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 Le comité européen du risque systémique : l’approche européenne du risque systémique


Mauro GRANDE Directeur général de la stabilité financière, Banque centrale européenne (BCE).
La crise financière a mis en évidence la nécessité de disposer d’une surveillance macroprudentielle qui combine analyse économique et outils de régulation et surveillance. Au niveau de l’UE, ceci a conduit à la création du CERS dans lequel la BCE et les banques centrales des différents pays membres seront fortement impliquées. Le CERS sera avec les trois Autorités européennes de surveillance (AES) un organe essentiel du SESF, le système européen de surveillance financière. Dans le contexte actuel de tensions des marchés, il importe que le CERS établisse rapidement sa crédibilité et sa réputation tant en Europe qu’au niveau international vis-à-vis du FSOC américain et du FMI.

Parmi les nombreux enseignements tirés de la crise financière, il est souvent fait référence à la nécessité de compléter la surveillance microprudentielle, qui vise à garantir que les différentes institutions financières adoptent une attitude prudente en matière de prise de risques, par une surveillance macroprudentielle plus structurée permettant de contrôler le risque systémique, c’est-à-dire le risque que des perturbations affectent la stabilité globale ou partielle du système financier. La surveillance macroprudentielle n’est pas une idée nouvelle si l’on considère, par exemple, les nombreux travaux conceptuels et analytiques réalisés par la Banque des règlements internationaux (BRI) dans ce domaine au cours des dix ou quinze dernières années. Cependant, il est vrai qu’elle n’est devenue que récemment une partie intégrante du débat politique en étant considérée comme l’un des moyens envisageables pour réduire la probabilité que des crises similaires se reproduisent dans le futur. La réaction des autorités consiste en particulier à instituer, aux niveaux national et international, des organismes chargés formellement de la surveillance macroprudentielle. Cela s’applique également à l’Union européenne où un Comité européen du risque systémique (CERS) a été mis en place depuis peu avec comme mission de suivre et de contrôler le risque systémique au niveau de l’Union européenne.

L’objet de cet article est d’examiner les principaux éléments sous-tendant la nécessité d’une surveillance macroprudentielle et de présenter plus particulièrement les principales caractéristiques du CERS. D’une manière générale, il convient de noter que le développement d’une fonction macroprudentielle soulève plusieurs questions importantes relatives aux moyens de suivre, d’identifier et d’évaluer le risque systémique, à la nature des outils macroprudentiels et à leurs rapports avec les instruments microprudentiels, à l’interaction entre la politique macroprudentielle et les autres politiques… Il faudra du temps et l’expérience concrète des organismes macroprudentiels pour traiter ces questions de manière satisfaisante.

Les enseignements de la crise : la nécessité de réformer le cadre institutionnel de l’union européenne

L’absence de surveillance macroprudentielle efficace a été l’une des principales défaillances de la réglementation et de la supervision financières et, par conséquent, l’une des causes fondamentales de la crise financière. L’importance de traiter cette question a notamment été soulevée en 2009, les dirigeants du G20 s’engageant, lors du sommet de Londres du 2 avril de cette même année1, à réformer leurs systèmes de régulation afin de permettre aux autorités de cerner les risques macroprudentiels et d’en tenir compte.

Ces engagements reflétaient les recommandations formulées en mars 2009 dans un rapport rédigé sous l’égide du G20, qui soulignait qu’une régulation financière efficace constituait la première ligne de défense pour prévenir l’instabilité dans le système financier (G20, 2009). Les facteurs mis en avant par ce rapport pour expliquer les turbulences financières (qui avaient commencé à s’étendre durant l’été 2007) étaient l’accumulation de vulnérabilités systémiques liées à un excès de liquidité, d’effet de levier et de prise de risques et à des concentrations d’importance systémique dans l’ensemble du système financier.

La prise de conscience à l’échelle mondiale de l’importance de la surveillance macroprudentielle a été renforcée par les réflexions engendrées par la crise financière dans un certain nombre de pays et de forums.

Premièrement, en Europe, les réflexions menées ont abouti à la publication du rapport de Larosière, qui soulignait la nécessité de mettre en place un organisme chargé de la surveillance macroprudentielle dans l’ensemble du système financier de l’Union européenne (cf. infra). La Banque centrale européenne (BCE) a également régulièrement attiré l’attention sur la nécessité d’une amélioration globale du cadre macroprudentiel au niveau de l’Union européenne. Il a étésouligné que le marché financier unique était une composante essentielle du projet global de marché unique et que la surveillance macroprudentielle renforcerait la résistance de ce marché (Trichet, 2009). La mise en place d’un cadre macroprudentiel soulèverait cependant un certain nombre de questions fondamentales relatives aux objectifs, aux pouvoirs et aux outils de la surveillance macroprudentielle. À cet égard, la BCE a insisté sur l’importance de considérer la conduite de la surveillance macroprudentielle en liaison avec l’exercice des autres missions de banque centrale qui peuvent également contribuer à la stabilité financière (Papademos, 2009). Plus largement, elle a également souligné que la crise financière avait permis de parvenir à un large consensus s’agissant de l’analyse et des mesures à prendre dans au moins trois domaines : parvenir à une meilleure compréhension du risque systémique, renforcer les aspects macroprudentiels de la supervision financière et accroître l’implication des banques centrales en la matière. La création d’un nouvel organisme chargé de la supervision macroprudentielle au niveau de l’Union européenne, le CERS, serait l’un des éléments d’un ensemble exhaustif de mesures prises dans ce domaine (Bini Smaghi, 2009).

