Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

 La finance coopérative rurale en Chine : histoire, développement et perspectives


Chen HE Département de gestion stratégique, Agricultural Bank of China ; doctorante en sciences économiques, université du peuple (Renmin University of China) ; auteur correspondant de l’article.
Gu SHENGZU Membre, Commission permanente de l’Assemblée nationale populaire (ANP) ; vice-président, Commission des affaires juridiques internes, ANP ; professeur, université du peuple (Renmin University of China) ; économiste.
La finance coopérative rurale, s’adressant aux exploitants agricoles de petite taille, est l’un des trois piliers de la finance rurale de la Chine. Au cours de son histoire, elle a connu trois formes d’organisation : le crédit coopératif rural, les fonds coopératifs ruraux et les fonds mutuels ruraux. En raison des changements de l’environnement du marché et des politiques, mais surtout de l’abandon des principes de la coopérative, les crédits coopératifs sont devenus des institutions financières commerciales et les fonds coopératifs ont fini par disparaître de l’histoire. Les pratiques des fonds mutuels sont en train d’établir un modèle de développement futur pour la finance coopérative rurale, celui de l’intégration de la coopérative financière et de la coopérative économique.

Depuis l’Antiquité, l’agriculture est l’activité de base déterminant la vie et le développement de l’humanité. Ce rôle de l’agriculture est d’autant plus vrai pour la Chine – le pays le plus peuplé du monde. Actuellement, l’économie chinoise est en transition de l’agriculture traditionnelle à l’agriculture moderne. L’industrie moderne, la science, la technologie ainsi que la gestion d’entreprise sont de plus en plus appliquées à l’exploitation agricole ; la modernisation de l’agriculture est un objectif stratégique qui fait l’objet d’un consensus dans la société chinoise.

Cette modernisation ne peut pas se faire sans le soutien de la finance rurale. Cette dernière est constituée de trois piliers : la finance commerciale, la finance coopérative et la finance politique (avec le soutien public). Cependant, le développement de la finance coopérative est nettement en retard par rapport aux deux autres. Ce retard empêche une allocation efficiente de ressources financières en zone rurale et ne facilite pas non plus le développement du bien-être des agriculteurs, ni le processus de modernisation agricole. Or la question la plus urgente pour cette modernisation est de relier les petites unités d’exploitation agricole éparpillées au grand marché. La finance coopérative rurale repose sur des principes d’adhésion volontaire, d’entraide et sur une approche ascendante (bottom-up). Par rapport à la finance commerciale et à la finance politique caractérisées par une approche descendante (top-down) et par un système de régulation à tous les niveaux, la finance coopérative, destinée aux petits exploitants, répond plus vite aux besoins avec une meilleure efficience de décision et un coût de gestion moindre. En plus, elle permet de renforcer les liens entre agriculteurs et de les rassembler, ce qui améliore leur pouvoir de négociation et leur compétitivité et permet ainsi de les relier au grand marché. Un réexamen de l’histoire de la finance coopérative rurale et la capacité à tirer des leçons des réussites et des échecs sont donc très importants pour favoriser le développement futur de la finance coopérative.

L’historique du développement et de la réforme du crédit coopératif rural (nong cun xin yong he zuo she)

En parlant de la finance coopérative rurale, nous pensons naturellement aux agences de crédit coopératif rural. Le mot « coopératif » relie naturellement le crédit coopératif rural à l’organisation de la finance coopérative. Cependant, les crédits coopératifs sont aujourd’hui devenus des institutions financières commerciales et ont donc perdu leur origine coopérative caractérisée par l’adhésion, la démocratie, l’autonomie et l’entraide.

L’établissement du crédit coopératif rural (1951-1957)

Au lendemain de la fondation de la Chine nouvelle, l’environnement était très favorable au développement de la finance coopérative dans les zones rurales. Pour la théorie classique du socialisme et la pensée de Mao Zedong, la « coopératisation » est un moyen important pour réaliser l’économie collective. C’est la raison pour laquelle la « campagne de coopératisation » (he zuo hua yun dong) était alors en plein essor. Le crédit coopératif, en tant que l’un des trois « moteurs » de la « campagne de coopératisation », avait la même importance consensuelle que les deux autres « moteurs » que sont l’agence coopérative de production et l’agence coopérative d’achats et de ventes.

C’est dans ce contexte que les agences de crédit coopératif ont émergé dans les années 1950. Symbolisée par l’annonce de la « Décision concernant le développement des agences de production agricole » du Comité central du PCC (Parti communiste chinois) de 1953, s’est alors mise en place une réglementation des établissements de crédit coopératif. Au début, la propriété du crédit coopératif était clairement définie : il appartenait aux agriculteurs adhérents. Les capitaux initiaux provenaient des participations des adhérents et les activités consistaient en l’octroi de crédits principalement entre adhérents.

Parallèlement à l’avancement de la « campagne de coopératisation », les crédits coopératifs se sont rapidement développés. Cette vitesse de développement trop rapide a été à l’origine d’un certain nombre de problèmes. Premièrement, une insuffisance de taille : les montants des dépôts et des prêts étaient faibles pour la plupart de ces crédits coopératifs et ils pouvaient être comptés en milliers de yuans (Guan, 2005). Deuxièmement, un manque de qualité de gestion : le système de réglementation était purement formel pour bon nombre de crédits coopératifs et la structure d’organisation était en réalité inefficiente, les procédures de décision étant arbitraires.

C’est pourquoi en 1955, la réunion de travail de la finance rurale de la Chine a proposé de réorganiser les agences de crédit coopératif en les plaçant sous la tutelle de l’Agricultural Bank of China (ABC) (zhong guo nong ye yin hang) (Zhan, 1994). Par la suite, cette dernière a recommandé quatre principes destinés à réglementer les crédits coopératifs : clarté des comptes, qualité de gouvernance, application des directives et soutien des agriculteurs. Cela a permis de renforcer la participation des agriculteurs dans l’organisation, la démocratisation dans la gestion et la flexibilité dans l’exercice des crédits coopératifs, ce qui a favorisé un bon développement de la finance coopérative. À la fin de 1957, les agences de crédit coopératif rural étaient au nombre de 103 000 avec environ 100 millions d’adhérents, soit 77,8 % du total des agriculteurs du pays. Elles collectaient 260 MCNY de dépôts et distribuaient près de 1 MdCNY de crédits (Xie, 2001).

