Leçons tirées de la crise
La crise financière mondiale qui a frappé l'Union européenne (UE) en septembre 2008 a mis en lumière les carences fondamentales du dispositif de surveillance financière, qui ont gravement mis en péril la stabilité financière de l'UE et alerté les autorités du monde entier sur plusieurs défaillances. Afin d'identifier les principales leçons à en tirer, je distinguerai deux phases de la crise : une première phase concernant les établissements financiers, qui a conduit les décideurs européens à mener plusieurs réformes importantes, et une deuxième phase pendant laquelle la crise s'est étendue aux emprunteurs souverains.
Première phase : la crise touche le secteur financier
Principales carences
Dans un premier temps, la crise financière a révélé plusieurs carences du dispositif réglementaire de l'UE et de la surveillance.
Premièrement, l'insuffisance des exigences de fonds propres et de liquidité
Le système financier d'avant la crise était caractérisé par un manque de fonds propres et leur médiocre qualité, ainsi que par un recours excessif à l'emprunt et, donc, à l'endettement. Une faible quantité et une médiocre qualité des fonds propres ont entamé la capacité d'absorption du système et l'effet de levier a contribué à amplifier les pertes et la contagion. En outre, les autorités de surveillance avaient généralement négligé l'importance d'une gestion rigoureuse du risque de liquidité. La longue période de marché haussier et de bas niveau des taux d'intérêt avait entraîné une certaine complaisance en matière réglementaire : la disponibilité de liquidités était considérée comme un acquis sur plusieurs marchés et le régime de liquidité « juste à temps » – dans lequel les emprunts à court terme étaient de plus en plus utilisés pour financer des actifs à long terme – participait largement à la vulnérabilité du système financier (Kapoor, 2010).
Deuxièmement, l'absence de dimension macroprudentielle de la surveillance
Les autorités de surveillance se concentraient sur l'aspect microprudentiel de la surveillance des différents établissements financiers et pas assez sur les risques macrosystémiques provenant de chocs horizontaux corrélés. La vive concurrence internationale entre centres financiers a également pu contribuer à l'absence de durcissement des normes prudentielles sur les banques nationales et à des fonds propres de qualité de plus en plus douteuse, voire mauvaise, acceptés pour absorber les pertes en cas de liquidation.
Troisièmement, l'absence de dispositif efficace de gestion de crise dans les établissements financiers transfrontières, à la fois au niveau européen et au niveau international
Cette lacune a entraîné le recours à des solutions improvisées appliquées au cas par cas qui, souvent, traitaient les problèmes de groupes bancaires en fonction des entités nationales, sans prendre en compte l'ensemble du groupe (Claessens et al., 2010). Pendant la crise, les banques considérées comme internationales ou européennes en période faste sont devenues des établissements nationaux lorsque, confrontées à des difficultés, elles ont eu besoin du soutien du gouvernement de leur pays (Goodhart, 2010).
Enfin, l'inadéquation des instruments de résolution des défaillances bancaires
L'absence de véritables mécanismes juridiques et institutionnels permettant une liquidation progressive et ordonnée des établissements financiers a fortement accru l'incertitude entourant la viabilité de ces établissements. Les autorités nationales ne disposaient pas de pouvoirs et d'instruments de résolution communs et efficaces qui auraient pu les aider dès le début à faire face à la crise bancaire.
Principales mesures adoptées par les autorités de l'UE
Une première série de mesures ont été prises après la publication des recommandations du groupe de Larosière, en février 20091. Le groupe a notamment insisté sur le fait que les dispositifs prudentiels ne devaient pas uniquement se concentrer sur la surveillance des établissements considérés séparément, mais qu'ils devaient également s'intéresser à la stabilité de l'ensemble du système financier. Pour traiter correctement les risques systémiques, il fallait une approche macroprudentielle nécessitant aussi un cadre institutionnel renforcé au niveau de l'UE. À cet égard, le rapport de Larosière a recommandé l'établissement d'un nouveau dispositif prudentiel pour l'UE, le Système européen de surveillance financière (SESF), reposant sur deux piliers : premièrement, le Conseil européen du risque systémique (CERS), nouvelle entité chargée de la surveillance macroprudentielle du secteur financier de l'UE ; deuxièmement, en matière de surveillance microprudentielle, trois nouvelles autorités européennes de surveillance (AES) distinctes – pour le marché bancaire, le marché de l'assurance et le marché des titres – émanant des comités prudentiels existants de l'UE. Le 16 décembre 2010, la législation portant création du SESF est entrée en vigueur et le nouveau système est devenu opérationnel en 2011.