Deuxièmement, aux États-Unis, la proposition d’une refonte complète du système de régulation financière, dévoilée par le président Obama à la Maison Blanche le 17 juin 2009, incluait la création d’un Conseil de surveillance des services financiers (Financial Services Oversight Council – FSOC) afin de faciliter, notamment, le partage des informations et la coordination, d’identifier les risques naissants et de conseiller le Système fédéral de réserve en matière d’identification des établissements dont la faillite pourrait menacer la stabilité financière (Obama Administration, 2009).

Troisièmement, l’importance vitale de mettre en place une surveillance macroprudentielle à l’échelle du système financier a également été reconnue au Royaume-Uni. Il a été souligné que l’absence d’une telle approche et l’incapacité à définir et à utiliser des leviers macroprudentiels pour contrebalancer les risques systémiques avaient joué un rôle bien plus important dans l’origine de la crise que n’importe quelle défaillance spécifique du processus de surveillance ayant trait à des établissements individuels (FSA, 2009). Dans ce contexte, la réévaluation de la structure du système financier, l’amélioration du cadre de gestion et de résolution des crises financières et le réexamen du cadre réglementaire, notamment le rôle potentiel des instruments macroprudentiels, ont été présentés comme des éléments essentiels (Banque d’Angleterre, 2009).

Enfin, ces préoccupations et ces questions ont également été relayées par les milieux universitaires et dans plusieurs rapports internationaux. La portée insuffisante de la réglementation et la nécessité, en particulier, de compléter la priorité précédemment accordée à la régulation microprudentielle par un aspect macroprudentiel ont été, par exemple, mises en évidence de façon opportune par le onzième rapport de Genève sur l’économie mondiale (Brunnermeier et al., 2009). Plus récemment, dans un rapport publié en octobre 2010, le G302 indiquait que la crise financière mondiale avait montré qu’une régulation axée uniquement sur les institutions considérées individuellement ne traitait pas de manière adéquate les risques systémiques pesant sur les marchés financiers dans leur ensemble (G30, 2010). De plus, il est apparu que le système financier présente une tendance inhérente à connaître une succession de phases d’expansion et de ralentissement amplifiée par le caractère fortement interconnecté des institutions et des marchés financiers. L’identification des risques systémiques et l’élaboration de réponses appropriées, c’est-à-dire des mesures macroprudentielles, sont par conséquent au cœur des débats depuis la crise financière.

Au total, les enseignements de la crise financière ont mis en évidence les conséquences spectaculaires des faiblesses des dispositifs existants de surveillance macroprudentielle sur la résistance du système financier mondial. Les lacunes des dispositifs prudentiels en vigueur n’ont pas permis de prévenir l’accumulation de déséquilibres dans le système financier mondial qui étaient imputables à une expansion excessive du crédit et à une envolée des prix des actifs dans un contexte de sous-évaluation généralisée du risque financier en période de forte croissance économique non inflationniste3.

S’agissant plus particulièrement des dispositifs de l’Union européenne, deux lacunes principales ont été identifiées : la fragmentation de l’analyse macroprudentielle et l’absence de mécanismes institutionnels garantissant que les alertes et les recommandations macroprudentielles en matière de risques soient suivies et débouchent sur des mesures effectives. Au total, la complexité et l’interconnexion des risques de marché n’ont pas été analysées correctement et l’on n’a pas su en tirer les conséquences pour les politiques de régulation prudentielle4.

Au plus fort de la crise financière, la complexité de la structure institutionnelle de l’Union européenne pour évaluer la stabilité financière n’a pas permis de procéder à une analyse intégrée des risques ayant une dimension systémique. De fait, cette évaluation était réalisée par diverses institutions telles que les banques centrales nationales (BCN), comme cela apparaît dans leurs revues de la stabilité financière (RSF) respectives, et, dans une perspective plus large, la BCE qui procédait à une évaluation de la stabilité du système financier de la zone euro comme cela est également indiqué dans sa RSF5. De plus, des évaluations régulières de la stabilité du secteur bancaire de l’Union européenne étaient effectuées par le Comité de la surveillance bancaire (Banking Supervision Committee – BSC) de la BCE6. En complément de ces analyses, les trois comités de niveau 3 du cadre Lamfalussy étaient chargés de contribuer à l’évaluation du risque au niveau de l’Union européenne en s’attachant à leurs domaines de compétence respectifs. Toutes ces évaluations, conduites à différents niveaux du cadre institutionnel, alimentaient les discussions du Comité économique et financier (CEF)7 lors de réunions périodiques tenues en format spécifique « Table de stabilité financière », dont les résultats étaient transmis au Conseil Ecofin.

Par conséquent, on peut considérer que le cadre institutionnel de l’Union européenne n’était pas optimal, dans la mesure où il n’y avait pas de partage clair des responsabilités en matière de suivi et d’évaluation de la stabilité financière au niveau de l’Union européenne (le domaine de compétence de la BCE étant limité à la zone euro) et où il n’existait aucun moyen institutionnel permettant de s’assurer des réponses concrètes apportées par les autorités prudentielles pour contrer les risques et les vulnérabilités identifiés par les banques centrales et le CEF, le système reposant essentiellement sur l’influence politique des décisions finalement prises par le Conseil Ecofin (comme au paroxysme de la crise financière).

