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 Vers un marché unique numérique : faire de la révolution numérique une opportunité pour l'Europe


Olivier BRINGER Assistant du directeur général, DG CONNECT, Commission européenne. Contact : olivier.bringer@ec.europa.eu.
Roberto VIOLA Directeur général, DG CONNECT, Commission européenne.

Les technologiques numériques transforment radicalement l'économie mondiale avec des répercussions sur le commerce, l'industrie, le marché du travail et les services publics. L'Europe a de nombreux atouts pour bénéficier de ces changements, mais reste confrontée à la fragmentation de son marché intérieur. Dans cette perspective, la Commission européenne, pleinement supportée par les États membres, a placé parmi ses grandes priorités politiques la réalisation du marché unique numérique. On estime que le marché unique numérique pourrait contribuer à hauteur de 415 milliards d'euros à l'économie européenne et créer des centaines de milliers d'emplois.

Cet article décrit comment la stratégie pour un marché unique numérique contribue à renforcer la dimension numérique du marché unique, à stimuler l'investissement dans les réseaux très haut débit, à transformer notre système productif et créer une économie européenne de la donnée, à créer les conditions de l'émergence de la société de la connaissance (compétences numériques et infrastructures de données), et à sécuriser et renforcer la confiance dans le marché unique numérique.

« …aujourd'hui, citoyens et économie sont entrés dans l'ère du numérique. Les technologies numériques et les communications numériques sont présentes dans les moindres aspects de notre vie. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'un accès à l'Internet haut débit. Nous avons besoin d'être connectés. Notre économie en a besoin. Tout le monde en a besoin. Et nous devons investir dans cette connectivité maintenant. C'est pourquoi la Commission propose aujourd'hui de réformer les marchés des télécommunications européens. Nous voulons créer un nouveau cadre juridique qui attire et qui permette les investissements dans la connectivité. Les entreprises devraient pouvoir planifier leurs investissements en Europe sur les 20 prochaines années. Parce que si nous investissons dans de nouveaux réseaux et services, ce sont au moins 1,3 million de nouveaux emplois qui seront créés au cours de la prochaine décennie. »

Jean-Claude Juncker, « Discours sur l'état de l'Union 2016 : vers une Europe meilleure – Une Europe qui protège, donne les moyens d'agir et défend », 14 septembre 2016.

La révolution numérique se poursuit et change le monde avec des implications profondes. Des progrès technologiques tels que l'Internet des objets (IoT pour Internet of Things), l'analyse des données, la robotique ou l'intelligence artificielle sont en train de transformer l'économie et la société dans son ensemble. Qu'il s'agisse de grandes, petites ou moyennes entreprises, d'administrations nationales, régionales ou locales, ou encore de citoyens, tous sont profondément affectés par le développement et la généralisation des technologies numériques.

Les données sont au cœur de ce phénomène. Chaque jour, nous trouvons de nouvelles façons de recueillir des données, de les interpréter, de les utiliser et de les visualiser. Le volume de données numériques croît de façon spectaculaire1. Ces données, qui sont assimilables à une marchandise, ont besoin de se déplacer librement pour maximiser leur valeur. Leur libre circulation en Europe est nécessaire, car elles sont la clé pour la compétitivité, la productivité et l'innovation dans le monde numérique.

Le paradoxe de la révolution numérique est qu'elle a rétabli des barrières que les politiques européennes s'étaient efforcées de réduire dans le monde physique : barrières à la libre circulation des données, sous la forme d'obligation de localisation des données au niveau national ; barrières au commerce électronique transfrontalier avec, par exemple, seulement 37 % des sites de commerce électronique transfrontalier qui permettent aux clients de finaliser effectivement une transaction (Commission européenne, 2016a) ; barrières à l’innovation quand les entreprises, en particulier les plus petites, sont privées d’accès aux infrastructures numériques et aux compétences dont elles ont besoin pour se développer.

Le principal défi auquel nous sommes confrontés est évident : la fragmentation de notre marché unique numérique, avec vingt-huit régimes nationaux différents.

