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 Déterminants structurels de la mutation financière récente


Jacques DELMAS-MARSALET

Président de l'Honneur du Comité de Rédaction de la Revue d'économie financière

Le système financier des pays industrialisés connaît des évolutions rapides et de grande ampleur désintermédiation du crédit, diversification croissante des instruments de financement, décloisonnement et intégration des marchés, déspécialisation des intermédiaires.
Les déterminants de ces mutations sont à rechercher dans l'adaptation des agents économiques à une nouvelle donne économique et technologique. Les changements de comportement induits par cette nouvelle donne sont à leur tour les facteurs d'une dynamique des mutations.
La dernière décennie a été caractérisée par la montée des déficits à financer par appel au crédit et surtout aux marchés de capitaux :
- au plan mondial avec le déficit des pays en voie de développement financé, par crédits bancaires et plus récemment celui des États-Unis financé par appel au marché ;
- au plan interne avec le niveau atteint par les déficits publics, même si un reflux est aujourd'hui perceptible.
Parallèlement, l'aggravation des incertitudes en matière d'inflation, de taux d'intérêt et de taux de change a stimulé un important mouvement d'innovations financières.
Enfin, l'essor de l'informatique et des communications, puis de la micro-informatique, élargissant considérablement le champ du possible, a bouleversé les instruments et les méthodes du milieu financier.
Les politiques d'ajustement suivies pour remédier à la crise ont amené une hausse des taux d'intérêt réels et une modification du partage de la valeur ajoutée au profit des entreprises et au détriment des particuliers.
Les entreprises ont eu tendance à se désendetter et à gérer plus efficacement leur trésorerie et leur dette en faisant appel à toutes les possibilités offertes par les marchés.
Les particuliers ont diminué leur taux d'épargne et modifié l'orientation de leurs placements en faveur des produits les mieux rémunérés, permettant le développement rapide des formes de gestion collective de l'épargne.
Confrontées à l'affaiblissement de la demande de crédits des entreprises et à la diminution en volume et au renchérissement de leurs dépôts, les banques commerciales ont développé leurs activités de marché au service des entreprises ainsi que leurs activités de gestion de portefeuilles individuels ou collectifs.
La concurrence à l'intérieur du système bancaire au sens large s'est accrue, la diversification des activités estompant les frontières.
Les banques se sont également efforcées de réduire leurs coûts d'intermédiation et de limiter les risques inhérents à leur activité, par l'utilisation de nouveaux produits et la mobiliérisation. Ce mouvement trouve toutefois ses limites dans le développement rapide de l'activité hors bilan.
Dans ce contexte, les autorités publiques ont été contraintes ou désireuses de déréglementer pour assurer l'égalité des conditions de concurrence entre intermédiaires financiers, et pour favoriser la baisse du coût de l'intermédiation financière et la compétitivité des places financières nationales.
Toutefois, une re-réglementation semble inéluctable afin de retrouver une maîtrise de la politique monétaire et de continuer à assurer la stabilité du système financier et la protection des épargnants.
À cet égard, le projet d'un marché européen des services financiers doit s'appuyer à la fois sur une libéralisation progressive et équilibrée et sur des règles de jeu communes.
La libre circulation des produits financiers doit s'accompagner d'une harmonisation minimale des règles de surveillance et des normes prudentielles : la sécurité du système financier est à ce prix.