Les réponses élaborées par l’union européenne

Les recommandations du rapport de Larosière

Dans ce contexte, la Commission européenne a mandaté, en novembre 2008, un groupe d’experts de haut niveau présidé par Jacques de Larosière dans le but de faire des recommandations afin de mettre en place un dispositif de surveillance plus efficient, plus intégré et plus stable. Les trente et une propositions formulées dans le rapport de Larosière8 publié le 25 février 2009 préconisaient la mise en place d’un cadre pour une surveillance coordonnée plus forte, tant microprudentielle que macroprudentielle, s’appuyant sur les structures existantes, avec des normes équivalentes pour tous les secteurs des services financiers, préservant ainsi une concurrence équitable dans l’ensemble du marché intérieur. Le rapport recommandait également le développement de procédures efficaces pour la gestion des crises.

Plus particulièrement, il soulignait que le rôle essentiel des banques centrales qui est de préserver la stabilité financière devait être renforcé, la BCE/le SEBC (Système européen de banques centrales) se voyant confier un mandat officiel explicite pour évaluer les risques macroprudentiels pouvant menacer la stabilité du système financier et émettre des alertes le cas échéant. La BCE, qui se situe au cœur du SEBC, a été jugée particulièrement bien placée pour assurer cette mission. Danscette perspective, le rapport prévoyait que la BCE/le SEBC puissent demander aux autorités de contrôle nationales toutes les informations nécessaires pour s’acquitter de cette responsabilité. De plus, compte tenu de l’intégration des marchés financiers, il a été jugé essentiel qu’au sein du SEBC, toutes les BCN de l’Union européenne soient associées au processus.

Compte tenu de ces considérations, le rapport préconisait la création d’un comité interinstitutionnel, le CERS, sous l’égide de la BCE et avec son soutien logistique. Son mandat, ses objectifs et ses missions consisteraient à formuler des jugements et faire des recommandations sur la politique macroprudentielle, alerter sur les risques, comparer les observations sur les évolutions macroéconomiques et prudentielles et fournir des orientations sur ces questions. D’un point de vue organisationnel et en termes de structures, le rapport préconisait également que dans la mesure où il était proposé de confier la responsabilité de la conduite de la surveillance macroprudentielle à la BCE/au SEBC, le CERS soit composé des banques centrales du SEBC. De plus, en raison de la nécessité urgente de développer les interactions entre la surveillance microprudentielle et la surveillance macroprudentielle, il indiquait que les présidents des trois comités actuels de niveau 39, dont le statut et les prérogatives en matière de surveillance microprudentielle seraient renforcés dans le cadre de l’architecture révisée, devaient également être membres du CERS et disposer du droit de vote. En outre, considérant l’importance d’assurer des relations étroites avec les autorités de surveillance, dans des cas où elles ne font pas partie intégrante de la banque centrale, il précisait que lorsque les thèmes abordés justifiaient la présence des contrôleurs des assurances et des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (ainsi que des autorités de contrôle bancaire lorsque la surveillance bancaire est effectuée en dehors de la banque centrale), le gouverneur pouvait choisir d'être représenté par le responsable de l’autorité nationale de contrôle appropriée. Enfin, le CERS comptera également un représentant de la Commission européenne afin d’établir un lien avec la surveillance macroéconomique et financière de l’Union européenne.

En dehors de ces aspects, le rapport soulignait que le succès de la réforme de l’architecture de surveillance nécessitait de remplir deux conditions préalables :

  • des échanges d’informations appropriés entre les autorités de contrôle nationales et la BCE/le SEBC doivent être rendus obligatoires ;
  • la mise en place d’un mécanisme efficace d’alerte précoce, garantissant notamment qu’à l’avenir, l’identification des risques débouche sur une action appropriée.

S’agissant de la surveillance microprudentielle, le rapport recommandait la mise en place d’un Système européen de surveillance financière (SESF) sous la forme d’un réseau décentralisé. Le SESF regroupera les autorités de surveillance nationales existantes, qui continueront à assurer la surveillance au jour le jour, et les trois nouvelles autorités européennes de surveillance (AES) qui seront créées en remplacement du Comité européen des contrôleurs bancaires (Committee of European Banking Supervisors – CEBS), du Comité européen des contrôleurs des assurances et des pensions de retraite (Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors – CEIOPS) et du Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (Committee of European Securities Regulators – CESR). Ces nouvelles autorités auront pour mission de coordonner la mise en application des normes prudentielles et de garantir une coopération étroite entre les autorités de contrôle nationales et les collèges de superviseurs institués pour toutes les grandes institutions financières transfrontières.

Le processus législatif

En s’appuyant sur les recommandations du rapport de Larosière, la Commission européenne a présenté en septembre 2009 un ensemble de propositions législatives afin de mettre en place un cadre réglementaire renforcé au niveau de l’Union européenne10. Dans ce dispositif, le CERS a été présenté comme une composante majeure d’une architecture de surveillance intégrée au niveau de l’Union européenne, nécessaire pour promouvoir des réponses rapides et cohérentes de la part des États membres et pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur.

La proposition de la Commission européenne concernant un règlement relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier a mis en œuvre les recommandations du rapport dans les cinq domaines suivants : la création du CERS, ses tâches et ses compétences (alertes et recommandations, accès aux informations), les relations avec le SESF, la confidentialité et l’organisation interne du CERS (le Conseil général, le président, le Comité directeur, le secrétariat, le Comité technique consultatif – CTC – et les autres sources de conseil).