Dans un environnement numérique, par nature transfrontalier, les marchés nationaux ou régionaux n'offrent pas une taille suffisante, que ce soit pour générer la demande finale ou pour supporter l'investissement et l'innovation. Les entreprises numériques ont besoin d'un marché paneuropéen pour prospérer et concurrencer les leaders mondiaux, qui bénéficient eux-mêmes de vastes marchés domestiques. Les entreprises comme les citoyens ont besoin d'infrastructures numériques de classe mondiale, déployées à l'échelle du continent, telles que les réseaux très haut débit, l'informatique en nuage (ou cloud computing), le calcul haute performance (ou high performance computing) et les mégadonnées (ou big data). Ils ont aussi besoin de compétences numériques, quel que soit leur secteur d'activité.

La Commission européenne a placé parmi ses grandes priorités politiques la réalisation du marché unique numérique. Cet objectif est pleinement supporté par les États membres (Conseil européen, 2016).

La stratégie pour un marché unique numérique (Commission européenne, 2015) est notre feuille de route pour construire une économie de la donnée moderne en Europe, en nous appuyant sur des investissements ciblés dans des infrastructures numériques de pointe et un cadre réglementaire qui stimule la compétitivité. On estime que le marché unique numérique pourrait contribuer à hauteur de 415 Md€ à l'économie européenne (Parlement européen, 2015).

Cet article décrit comment la stratégie pour un marché unique numérique contribue à :

  • renforcer la dimension numérique du marché unique et définir un cadre réglementaire approprié pour les plateformes en ligne,

  • stimuler l'investissement dans les infrastructures à très haut débit pour connecter tous les citoyens, les entreprises et les services publics,

  • transformer notre système productif grâce à la numérisation de l'industrie et créer une économie européenne fondée sur les données,

  • créer les conditions de l'émergence de la société de la connaissance (compétences numériques et infrastructures de données),

  • sécuriser et renforcer la confiance dans le marché unique numérique.

Renforcer la dimension numérique
du marché unique

Notre vision du marché unique numérique est celle d'un espace économique sans frontières, dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services, des capitaux et des données est assurée et où particuliers et entreprises peuvent produire et échanger des biens et des services en ligne, innover et interagir en toute légalité et avec un haut niveau de protection, quels que soient leur nationalité ou leur lieu de résidence.

Les technologies numériques permettent aux entreprises de servir un très grand nombre de clients sans limite géographique. Et inversement, elles permettent aux clients de bénéficier d'une offre plus riche et de meilleurs prix. Le marché unique numérique offre ainsi aux entreprises européennes, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), une base de clients potentiels de près de 500 millions de personnes.

Le commerce électronique est un élément important du marché unique numérique. Il est déjà à l'origine de 10 % des ventes au détail en Europe. En 2016, le commerce électronique en Europe a généré des ventes en ligne de biens et de services d'une valeur de 510 Md€, avec une croissance de 12 % par rapport à 2015 (Ecommerce News, 2016).

Toutefois le potentiel du commerce électronique reste largement inexploité en Europe. En 2015, en moyenne, seulement 16 % des personnes ont commandé en ligne des biens et des services dans d'autres pays de l'Union européenne, et moins de 10 % des entreprises ont réalisé des ventes électroniques dans d'autres pays de l'Union européenne. Le manque de confiance et les restrictions territoriales ou les discriminations par le prix constituent des obstacles non négligeables au marché unique dans le domaine numérique. Trop de consommateurs européens restent bloqués lors de l'achat d'un produit en ligne dans un autre État membre, ou décident de ne pas acheter dès lors que les tarifs de livraison sont trop élevés, ou encore sont inquiets sur la manière de faire valoir leurs droits en cas de problème. En outre, de nombreux Européens peuvent se voir privés d'accès aux services en ligne auxquels ils ont souscrit dans leur pays d'origine lorsqu'ils voyagent dans un autre pays de l'Union européenne.

La Commission européenne a fait des propositions ciblées pour remédier à ces barrières spécifiques au marché numérique2.

La proposition sur le blocage géographique

En mai 2016, la Commission européenne a proposé un règlement qui offre une réponse ciblée au problème du blocage géographique (Commission européenne, 2016h).

