structures de dépenses diffèrent. Enfin et surtout, si les dépenses en cause contribuent à des projets européens – ou doivent faire l'objet d'une étroite coordination entre États membres – c'est à ce niveau qu'elles doivent être financées, afin notamment de renforcer leur efficacité tout en contribuant à l'homogénéité de la zone ;

  • s'agissant des dépenses liées à la transition climatique, il n'est pas certain que les retirer comptablement des dépenses publiques nationales soit la meilleure façon d'aborder le sujet. En effet, le moyen le plus efficace et connu depuis longtemps pour réduire les émissions carbonées est la taxation, qui présente notamment l'avantage de permettre la coordination spontanée des agents (Nordhaus, 2019). Certains pays, comme la Suède, ont montré la voie, adoptant une taxation des émissions carbonées trois fois plus élevée qu'en France et prouvant ainsi que, si la lutte contre le changement climatique était prise au sérieux, elle n'était pas soumise au prétexte d'une perte de compétitivité. C'est d'autant plus le cas que le supplément de recettes fiscales ainsi dégagé peut être employé à diminuer d'autres impôts et/ou à aider les plus démunis à diminuer leurs émissions carbonées, ce qui permet que la lutte contre le changement climatique n'ait pas d'impact sur la croissance économique à court-moyen terme, comme l'exemple des pays nordiques l'a montré (Pfister et Valla, 2021).

CONCLUSION

Vingt ans après la mise en place de l'UEM, une révision de son cadre budgétaire s'impose pour deux raisons. D'une part, il s'est révélé inefficace et peu adapté, en dépit des divers aménagements dont il a fait l'objet. D'autre part, le contexte n'est plus celui de la fin des années 1990. Quatre crises sont passées par là : la crise financière mondiale de 2008, la crise des dettes souveraines dans la zone euro de 2010-2012, la crise de la Covid de 2020-2021 et enfin la guerre en Ukraine. Ces crises ont conduit, ou peuvent conduire, à solliciter fortement les finances publiques des États membres. Elles ont aussi mis en cause plusieurs des hypothèses et ébranlé quelques-uns des principes sur lesquels se fondait l'architecture de l'UEM fixée dans le Traité de Maastricht : indépendance de la politique monétaire vis-à-vis des politiques budgétaires, principe de non-renflouement d'États membres en difficulté, convergence réelle spontanée dans un espace économique et financier intégré, ou même présomption de « bonne conduite » de la part des gouvernements. Il en résulte que le cadre budgétaire minimaliste, de nature essentiellement « prudentielle », supposé garantir la soutenabilité des dettes publiques, limiter les externalités entre écono mies et préserver les marges de manœuvre contracycliques des gouvernements, est clairement devenu obsolète. Cependant, des règles budgétaires restent justifiées dans une UEM où les politiques économiques – en l'absence d'union politique – sont pour l'essentiel de la responsabilité des gouvernements nationaux. En outre, si les crises évoquées plus haut ont conduit les autorités européennes à mobiliser en urgence des instruments communautaires inédits – comme le MSE ou plus récemment le programme NextGenerationEU –, ces instruments sont des outils contingents de partage des risques publics construits dans l'urgence et au cas par cas pour faire face à des chocs majeurs. Ils n'ont pas vocation à jouer un rôle de stabilisation conjoncturelle et les États membres, à cet égard, restent en première ligne. Ces derniers doivent donc disposer des capacités d'action et de réaction adéquates. Or la transgression récurrente de leurs engagements budgétaires, même lors des phases de conjoncture favorables, a érodé leurs marges de manœuvre et entraîné une progression par palier de leurs dettes publiques, qui atteignent aujourd'hui des niveaux qui seraient probablement insoutenables sans la politique monétaire exceptionnellement accommodante poursuivie par la BCE depuis 2014.