Le CERS a pour mission de suivre et d'analyser les risques résultant, pour la stabilité du système financier de l'UE, des évolutions macroéconomiques et des événements au sein du système financier dans son ensemble (surveillance macroprudentielle). Pour cela, il peut émettre des avertissements précoces dans les cas où les risques systémiques s'accumulent et, si nécessaire, formuler des recommandations pour y faire face. Les trois AES collaborent au sein d'un réseau qui intègre également les autorités prudentielles nationales pour assurer une coordination étroite au niveau européen, de façon à accroître l'harmonisation de la réglementation et la cohérence de la surveillance.
En outre, des efforts de réforme sont en cours dans le domaine de la réglementation financière. Le règlement et la quatrième directive sur les exigences de fonds propres (CRR – Capital Requirements Regulation – et CRD IV – Capital Requirements Directive), qui introduisent dans l'UE les normes mondiales du dispositif sur les fonds propres et la liquidité élaboré par le Comité de Bâle à l'intention des banques d'envergure internationale (ou « dispositif Bâle III »), constituent la pierre angulaire des efforts de réforme financière mondiale visant à accroître la résilience du système bancaire afin de retrouver la confiance du marché et d'instaurer les conditions d'une concurrence équitable dans le secteur bancaire. Les deux textes garantiront que tous les établissements de crédit et entreprises d'investissement de l'UE soient soumis à un ensemble harmonisé de règles prudentielles qui prendra la forme d'un « corpus réglementaire unique » (single regulatory rulebook for the EU)2. Après d'intenses négociations, le paquet législatif CRR/CRD IV a été approuvé par le Parlement européen le 16 avril 2013 ; il entrera en vigueur en 2014.
Deuxième phase : la crise s'étend à la dette publique et privée, il devient nécessaire de renforcer l'Union économique et monétaire (UEM)
Principales carences
La crise financière mondiale s'est transformée en crise de la dette publique et privée à partir de mai 2010, entraînant un processus de fragmentation progressive des marchés financiers de la zone euro. Cette deuxième phase de la crise a mis en évidence deux grandes faiblesses du système financier de la zone euro.
Premièrement, le lien très étroit entre crise bancaire et crise de la dette souveraine
Dans une union monétaire, la fragilité des systèmes bancaires nationaux se traduit rapidement par des déséquilibres budgétaires, et vice versa. Problèmes de dette souveraine et problèmes bancaires s'amplifient mutuellement. Le lien est évident lorsqu'on considère le coût de financement (devenu très interdépendant) et les notations, celle de l'emprunteur souverain constituant la référence pour celle des banques situées dans le pays. Les tensions résultantes sur les marchés de financement de certains pays ont également déclenché une fragmentation progressive au niveau national du système bancaire de la zone euro. Cette interdépendance entre banques et États a pu aussi compromettre les efforts nationaux visant à rétablir la viabilité budgétaire. Dans ce contexte, le sommet de la zone euro du 29 juin 2012 a souligné qu'il était « impératif de briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États ».
Deuxièmement, les dispositifs institutionnels de surveillance actuels ne sont pas suffisamment robustes
Ils ne peuvent pas résister au fort degré d'interdépendance entre établissements et marchés financiers de la zone euro. Une véritable union économique et monétaire passe également par le partage des responsabilités de surveillance afin d'assurer une confiance totale dans la qualité et l'impartialité du contrôle bancaire.
La crise a porté sur le devant de la scène la question de savoir si l'intégration et la stabilité des marchés financiers étaient compatibles avec l'exercice de la surveillance au niveau national. Nous touchons là au concept du « triangle d'incompatibilité financière » (Freixas, 2003 ; Schoenmaker, 2011), selon lequel seulement deux des trois objectifs (stabilité financière, intégration financière et politiques financières nationales) sont compatibles sur les marchés financiers mondialisés. L'un des trois objectifs doit être abandonné.