Le blocage géographique couvre les pratiques utilisées par les vendeurs en ligne lorsqu'ils refusent l'accès à un site web depuis un autre État membre. Il couvre également les situations où l'accès au site web est accordé, mais le client est de facto dans l'impossibilité d'accéder aux biens ou aux services en raison de conditions de vente différentes. Au total, 63 % des sites web ne permettent pas aux consommateurs d'acheter à partir d'un autre pays de l'Union européenne.

La proposition de règlement sur le blocage géographique impose aux opérateurs de fournir l'accès à leurs sites web et autres interfaces en ligne de manière non discriminatoire. Il définit trois situations spécifiques où aucun traitement différencié n'est autorisé. Ce sont (1) la vente de marchandises sans livraison physique, (2) la vente de services fournis par voie électronique (par exemple, des services d'informatique en nuage ou l'hébergement de sites web) et (3) la vente de services fournis dans un emplacement physique (par exemple, l'hébergement, la location de voitures, l'accès aux parcs à thème ou aux manifestations culturelles et sportives)3. Le règlement établit également de nouvelles règles sur la non-discrimination pour les paiements et améliore l'application des règles sur la non-discrimination par les autorités nationales.

La portabilité du contenu en ligne

La proposition sur la portabilité des services de contenu en ligne vise à permettre aux résidents de l'Union européenne de voyager avec le contenu numérique qu'ils ont acheté ou souscrit dans leur pays d'origine et d'y accéder sans restriction.

Les nouvelles règles s'appliquent à tous les services en ligne offrant des contenus protégés par le droit d'auteur, tels que les services donnant accès à des films, de la musique, des livres électroniques, des jeux vidéo, ainsi que les services audiovisuels (y compris les événements sportifs).

Il s'agit d'un nouveau droit pour les consommateurs européens, qui devrait devenir une réalité dans le courant de 2017, en même temps que seront abolis le blocage géographique et les frais d'itinérance (ou de roaming).

La proposition sur la portabilité a été complétée en septembre 2016 par des propositions sur la modernisation du droit d'auteur (Commission européenne, 2016k) qui visent entre autres à un plus grand choix et un accès amélioré, et transfrontalier, aux contenus en ligne. La Commission européenne a notamment proposé un mécanisme juridique permettant aux radiodiffuseurs d'obtenir plus facilement les autorisations pour diffuser des programmes en ligne dans d'autres États membres de l'Union européenne.

Un cadre réglementaire approprié
pour les plateformes en ligne

Les plateformes en ligne jouent un rôle important dans notre économie et notre société : les consommateurs et les entreprises les utilisent pour échanger des informations, accéder à des services en ligne, ou encore comme places de marché. Du point de vue de l'offre, l'Europe est cependant très en retard dans ce domaine : seulement 4 % de la valeur créée par les plateformes numériques est le fait d'entreprises européennes (Evans et Gawer, 2016).

Dans sa communication de mai 2016, la Commission européenne présente les principes à observer en matière de réglementation des plateformes pour assurer la protection des utilisateurs tout en maintenant l'incitation à investir et à innover dans un écosystème en perpétuelle évolution (Commission européenne, 2016f). Il est en effet essentiel de maintenir le dialogue entre l'Union européenne, les États membres et les parties prenantes pour bâtir un cadre d'intervention cohérent et efficace. Il faut éviter que chaque État membre crée ses propres règles sans qu'il y ait de coordination, car c'est ainsi qu'apparaissent les barrières au marché unique que nous souhaitons abolir.

Les quatre principes majeurs en matière de réglementation des plateformes sont les suivants :

  • (1) des règles comparables pour des services comparables : les plateformes en ligne étendent leurs services dans de nombreux segments de marchés, il y a donc lieu d'aligner la réglementation qui s'applique aux plateformes et aux fournisseurs de services existants. C'est le cas, par exemple, en ce qui concerne les messages textuels mobiles (SMS). En 2020, 90 % de tous les messages passeront par les plateformes en ligne et plus uniquement par les réseaux mobiles. Cela suggère que l'environnement réglementaire pour les deux catégories de services (télécoms et plateformes) soit uniformisé ;