Cette proposition a été modifiée par le Parlement européen afin de tenir compte de l’évolution des débats au niveau mondial qui s’orientaient, notamment pour le secteur bancaire, vers une surveillance plus exigeante. Tout d’abord, le Parlement européen a considéré que le CERS, conçu comme un organisme dont le pouvoir repose sur la réputation et dénué de pouvoir de contrainte, devait avoir un président clairement identifié et respecté. Il a par conséquent proposé de confier ce poste au président de la BCE ex officio, conformément à ce que préconisait le rapport de Larosière. Ensuite, il a souligné la nécessité d’accroître les obligations du CERS en matière de responsabilité et d’élargir la composition de certains organes (pour que l’analyse s’appuie sur des points de vue plus diversifiés pour améliorer la prévention des risques). De plus, afin de favoriser la poursuite de l’intégration du système de surveillance, il a proposé d’intégrer le CERS dans le SESF. Il a en outre suggéré de doter le CERS d’un Comité scientifique consultatif (CSC), composé de personnalités renommées recrutées sur un critère d’excellence. Enfin, s’agissant des alertes et des recommandations sur les risques, il a conseillé d’imposer un « système de codes couleur » qui devrait contribuer à garantir l’exactitude des informations liées aux mesures du CERS.

Durant le processus de finalisation de la législation de l’Union européenne, la BCE a fait part de son opinion à la demande du Conseil de l’Union européenne en publiant un avis juridique11 (CON/2009/88) le 26 octobre 2009. Elle a accueilli favorablement le règlement et la décision proposés par la Commission européenne visant à créer un nouvel organisme responsable de la conduite de la surveillance macroprudentielle dans l’Union européenne, à savoir le CERS. Elle a également souligné que son implication dans la surveillance macroprudentielle, conjointement avec le CERS, ne modifierait pas l’objectif principal du SEBC au titre de l’article 105 (1) du traité, qui est de maintenir la stabilité des prix. En particulier, les activités de la BCE/du SEBC dans le cadre du soutien apporté au CERS ne porteront jamais atteinte à l’indépendance institutionnelle, fonctionnelle et financière de la BCE, ni à l’exercice par le SEBC des missions qui lui sont confiées par le traité et les statuts du SEBC et de la BCE, notamment celles concernant la stabilité financière et la surveillance.

À la suite des propositions de la Commission européenne et après des mois d’intenses négociations, le Parlement européen a définitivement approuvé le paquet législatif le 22 septembre 2010 et le Conseil Ecofin l’a adopté le 17 novembre 2010. Avec comme objectif global de garantir un marché unique stable, fiable et solide pour les services financiers, la nouvelle architecture de surveillance se compose de deux piliers se renforçant mutuellement :

  • un pilier de surveillance macroprudentielle prévoyant la création du CERS, avec une forte implication de la BCE et de l’ensemble des vingt-sept BCN ;
  • un pilier de surveillance microprudentielle, avec la création de trois AES12 : une pour le secteur bancaire, une pour les assurances et une autre encore pour les marchés de valeurs mobilières.

Les nouveaux organes font partie du SESF qui regroupe les autorités de contrôle prudentiel des États membres de l’Union européenne. La nouvelle architecture de surveillance, qui a également bénéficié de la participation active de la BCE et de l’Eurosystème, a été juridiquement mise en place le 16 décembre 2010. Le siège du CERS se situe à Francfort et son secrétariat est assuré par la BCE.

Des initiatives similaires aux états-unis et dans certains pays de l’union européenne

À la suite des recommandations formulées par le G20 lors du sommet de Londres le 2 avril 2009, les principales juridictions ont entrepris de renforcer leur cadre de surveillance, notamment en vue d’améliorer la surveillance macroprudentielle du système financier. Aux États-Unis, la loi Dodd-Frank, signée le 22 juillet 2010 par le président Obama, a créé le FSOC qui est chargé de la surveillance des risques systémiques susceptibles de représenter une menace pour la stabilité financière américaine ainsi que de promouvoir la discipline de marché. L’approche suivie aux États-Unis présente de nombreuses similitudes avec l’approche européenne, la plupart des différences résultant des spécificités des dispositifs institutionnels respectifs.

D’un point de vue organisationnel, la surveillance macroprudentielle sera conduite, de part et d’autre de l’Atlantique, par des organismes interinstitutionnels nouvellement créés dans lesquels les banques centrales et les autorités de surveillance microprudentielle sont représentées. Aux États-Unis, toutefois, le FSOC est créé sous l’égide du Trésor américain, le secrétaire au Trésor en assurant la présidence et l’Office of Financial Research (OFR), l’organe d’accompagnement du FSOC, étant intégré au sein du Département du Trésor. De plus, même si le Système fédéral de réserve joue un rôle essentiel dans le nouveau cadre de surveillance, ce rôle sera principalement lié à la mise en œuvre des mesures macroprudentielles au niveau des différentes institutions financières d’importance systémique. En outre, et par-delà le rôle prédominant du Système fédéral de réserve, la composition du FSOC tend à privilégier les autorités en charge de la surveillance microprudentielle.

En termes de rôles, d’objectifs et de missions, le CERS et le FSOC ont des mandats qui consistent globalement à traiter les risques menaçant la stabilité du système financier. Il existe cependant certaines différences entre les approches retenues par ces organismes pour la surveillance du risque systémique. En particulier, le CERS est clairement chargé de prendre en compte les évolutions macroéconomiques afin de contribuer à prévenir ou à atténuer les risques systémiques pesant sur la stabilité financière dans l’Union européenne. En outre, il est chargé de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur de l’Union européenne afin de garantir que le secteur financier apporte une contribution durable à la croissance économique. Aux États-Unis, le mandat du FSOC inclut spécifiquement l’identification des risques susceptibles de provenir des grandes sociétés de holding bancaires interconnectées ou des sociétés financières non bancaires, tandis que le CERS a pour mission de contribuer à prévenir ou à atténuer les risques systémiques menaçant la stabilité financière résultant des évolutions au sein du système financier en général.