Une idée, assez largement répandue dans la communauté des économistes et partagée par de nombreux responsables politiques, consiste à substituer à un cadre budgétaire centralisé, jugé abusivement contraignant et « complexe », des dispositions plus flexibles portant, par exemple, sur les trajectoires nationales de dépenses publiques à long terme, définies sous la responsabilité des États membres, ou sur des « standards budgétaires » calibrés au cas par cas sur la base d'évaluations d'experts. Cet article passe en revue une série de questions que suscitent ces propositions, tout en s'interrogeant sur le caractère excessivement « contraignant » de règles qui n'ont le plus souvent pas été respectées dans nombre d'États membres, et sur la pertinence de l'argument de complexité au regard de solutions qui semblent bien plus sophistiquées. Surtout, comment garantir la fiabilité et la crédibilité d'objectifs définis et mis en œuvre sous la responsabilité des États membres, eux-mêmes soumis aux aléas politiques ? Comment assurer un degré adéquat de transparence et de responsabilité (accountability), alors que les institutions chargées de garantir la cohérence des politiques, la cohésion communautaire et le respect des traités (la Commission européenne, en premier lieu) seraient mises en retrait au bénéfice de comités d'experts ou de « sages » peut-être indépendants, mais sans réelle capacité d'influence ?

Nous pensons que le nouveau dispositif devrait obéir à quelques critères simples : reposer sur des variables numériques « opposables », communes à tous les États membres et non manipulables ; être trans parent et garantir la responsabilité (accountability) vis-à-vis des parlements nationaux, du Parlement européen et des opinions publiques ; être aisément contrôlables par les autorités européennes, enfin, ce qui suppose de renforcer plutôt qu'affaiblir leurs prérogatives.

Au regard de ces critères, le nouveau cadre budgétaire pourrait s'articuler de la manière suivante :

  • l'objectif de solde structurel deviendrait la variable de commande centrale du dispositif. Son calibrage (aujourd'hui de 0,5 % à 1 % du PIB) pourrait s'inscrire dans une fourchette élargie – par exemple, de 0,5 % à 1,5 % –, les cibles fixées pour chaque État membre étant modulées en fonction du niveau de leurs dettes ;

  • l'estimation des soldes structurels des États membres serait effectuée sous la responsabilité de la Commission européenne, s'appuyant sur un comité d'experts indépendants. L'examen de la conformité des suivis budgétaires aux objectifs devrait tenir compte de la révision en cours d'année des écarts de production et d'événements contingents susceptibles de les affecter ;

  • dans ces conditions, le plafond de 3 % fixé pour le déficit total, devenu de facto l'objectif central, n'aurait plus de justification, d'autant que la composante cyclique des soldes budgétaires – donc l'espace nécessaire pour faire face aux aléas conjoncturels – varie d'une économie à l'autre ;

  • le solde structurel, support des objectifs fixés aux États membres, devrait refléter fidèlement leur action discrétionnaire. Il serait net des charges d'intérêts de la dette, mais pas de dépenses spécifiques (par exemple, investissements dans les projets « porteurs d'avenir », dans la transition climatique, etc.), pour les raisons évoquées plus haut (transparence, contrôlabilité, comparabilité, risques de manipulation comptable). Les dépenses contribuant à des « biens publics européens » ou comportant des risques importants d'externalité, comme la lutte contre le changement climatique, devraient relever de programmes du type NextGenerationEU ;

  • le seuil de 60 % du PIB fixé par le Traité pour les dettes publiques est une référence de long terme. Le strict respect de l'objectif de solde structurel, modulé en fonction du niveau des dettes, serait le meilleur garant de leur soutenabilité. Une voie complémentaire serait de porter le seuil de référence à 100 % en conservant la règle de réduction actuelle (1/20 par an) ou de conserver le seuil de 60 % en lissant sa trajectoire (1/30 par an).