  • (2) l'obligation d'agir de manière responsable : tout contenu sur les plateformes en ligne doit être diffusé en tenant compte de l'intérêt des utilisateurs, par exemple la protection des mineurs, la protection de la vie privée ou le respect du droit d'auteur. À ce sujet, il convient de noter que la proposition de révision du cadre des médias audiovisuels (Commission européenne, 2016g), en étendant son champ d'application aux plateformes de partage de vidéos, leur impose des obligations de protection des spectateurs, y compris la protection des mineurs contre les contenus préjudiciables et la protection contre l'incitation à la haine ;

  • (3) la transparence et l'équité dans le traitement des utilisateurs : les études ont montré que la majorité des utilisateurs de plateformes ne savent pas comment sont utilisées leurs données. Il est nécessaire d'introduire davantage de transparence au bénéfice des utilisateurs de plateformes ;

  • (4) l'ouverture des marchés : les études ont également montré que les utilisateurs de plateformes rencontrent des obstacles pour migrer d'une plateforme à une autre. De tels obstacles peuvent être réduits, notamment par la normalisation, par exemple pour ce qui concerne la portabilité des données entre plateformes.

La Commission européenne déterminera, sur la base d'un exercice de collecte d'informations sur les relations entre entreprises au sein des plateformes en ligne (B2B pour business to business), sur l'accès au marché, la transparence et l'accès aux données détenues par les plateformes, si une action supplémentaire au niveau européen est nécessaire et quelle forme elle pourrait prendre (régulation, corégulation ou autorégulation).

Investir dans les infrastructures
à très haut débit

Tout comme la révolution du transport ou celle de l'électricité avant elle, la révolution numérique s'appuie sur des infrastructures. Il s'agit aujourd'hui des réseaux en fibre optique et des réseaux mobiles de dernière génération (quatrième et bientôt cinquième génération, 4G et 5G) qui permettent d'acheminer les vastes quantités de données générées et consommées par les utilisateurs de services numériques et par les objets connectés à l'Internet. Dans sa stratégie pour le très haut débit (Commission européenne, 2016j), la Commission européenne a proposé que d'ici à 2025 :

  • l'ensemble des écoles, des universités, des centres de recherche, des plateformes de transport, des prestataires de services publics tels que les hôpitaux et les administrations publiques, ainsi que les entreprises qui dépendent des technologies numériques, disposent de connexions gigabit à très haut débit4 ;

  • tous les foyers européens, ruraux ou urbains, aient accès à une connexion offrant une vitesse de téléchargement d'au moins 100 Mbits/s pouvant être convertie en une connexion gigabit ;

  • toutes les zones urbaines ainsi que les principaux axes routiers et ferroviaires disposent d'une couverture 5G ininterrompue. En tant qu'objectif intermédiaire, la 5G devrait être commercialement disponible dans au moins une grande ville de chaque pays de l'Union européenne en 2020.

Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire d'effectuer des investissements importants dans les réseaux à très haut débit. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne a proposé un nouveau code des communications électroniques européen (Commission européenne, 2016l) prévoyant des règles qui favorisent l'investissement dans les infrastructures. Par exemple, le nouveau code réduit nettement le degré de réglementation lorsque des opérateurs concurrents coinvestissent dans des réseaux à très grande capacité tout en facilitant la participation des plus petits opérateurs. Les nouvelles règles rendront également les investissements plus prévisibles pour les « pionniers » qui prennent le risque d'investir dans ces réseaux dans des zones moins rentables, comme les régions rurales.

D'autres instruments seront mis en œuvre comme un plan d'action pour déployer la 5G dans l'ensemble de l'Union européenne à partir de 2018, ainsi qu'un plan visant à aider les collectivités locales en Europe à proposer des points d'accès wifi gratuits à tous (WiFi4EU).

La Commission européenne et la Banque européenne d'investissement (BEI) ont en outre annoncé le lancement d'un fonds pour les infrastructures à haut débit. Le fonds aura pour mission d'investir dans les infrastructures de réseau à haut débit dans les zones mal desservies. Il s'agit de l'une des premières plateformes d'investissement dans le cadre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), combinant à la fois des investissements publics et privés.