La période d’instabilité du système de crédit coopératif rural (1958-1995)

À partir de 1958, en raison des changements de l’environnement politique du pays, le système de crédit coopératif est devenu instable et était partagé entre les principes de la finance coopérative, de la finance politique et de la finance commerciale. En 1958, en réponse à l’appel politique du « Grand Bond en avant » (da yue jin) de l’ensemble de l’économie, les crédits coopératifs ont été placés sous la direction des communes populaires (ren min gong she) par la fusion du Crédit rural (nong cun xin yong she) et de l’Office commercial d’une commune (ren min gong she jing ying bu) qui a donné naissance à l’Office de crédit de la commune populaire (gong she xin yong bu). Dans l’ambiance globale du « Grand Bond en avant », les trois principes des crédits coopératifs ruraux – participation des agriculteurs dans l’organisation, démocratisation de la gestion et flexibilité dans l’exercice – ont été entièrement abandonnés. L’organisation d’entraide financière initiée par les agriculteurs était alors devenue une annexe administrative qui jouait seulement le rôle du trésorier et du comptable de la commune populaire et de la brigade de production (sheng chan da dui). Pendant cette période, beaucoup de violations des règles ont été constatées et les conséquences sont aujourd’hui encore difficiles à faire disparaître. Premièrement, les dépôts physiques sont réapparus : les communes populaires et les brigades de production expropriaient les adhérents de leurs fonds, de leurs outils et de leurs produits agricoles et les comptabilisaient sous forme de dépôts des agences de crédit. Deuxièmement, les comportements frauduleux étaient très répandus : les comptes étant falsifiés, les dépôts et les crédits étant des opérations blanches, les crédits des agences pouvaient atteindre des chiffres astronomiques en une nuit. Troisièmement, les détournements de fonds étaient fréquents, des cadres étaient corrompus et bon nombre de prêts étaient devenus douteux et perdus. Quatrièmement, les critères d’octroi de crédits étaient devenus trop laxistes, le système de contrôle de risque avait été aboli, bon nombre de crédits étaient irrécupérables et les prêts non performants s’accumulaient.

Quelques années après le « Grand Bond en avant », le gouvernement a essayé de rétablir le caractère coopératif de ces agences de crédit. Cependant, très vite, le principe de mutualité a été abandonné et de nouveau dévoyé pendant la Révolution culturelle (wen hua da ge ming). Les agences de crédit étaient alors gérées par les agriculteurs des classes pauvre et moyenne (pin xia zhong nong). Ceux qui devaient gérer les agences n’étaient pas libérés de leurs activités de production et menaient donc en parallèle la gestion de l’agence et l’activité de production agricole. La stagnation de l’activité de crédit et le désordre dans les comptes en ont été les conséquences.

Cette situation de désordre dans la gestion des agences de crédit rural ne s’est améliorée qu’à partir des années 1970 où elles furent placées (de nouveau) sous la gestion de l’ABC. Cependant, en l’absence d’un changement radical au niveau de la propriété des agences de crédit rural, ces dernières étaient devenues publiques (guan ban) alors qu’elles étaient en réalité privées (min ban), mais de plus en plus éloignées de la trajectoire de la « coopératisation » (Fu, 2006). Dans les années 1980, elles sont entrées dans une période de réforme et de réorganisation. En 1982, sous l’égide de l’ABC, il a été décidé d’appliquer fermement les directives du Comité central (du parti communiste) et de transformer ces agences en véritables organisations financières collectives à nouveau basées sur les trois principes de participation des agriculteurs dans l’organisation, de démocratisation dans la gestion et de flexibilité dans l’exercice. Ce changement de politique a permis un certain retour à ces trois principes. Toutefois, à cause de l’ambiguïté de la propriété, cette réforme n’a pas été radicale et la nature des crédits ruraux oscillait toujours entre coopératives et banques privées.

La réorganisation et la rénovation des crédits coopératifs ruraux (1996-2002)

En 1996, le Conseil d’État (guo wu yuan) a publié la « Décision concernant la réforme du système de finance rurale », déconnectant les crédits ruraux de l’ABC. Les agences de crédit rural devaient de nouveau fonctionner selon le principe de la coopération. À l’issue de cette réforme, les crédits ruraux n’étaient plus des unités de base de l’ABC, mais étaient dotés d’autonomie opérationnelle. Cependant, après cette déconnexion, les risques potentiels accumulés durant l’histoire des crédits ruraux se sont matérialisés et en raison d’actifs de mauvaise qualité et de pertes lourdes, de nombreuses agences se sont retrouvées avec une valeur d’actif inférieure à celle du passif.

En 1998, avec l’approbation du Conseil d’État, la banque centrale de Chine, la People’s Bank of China (PBoC), a décidé d’expérimenter une réforme des crédits ruraux dans la province du Jiangsu. En 1999, la réforme pilote y a débuté. En 2001, trois banques commerciales rurales ont été établies à Jiangsu, ce qui ouvrait une nouvelle voie dans la réforme de la propriété des agences de crédit rural, leur transformation en institutions financières commerciales. Au cours du second semestre 2002, ayant tiré les leçons de ces trois années de réforme pilote menée à Jiangsu et en appliquant les nouvelles orientations du développement de la finance dans les zones rurales, la PBoC a recommandé au Comité central d’étendre la réforme pilote en conseillant une réforme du système de gestion des crédits ruraux.

