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 Le Phénix renaîtra-t-il de ses cendres ? Réflexions sur le recours des collectivités territoriales aux marchés de partenariats public-privé


Frédéric MARTY CNRS, GREDEG, Université Côte d'Azur ; Chaire EPPP (Économie des partenariats public-privé), IAE de Paris. Contact : frederic.marty@gredeg.cnrs.fr.
Stéphane SAUSSIER Chaire EPPP, IAE de Paris. Contact : saussier@univ-paris1.fr.

Cet article retrace le recours des collectivités territoriales aux marchés de partenariat public-privé depuis leur création en 2004. Nous insistons sur les objectifs et les contraintes des collectivités territoriales qui ont expliqué le choix de ces montages contractuels ainsi que sur les raisons pour lesquelles ces derniers sont aujourd'hui délaissés. Nous concluons que ces instruments demeurent nécessaires et que la relative désaffection dont ils font l'objet s'explique également par la diversification des outils contractuels mis à la disposition des collectivités.

Les marchés de partenariats public-privé (PPP) ont été perçus, pendant une brève période, au lendemain de la crise financière et aux prémices de la crise des dettes souveraines, comme un moyen privilégié de financement des infrastructures dans les territoires. Si ce moment est aujourd'hui révolu, notamment du fait de la mauvaise réputation des PPP et de l'amélioration relative des conditions d'accès au crédit des collectivités territoriales avec particulièrement la création par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de l'Agence de financement des collectivités (aujourd'hui l'Agence France Locale), il n'en reste pas moins que certains des déterminants qui ont poussé à l'adoption des PPP par les collectivités locales demeurent.

En effet, le faible taux de recours actuel à ces instruments contractuels pourrait n'être qu'en trompe-l'œil. Certaines des contraintes qui pesaient sur d'autres vecteurs de la commande publique ont été levées et les formes de partenariats se sont diversifiées. Ces évolutions conduisent de facto à restreindre le périmètre de recours aux marchés de partenariat, sans en limiter totalement l'esprit. Les possibilités de mettre en œuvre des marchés globaux et la diversification des montages contractuels partenariaux, notamment au travers de PPP institutionnalisés, constituent deux phénomènes convergents qui participent de l'effacement relatif du marché de partenariat stricto sensu tout en reprenant ses mécanismes constitutifs. Le Phénix ne renouera sans doute jamais avec ses années fastes, il pourrait néanmoins renaître de ses cendres, sous ces formes de coopérations public-privé renouvelées qui apparaissent toujours nécessaires en regard des enjeux liés au financement des infrastructures des territoires, notamment dans l'optique du développement de territoires intelligents ou smart cities (Staropoli et Thirion, 2018).

Dans cet article, nous visons à dresser un bilan de quinze années de recours aux contrats et aux marchés de partenariat par les collectivités territoriales en insistant sur les déterminants de leurs engagements en distinguant facteurs conjoncturels et facteurs structurels. Nous illustrons également les principales difficultés et les risques liés à la voie partenariale. Nous relativisons enfin le déclin du recours aux PPP en montrant que leur périmètre potentiel a été progressivement réduit par les surcroîts de flexibilité dont ont bénéficié les marchés publics traditionnels et par l'apparition de nouvelles structures de coopération public-privé palliant certaines des limites des PPP traditionnels.

Les enjeux du développement des PPP pour les collectivités territoriales

Précédé par des montages dérogatoires issus de lois sectorielles de 2002 et de 2003, le contrat de partenariat fit son apparition avec l'ordonnance du 17 juin 2004. Très tôt, il apparut comme un vecteur de commande et de gestion publique auquel les collectivités locales pourraient avoir un recours significatif. L'attractivité de ces montages n'était pas réductible à des problématiques financières. Il ne s'agissait pas seulement de capter des capitaux privés, mais également de mobiliser les compétences du secteur privé pour mener à bien des projets dont la complexité pouvait dépasser ce qu'il était possible de réaliser en interne en regard des compétences disponibles. Il s'agissait également de mettre en œuvre, au travers de ces montages, une structure incitative permettant de répondre à deux écueils classiques de la gestion des projets publics, à savoir les dérives de coûts et de délais dans la phase de construction et un faible degré de garantie quant à la qualité du service et de la maintenance en cours d'exploitation. Si ces enjeux étaient communs à l'État et aux collectivités territoriales, ils se posaient avec une acuité particulière pour ces dernières.