Transformer notre système productif
grâce à la numérisation de l'industrie

L'industrie manufacturière compte 2 millions d'entreprises et 33 millions d'employés en Europe. En intégrant les technologies numériques, comme l'Internet des objets, l'analyse des données, la robotique, ou l'impression 3D, les entreprises industrielles peuvent accroître leur compétitivité et maintenir les emplois en Europe, ou en créer de nouveaux. Les études (PwC, 2014 ; Rüssmann et al., 2015) indiquent que la numérisation de l'industrie en Europe pourrait générer un chiffre d'affaires supplémentaire de 110 Md€ dans les cinq prochaines années.

Malgré cela, l'intégration des technologies numériques dans les entreprises reste faible. Seules 1,7 % des entreprises de l'Union européenne utilisent pleinement les technologies numériques de pointe, quand 41 % d'entre elles ne les utilisent pas du tout. Certains secteurs traditionnels (tels que la construction, l'agroalimentaire, le textile ou l'acier) et les PME sont particulièrement en retard. Ce retard est lié à différentes raisons : la disparité en termes de maturité numérique entre industries et entre régions et l'absence de plateformes pour échanger les meilleures pratiques, les risques de dépendance de certaines industries à des technologies ou à des plateformes de services, le manque de normalisation et d'interopérabilité (une dimension particulièrement importante dans le domaine de l'Internet des objets ou du big data), la fragmentation des efforts dans la recherche et le développement, et le manque de compétences numériques.

Plusieurs États membres de l'Union européenne ont déjà mis en place des stratégies encourageant l'industrie à passer au numérique, comme le projet Industrie du futur en France ou Industrie 4.0 en Allemagne. Mais une approche globale au niveau européen est nécessaire pour éviter la fragmentation des marchés et bénéficier des effets d'échelle d'un véritable marché unique.

La Commission européenne met donc en œuvre une stratégie pour la numérisation de l'industrie (Commission européenne, 2016c), qui vise à renforcer la compétitivité numérique de l'Union européenne et à assurer que chaque entreprise en Europe, quels que soient son secteur, son emplacement et sa taille, puisse bénéficier pleinement de l'innovation numérique. Les grands axes de cette stratégie sont les suivants :

  • (1) la coordination et la mobilisation à l'échelle de l'Union européenne des initiatives nationales et régionales pour la numérisation de l'industrie ;

  • (2) la promotion de centres d'innovation dans toutes les régions d'Europe, en particulier pour les PME, afin de recevoir le soutien nécessaire pour intégrer les technologies numériques ;

  • (3) la promotion des investissements sur la base des partenariats publics-privés européens existants (microélectronique, robotique, cyber-sécurité, 5G) et des opportunités offertes par le FEIS et les fonds structurels et d'investissement européens ;

  • (4) la mise en place d'un cadre législatif qui favorise la libre circulation des données et clarifie la question de l'accès et de l'utilisation des données générées par des machines, comme, par exemple, les voitures connectées ou les capteurs et les dispositifs intelligents utilisés dans l'industrie.

En outre, la Commission européenne a proposé des mesures pour accélérer l'élaboration de normes communes dans les domaines prioritaires de la 5G, l'informatique en nuage, l'Internet des objets, les technologies des données et la cybersécurité. Cette approche permettra d'accélérer le développement et l'adoption de technologies dans de nombreux domaines industriels : énergie (compteurs intelligents), santé (services de santé mobile), transport (véhicules connectés), etc.

La création d’une économie européenne fondée sur les données

On estimait en 2015 que l’économie fondée sur les données représentait 272 Md€ dans l’UE (avec une croissance annuelle de 5,6 %) et qu’elle pourrait employer 7,4 millions de personnes d’ici à 2020. L’utilisation des données est devenue essentielle non seulement pour l’économie numérique, mais aussi pour l’économie dans son ensemble. De plus en plus de secteurs industriels (par exemple, la finance, la pharmacie, l’aéronautique), de politiques publiques (comme la santé, l’urbanisme ou le transport), et évidemment la recherche scientifique (avec le développement de techniques comme le text and data mining) dépendent des données.