La réforme approfondie des agences de crédit rural (2003-2011)

En juin 2003, le Conseil d’État a publié l’« Avis concernant la distribution des programmes pilotes de la réforme approfondie des agences de crédit rural », marquant un nouveau tour de réforme pilote des crédits ruraux dans le pays. Cette réforme a été étendue à huit provinces et municipalités, comme Zhejiang et Jiangxi. Elle a marqué quatre grandes avancées par rapport aux précédentes :

  • concernant la propriété des agences de crédit rural, le programme a défini trois possibilités : actionnariat, actionnariat coopératif et coopérative. Chaque province participant à ce programme peut décider entre ces possibilités en fonction de sa situation. Elle peut aussi choisir deux ou même trois possibilités car l’uniformité de propriété n’est plus une obligation ;
  • la forme d’organisation des agences de crédit rural n’est plus contrainte par le modèle de crédit coopératif rural du passé. Trois possibilités sont à choisir en fonction du choix de la nature de la propriété (évoqué ci-dessus) et sont respectivement banques commerciales par actions, banques coopératives par actions et coopératives ;
  • la régulation des agences de crédit rural a été décentralisée et devient la responsabilité des gouvernements provinciaux. Le principe selon lequel « l’État macrorégule et renforce sa surveillance, les gouvernements provinciaux régulent selon les lois et supervisent le système des responsabilités et les crédits ruraux s’autolimitent et subissent les risques » définit clairement les responsabilités de surveillance et de régulation de l’autorité étatique de régulation financière et des gouvernements provinciaux. Afin d’éviter que les gouvernements locaux n’interviennent « trop » dans le secteur de la finance, ce qui pourrait conduire à des interventions inappropriées dans les activités des agences de crédit rural, le Conseil d’État a précisé dans l’« Avis » que les crédits ruraux sont sous la responsabilité des gouvernements de niveau provincial et que cette responsabilité ne peut pas être décentralisée au niveau municipal, cantonal ou villageois ;
  • le plan destiné à supprimer le fardeau historique a été énoncé (Liu, 2003). Il s’agit d’un soutien budgétaire via une subvention ou une économie d’impôts. Quatre catégories de mesures sont disponibles : garantie de valeur et subvention d’intérêt aux comptes d’épargne, suppression temporaire des impôts sur les sociétés des agences de crédit rural participant au programme pilote de la région de l’ouest, soutien de capitaux aux crédits ruraux participants via le refinancement et l’émission des notes spéciales de la PBoC (une façon de nettoyer le bilan des crédits ruraux via l’émission des titres de dette de la banque centrale), élargissement de la bande de fluctuations des taux d’intérêt prêteurs que doivent appliquer les crédits ruraux.

En 2004, la CBRC (China Banking Regulatory Commission) a publié le « Système d’évaluation de risque et de standards d’alerte pour les institutions financières coopératives en zones rurales ». Ce dernier vise à donner une synthèse d’évaluation de risque pour environ 30 000 institutions financières coopératives rurales. Cette synthèse d’évaluation est basée sur des critères quantitatifs et qualitatifs. Dix-sept critères quantitatifs, dont le ratio de capital, le ratio de liquidité et le ratio de prêts non performants, et cinq critères qualitatifs, dont la structure de gouvernance d’entreprise, la capacité de gestion de risque, l’intégrité et l’efficacité du système de contrôle interne, la fiabilité et la complétude des comptes, sont retenus dans le système d’évaluation. Enfin, les institutions financières coopératives rurales sont classées en sept catégories. La CBRC renforce sa régulation tout en différenciant les mesures de contrôle selon les différentes catégories et donc les différents degrés de risque de ces institutions. Il s’agit d’accorder un temps limité pour que ces dernières passent dans la catégorie supérieure, pour changer de cadres dirigeants, pour suspendre la qualification de ces derniers pendant un certain temps… Certaines agences de crédit rural dont la valeur d’actif est largement inférieure au passif, situées en zones urbaines ou en banlieues, et dont le financement de l’activité agricole représente une partie relativement faible des encours sont à fermer en application des règles concernant la suppression des institutions financières (Liu, 2004).

En août 2007, l’agence provinciale du crédit rural de Hainan s’est ouverte à Haikou. Il s’agissait alors de la dernière province du pays non dotée d’une agence régionale. Un nouveau cadre de gestion des crédits ruraux est désormais en place, résultat de la réforme pilote des crédits ruraux débutée en 2003. La régulation et la responsabilité des risques relèvent des gouvernements provinciaux et l’établissement d’une plate-forme de gestion des crédits ruraux de chaque province par le gouvernement de la région est ainsi achevé (Jiang, 2007).

L’historique du développement et de la réforme du fonds coopératif rural (nong cun he zuo ji jin hui)

Les fonds coopératifs en zones rurales constituent une autre forme importante de l’organisation coopérative de la finance différente des crédits coopératifs ruraux. Ces fonds coopératifs sont apparus dans les années 1980 et leur existence n’aura compté qu’une dizaine d’années.

L’établissement des fonds coopératifs ruraux (1984-1992)

Après la dissolution des agences populaires (ren min gong she) et la mise en place en zones rurales du système de responsabilité contractuelle par ménage (jia ting lian chan cheng bao ze ren zhi), les agriculteurs se sont montrés beaucoup plus actifs et la productivité agricole a largement progressé. Cependant, la gestion des fonds collectifs était inexistante. Ces fonds préalablement gérés par l’agence populaire avaient massivement disparu, un grand nombre d’entre eux ayant été pillés ou détournés. Une organisation destinée à remplacer l’agence populaire et à gérer les fonds collectifs était nécessaire. C’est ainsi qu’est né le fonds coopératif rural à l’occasion d’un processus d’audit des comptes collectifs caractérisés par « la récupération des créances, la transformation des créances en prêts inscrits dans le bilan » (qing cai shou qian, yi qian zhuan dai) dans différentes régions de la Chine. Le premier fonds coopératif rural a été celui du comté de Baoding dans la province du Hebei. Ensuite, avec l’approbation par le Comité central, des fonds coopératifs sont apparus dans différentes régions. Dans le document numéro 1 du Comité central de 1987, il est mentionné que « les fonds coopératifs ruraux favorisent la collecte des fonds et peuvent soulager le problème d’insuffisance d’offre de capitaux par les banques rurales et les agences de crédit » et qu’« il faudrait en principe les autoriser et les soutenir ». En 1991, le ministère des finances et le ministère de l’agriculture ont publié conjointement un document donnant une pleine reconnaissance aux fonds coopératifs et encourageaient leur développement.