S’agissant des outils opérationnels mis à la disposition de ces organismes nouvellement créés, il convient de préciser qu’à la différence du CERS, le FSOC n’a pas de pouvoir statutaire pour alerter sur les risques. L’émission de recommandations est toutefois l’un des instruments essentiels dont disposent à la fois le CERS et le FSOC. Cependant, de même que pour leurs mandats, des spécificités distinguent l’approche européenne de celle adoptée de l’autre côté de l’Atlantique. Premièrement, alors que le CERS et le FSOC peuvent émettre des recommandations adressées aux autorités tant législatives que de surveillance, le CERS peut en adresser à l’Union européenne et aux États membres. Deuxièmement, alors que le CERS peut émettre des recommandations générales ou spécifiques adressées aux autorités précitées, ces recommandations sont décrites de manière bien plus détaillée dans le cadre législatif américain. De plus, les recommandations du FSOC peuvent être à la frontière de la surveillance microprudentielle, notamment dans la mesure où il peut décider (avec un vote des deux tiers des membres et un vote positif du secrétaire au Trésor) qu’une société financière non bancaire ou certaines activités de sociétés nationales ou étrangères risquant de menacer la stabilité du système financier américain soient réglementées par le Système fédéral de réserve. Dans ce cas, la recommandation du FSOC aurait un caractère contraignant, à la différence de l’approche non contraignante retenue en Europe.

Nonobstant l’initiative américaine, des modifications visant à mettre en œuvre de manière spécifique la surveillance macroprudentielle sont également en cours dans certains États membres de l’Union européenne. Les initiatives entreprises pour renforcer la capacité des systèmes de surveillance nationaux à traiter le risque systémique ont consisté à créer des comités interinstitutionnels responsables de la surveillance macroprudentielle, soit externes aux BCN, soit en leur sein (BCE, 2010).

En France, par exemple, un projet de loi prévoit la création d’un Conseil de régulation financière et du risque systémique (CRFRS) qui sera présidé par le ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi et composé de représentants des différentes autorités (le gouverneur dela Banque de France, en sa qualité de président de l’Autorité de contrôle prudentiel – ACP –, assisté du vice-président de cette autorité, du président de l’Autorité des marchés financiers – AMF – et du président de l’Autorité des normes comptables – ANC). En plus d’un rôle de coordination, le CRFRS sera chargé de plusieurs missions relatives à la surveillance macroprudentielle et à la stabilité financière. Dans l’avis juridique13 émis à la demande du ministère français de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi et relatif à certaines dispositions du projet de loi établissant le CRFRS, la BCE a souligné que la création de comités nationaux en matière de stabilité financière pourrait améliorer la contribution des BCN et des autorités de surveillance au soutien analytique apporté au CERS. Elle s’est également félicitée de la complémentarité entre les missions du CRFRS et celles du CERS.

Au Royaume-Uni, le gouvernement a annoncé en juillet 2010 (HM Treasury, 2010) qu’il légiférerait pour créer un comité de politique financière au sein de la Banque d’Angleterre, qui sera chargé de la régulation macroprudentielle. Ce comité aura la responsabilité d’examiner, à travers l’économie dans son ensemble, les questions macroéconomiques et financières susceptibles de menacer la stabilité et sera doté d’outils pour traiter les risques qu’il aura identifiés. Il pourra exiger que la nouvelle autorité de régulation prudentielle (Prudential Regulation Authority – PRA), chargée de la régulation microprudentielle, mette en œuvre ses décisions en prenant des mesures réglementaires susceptibles de s’appliquer à l’ensemble des institutions financières.

Le comité européen du risque systémique : aspects institutionnels et opérationnels

La gouvernance

Le CERS est un organisme interinstitutionnel dénué de personnalité juridique, avec une forte implication de la BCE et des vingt-sept BCN de l’Union européenne. Pour le premier mandat de cinq ans, le président de la BCE14 préside le CERS, tandis que le vice-président est issu du Conseil général de la BCE et élu par ses membres, en regard de la nécessité d’une représentation équilibrée de l’ensemble des États membres appartenant ou non à la zone euro. En ce qui concerne l’adhésion de manière plus générale, les gouverneurs des vingt-sept BCN sont membres de l’organe de décision du CERS, disposant du droit de vote. D’un point de vue organisationnel, la BCE assure le secrétariat et apporte au CERS une assistance sur les plans analytique, statistique, administratif et logistique. Ce soutien ainsi que les tâches assignées au CERS ne doivent pas porter atteinte à l’indépendance de la BCE dans son rôle statutaire en matière de politique monétaire.

Ainsi que cela a déjà été mentionné, le rôle dominant conféré à la BCE et aux BCN dans le CERS est justifié par leurs expertises et leurs responsabilités en matière de stabilité financière. L’approche institutionnelle adoptée est également confortée par le fait que les banques centrales ont une vue d’ensemble du secteur financier et qu’il existe un lien étroit entre la stabilité monétaire et la stabilité financière. Outre ces aspects, les pouvoirs et les responsabilités des BCN en termes de surveillance financière se sont nettement renforcés ces dernières années15. Cette orientation est particulièrement importante au vu de la nécessité, pour la surveillance macroprudentielle, de couvrir tous les secteurs financiers et de s’appuyer sur les informations et l’expertise disponibles au niveau des superviseurs microprudentiels au sein de l’Union européenne.