Malgré cela, l’Europe est loin de tirer le meilleur parti de son potentiel en matière de données. Pour y remédier, il faut s’attaquer aux restrictions à la libre circulation des données non personnelles5 au sein du marché unique numérique et clarifier le cadre juridique dans plusieurs domaines liés à l’utilisation des données. Dans sa communication de janvier 2017, la Commission européenne (2017a) propose des solutions politiques et juridiques et lance un débat avec les parties prenantes.

Il existe de nombreuses restrictions juridiques ou administratives à la libre circulation des données en Europe, notamment sous la forme d’exigences en matière de localisation des données nationales. Si certaines de ces restrictions peuvent être justifiées (par exemple, pour assurer des objectifs de sécurité publique), ce n’est pas toujours le cas et de telles restrictions partent souvent de l’idée fausse que la sécurité des données est mieux assurée quand elles sont sauvegardées localement. En réalité, les systèmes de sauvegarde et de traitement des données distribués (dans le cloud) offrent normalement les techniques de sécurité les plus avancées. A l’issue d’un débat avec les États membres et les parties prenantes, la Commission européenne prévoit donc, lorsque cela est nécessaire et approprié, de prendre des mesures pour éliminer de telles restrictions. Leur suppression pourrait selon une étude (Bauer et al., 2016) générer jusqu’à 8 Md€ de PIB par an.

Au-delà de la question de la circulation des données, le cadre juridique pour l’accès et l’utilisation des données et leur portabilité est encore incertain. Le développement de clauses contractuelles, de normes spécifiques ou l’extension d’un droit à la portabilité des données n’ayant pas un caractère personnel font partie des solutions en cours d’analyse. La Commission européenne poursuit aussi son travail de réflexion sur les problèmes et les démarches requises au niveau européen en matière de partage de la responsabilité pour les produits et les services fondés sur les données, dans le contexte du développement de l’Internet des objets et des systèmes autonomes. Finalement, elle propose aux États membres de tester les problématiques d’accès aux données et de responsabilité liée à l'utilisation des données dans le cadre de projets transfrontaliers concrets, par exemple dans le domaine de la mobilité (véhicules connectés et autonomes).

Créer les conditions de l'émergence
de la société de la connaissance

Un certain nombre de conditions sont nécessaires pour que les citoyens et les entreprises européennes embrassent les opportunités du marché unique numérique : les employés doivent avoir les compétences appropriées, les entreprises doivent avoir accès à des capacités de calcul et de traitement des données qui leur permettent d'exploiter les immenses opportunités offertes par les données, et l'industrie et les autorités publiques doivent préparer l'avènement des technologies de demain comme le quantum computing.

Les compétences numériques

Alors que l'on sait que la plupart des métiers, quel que soit le secteur d'activité, exigent déjà des compétences numériques, 40 % de la population et un tiers des actifs en Europe manquent encore des compétences numériques de base. En outre, 40 % des entreprises rencontrent des difficultés pour embaucher des professionnels du numérique. Si nous ne parvenons pas à régler ce problème, l'Europe pourrait manquer de plus de 800 000 employés qualifiés dans le domaine des technologies de l'information et des communications d'ici à 2020. C'est d'autant plus inacceptable que l'Europe connaît un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes.

Nous devons nous attaquer à cette véritable fracture numérique et voir comment l'Union européenne peut aider les États membres à relever ce défi.

La Coalition pour les compétences et l'emploi numériques6 est un partenariat entre l'ensemble des parties concernées (partenaires sociaux, industriels, etc.) et les États membres qui s'engagent à agir et à partager leurs bonnes pratiques, en vue de réduire les disparités de compétences numériques en Europe. Elle encourage les mesures concrètes pour améliorer les compétences numériques à tous les niveaux du cycle d'enseignement et de formation.

La Commission européenne prévoit en outre de lancer une action pilote pour tester un programme d'apprentissage dans le domaine du numérique, qui sera offert par des entreprises à des étudiants, des diplômés, des chômeurs ou des employés d'un autre État membre, à l'instar du programme ErasmusIntern.