Dans l’étape initiale de leur développement, les fonds coopératifs ruraux mettaient l’accent sur le principe de la coopérative et se définissaient comme des organisations d’entraide communautaire basées sur le volontariat et la mutualité des adhérents qui bénéficiaient des services payants du fonds. Entre 1984 et 1991, ils se sont développés dans l’ensemble du pays : on en comptait 17 400 au niveau cantonal et 112 500 au niveau des villages ; au total, 17,85 MdCNY étaient alors utilisés pour financer l’économie (Zhang, 1993).

Le développement rapide des fonds coopératifs ruraux (1992-1996)

À partir de 1992, les fonds coopératifs ruraux sont entrés dans une période de développement rapide. Cependant, ce développement trop accéléré a conduit à un éloignement des principes de la coopérative. Les souscriptions à ces fonds se sont transformées en dépôts, les fonds mis à la disposition en crédits et les activités financées n’étaient pas de nature agricole. Plus précisément, on a pu constater à l’époque :

  • l’illégalité de l’opération de dépôt. La plupart des fonds coopératifs ruraux soit collectaient ouvertement des dépôts, soit attiraient des dépôts sous forme de « participation » aux fonds, malgré l’interdiction de collecter des dépôts qui leur était appliquée (Jia, 2004). Comme la gestion des fonds coopératifs manquait de règles, le remboursement des dépôts n’était pas pleinement garanti, ce qui avait des impacts négatifs sur la stabilité du système financier. Afin de concurrencer les banques et les crédits ruraux, les fonds coopératifs offraient des taux d’intérêt élevés afin d’attirer les dépôts. Ces taux pouvaient aller jusqu’à 10 % par mois pour certains fonds coopératifs, un taux largement supérieur au rendement moyen des investissements en zones rurales, ce qui désorganisait le marché financier rural ;
  • la non-séparation entre gestion et propriété due au problème inhérent du système de propriété. Un fonds coopératif rural était constitué au départ d’une part collective et de parts individuelles. Il s’agissait en réalité d’une aliénation de propriété coopérative car la part collective – et donc le droit collectif – étant difficilement identifiable au niveau individuel, les agriculteurs n’avaient de fait ni droit de contrôle, ni droit de parole sur la part collective. En l’absence d’une définition de la propriété collective, l’administration du canton est alors devenue le véritable utilisateur du fonds collectif (Xu et al., 1994). Certains cantons ont même mélangé les comptes et la comptabilité de l’administration avec les capitaux et les collectes des fonds coopératifs. L’indépendance et l’autonomie de ces derniers étaient donc impactées. Cette non-séparation entre gestion et propriété a eu pour conséquences de rendre floue la limite entre budgets et crédits et de faire augmenter les prêts non performants ;
  • la tendance à financer les opérations de nature non agricole. Alors que la réforme d’ouverture de 1978 se généralisait, la structure de l’économie rurale s’est beaucoup modifiée, notamment dans les années 1990, avec le développement rapide des secteurs secondaire et tertiaire. Attirés par le rendement et sous l’influence de l’administration locale, les fonds coopératifs se sont détournés des activités agricoles au bénéfice des activités nouvelles (Guan, 2005). Ce qui a conduit à une raréfaction des capitaux dans les zones rurales, impactant l’investissement et l’accumulation des capitaux dans les activités agricoles, avec des effets induits négatifs sur la production agricole.

Ces problèmes apparus avec le développement des fonds coopératifs ruraux ont attiré l’attention des régulateurs. En 1994, le ministère de l’agriculture et la PBoC ont publié l’« Avis concernant le renforcement de la gestion des fonds coopératifs ruraux » selon lequel le fonds coopératif rural était considéré comme une organisation non lucrative d’entraide financière de la communauté dont le but était de rendre service aux adhérents, à l’agriculture et aux agriculteurs et dont la tâche principale était de bien gérer et d’utiliser les fonds collectifs et les parts des adhérents afin d’augmenter l’accumulation collective et de favoriser le développement de l’économie rurale. Le gouvernement central a précisé que le fonds coopératif rural n’était pas une institution financière et qu’il n’était pas autorisé à opérer des dépôts et des crédits. Ensuite, les autorités concernées ont procédé à une réorganisation de ces fonds en demandant aux commissions de l’agriculture de tous les niveaux administratifs de collaborer avec la PBoC, afin de sanctionner lourdement ceux qui utilisaient le nom de « fonds coopératifs ruraux », mais dont l’activité principale ne correspondait pas à la nature, l’objectif et la tâche des fonds coopératifs.

La restructuration et la réorganisation des fonds coopératifs ruraux (1996-1999)

En 1996 est publiée la « Décision concernant la réforme du système financier rural du Conseil d’État ». Elle visait les problèmes apparus dans le développement des fonds coopératifs ruraux, proposait de les restructurer et leur interdisait de collecter les dépôts des ménages sous forme d’actions. Pour procéder à la réorganisation, la « Décision » différenciait les différents fonds coopératifs ruraux entre eux. Ceux qui avaient déjà commencé les activités de dépôt et de crédit, étant en réalité des institutions financières, devraient être intégrés à des agences de crédit rural existantes ou se transformer en crédits ruraux après l’audit financier. Ceux qui n’avaient pas d’activités de dépôt ou qui avaient de telles activités, mais n’étaient pas éligibles pour se transformer en agences de crédit rural devaient désormais opérer en tant que vrais fonds coopératifs en respectant les principes de ces derniers.