Par conséquent, dans le contexte de l'UEM, politiques financières et surveillance au niveau européen sont nécessaires pour préserver la stabilité sur un marché financier intégré. La décision prise par le Conseil européen de juin 2012 en faveur de l'établissement d'un mécanisme de surveillance unique (MSU) pourrait être considérée comme l'aboutissement d'un long débat déjà entamé lors de la préparation du traité de Maastricht (James, 2012).
Principales mesures adoptées par les autorités de l'UE
Pour stabiliser les marchés financiers, il est nécessaire de renforcer largement l'architecture de l'UEM afin de briser le lien entre banques et États, et d'inverser le processus en cours de fragmentation des marchés financiers de la zone euro. C'est dans ce but que les dirigeants de la zone euro réunis lors du sommet du 29 juin 2012 ont invité la Commission européenne à présenter une proposition législative en vue d'établir un MSU « impliquant la Banque centrale européenne (BCE) ». En outre, un programme plus vaste de réformes institutionnelles a été soumis au Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 dans le rapport des quatre présidents, intitulé « Vers une véritable Union économique et monétaire »3.
Le rapport met en avant quatre éléments essentiels pour renforcer l'UEM : (1) un cadre financier intégré reposant sur deux piliers principaux, un MSU et un mécanisme commun de garantie des dépôts et de résolution des défaillances bancaires, (2) un cadre budgétaire intégré, (3) un cadre de politique économique intégré et (4) la légitimité démocratique et l'obligation de rendre compte des organes de décision de l'UE. Ces quatre éléments forment une structure cohérente et complète de l'UEM, qui devra être mise en place au cours de la prochaine décennie.
Les principaux aspects du rapport ont ensuite été développés et discutés lors du Conseil européen du 18 octobre 2012. Finalement, une feuille de route précise assortie d'échéances a été proposée dans le rapport final des présidents adopté par le Conseil européen du 14 décembre 2012.
Les parties qui suivent passent en revue les grands piliers du « cadre financier intégré » (couramment appelé « Union bancaire ») : le MSU, le Mécanisme de résolution unique (MRU) et le Système unique de garantie des dépôts4.
Le MSU
La Commission européenne a présenté, le 12 septembre 2012, une proposition législative en vue d'instaurer un MSU (« Règlement MSU ») confiant des missions spécifiques à la BCE. La procédure de Trilogue s'est conclue le 19 mars 2013 à la suite de l'adoption des positions du Parlement européen et du Conseil. Elle devrait être formellement adoptée et publiée à l'été 2013.
La portée du MSU
Le MSU opérera comme un système s'appuyant sur l'expertise des contrôleurs nationaux tout en étant doté d'un centre de décision fort. Des procédures de décentralisation adéquates seront définies sans porter atteinte à l'unité du système de surveillance et en évitant la duplication des tâches.
Le périmètre de surveillance du MSU peut être décrit selon le ressort juridictionnel (pays surveillés) et la dimension institutionnelle (banques surveillées).
Ressort juridictionnel
Le MSU se composera de la BCE et des autorités nationales compétentes des pays de la zone euro. Les autorités nationales compétentes des États membres n'appartenant pas à la zone euro pourront y participer à travers la mise en place d'une étroite coopération avec la BCE, la responsabilité de certaines missions spécifiques de surveillance lui étant confiée. La BCE, en tant qu'autorité centrale, sera dotée des compétences indispensables à la prise de décisions et à la mise en œuvre de mesures chaque fois que nécessaire et sera responsable du fonctionnement efficace et cohérent du MSU.
Dimension institutionnelle
La BCE prendra toutes les décisions concernant les banques « revêtant une importance significative » selon les critères fixés par le Règlement MSU, qui doivent être affinés dans la méthodologie devant être adoptée par la BCE5. En pratique, cette dernière serait directement responsable de la surveillance d'un nombre limité d'établissements, soit quelque 150 banques, qui représentent toutefois environ 85 % du système financier de la zone euro. Les autorités de surveillance nationales demeureront chargées du contrôle prudentiel des banques moins significatives et des succursales des établissements de crédit de pays tiers (comme les États-Unis ou le Japon), ainsi que des activités de surveillance dans d'autres domaines, comme la protection des consommateurs et la lutte contre le blanchiment de capitaux.