La composition du CERS est la suivante :

  • le Conseil général, qui comprend au total 65 membres ; il s’agit de l’organe de décision du CERS. Les membres disposant d’un droit de vote sont le président et le vice-président de la BCE, les gouverneurs des vingt-sept BCN, un membre de la Commission européenne, les présidents des trois AES, le président et les deux vice-présidents du CSC et le président du CTC. En outre, un représentant de l’autorité nationale de surveillance de chaque État membre et le président du CEF participent en tant que membres sans droit de vote. Le Conseil général fonctionnera la plupart du temps selon la majorité simple ; une majorité des deux tiers sera requise pour adopter une recommandation ou pour décider de rendre publique une alerte ou une recommandation ;
  • le Comité directeur, qui est chargé d’accompagner le processus de décision en préparant les réunions du Conseil général, en examinant les documents destinés aux débats et en surveillant l’avancement des travaux en cours du CERS. Il est composé du président et du premier vice-président du CERS, du président et du vice-président de la BCE, de quatre autres membres du Conseil général qui sont également membres du Conseil général de la BCE, d’un membre de la Commission européenne, des présidents des AES, du président du CEF et des présidents des deux comités consultatifs ;
  • le secrétariat, qui relève administrativement de la BCE et doit rendre compte de son activité au président du CERS et à son Comité directeur. Il est chargé du fonctionnement au quotidien du CERS. Les ressources humaines et financières du secrétariat sont fournies par la BCE qui nomme par ailleurs son responsable, en accord avec le Conseil général du CERS ;
  • deux comités consultatifs, le CSC et le CTC conseillent et assistent le Conseil général sur des questions relevant de la compétence duCERS. Le CTC est composé de représentants de la BCE, des BCN et des autorités nationales et européennes de surveillance, de la Commission européenne, du CEF et du CSC. Le président du CTC est désigné par le Conseil général. Le CSC est composé du président du CTC et de quinze experts représentant un vaste domaine de compétences et d’expériences dans le secteur financier. Les membres sont proposés par le Comité directeur et approuvés par le Conseil général pour un mandat renouvelable de quatre ans. Le président et les deux vice-présidents du CSC sont désignés par le Conseil général.

S’agissant de ses obligations en matière de responsabilité et d’information, le CERS est tenu de faire un rapport au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne au moins une fois par an et plus fréquemment en cas de crise financière étendue. En outre, s’il y a lieu, ces deux institutions européennes peuvent l’inviter à étudier des questions particulières ayant trait à la stabilité financière. Les auditions, dont le contexte est différent de celles de la BCE traitant de questions monétaires, marquent notamment la publication du rapport annuel du CERS. En outre, le président du CERS s’entretient confidentiellement au moins deux fois par an, et plus souvent s’il y a lieu, avec le président et les vice-présidents de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen au sujet des activités en cours du CERS.

Mission, objectifs et tâches

Le CERS est chargé de la surveillance macroprudentielle du système financier au sein de l’Union européenne, et ce, dans le but de contribuer à prévenir ou à atténuer les risques systémiques. Pour le traitement de ces risques, il doit également tenir compte des évolutions macroéconomiques, afin d’éviter les épisodes de crise financière généralisée. En outre, il est chargé de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et garantit ainsi que le secteur financier apporte un soutien durable à la croissance économique.

Pour la réalisation de cette mission et de ces objectifs, le processus de surveillance macroprudentielle du CERS peut être considéré comme la succession de quatre tâches principales : (a) la surveillance du risque (ou l’identification du risque), (b) l’évaluation du risque (ou de la gravité du risque), éventuellement suivies (c) d’alertes et, s’il y a lieu, (d) de recommandations. Conformément à la réglementation instituant le CERS, ces tâches peuvent être détaillées comme suit :

  • la définition, l’accès et la collecte éventuelle des informations pertinentes pour l’évaluation du risque systémique au niveau de l’Union européenne. En ce domaine, le dispositif réglementaire appelle une coopération étroite entre les AES, le SEBC, la Commission européenne, les autorités nationales de surveillance, les instituts nationaux de statistiques et l’organisme nouvellement créé, afin de lui délivrer toutes les informations nécessaires à la réalisation de ses tâches. En règle générale, le CERS est habilité à demander des informations aux AES sous forme résumée ou agrégée et, sous certaines conditions, des informations à caractère individuel ;
  • l’identification et l’évaluation des risques pour la stabilité financière dans l’Union européenne liées aux évolutions du système financier et à son interaction avec l’économie réelle ;
  • le classement des risques selon leur priorité et l’émission d’alertes en matière de risques soumis à l’attention des autorités publiques (BCN, autorités de surveillance, ministères des finances). Afin d’améliorer la prise de conscience en matière de risques dans l’économie et de classer ces risques par ordre de priorité, il a été demandé au CERS, en étroite coopération avec les autres participants au SESF, d’élaborer un « système de codes couleur » correspondant aux différentes situations en termes de niveau de risque ;
  • l’émission de recommandations sur des mesures correctrices (y compris concernant des initiatives législatives) en réponse aux risques identifiés. Ces recommandations peuvent être de nature générale ou spécifique et doivent être adressées spécifiquement à l’Union européenne dans son ensemble, ou à un ou plusieurs des États membres, une ou plusieurs AES, une ou plusieurs autorités nationales de surveillance, et assorties d’un calendrier applicable aux mesures à prendre ;
  • le contrôle des suites données aux alertes et aux recommandations. Les destinataires doivent se conformer aux recommandations du CERS ou, à défaut, fournir une justification appropriée (mécanisme « agir ou se justifier »). Si le CERS considère la réponse inappropriée, il doit informer, dans le respect des règles strictes de confidentialité, les destinataires, le Conseil de l’Union européenne et, s’il y a lieu, l’autorité européenne de surveillance concernée. Sous certaines conditions (décision du Conseil général du CERS, à la majorité qualifiée des deux tiers des voix et après que le Conseil de l’Union européenne et les destinataires ont été informés), il peut décider de rendre publique une alerte ou une recommandation ;
  • la concertation avec les organismes internationaux (Fonds monétaire international – FMI –, Conseil de stabilité financière – CSF) et les homologues des pays tiers. Compte tenu de l’intégration des marchés financiers internationaux et du risque de contagion des crises financières, le CERS doit coopérer étroitement avec les instances internationales mentionnées supra (qui doivent également émettre des alertes rapides si des risques macroprudentiels apparaissent au niveau mondial) et les partenaires du G20 sur les questions liées à la surveillance macroprudentielle.