À partir de 1996, en application de la « Décision », les fonds coopératifs ruraux ont commencé à faire attention à la qualité de leur développement. Ils ont donc renforcé les règles internes, les normes de gestion financière et de comptabilité… Toutefois, à la suite de la crise financière de 1997 qui a de nouveau attiré l’attention des autorités régulatrices sur le risque financier des fonds coopératifs ruraux (Wen, 2009), leur restructuration et leur réorganisation ont été à nouveau renforcées. Dans ce contexte, une panique a commencé à se développer chez les déposants qui ont effectué des retraits massifs. C’est pourquoi au début de 1999, le Conseil d’État a publié un document ordonnant la fin des fonds coopératifs ruraux qui ont dû soit se transformer en agences de crédit rural, soit cesser leur activité. Sous cet ordre impératif, la restructuration du secteur de ces fonds s’est accélérée et ils ont ainsi disparu du marché financier rural de la Chine.

L’établissement et le développement des fonds mutuels (zi jin hu zhu she) : Une nouvelle organisation de la finance coopérative rurale

L’annonce des politiques de réglementation des fonds mutuels

Depuis 2006, des politiques successives de réglementation concernant les fonds mutuels ont été annoncées. Elles ont constitué la base de l’établissement et du développement d’une nouvelle organisation financière coopérative en zones rurales. À la fin de 2006, la CBRC a publié des « Avis concernant l’assouplissement des critères d’entrée des institutions financières aux services bancaires en zones rurales afin de soutenir la construction de la nouvelle campagne socialiste ». Ces « Avis » ont abaissé la barrière d’entrée des institutions financières en zones rurales des régions du centre-ouest, du nord-est et de l'île de Hainan. Ils ont précisé les six provinces faisant partie du programme pilote : Sichuan, Qinghai, Gansu, Mongolie intérieure, Jilin et Hubei. Le capital minimum requis pour la création d’une organisation coopérative de crédit a été fixé à 300 000 yuans pour une organisation de niveau cantonal et à 100 000 yuans pour une organisation de niveau village. L’adoption d’une forme administrative simple et flexible est encouragée : l’instauration d’un conseil d’administration n’est pas obligatoire et les managers sont directement élus par l’assemblée générale des adhérents.

Au début de 2007, la CBRC a édicté les « Règles temporaires de la gestion des fonds mutuels en zones rurales » d’où l’organisation coopérative de crédit en zones rurales tire son nom de fonds mutuels. Ces règles précisent que : « Les fonds mutuels en zones rurales sont constitués des participations volontaires des agriculteurs et/ou des petites entreprises rurales après l’accord des autorités de régulation bancaire. Ils constituent des institutions financières du système bancaire et présentent un caractère coopératif communautaire. Ils fournissent des services de dépôts, de crédits et de règlements aux adhérents. Ils doivent être gérés sur une base démocratique au sein des adhérents dans l’objectif de les servir et de réaliser leurs intérêts communs. »

Les « Règles temporaires » ont détaillé les conditions de création d’un fonds mutuel : il faut au minimum dix personnes éligibles à l’origine de la création du fonds ; la participation d’un individu (ou d’une entreprise) ne doit pas dépasser 10 % du total du capital ; une autorisation de l’autorité de régulation bancaire est nécessaire pour toute participation supérieure à 5 % ; de plus, pour être adhérent, l’appartenance administrative (canton ou village) doit être la même que le Hukou de l’individu, son lieu de résidence fréquente (qualifiée par la possession d’un logement fixe et une durée de résidence de trois ans minimum). Ces règles ont garanti le caractère de « finance locale » des fonds mutuels car le fait d’imposer le caractère local dans l’éligibilité des adhérents permet que les fonds mutuels soient les propres organisations coopératives de crédit des agriculteurs et évite que d’autres capitaux à la recherche de rendements n’y investissent. D’ailleurs, les règles concernant le nombre des adhérents et le plafond des participations individuelles garantissent la dispersion du capital, ce qui permet d’éviter le contrôle du fonds par certains individus, de garantir le droit d’élection et de décision des adhérents et de réaliser en conséquence une gestion démocratique.

Peu de temps après, la CBRC a publié le « Guide d’autorisation de création des fonds mutuels en zones rurales » et les « Règles modèles des fonds mutuels en zones rurales ». Ces deux textes ont précisé les critères de création, la procédure et les documents à fournir. Ils exercent un effet favorable pour standardiser la structure, la gestion du capital, la gestion opérationnelle et financière des fonds mutuels.

Un exemple : l’analyse du fonds mutuel rural Baixin de la province du Jilin

Conformément aux politiques mises en place s’est ouvert le fonds mutuel rural du village de Yanjia appartenant au canton de Lishu de la province du Jilin. Il s’agit de la première organisation mutuelle de fonds rural autorisée par la CBRC. Son ouverture symbolise l’entrée de la finance coopérative rurale dans une ère nouvelle.

Le fonds mutuel rural Baixin considère la motivation et l’initiative des agriculteurs comme une priorité tout en appliquant l’idée selon laquelle « le peuple emprunte, rembourse (des prêts), gère et utilise (le fonds) » et le système de gestion commun des intérêts. L’assemblée générale du fonds élit les cinq membres du conseil d’administration sur les critères de droiture, d’impartialité, de compétence managériale et de dévouement. Le conseil d’administration est chargé de l’examen, de la distribution, du remboursement et de la gestion des fonds. Le directeur du fonds, le comptable, le trésorier et les membres du conseil ont leurs propres responsabilités. En cas de problèmes importants, ces derniers doivent être discutés et résolus en assemblée générale des adhérents. Chaque membre du conseil d’administration est en contact avec entre un et trois adhérents, supervise le déroulement des projets de ces adhérents et prend en charge la formation complète des nouveaux adhérents (Tang, 2007).