L'exclusion des établissements de crédit moins significatifs du champ de surveillance directe de la BCE ne signifie pas que ces banques ne seront pas couvertes par le MSU. Premièrement, les autorités de surveillance nationales devront appliquer les règlements, les orientations et les instructions générales de la BCE et seront soumises à l'obligation d'informer la BCE des procédures importantes de surveillance et des décisions en résultant, sur lesquelles la BCE pourra exprimer son opinion. Deuxièmement, la BCE aura accès aux données concernant tous les établissements de crédit. Troisièmement, elle pourra décider à tout moment d'exercer une surveillance directe sur les établissements de crédit moins importants, de sa propre initiative après consultation des autorités nationales de surveillance ou à la demande de celles-ci.
Principales missions et compétences de la BCE
Le cadre législatif dote la BCE d'un ensemble efficace de compétences comprenant tous les instruments relatifs à la surveillance microprudentielle. Elle se verra en particulier confier les compétences indispensables à la prise de décisions dans tout le champ d'application de la surveillance prudentielle, en matière d'agrément et de retrait d'agrément pour l'exercice d'une activité bancaire, d'autorisation des participations qualifiées dans les établissements de crédit, de collecte d'informations sur place et sur pièces, d'évaluation des compétences et de l'honorabilité professionnelle (fit and proper), de contrôle des risques internes, de validation des modèles, y compris les compétences permettant de traduire les résultats de ce processus de surveillance en exigences de fonds propres, de liquidité et prudentielles. Elle pourra également recourir à des instruments d'intervention précoce et mettre en place des réformes structurelles. Elle pourra en outre obtenir des informations directement auprès des banques et mener des enquêtes sur place.
Par ailleurs, le Règlement MSU devrait confier à la BCE le pouvoir de déclencher des mesures de surveillance lorsqu'un établissement de crédit ne respecte pas les exigences fixées. Ces mesures devront être proportionnées à l'infraction et pourraient aller jusqu'au retrait de l'agrément de l'établissement de crédit. Dans ce dernier cas, des garanties procédurales assureraient une coordination adéquate de l'action de la BCE avec les autorités nationales dans la mesure nécessaire au maintien de la stabilité financière.
Enfin, il est important de noter qu'une évaluation des bilans des banques des États membres participants sera effectuée avant que la BCE ne commence à assumer sa responsabilité de contrôleur unique.
Surveillance macroprudentielle
Outre ce vaste ensemble de missions microprudentielles, un autre élément important du Règlement MSU réside dans les missions macroprudentielles confiées à la BCE. L'expérience récente montre l'importance d'identifier rapidement les risques macroprudentiels si l'on veut contenir les risques systémiques et garantir la stabilité financière. Une approche uniquement centrée sur les aspects microprudentiels est susceptible d'entraîner une sous-estimation de la composante systémique et ne permettrait pas de prendre en compte et de résoudre les externalités négatives qui pourraient s'accumuler en raison des risques accrus pesant sur le système dans son ensemble.
Le Règlement MSU permet aux États membres, dans le cadre de l'utilisation des instruments macroprudentiels, d'agir de leur propre initiative ou de demander à la BCE d'agir. En outre, la BCE aura le pouvoir d'imposer des mesures macroprudentielles plus strictes telles que prévues par la législation européenne (directive CRD IV/règlement CRR), si et quand cela sera jugé nécessaire pour la stabilité financière de la zone euro.
La BCE pourra appliquer toute mesure macroprudentielle prévue dans le droit de l'UE, y compris, par exemple, le volant de fonds propres contracyclique, le coussin pour le risque systémique et l'exigence supplémentaire de fonds propres pour les institutions financières d'importance systémique6. Elle pourra renforcer les exigences définies par les autorités nationales, non les abaisser. Les autorités nationales pourront également appliquer les mêmes mesures ou les proposer à la BCE. Les instruments macroprudentiels qui ne sont pas couverts par le droit de l'Union, comme les ratios d'endettement et les quotités de financement, resteront de la compétence des autorités nationales.