Cependant, le cadre budgétaire ne peut être le bouc émissaire pour tous les dysfonctionnements de l'UEM. Il n'a vocation à assurer ni la coordination optimale des politiques économiques, ni la cohérence de son policy-mix. Les discussions à ce sujet ne peuvent occulter la question centrale de la faiblesse du volet économique de la zone euro, son talon d'Achille, que Jacques Delors avait identifiée dès l'origine. Aussi la refonte du cadre budgétaire doit-elle s'inscrire dans une réforme globale du fonctionnement de l'UEM selon deux axes principaux, la gouvernance et la convergence.

Le renforcement de la gouvernance revêt deux aspects. S'agissant d'abord de la surveillance, les outils existent (dispositions du PSC complétées depuis 2010 par le semestre européen et la procédure des déséquilibres macroéconomiques, PDM), mais leur mise en œuvre est défaillante. La logique intergouvernementale a jusqu'à présent prévalu et la plupart des États membres n'ont que rarement respecté leurs engagements. La mise en place du CBE, à la suite du rapport des cinq présidents (2016), n'y a rien changé, en dépit de la haute qualité de ses membres, ce qui jette un doute sur l'efficacité de comités de sages « indépendants » préconisés par certains pour garantir le respect des règles budgétaires. Une solution plus radicale serait de concentrer les prérogatives en matière de surveillance sur une seule tête, cumulant les fonctions de commissaire européen chargé des questions économiques et de président de l'Eurogroupe, doté d'une réelle capacité d'impulsion et d'arbitrage, comme l'a préconisé un rapport du Parlement européen (Böge et Bérès, 2017). Dans le même esprit, le rapport des cinq présidents proposait la création d'un Trésor de la zone euro (« dès 2017 et au plus tard d'ici à 2025 »).

S'agissant ensuite de la politique économique de la zone euro et de la cohérence de son policy-mix, les autorités européennes ne définissent aujourd'hui aucune orientation optimale des politiques budgétaires agrégées (un fiscal stance face au monetary stance de la BCE) à laquelle les États membres devraient se conformer en acceptant le principe de symétrie des ajustements macroéconomiques15. Cela suppose naturellement une volonté politique d'aller vers un modèle moins intergouvernemental et plus fédéral.

La création de la zone euro, complétant le marché unique, devait favoriser la convergence réelle des économies nationales. Ce n'est pas ce qui s'est produit et le constat, après plus de vingt ans, est préoccupant. Les économies du Sud ont perdu l'essentiel du terrain gagné avant 2008, alors que les revenus par habitants divergent depuis 2010 entre les grandes économies de la zone. Les échanges intracommunautaires stagnent depuis 2012 et l'euro circule dans un marché bancaire et financier toujours fragmenté. Or, sans partage des risques publics ou diversification adéquate des risques privés, la charge d'amortissement des chocs et des coûts liés au défaut de convergence incombe aux seuls budgets des États membres et à la BCE. Les carences du marché unique expliquent ainsi pour une large part les difficultés des États membres à se conformer aux règles budgétaires et les contraintes auxquelles la politique monétaire unique se trouve confrontée.

En l'absence d'union politique et d'un budget fédéral conséquent, la zone euro ne peut fonctionner sans un cadre budgétaire solide. Mais instaurer et faire respecter de nouvelles règles du jeu communes dans une zone économique de plus en plus hétérogène et sans un renforcement de la gouvernance communautaire apparaît plus qu'hypothétique. Aussi les discussions en cours sur les règles ne doivent-elles pas conduire à escamoter le chantier plus fondamental de la réforme globale de l'UEM.