Ce fonds mutuel a aussi établi la « Réglementation des crédits du fonds mutuel ». Cette dernière définit précisément les règles concernant le périmètre d’utilisation des capitaux du fonds, le processus d’examen et d’approbation, le montant, l’échéance, le taux d’intérêt des crédits, l’utilisation de leurs services d’intérêt ainsi que la proportion des emprunteurs au sein des adhérents. Les capitaux du fonds ne sont mis à la disposition que des adhérents volontaires. Le processus d’examen se déroule comme suit : l’adhérent procède à la demande de prêt, ensuite un chargé d’affaires mène une enquête détaillée, enfin est délivrée la décision de prêt définissant la note du crédit après l’évaluation du conseil d’administration. Le montant d’un prêt se situe généralement entre 1 000 yuans et 5 000 yuans. Comme ce sont des prêts de montant inférieur à 5 000 yuans, aucune garantie n’est exigée, ce qui simplifie le processus. L’échéance est en général comprise entre trois et six mois et ne dépasse pas un an. Le taux d’intérêt est inférieur ou égal à celui des crédits bancaires et est décidé par le conseil d’administration du fonds après discussions collectives. En 2008, les taux d’intérêt ont été de 8,5 %, 9,7 % et 10,6 %. 80 % des intérêts perçus sont utilisés pour le développement du fonds, les 20 % restants pour le développement des activités d’intérêt public ou le soutien des ménages en difficulté. Les conditions d’adhésion étant strictes, chaque nouvelle adhésion est faite avec prudence. Un système de notation est mis en place et pris en charge par le groupe de travail de crédit.

En mars 2008, après un an de développement, ce fonds mutuel comptait 102 ménages adhérents, soit une augmentation de 218,75 % par rapport à sa date de création ; son capital s’élevait à 130 400 yuans, soit une augmentation de 28,09 %. Le montant maximum des prêts accordés était de 10 100 yuans et le minimum de 100 yuans. Le montant des dépôts a été multiplié par plus de 30 pour arriver à 33 000 yuans dont 10 000 yuans de dépôts courants et 23 000 yuans de dépôts à terme ; les dépôts des agriculteurs représentaient 82,09 % de ce montant. Au niveau des crédits, l’encours s’élevait à 301 500 yuans dont 13 000 yuans alloués aux cultures, 261 000 yuans à l’élevage et 27 500 aux autres activités. Au total, 142 projets de prêts ont été effectués pour un montant de 571 900 yuans (Yu et al., 2008).

Le modèle de ce fonds mutuel, ayant eu des effets exemplaires en raison de son faible coût, de sa capacité d’application et de son expérience réussie, a attiré bon nombre de visites venant du reste de la Chine. Entre 2004 et 2009, ce modèle a été copié dans les provinces du Liaoning, du Zhejiang, du Sichuan… Un échantillon précieux de modèles a ainsi été créé pour contribuer au développement de la finance coopérative rurale de la Chine. Jusqu’à aujourd’hui, 36 fonds mutuels ruraux ont reçu l’agrément de la CBRC. Malgré ce nombre encore faible, il existe un fort potentiel de développement. Selon certaines statistiques non exhaustives, les fonds mutuels similaires seraient plus de 10 000 à l’échelle nationale. Faute d’agrément, ces fonds sont contraints de fonctionner de façon officieuse : avec l’ouverture et l’amélioration des politiques, davantage d’entre eux vont se transformer en fonds mutuels ruraux attitrés dans le futur.

Depuis 2009, ce fonds mutuel connaît un nouveau développement, c’est-à-dire la fusion de la coopérative de crédit avec la coopérative économique. Il collabore avec des coopératives de professionnels de l’agriculture et crée avec eux des relais de service pour capitaux agricoles. Afin de résoudre les problèmes de financement, il développe des opérations de garantie avec ces coopératives en jouant le rôle d’intermédiaire, ce qui permet d’élargir les possibilités de financement. Ainsi, des coopérations en matière de production, d’achat-vente et de crédit ont été créées entre agriculteurs, faisant naître un nouveau modèle de développement de l’économie rurale (Jiang, 2010b). Jusqu’au milieu de juillet 2009, une soixantaine d’adhérents ont pu profiter du fonds et ont emprunté plus de 200 000 yuans utilisés dans les activités de plantation, d’élevage, d’industrie de transformation agricole et d’industrie spéciale familiale rurale. L’agro-industrie se développant, les revenus des agriculteurs ont aussi augmenté. Un tel modèle basé sur la collaboration entre la coopérative de crédit et la coopérative économique est aussi observable dans d’autres régions de la Chine et il sera probablement la tendance future du développement du fonds mutuel.

Réflexions et perspectives de la finance coopérative rurale de l’ère nouvelle

L’agriculture, les zones rurales et les agriculteurs constituent toujours une question centrale du développement et de la réforme de la Chine, même si les difficultés et les priorités peuvent être différentes selon diverses périodes historiques. Actuellement, le modèle de croissance de l’économie chinoise est en pleine phase de transition. Les zones rurales de la Chine, évoluant elles-mêmes d’une structure dualiste vers l’intégration urbaine-rurale, ont un besoin important de capitaux, mais l’offre est évidemment insuffisante. Un bon développement de la finance coopérative rurale en Chine est donc d’une grande importance pour l’allocation des ressources financières rurales et la transition économique. En retraçant l’historique de la finance coopérative rurale en Chine et en intégrant les nouveaux besoins de développement et le nouvel environnement économique, quatre points ont été déterminés pour permettre un développement harmonieux de la finance coopérative dans l’avenir.