Cette potentialité apparaissait déjà dans le rapport de juillet 2005 du Commissariat général du plan Partenariats public-privé et actions locales (Baumstark et al., 2005). Le contrat de partenariat était vu comme un moyen de recourir plus aisément aux marchés globaux par rapport à ce qui était alors possible du fait des contraintes posées par le Code des marchés publics dans sa version du 7 janvier 2004 (décret n° 2004-15). De surcroît, la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique (loi MOP) empêchait les personnes publiques de recourir à une maîtrise d'ouvrage privée. Enfin le code et surtout les pratiques des acheteurs publics faisaient obstacle aux possibilités d'attribuer les marchés selon une autre procédure que l'appel d'offres ouvert sur la base d'un cahier des charges techniques détaillé. Il était, par exemple, impossible de recourir à une procédure de dialogue compétitif sur la base d'un seul programme fonctionnel.

Les règles applicables à la commande publique avant 2004 se traduisaient donc par une rigidité préjudiciable. Celle-ci était liée au fait que l'efficacité de la commande publique s'avérait un objectif de second rang par rapport aux garanties quant à l'intégrité de celle-ci, en d'autres termes de sa régularité juridique. Cet accent était lié à la crainte de favoriser des comportements de corruption ou de favoritisme, mais également à celle de voir se développer des stratégies budgétaires court-termistes non conformes à un bon usage des deniers publics. Cette crainte trouve une traduction dans l'interdiction des paiements différés par le Code des marchés publics (voir l'article 60 de l'ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015). Il s'agissait d'éviter que le contrat public puisse donner lieu à un financement indirect de l'investissement public par un contractant privé. Le problème était double. Il s'agissait de prévenir des comportements de contournement de l'approbation de l'investissement par l'assemblée délibérante et de stratégies d'externalisation coûteuse de la dette.

Au-delà même des limites posées par le Code des marchés publics, les collectivités territoriales ne disposaient pas d'instruments contractuels permettant de mettre en place des contrats globaux de long terme reposant sur des paiements en fonction de la disponibilité d'un service ou d'une infrastructure, comme cela était, par exemple, le cas au Royaume-Uni. Le seul instrument disponible était la délégation de service public, mais, comme le montre l'encadré (infra), celle-ci ne peut servir de support à un tel montage.

Encadré
Marchés de partenariat et concessions

Malgré l'expérience multiséculaire de la France en matière de contrats de long terme public-privé, le modèle concessif ne se prête pas aux montages de PPP stricto sensu. La transposition des directives européennes de février 2014 a encore plus marqué cette différence. Le marché de partenariat (qui remplace le contrat de partenariat) est désormais pleinement rattaché à la catégorie des marchés publics par opposition aux contrats de concession. Le critère de division entre les deux ensembles tient au transfert d'un risque d'exploitation de nature économique et notamment du risque de demande. Le marché de partenariat repose sur un mécanisme de paiement en fonction de la disponibilité du service. La concession se caractérise à l'inverse par le fait que le concessionnaire exploite le service à ses risques et périls. Ainsi ce ne sont pas la globalité du contrat, sa durée, son financement privé, sa maîtrise d'ouvrage privé ou encore la nature du payeur (usager ou administration) qui font la différence entre un marché et une concession, mais l'exposition du contractant au risque d'exploitation. Ce risque peut être, dans un marché de partenariat, partagé entre les deux partenaires, mais ne fait pas l'objet d'un transfert substantiel.

Le recours aux PPP par les collectivités territoriales

Le recours des collectivités territoriales aux PPP fut significatif à défaut d'être massif. En effet, les données fournies par FIN INFRA (initialement la MAPPP, Mission d'appui aux PPP) montrent que si les trois-quarts des contrats français furent signés par des pouvoirs locaux, le nombre de contrats en valeur absolue pèse bien peu en regard du nombre de marchés publics et de contrats de concessions dans lesquels elles ont pu s'engager dans la période considérée.

Cette limite étant posée, quelques faits stylisés sont à mettre en exergue pour retracer le recours aux marchés de partenariat par les collectivités territoriales. Tout d'abord, 172 contrats avaient été signés en septembre 2018 par celles-ci, contre « seulement » 63 contrats par l'État1. Plus de 73 % des marchés de partenariat sont donc engagés par des collectivités locales, ce qui est significativement plus élevé que ce qu'il est possible d'observer au Royaume-Uni, pays certes plus centralisé que la France. Ensuite, la dynamique contractuelle est très différenciée selon que l'on considère les contrats signés par l'État et ceux des collectivités. Cette différenciation s'apprécie d'abord en matière temporelle. Le recours aux marchés de partenariat est relativement plus précoce pour les collectivités que pour l'État et il connaît un pic entre 2010 et 2013 (cf. graphique 1).