Le fait de confier des missions macroprudentielles spécifiques à la BCE est un élément important dans la mesure où les risques macro et microprudentiels peuvent mutuellement se renforcer. Il appartient aux autorités nationales et à la BCE de se tenir informées de leurs intentions respectives avant de prendre toute décision. Le partage des responsabilités s'explique par les différences dans les cycles économiques des États membres et permettra de faire face aux inquiétudes relatives à la stabilité financière de la manière la plus appropriée.
Indépendance et responsabilité
L'attribution des nouvelles missions de surveillance à la BCE n'altérera pas son indépendance dans la conduite de la politique monétaire.
La BCE est protégée par le traité même. Elle est par ailleurs sauvegardée par le Règlement MSU, qui prévoit une séparation claire entre les missions de politique monétaire et les missions de surveillance, ces dernières étant confiées à une nouvelle instance de décision (le Comité de surveillance) et devant être distinctement menées des premières. Sa responsabilité dans le domaine de la politique monétaire restera conforme au traité et aux statuts de la BCE et du Système européen de banques centrales (SEBC) (rapport annuel, auditions régulières du président au Parlement européen).
Le glissement des pouvoirs de contrôle prudentiel des États membres vers l'Union sera accompagné et compensé par un nouveau cadre de responsabilité spécifique et distinct vis-à-vis du Parlement européen, de l'Eurogroupe et des parlements nationaux. Demander au président du Comité de surveillance (et non au président de la BCE) d'assumer ces exigences de responsabilité résulte clairement de la séparation des activités de politique monétaire et de surveillance. Toute confusion entre les deux ensembles de tâches est ainsi évitée, notamment dans la perception par le public, alors que l'indépendance de la BCE est encore davantage protégée.
Plus précisément, en ce qui concerne les nouvelles missions de surveillance, un rapport annuel spécifique sera présenté aux institutions européennes. En outre, le président du Comité de surveillance participera à des auditions ad hoc devant le Parlement européen et l'Eurogroupe, ainsi qu'à des échanges de vues confidentiels (à huis clos) sur les missions de surveillance de la BCE avec les présidents et vice-présidents des comités compétents du Parlement. Les modalités de ces réunions doivent encore faire l'objet d'un accord entre la BCE et le Parlement européen7. La BCE accueille très favorablement ce degré élevé, sans précédent, de responsabilité attaché aux missions de surveillance, qui permettra des échanges continus avec les représentants élus des citoyens européens.
Elle est en outre soumise, s'agissant des missions de surveillance, à des audits internes et externes, effectués par la Cour des comptes européenne notamment, alors que ses décisions en la matière pourront faire l'objet d'un examen par la Cour de justice européenne.
Principaux bienfaits du MSU et défis à relever
La création du MSU devrait favoriser, tant à court qu'à moyen et long terme, la stabilité et l'intégration financières au sein de l'Union. À court terme, le principal bienfait du MSU réside dans le découplage entre le financement du souverain et celui des institutions financières. Une surveillance impartiale et centralisée permettra au MSU de recapitaliser directement les banques, pour autant que certaines conditions soient remplies.
À moyen et long terme, le MSU est une avancée substantielle par rapport à la surveillance effectuée au niveau national, qui ne comporte que des mécanismes de coordination limités. Un MSU fonctionnant de manière indépendante et doté d'un mandat européen et d'une perspective européenne devrait contribuer au rétablissement de la confiance dans l'environnement bancaire. Et cette confiance accrue devrait faciliter le redémarrage des marchés interbancaire et de crédit dans la zone euro.Grâce également aux deux autres piliers de l'Union bancaire, l'intégration financière devrait elle aussi notablement progresser.
L'instauration du MSU se traduira aussi par des normes homogènes en matière d'intensité de la surveillance et par une convergence accrue des pratiques dans ce domaine. Premièrement, dans les États membres participants, les établissements de crédit devront se conformer au manuel de surveillance (supervisory handbook) du MSU, qui contiendra un ensemble unique de pratiques ainsi qu'un point de contact unique pour toutes les questions liées à la surveillance. Deuxièmement, au sein de l'UE, les groupes bancaires bénéficieront du renforcement de la convergence réglementaire et en matière de surveillance qui résultera du corpus réglementaire unique pour l'UE que l'Autorité bancaire européenne (ABE) élabore actuellement en coopération avec la BCE, garantissant donc une véritable égalité de traitement dans le Marché unique.