Des infrastructures de calcul et de traitement des données de niveau mondial

La croissance exponentielle des données et la capacité de les acheminer, de les stocker et de les traiter sont les principaux vecteurs d'innovation et de gains de productivité dans l'économie numérique. L'utilisation intensive des données grâce au calcul à haute performance (HPC) et à l'informatique en nuage (cloud) contribue à des innovations dans des domaines aussi variés que la médecine personnalisée, la sécurité alimentaire, l'agriculture durable, la bioéconomie ou la modélisation climatique, avec des bénéfices économiques et sociaux énormes.

Cependant l'Europe est en perte de vitesse par rapport aux autres grands acteurs mondiaux (États-Unis, Chine, Japon), notamment dans le domaine du calcul haute performance7. Inverser cette tendance réclame une intervention coordonnée à l'échelle européenne, car aucun État européen n'a les moyens de mener seul cette course face aux géants mondiaux.

L'initiative pour un cloud européen (Commission européenne, 2016b) a fixé l'objectif de placer l'Europe parmi les trois meilleurs mondiaux dans le domaine du calcul à haute performance, notamment grâce à l'acquisition d'ici à 2023 de deux supercalculateurs de nouvelle génération (exascale), dont l'un sera basé sur des technologies européennes. Cela implique de coordonner les investissements européens et nationaux.

Les bénéfices d'un cloud européen basé sur des capacités de calcul et de traitement des données de niveau mondial sont immenses non seulement pour la communauté européenne de la recherche, mais aussi pour les entreprises qui auront accès à moindre coût et facilement aux infrastructures de données et de calcul haute performance. Les PME y trouveront tout particulièrement un avantage, car elles ne disposent généralement pas de l'accès à ces ressources. Déployer une telle infrastructure renforcera aussi nos compétences industrielles dans la chaîne de valeurs du calcul à haute performance.

À plus long terme, la technologie quantique fournira un accroissement radical de la capacité dans le domaine du calcul haute performance, mais aussi dans les domaines des communications, de la cybersécurité ou de la métrologie. L'année 2018 verra le lancement d'une initiative phare visant à accélérer le développement de cette technologie en Europe.

Sécuriser et renforcer la confiance
dans le marché unique numérique

L'Union européenne a fait des avancées importantes dans le domaine de la cybersécurité en 2016, avec l'adoption de la première législation européenne (Commission européenne, 2016e) et la signature du premier partenariat public-privé pour la cybersécurité (Commission européenne, 2016i).

L'année 2017 sera cruciale pour la cybersécurité en Europe. La Commission européenne et les États membres devront s'employer à mettre en œuvre la politique européenne de cybersécurité, ce qui passera en particulier par le renforcement des mécanismes de coopération entre États membres et le renforcement de la sécurité des infrastructures critiques, comme dans le domaine des transports, de l'énergie, des transactions financières ou de la santé.

La Commission européenne a également revu le cadre juridique européen en matière de protection des données et de la vie privée, afin de renforcer la confiance des citoyens dans le marché unique numérique : adoption du règlement général sur la protection des données (Commission européenne, 2016d) en 2016, dont les règles deviendront applicables en mai 2018 ; et plus récemment, en janvier 2017, proposition de règlement relative à la vie privée et aux communications électroniques (Commission européenne, 2017b). Avec cette dernière proposition, la Commission souhaite renforcer la protection de la confidentialité des communications électroniques en étendant les règles actuelles aux nouveaux acteurs de l’Internet (comme les services de voix ou de messagerie sur Internet) en plus des opérateurs télécoms. En retour, les entreprises concernées pourront, avec l’accord des utilisateurs, collecter les données de communication et développer ainsi de nouveaux services8. Les nouvelles règles, une fois adoptées par le législateur européen, assureront un niveau de protection de la vie privée uniforme dans le marché unique numérique, ce qui profitera aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises.

Conclusion

Les technologies numériques sont partout : dans les réseaux électriques, les usines et les centres de recherche, à l'école et dans les administrations publiques. Elles transforment radicalement l'économie mondiale avec des répercussions profondes sur le commerce, l'industrie, le marché du travail ou les services publics. Lorsque nous imaginons notre avenir, nous devons donc nous demander comment l'économie et la société dans leur ensemble peuvent s'adapter et tirer profit des changements qu'apporte la révolution numérique. Cela suppose un effort d'adaptation, en tant que citoyens, en tant qu'entreprises et en tant que décideurs politiques.