Graphique 1
Montant et nombre de marchés de partenariat signés en France
(2005- septembre 2018)

Source : FIN INFRA.

Le recours aux marchés de partenariat s'inscrit dans un net recul depuis 2013 à la fois en valeur absolue, mais aussi en termes relatifs par rapport à l'État, notamment pour les années 2014 et 2015. La raison de cette fugitive inversion tient à la mise en œuvre du Plan Campus.

Cette dynamique différenciée entre l'État et les collectivités territoriales se retrouve également dans les objets des contrats2 comme le montre le tableau infra.

Tableau
Contrats attribués par l'État et les collectivités territoriales par secteurs concernés entre 2005 et septembre 2018

Source : FIN INFRA.

Les contrats des collectivités se caractérisent par une bien moindre importance des contrats bâtimentaires, par une surreprésentation des contrats portant sur les équipements sportifs et culturels et par le poids très significatif des contrats relatifs aux équipements urbains. Il est à relever que les contrats relatifs à l'équipement urbain portent essentiellement sur l'éclairage public (cf. graphique 2). Sur 172 contrats signés par les collectivités, 63 correspondaient à cet objet.

Graphique 2
Nombre de contrats de partenariat relatifs à l'éclairage public
(n = 63)

Source : FIN INFRA.

La part significative des contrats reliés à l'éclairage public pourrait donner lieu à des jugements tranchés en regard des critères de la complexité et de l'urgence qui devaient initialement permettre de déroger aux règles de la commande publique entre 2004 et 2008. Elle peut cependant trouver une explication sur la base des avantages propres au contrat global et au mécanisme de paiement à la performance qu'autorisait le marché de partenariat. Le recours au partenariat ne s'explique pas ici par une expertise technique insuffisante de la personne publique contractante qui l'empêcherait de rédiger un cahier des charges détaillé et la contraindrait à la production d'un simple programme fonctionnel. Il ne s'explique pas plus par le besoin de lisser la charge budgétaire dans le temps. Le recours au marché de partenariat trouve son origine dans les limitations des contrats publics traditionnels en termes de possibilité de nouer des contrats globaux de long terme et d'indexer les paiements à la performance.

Un tel type de recours a cependant une conséquence sur le montant moyen des contrats (apprécié au travers de l'investissement privé réalisé) comme le montre le graphique 3 (infra).

Graphique 3
Nombre et montant des contrats signés par les collectivités
par types d'infrastructures entre 2005 et août 2018
(n = 171)

Source : FIN INFRA.

Les PPP des collectivités représentent des montants d'investissements très mesurés et expliquent la faiblesse des investissements moyens des PPP des collectivités par rapport à ceux de l'État. Plus des trois quarts des contrats des collectivités se caractérisent par une valeur d'investissement privé inférieure à 30 M€.

Cette valeur peut apparaître faible à l'aune des coûts de transaction que génère le recours à un marché de partenariat, sachant que le montant de ces derniers n'est pas linéairement lié au montant de l'investissement. En d'autres termes, la complexité contractuelle du PPP, surtout s'il s'appuie sur un financement par projet, peut être de nature à induire des surcoûts pouvant éroder les gains d'efficience qu'il rend possible, particulièrement pour les contrats de faibles montants (Bensaïd et Marty, 2013). Le recours au PPP peut apparaître dès lors comme une solution par défaut pour des prestations globales qui n'induisent pas en elles-mêmes un montage si complexe, mais qui s'avèrent (ou s'avéraient) incontournable au vu des limitations initiales des autres vecteurs de la commande publique.

Les raisons d'un recours significatif des collectivités territoriales aux PPP

Le recours que firent les collectivités locales aux PPP peut être expliqué par trois ensembles de facteurs : les limites des vecteurs de commande publique alors disponibles, leur adéquation aux besoins et les difficultés d'accès des collectivités aux financements.

Déterminants économiques

Les contraintes qui s'exerçaient en 2004 sur les vecteurs traditionnels étaient de nature à entraver l'efficacité économique de la commande publique. L'attractivité relative des PPP était pour partie liée à la flexibilité additionnelle qu'ils offraient aux acheteurs publics.