Outre ces prérogatives visant à prévenir l’accumulation de risques excessifs dans le système financier, le CERS joue également un rôle, bien que plus limité, dans la gestion de crise. À cet égard, si un risque susceptible de nuire gravement au bon fonctionnement et à l’intégrité des marchés financiers ou à la stabilité du système financier de l’Union européenne est détecté, il doit informer sans délai le Conseil de l’Union européenne de la situation. En outre, s’il détermine qu’une situation d’urgence peut se produire, il doit se mettre en contact avec le Conseil de l’Union européenne et fournir une évaluation de la situation. Ce dernier pourra ensuite adopter une décision destinée aux AES.

L’interaction avec les autorités européennes de surveillance

Le cadre microprudentiel est composé d’un réseau d’autorités nationales de surveillance travaillant en coopération avec les trois nouvelles AES. L’interaction et la coordination entre la surveillance microprudentielle et macroprudentielle sont primordiales du point de vue de l’amélioration de l’évaluation des risques systémiques. Cela est assuré par la structure interinstitutionnelle du CERS dans laquelle les AES sont représentées par leurs présidents en tant que membres disposant du droit de vote. Outre cet aspect, la coopération entre le CERS et les AES et, plus généralement, entre les piliers microprudentiel et macroprudentiel de la nouvelle architecture de surveillance est fixée par la disposition législative instaurant une obligation générale de coopération et d’échange d’informations entre les composantes du SESF.

La coopération entre le CERS et les AES concerne un grand nombre de domaines tels que :

  • l’identification et l’évaluation du risque systémique : les AES préparent des évaluations du risque pour leur propre secteur financier, qui alimentent l’évaluation globale des risques systémiques du CERS ;
  • les méthodologies d’identification et de mesure du risque systémique : afin d’améliorer la prise de conscience en matière de risques pour l’économie de l’Union européenne et de classer ces risques par ordre de priorité, il est demandé au CERS, en étroite coopération avec les autres participants au SESF, d’élaborer une série d’indicateurs.

Les AES sont chargées de tâches spécifiques liées aux risques systémiques, notamment :

  • en collaboration avec le CERS, développement d’une approche commune pour déterminer et mesurer le risque systémique et d’un ensemble d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs communs (dénommé tableau de bord du risque) ;
  • élaborer, le cas échéant, de nouvelles lignes directrices et recommandations destinées aux institutions financières pour tenir compte du risque systémique posé par ces institutions ;
  • l’échange d’informations : les AES coopèrent étroitement et régulièrement avec le CERS pour fournir des informations en temps utile. Plus précisément, le CERS peut demander des informations aux AES sous forme résumée ou agrégée de telle sorte que les institutions individuelles ne soient pas identifiées. Des informations relatives à un établissement financier particulier peuvent également lui être transmises en réponse à une demande motivée expliquant les raisons pour lesquelles les données sont considérées comme présentant un intérêt au niveau systémique et nécessaires, compte tenu de la situation du marché. Globalement, la transmission d’informations entre le CERS et les AES est soumise à des mesures de protection techniques et opérationnelles pour assurer la confidentialité de ces informations ;
  • le suivi approprié des alertes et des recommandations du CERS doit être assuré par les AES ;
  • les tests de résistance : les AES, en coopération avec le CERS, doivent lancer et coordonner des évaluations, à l’échelle de l’Union européenne, de la résistance des institutions financières aux évolutions défavorables des marchés, intégrant la définition de méthodologies aussi cohérentes que possibles et d’approches communes en matière de communication.

Conclusion : perspectives et difficultés de mise en œuvre

La surveillance macroprudentielle est un nouveau domaine de la politique économique, qui associe l’analyse macroéconomique à l’utilisation d’outils de régulation et de surveillance. Par conséquent, la mise en place du cadre institutionnel n’est que la première étape d’un long processus au cours duquel un certain nombre de problématiques devraient se poser.

Premièrement, l’aboutissement à un calibrage précis des différents instruments nécessaires à la conduite de la surveillance macroprudentielle suppose de poursuivre les travaux sous deux angles complémentaires :

  • l’approfondissement des recherches en matière de modélisation et d’indicateurs d’analyse, l’évaluation plus précise des conséquences découlant de l’utilisation d’outils macroprudentiels pour l’économie réelle, et l’interaction avec la politique monétaire ;
  • le développement d’un ensemble de données plus étendu permettant d’appréhender les interconnexions entre les institutions financières et, de façon plus large, entre les différentes composantes du secteur financier. Les banques centrales et les responsables de la surveillance ont d’ores et déjà entrepris des travaux visant à relever ces défis dans le contexte de la définition des activités de soutien de la BCE et des AES au CERS.

Deuxièmement, il sera nécessaire d’évaluer les effets concrets des nouveaux instruments, à l’instar du volant de fonds propres contracyclique, en tenant compte des problématiques de coordination complexes entre les États membres de l’Union européenne, notamment lorsque sont visés des groupes transfrontaliers exerçant leurs activités au sein du marché unique.