1 – Maintenir le caractère local du système coopératif, c’est-à-dire le système d’adhésion, la gestion démocratique, l’autonomie et l’entraide, afin de favoriser un développement durable et robuste du système coopératif de la finance rurale. D’après la définition de l’Alliance coopérative internationale (ACI), une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et leurs besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. Ses principes centraux sont l’adhésion, la démocratie, l’autonomie et l’entraide. À la différence des sociétés par actions et des entreprises d’État, une coopérative appartient à tous les adhérents qui gèrent son capital. Les crédits coopératifs et les fonds coopératifs ruraux ont tous été créés d’après les principes coopératifs. Mais finalement, les premiers sont devenus des institutions financières commerciales ; les derniers ont fini par disparaître. La raison principale est qu’ils se sont éloignés des principes coopératifs et cela a entraîné une aliénation de la propriété. Même si les changements de l’environnement du marché et des politiques sont en partie responsables de cette aliénation, la cause la plus importante réside dans le fait que les principes de base de la coopérative n’ont pas été suivis : le système d’adhésion n’était qu’un nom et les principes de la démocratie, de l’autonomie et de l’entraide étaient mis de côté.

Les faits prouvent qu’une organisation financière coopérative rurale ayant une propriété mal définie et ne servant pas aux activités agricoles et aux agriculteurs n’est pas viable. Avec la croissance rapide du marché financier rural, les fonds mutuels – nouvelle organisation de la finance coopérative rurale – doivent tirer les leçons de l’évolution passée des crédits et des fonds coopératifs, éviter de devenir des organisations de la finance politique ou de pures organisations commerciales, conserver les principes de base, respecter les valeurs et les principes internationaux de la coopérative et garder ainsi la nature même de la coopérative. Concrètement, les fonds mutuels doivent toujours garder une structure de propriété claire, un mode de gestion démocratique et pratiquer l’autonomie et l’entraide. Les adhérents doivent exercer leur fonction de surveillance et de sanction des dirigeants gestionnaires. Les innovations de produits financiers ou de modèles opérationnels doivent être proches des besoins des adhérents et ne doivent pas être une transposition aveugle des pratiques des banques commerciales. L’intérêt des adhérents doit être placé au premier plan, l’attention doit se focaliser sur l’interne et les adhérents doivent s’entraider.

2 – Identifier la place et le rôle de la finance coopérative rurale dans le système financier rural basé sur la combinaison de la finance commerciale, la finance politique et la finance coopérative afin d’aboutir à un développement complet de la finance rurale. Le positionnement de chacun des trois piliers de la finance rurale doit se différencier des deux autres. La finance commerciale cible les clientèles rurales de moyen et haut de gamme et les unités d’exploitation ayant un degré d’organisation élevé et se situant sur la chaîne industrielle rurale. La finance politique s’adresse aux groupes socio-vulnérables et la finance coopérative aux petites unités d’exploitation ordinaires. Le besoin financier de ces dernières a toujours été le maillon faible du système financier rural de la Chine. Compte tenu de leur petite taille et de l’asymétrie d’information, elles sont toujours confrontées au problème de taux d’intérêt élevés en cas de besoin de crédits, ce qui est défavorable à leur développement. Pour satisfaire les besoins de crédits des petits exploitants, la finance coopérative rurale possède des avantages que la finance commerciale ne possède pas : de nature non lucrative, son taux d’intérêt déterminé par les adhérents est donc relativement faible ; les coopérateurs sont des ménages ruraux volontaires des zones de proximité, qui sont censés se connaître, ce qui permet de posséder une information relativement plus complète et donc un risque de crédit plus faible. À travers l’histoire du développement des crédits et des fonds coopératifs, on a pu constater que quel que soit le stade de développement de l’économie chinoise, il existe toujours un fort besoin de finance coopérative en zones rurales. Son absence a conduit au développement de prêts usuraires. La finance coopérative doit donc utiliser ses avantages : être proche des ménages ruraux, être pratique et flexible, se concentrer sur les opérations de dépôts, de crédits et de règlements et ainsi toujours satisfaire les besoins des ménages ruraux ordinaires.

3 – Réaliser le développement conjoint de la finance coopérative et de l’économie coopérative rurales dans leur interaction et leur complémentarité et construire de nouveau un système coopératif rural basé sur la coopération financière, productive et commerciale afin d’accélérer l’agro-industrialisation et la modernisation des zones rurales. La finance coopérative se situe au cœur de l’économie coopérative. Dans le monde, la coopération dans le domaine de la production et de la commercialisation est inséparable de celle du domaine de la finance. Les différentes finances coopératives existant au Japon, en Corée du Sud et à Taiwan (Chine) ont pour caractéristiques partagées d'être indépendantes au niveau de leur fonction de financement, mais aussi dépendantes d’une association d’agriculteurs sans en être un système séparé. Dans ces pays, une association d’agriculteurs est une association à vocation générale et ses activités couvrent non seulement la coopération dans le domaine de la production et de la commercialisation, mais aussi dans le domaine de la finance. D’ailleurs, à Taiwan, les frais de fonctionnement d’une telle association sont essentiellement couverts par le solde du service de crédit de l’association. La finance coopérative est donc la clé de création et de fonctionnement d’une association d’agriculteurs à vocation générale. Le développement de cette finance ne peut donc pas être séparé de l’environnement de celui de l’économie rurale. L’économie de la Chine rurale étant en processus d’urbanisation, d’industrialisation et d’agro-industrialisation, sur la base du système de responsabilité contractuelle de ménages, les rapports productifs ruraux se développent vers la coopération de la terre et de l’exploitation. De plus en plus d’organisations de coopération professionnelle se créent à l’initiative des agriculteurs et leur offre de services s’améliore et s’étend de la coopération technique à l’acquisition des moyens de production et à la vente de produits agricoles. Depuis juillet 2007, est appliquée officiellement la « Loi des agences coopératives professionnelles des agriculteurs de la République populaire de Chine ». Cette loi a clairement défini la position dominante des coopératives d’agriculteurs sur le marché. À la fin de septembre 2010, 343 000 coopératives se sont inscrites aux autorités de l’industrie et du commerce et comptent environ 28 millions d’adhérents, soit 11 % des exploitants de la Chine.