L'Europe a de nombreux atouts pour bénéficier de ces changements. Elle peut s'appuyer sur un large marché intérieur, une recherche scientifique de niveau mondial, des entreprises innovantes, la disponibilité de capital pour investir, et des valeurs fortes, où l'Europe est en pointe, comme sur la protection des données et de la vie privée.

Notre objectif est d'établir un cadre qui permette à l'Europe de tirer profit de la révolution numérique. Ce cadre est basé sur la modernisation des règles du marché intérieur, le respect du droit et des valeurs fondamentales, et l'investissement dans les infrastructures et les services numériques de pointe. En adoptant une approche globale, nous espérons mettre en place les conditions favorables au développement du marché unique numérique pour qu'il bénéficie à tous en Europe, que ce soit aux acteurs économiques en termes d'investissement, d'innovation et d'accès au marché, ou aux citoyens en termes d'emploi, d'accès à l'information et à la culture, d'accès aux services publics, ou de participation démocratique.

La Commission européenne a d'ores et déjà mené à bien les actions prévues dans la stratégie pour un marché unique numérique et nous comptons désormais sur le Parlement européen et le Conseil pour finaliser l'examen et adopter les propositions législatives correspondantes.

L'année 2017 sera l'année de la revue à mi-parcours de la stratégie pour un marché unique numérique, ce qui permettra de faire le point sur les progrès réalisés et de définir les actions à renforcer ou à lancer. Nous maintiendrons le dialogue avec les États membres et les parties prenantes pour bâtir un cadre d'intervention cohérent et efficace. Plus que jamais nous avons besoin de la mobilisation des entreprises, des gouvernements et de leurs administrations, et évidemment des citoyens, pour accompagner la révolution numérique et bâtir ensemble une véritable économie et une société numérique européenne.


Notes

1 En 2018, 4,5 milliards de smartphones et 2,5 milliards d'utilisateurs de réseaux sociaux seront connectés à Internet. Entre 2012 et 2020, l'univers numérique (l'ensemble des données créées, répliquées et consommées chaque année) devrait doubler tous les deux ans. Il sera passé de 130 exaoctets (1 exaoctet = 1018) en 2005 à 40 zettaoctets (1 zettaoctet = 1021) en 2020.
2 La proposition sur le blocage géographique est complétée par d’autres propositions qui visent à améliorer l’accès pour les consommateurs aux biens et aux services disponibles en ligne dans toute l’Europe. La stratégie pour un marché unique numérique prévoit ainsi :

– de renforcer la confiance des consommateurs et des entreprises par le biais de nouvelles dispositions contractuelles plus simples et plus efficaces, et par le biais de l’amélioration de la coopération entre les autorités nationales de protection des consommateurs ;

– d’assurer des prix abordables et de bonne qualité pour la livraison des colis ;

– de simplifier le système de TVA pour les achats en ligne transfrontaliers.

3 Toutefois cette obligation ne s’applique pas aux plus petites entreprises.
4 Autrement dit, permettant aux utilisateurs d'envoyer et de recevoir un gigabit de données par seconde.
5 La circulation et l’accès aux données à caractère personnel est encadrée par le règlement général sur la protection des données (GDPR).
6 Voir le site : https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/grand-coalition-digital-jobs.
7 Voir le site : https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/grand-coalition-digital-jobs.
8 Par exemple, les opérateurs de télécoms pourront développer de nouveaux services tel que des cartes de présence (heat maps) pour aider les autorités publiques ou les entreprises de transport à développer des projets d’infrastructures adaptés aux besoins réels des populations.

Bibliographies

Bauer M., Ferracane M. F., Lee-Makiyama H. et van der Marel E. (2016), « Unleashing Internal Data Flows in the EU: an Economic Assessment of Data Localisation Measures in the EU Member States », ECIPE, Policy Brief, n° 03/2016.
Commission européenne (2015), « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », communication, COM(2015) 192 final, 6 février, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/HIS/?uri=COM:2015:192:FIN.
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