Au nombre des défis à relever, le principal consiste, pour la BCE, à court terme, à assurer que le MSU soit pleinement opérationnel dans les délais fixés par le Règlement MSU (douze mois après l'entrée en vigueur de la législation). Dans ce contexte, elle devrait adopter plusieurs actes juridiques en vue de la mise en œuvre du Règlement MSU. Plus spécifiquement, en coopération avec les autorités nationales de surveillance, elle devra définir (après une consultation publique en bonne et due forme) et publier un cadre relatif à l'organisation des activités de surveillance au sein du MSU ainsi qu'un manuel de surveillance, y compris un modèle d'évaluation du risque de surveillance visant à garantir l'uniformité de l'évaluation des risques identifiés au sein du MSU. Le principal défi se posant à la BCE a donc trait à la mise en place – en très peu de temps – d'un cadre solide permettant une surveillance prudentielle efficace et efficiente dans les années à venir.
Les autres piliers : le MRU et le Système unique de garantie des dépôts
Le MRU
Le MRU constitue le deuxième pilier de l'Union bancaire. Organisé autour d'une autorité unique de résolution des crises, il permettra à celle-ci d'appeler à l'intervention d'une autorité de l'UE spécifiquement chargée de procéder à une résolution ordonnée des banques défaillantes afin d'éviter que leurs difficultés ne se répercutent sur d'autres banques, affectant ainsi la stabilité financière européenne. Le MSU fournira une évaluation rapide et impartiale du besoin de résolution, tandis qu'une autorité unique de résolution garantira une action rapide et efficace dès que la situation l'imposera. Cela permettra d'éviter les incitations inadaptées qui pourraient résulter d'une surveillance transférée au niveau européen alors que la responsabilité de la résolution resterait au niveau national.
La Commission européenne présentera une proposition de législation concernant le MRU d'ici au milieu de 2013. À cet égard, le MRU devrait être doté des mêmes dimensions institutionnelle et géographique que le MSU, en raison du parallélisme entre les deux mécanismes. À l'instar du MSU, le fonctionnement opérationnel du MRU peut être décentralisé pour peu que la responsabilité ultime demeure assumée par une autorité unique de résolution.
Celle-ci serait chargée de la résolution des banques et de coordonner la mise en œuvre des outils de résolution. Il importe que sa structure institutionnelle en garantisse l'indépendance, qu'elle soit dotée d'une capacité opérationnelle suffisante et qu'un cadre solide de responsabilité, offrant une protection juridique efficace contre les décisions de résolution ex post, soit mis en place. Elle devrait en outre disposer d'un ensemble complet d'instruments pouvant être mis en œuvre, des pouvoirs et de l'autorité permettant la résolution de toutes les banques. La proposition de la Commission européenne relative à une directive inhérente au redressement et à la résolution des défaillances bancaires, qui devrait être adoptée en juin 2013, est un pas fondamental vers l'harmonisation des instruments et des pouvoirs en matière de surveillance. Le MRU devrait garantir l'application impartiale et harmonisée de ces instruments.
Pour assurer la crédibilité du MRU, il est essentiel de lui apporter un financement suffisant. C'est la raison pour laquelle l'autorité unique de résolution devra avoir accès à un financement de résolution, tout en poursuivant une stratégie du moindre coût. Il conviendrait par conséquent qu'elle dispose d'un fonds européen de résolution, qui devrait être financé par le secteur privé au travers de prélèvements ex ante fondés sur les risques. En cas de contraction des moyens disponibles, un mécanisme de soutien public sous forme d'une ligne de crédit devrait prendre le relais. Les fonds apportés seraient récupérés par des prélèvements additionnels ex post conformes à des règles préétablies. Sur le moyen terme, le fonds serait donc budgétairement neutre.