La finance coopérative rurale de la Chine doit s’adapter à la situation et chercher un développement commun avec les organisations coopératives économiques (Jiang, 2010a). La coopération doit s’opérer non seulement dans des activités de rendement faible, mais aussi dans des activités à économies d’échelle comme l’achat-vente, l’assurance et la finance. Concernant le fonds mutuel Baixin de Jilin, la coopération s’exerce non seulement pour le crédit, mais aussi pour la production et l’achat-vente, d’où l’apparition de la nouvelle tendance du développement intégré de coopérations financière et économique. Ce nouveau modèle va promouvoir le développement de la production via la coopération de crédit et rassembler les forces des petits exploitants pour former une entité unie sur le marché. Cela augmente non seulement la capacité de négociation des exploitants et la compétitivité de l’ensemble, mais aussi permet de résoudre radicalement le problème de la connexion des petits exploitants au grand marché. À l’avenir, ce nouveau modèle doit être vivement encouragé. Avec l’aide de coopératives professionnelles rurales, il faut mener des coopérations en matière de crédits, réaliser le développement intégré des coopérations financière et économique afin que l’une stimule et complète l’autre.

4 – Définir la position du gouvernement dans le développement de la finance coopérative rurale afin que le gouvernement y soit présent, mais raisonnablement présent. L’aliénation des crédits et des fonds coopératifs a été très liée aux politiques du gouvernement. Ce dernier intervenait trop dans certains domaines et peu dans d’autres. Compte tenu de ces leçons, quel rôle doit jouer le gouvernement dans le développement des fonds mutuels ? Afin de répondre à cette question, une comparaison horizontale entre fonds mutuel, fonds coopératif et crédit coopératif est nécessaire. Le fonds mutuel est semblable au fonds coopératif avant l’aliénation du dernier, sauf en ce qui concerne la structure de propriété. Le capital collectif n’est pas présent dans un fonds mutuel qui est constitué de participations individuelles identifiables. L’indépendance de gestion est ainsi garantie. De plus, comparé au crédit coopératif, le fonds mutuel bénéficie d’un meilleur environnement réglementaire également plus stable. Il est défini comme une institution financière, est régulé par la CBRC, jouit d’une plus grande autonomie dans son exercice et est relativement peu contraint par les autorités locales. La continuité et la stabilité des politiques constituent donc la garantie du système au développement des fonds mutuels.

Cependant, les fonds mutuels ne se développent pas vite par rapport à la rapidité du développement qu’ont connu les crédits et les fonds coopératifs ruraux. Ceci est la face cachée de l’histoire. Comme en témoignent les expériences étrangères, la finance coopérative ne peut se développer rapidement sans le soutien public. Les agences coopératives allemandes ne sont entrées dans la période de croissance dorée qu’après avoir été soutenues par les Pouvoirs publics (Pan, 2003). Par conséquent, pour que le fonds mutuel se développe robustement et rapidement, faire agir la main invisible du marché est aussi important que de bien définir les limites d’action de la main visible des Pouvoirs publics. L’intervention dans les activités courantes des institutions financières coopératives comme dans le passé, pas plus que l’absence de régulation ne sont acceptables. La présence et la régulation publiques doivent être raisonnables. Il faut éliminer les interventions administratives, créer un environnement de croissance favorable à la finance coopérative par des mesures de soutien complètes en termes juridique, fiscal et budgétaire. Enfin, les Pouvoirs publics doivent contraindre les fonds mutuels à rester coopératifs.


Bibliographies

Fu C. (2006), Économie coopérative en Chine rurale : forme d’organisation et évolution du système, édition de l’économie chinoise.
Guan Y. (2005), Recherche sur l’histoire contemporaine de la finance coopérative rurale de la Chine, thèse doctorale, université de Zhejiang.
Jia Y. (2004), Analyse d’après la théorie des jeux sur la finance rurale contemporaine, mémoire de master, université normale de la Mongolie intérieure.
Jiang B. (2010a), « Exemple du comté de Lishu, du fonds mutuel rural au développement de l’association agricole générale », The Chinese Banker, no 6.
Jiang B. (2010b), Le système de la coopérative de crédit alimentaire rural du comté de Lishu doit attirer la haute attention. Disponible sur le site de Xinhua.
Jiang D. (2007), Nouveau départ de la réforme du système de régulation des agences de crédit rural, China Banking Regulatory Commission. Disponible sur le site : www.cbrc.gov.cn.
Liu M. (2003), Renforcer la direction, soigner l’organisation, bien mener et approfondir la réforme pilote des agences de crédit rural, China Banking Regulatory Commission. Disponible sur le site : www.cbrc.gov.cn.
Liu M. (2004), Système d’évaluation du risque et de standards d’alerte des institutions financières coopératives rurales, China Banking Regulatory Commission. Disponible sur le site : www.cbrc.gov.cn.
Pan Z. (2003), Développement de la finance coopérative rurale à l’étranger et idées d’inspiration pour la réforme du crédit rural en Chine, mémoire de master, université de Jilin.
Tang S. (2007), Les fonds mutuels doivent être les vraies organisations financières coopératives des agriculteurs, China Banking Regulatory Commission. Disponible sur le site : www.cbrc.gov.cn.
Wen T. (2009), « Histoire du fonds coopératif rural », Construction des zones révolutionnaires (laoqu) en Chine, no 9.
Xie A. (2001), L’évolution du système de crédit coopératif rural en Chine, mémoire de master, université de Hunan.
Xu X. et al. (1994), Développement et réforme de la finance rurale de la Chine, édition de la Chine contemporaine.
Yu S. et al. (2008), Évaluation de l’efficience des institutions de crédit de petite taille en zones rurales – Tentatives à partir du modèle du fonds mutuel rural Baixin, prix spécial de la 10ème coupe d’innovation de dissertations, université du peuple.
Zhan Y.-R- (1994), Histoire de la finance rurale de la Chine, édition de l’université agricole de Beijing.
Zhang X. (1993), « Petites discussions sur l’établissement et le développement du système de la finance coopérative rurale », Réforme, no 6.