Troisièmement, le cadre institutionnel de l’Union européenne a été conçu dans le but d’assurer une interaction appropriée entre les piliers macroprudentiel et microprudentiel de la surveillance du système financier, condition pour que l’analyse macroprudentielle se traduise effectivement en actions concrètes. Toutefois, en l’absence de moyens juridiquement contraignants, l’efficacité des recommandations du CERS est d’abord et avant tout fondée sur la réputation que celui-ci sera en mesure de se forger. Le contexte actuel de crise financière pourrait par ailleurs rendre encore plus difficile l’accomplissement par le CERS des missions qui lui ont été confiées. À cet égard, il est important qu’il puisse tirer parti de la richesse des connaissances et de l’expertise des membres du SEBC et de leur engagement à le soutenir.

Quatrièmement, l’expérience a montré que les crises financières tendent à revêtir une dimension globale. Par conséquent, le CERS devra échanger sur les méthodologies et les informations avec les organismes similaires qui sont mis en place à travers le monde. Aussi, une coopération étroite avec le FSOC et le FMI sera primordiale.


Notes

Olya Ranguelova et Fabio Recine ont contribué à la rédaction de cet article.
1 Voir : la déclaration des chefs d’État et de gouvernement du G20 intitulée « Global Plan for Recovery and Reform » du sommet de Londres le 2 avril 2009. D’un point de vue plus global, le G20 a également pris la décision de renforcer les dispositifs pour préserver la stabilité financière dans le monde, le Conseil de stabilité financière (CSF) nouvellement créé devant collaborer avec le FMI afin de donner une alerte rapide à l’égard des risques macroéconomiques et financiers et des actions requises pour les résoudre.
2 Le G30, créé en 1978, est un organisme international privé à but non lucratif composé de représentants de très haut niveau des secteurs privé et public et des milieux universitaires. Voir le site : www.group30.org.
3 Voir : Communication de la Commission – Surveillance financière européenne, COM (2009) 252, final, Bruxelles, 27 mai 2009.
4 Voir : note 3.
5 Pour le dernier numéro de la RSF de la BCE, voir le site : www.ecb.europa.eu.
6 Pour les derniers rapports sur la stabilité du secteur bancaire de l’Union européenne préparés par le Comité de la surveillance bancaire et le Système européen de banques centrales (SEBC), voir le site : www.ecb.europa.eu.
7 Le Comité économique et financier (CEF) est un forum européen où des questions macroéconomiques et financières sont débattues au niveau des ministres des finances, des banques centrales et de la Commission européenne.
8 Rapport du groupe d’experts de haut niveau sur la surveillance financière dans l’Union européenne, présidé par Jacques de Larosière, Bruxelles, 25 février 2009
9 Le Comité européen des contrôleurs bancaires (Committee of European Banking Supervisors – CEBS), le Comité européen des contrôleurs des assurances et des pensions professionnelles (Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors – CEIOPS) et le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (Committee of European Securities Regulators – CESR).
10 Proposition de règlement du Parlement et du Conseil européens relative à la surveillance macroprudentielle du système financier et instituant le CERS, COM (2009) 499, Bruxelles, 23 septembre 2009.
11 La compétence de la BCE pour donner un avis sur le règlement proposé découle de l’article 105 (4) du traité instituant la communauté européenne dans la mesure où le règlement proposé contient des dispositions affectant la contribution du SEBC à la conduite harmonieuse des politiques relatives à la surveillance prudentielle des établissements de crédit et à la stabilité du système financier, telles que mentionnées à l’article 105 (5) du traité.
12 Ces autorités remplaceront les trois comités actuels de niveau 3 au plan de l’Union européenne.
13 Avis de la BCE du 7 janvier 2010 sur certaines mesures de régulation bancaire et financière (CON/2010/3).
14 Les modalités de désignation du président du CERS pour les mandats suivants seront déterminées sur la base du réexamen du cadre réglementaire auquel doivent procéder le Parlement et le Conseil européens.
15 Cette tendance est observée dans certains pays (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Chypre, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Slovaquie) et une telle orientation est programmée dans plusieurs pays (Allemagne, Belgique, Grèce, Lituanie, Portugal et Royaume-Uni) (BCE, 2010).

Bibliographies

Banque d'Angleterre (2009), « The Role of Macro-prudential Policy », Discussion paper, novembre.
BCE (Banque centrale européenne) (2010), Recent Developments in Supervisory Architecture, octobre.
Disponible sur le site : www.ecb.europa.eu.
Bini Smaghi L. (2009), « Macro-Prudential Supervision », discours, 25 au 26 septembre.
Brunnermeier M. et al. (2009), The Fundamental Principles of Financial Regulation, Geneva Report on the World Economy, vol. 11, juillet.
FSA (Financial Services Authority) (2009), The Turner Review – A Regulatory Response to the Global Banking Crisis, mars.
G20 (2009), Enhancing Sound Regulation and Strengthening Transparency, mars.
G30 (2010), Enhancing Financial Stability and Resilience – Macro-Prudential Policy, Tools and Systems for the Future, octobre.
HM Treasury (2010), A New Approach to Financial Regulation – Judgement, Focus and Stability, juillet.
Obama Administration (2009), White Paper : Financial Regulatory Reform, 17 juin.
Papademos L. (2009), « Financial Stability and Macro-Prudential Supervision : Objectives, Instruments and the Role of the ECB », discours, 4 septembre.
Trichet J.-C. (2009), « Macro-Prudential Supervision in Europe », discours, 11 décembre.