Notes

1 Pour une présentation et une évaluation de la MMT, voir Drumetz et Pfister (2022).
2 Ainsi Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, déclarait en mars 2022 : « L'horizon des 3 % de déficit en 2027 doit être maintenu ! ».
3 Les marchés financiers ont ainsi soumis les gouvernements à un test sur la crédibilité de leur engagement de no bail-out dès qu'ils en ont eu l'occasion et les travaux d'Horvat et Huizinga (1985) sur la création de l'European Financial Stability Facility (EFSF), précurseur du MSE, ont d'ailleurs montré que les premiers bénéficiaires en avaient été les banques et les détenteurs de leurs titres obligataires, plus que les États périphériques.
4 Pour Blanchard et al. (2021, p. 5) : « Potential growth is hard to affect, as potential structural reforms often have uncertain effects. » En tout état de cause, la faiblesse de la croissance potentielle est considérée dans les approches de type FFT comme une donnée, la possibilité d'y remédier par le moyen généralement invoqué – des réformes structurelles – étant omise. En outre, la possibilité que la croissance potentielle continue de baisser à taux d'intérêt inchangé, entraînant un renversement de l'inégalité, n'est pas envisagée par les auteurs (sur ce point, voir Pfister et Valla, 2022).
5 Dans le contexte économique de la pandémie de Covid-19 et de la mise en place de politiques budgétaires de soutien massif à la demande, s'accompagnant d'une poussée de l'inflation, il n'est pas sans intérêt de noter qu'au vu de l'expérience des années 1970, Lerner s'est ravisé. Il a admis que la FFT ignorait les réalités institutionnelles, avait négligé l'analyse microéconomique et l'éventualité de phénomènes stagflationnistes (Drumetz et Pfister, 2022).
6 Le motif d'un tel relèvement n'est pas clair puisque si l'économie ralentit, l'inflation devrait spontanément baisser.
7 Pour plus de détails, voir Pfister et Valla (2017).
8 Outre les politiques de bilan, les politiques monétaires non conventionnelles comprennent le guidage des taux d'intérêt (voir Pfister et Sahuc, 2020, pour une présentation et un bilan des politiques monétaires non conventionnelles).
9 La raison de cette distinction est mystérieuse puisque l'achat de titres publics sur le marché secondaire n'est pas nécessaire à la mise en œuvre de la politique monétaire (il suffit d'intervenir sur le marché des pensions, où les titres publics servent seulement de garanties). Peut-être les rédacteurs du Traité ont-ils pensé que laisser le marché primaire au seul secteur privé permettrait de discipliner les émetteurs. Toutefois un tel raisonnement est manifestement faux car l'intervention de la banque centrale sur le marché des titres publics secondaire peut être anticipée par les intervenants dès la souscription, donc y influencer les prix. C'est d'ailleurs la propriété dont les banques centrales se servent lorsqu'elles mènent des opérations d'achat d'actifs : la seule annonce de l'intention d'achat par la banque centrale fait immédiatement monter les cours des titres publics, donc baisser les taux d'intérêt, la réalisation effective des achats n'ayant qu'un effet très faible.
10 Martin et al. (2021) soulignent que ce dispositif « doit permettre aux gouvernements de faire des choix de politique budgétaire qui reflètent leurs préférences politiques », ce qui semble légitime, mais n'est pas une garantie de respect des engagements communautaires.
11 Incidemment, le recours à une approche probabiliste peut être jugé contestable dans un cadre d'incertitude « knightienne » donc non probabilisable.
12 Le FMI, dans le cadre de son dernier exercice Article IV sur la France, évalue à 1,5 % du PIB le biais de sous-estimation des dépenses publiques annuelles dans les programmes de stabilité et de convergence soumis à la Commission.
13 En outre, on peut s'interroger sur l'opportunité de créer de nouveaux comités sans prérogatives très claires alors qu'existent déjà dans la plupart des pays des juridictions indépendantes chargées de contrôler la politique budgétaire (en France, la Cour des comptes).
14 Comme le remarquent Alcidi et al. (2022), le reproche est peut-être infondé dans la mesure où, dans la plupart des pays, on ne trouve pas une relation étroite entre les déficits publics et les investissements publics.
15 Selon ce principe, les autorités européennes pourraient inciter un État membre menant, par exemple, une politique budgétaire « exagérément restrictive » à l'infléchir si elle n'est pas en ligne avec l'orientation fixée en commun, sous l'hypothèse bien sûr que les partenaires de cet État respectent eux-mêmes leurs engagements.

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