En ce qui concerne la mise en place de l'autorité unique de résolution, le MRU devrait idéalement devenir opérationnel au même moment que le MSU. Pour que cette autorité soit rapidement créée, le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourrait se voir confier ses tâches de résolution. Il pourrait s'agir d'une solution transitoire qui ne nécessiterait pas de procédures législatives complexes et potentiellement longues affectant le traité de l'UE. En effet, seuls le traité instituant le MES et les textes d'application nationaux devraient être mis à jour.
La mise en place d'un MRU s'explique par la volonté d'offrir les incitations adéquates permettant de minimiser les coûts de résolution, sans recours, ou avec un recours minimal, à l'argent des contribuables et sans, ou très peu de, cas de résolution à traiter. Conformément aux objectifs globaux fondant l'Union bancaire, le MRU contribuera à rompre le lien entre banques et émetteurs souverains. La crise a montré qu'en l'absence d'une autorité supranationale, une forte tendance existe à renflouer les groupes bancaires au niveau national, souvent par facilité d'un point de vue juridique, institutionnel et politique. Dans une perspective ex ante, une autorité de résolution forte et impartiale, soutenue par un régime de résolution efficace, renforcerait la discipline de marché et réduirait le nombre de cas de résolution. Premièrement, les actionnaires et les créanciers contrôleront mieux les banques et les inciteront à suivre des modèles d'activité prudents dans la mesure où un renflouement ne pourra plus être anticipé. Deuxièmement, la garantie implicite de l'État ayant disparu (ou étant à tout le moins fortement réduite), les créanciers intégreront le coût du risque de pertes éventuelles en cas de résolution. Cela entraînera une valorisation appropriée des risques, renforçant également la discipline sur le marché. De plus, une banque pouvant être trop importante pour faire faillite au niveau national pourra faire l'objet d'une résolution au niveau européen, l'ampleur relative de ses difficultés étant plus limitée à cette échelle. Les coûts de résolution seraient minimisés et, in fine, pris en charge par le secteur privé. La suppression de toute anticipation implicite de renflouement des banques avec l'argent des contribuables concourra à coup sûr à réduire la fragmentation du marché entre les pays.
Vers un Système européen de garantie des dépôts
La création d'un régime commun de protection des dépôts est le troisième pilier de l'Union bancaire. Un système commun de protection des dépôts, fondé sur des normes européennes communes, est indispensable pour assurer la confiance des déposants et, partant, réduire la probabilité d'une ruée sur les banques susceptible d'affecter leur liquidité et leur rentabilité8. Cet élément est envisagé à long terme. Dans un premier temps, l'adoption de la proposition de la Commission européenne sur les systèmes de garantie des dépôts constituera un premier pas important vers l'achèvement d'un cadre harmonisé grâce à l'interconnexion des systèmes nationaux de garantie des dépôts et au renforcement de la confiance dont ils bénéficient.
Conclusion
La crise financière a apporté instabilité et récession dans l'économie européenne, et entraîné une remise en cause, depuis longtemps nécessaire, du cadre réglementaire et de surveillance des banques européennes, qui n'aurait pas eu lieu autrement. Des progrès remarquables ont été accomplis ces derniers mois dans la réforme du cadre réglementaire et de surveillance. L'UE joue un rôle essentiel dans le respect des engagements relatifs à la réforme de la réglementation financière mondiale, notamment à travers l'adoption du règlement et de la directive CRR/CRD IV (qui transposent les accords de Bâle III en droit européen), et le renforcement du cadre de surveillance institutionnel de l'Union. Mais la réforme du cadre réglementaire et de surveillance doit se poursuivre dans des domaines essentiels, en particulier avec la création d'une autorité de résolution et d'un fonds de garantie donnant accès à des filets de sécurité communs. La situation de Chypre, très récemment, explique pourquoi il est tellement urgent de disposer d'une union bancaire crédible. Une totale transition vers cette architecture à l'échelle de l'Union est par conséquent indispensable pour garantir une stabilité financière durable, mais aussi pour soutenir l'union monétaire et le Marché unique des services financiers de l'UE. Enfin, l'approfondissement de l'UEM doit également s'accompagner de structures de gouvernance et de responsabilité renforcées afin de conserver la confiance des citoyens.
Achevé de rédiger le 17 mai 2013