Les règles s'opposant à la globalité des contrats empêchaient de mettre en place des arrangements contractuels conduisant le prestataire à internaliser les externalités entre les différentes étapes d'un projet donné (Hart, 2003).

Du point de vue des délais de réalisation, les contrats de partenariat présentent des avantages et des défauts. S'il est avéré qu'ils permettent dans la grande majorité des cas de délivrer les infrastructures dans les coûts et les délais impartis par le contrat (Saussier et Tran, 2012), il n'en reste pas moins que l'attribution d'un marché de partenariat peut s'avérer particulièrement longue du fait de la procédure de dialogue compétitif laquelle implique d'enchaîner une phase de concurrence sur la base d'un programme fonctionnel et une phase de négociation conduisant les candidats présélectionnés à déposer une offre finale. Surtout nul ne sait la facilité avec laquelle il sera possible d'adapter le service une fois l'infrastructure délivrée, avec probablement la nécessité de renégocier les contrats, rigides par nature (Beuve et al., 2019), au fur et à mesure que les besoins, les technologies et l'environnement évolueront (Beuve et Le Squeren, 2015).

Le PPP présente également l'avantage de ne pas être soumis aux règles relatives à l'allotissement des marchés publics3. Mettre en cause l'allotissement semblait relever d'un arbitrage entre, d'une part, la recherche de l'« efficacité » de la commande publique et, d'autre part, des objectifs plus larges de politique économique, à l'instar de la promotion de l'accès des PME (Saussier et Tirole, 2015).

Enfin le PPP permet de pouvoir faire reposer l'attribution du marché, au moins pour partie, sur une négociation. Si une attribution par appel d'offres permet de limiter les risques de favoritisme, la négociation peut s'avérer souhaitable en termes économiques. C'est tout d'abord le cas si la concurrence pour le marché est imparfaite. Il en est également ainsi si la personne publique n'est pas à même de spécifier exactement son besoin. Dès lors, la solution technique la mieux à même de répondre à son besoin peut être coproduite par une discussion entre le client et l'offreur (Saussier et Tirole, 2015). En outre, une spécification insuffisamment claire des besoins peut conduire l'offreur potentiel à ajouter à son offre une prime de risque substantielle (Bajari et al., 2014). Une négociation permet alors de préciser la demande et donc de limiter cette aversion au risque. Enfin la négociation, en laissant une marge de discrétion à la partie publique, est aussi un moyen de s'engager de manière crédible sur le long terme dès lors que le contrat est amené potentiellement à être renouvelé et ainsi à tenir compte de la réputation des acteurs sans pour autant nuire à la concurrence (Decio et al., 2018).

Il convient enfin d'insister sur le fait que l'économie du PPP repose essentiellement sur la répartition optimale des risques entre les deux contractants. Chacun doit prendre en charge le risque qu'il peut au mieux prévenir ou qu'il pourra gérer au moindre coût. Il protège cependant bien mieux la personne publique contre les deux risques endémiques aux projets publics à savoir les risques de dépassement de délais et de dépassement de coûts. Le montage même des contrats de partenariat permet de (mieux) prévenir ces risques. Sur le principe, les paiements sont conditionnés à la prestation du service. Un éventuel retard amputerait les flux de recettes attendus pour le contractant et dégraderait non seulement ses perspectives de récupération des capitaux investis, mais aussi son espérance de profit. En outre, le marché de partenariat se présente comme un contrat à prix forfaitaire. Le prix acquitté (de façon fractionnée le long du contrat) par la personne publique n'a pas à être révisé en cas de surcoûts dans les phases de construction ou d'exploitation-maintenance.

Un vecteur contractuel adapté aux besoins des collectivités

Les caractéristiques des PPP peuvent être attractives pour les collectivités territoriales à plusieurs égards. Tout d'abord, elles créent une structure incitative qui va garantir la continuité du service (et contractualiser la qualité du service). Le recours à des marchés de partenariat pour des opérations ne nécessitant pas un lourd investissement initial, comme l'éclairage public, s'explique par ce point. Cependant, dans le même temps, les collectivités recourent aux marchés de partenariat pour des opérations supposant des investissements coûteux.

Les collectivités territoriales ont à faire face à des besoins d'investissements impératifs pour satisfaire les besoins des administrés et garantir l'attractivité et la cohésion des territoires. Ces investissements résultent notamment des transferts de compétences liés à la décentralisation. Il en est ainsi des établissements scolaires.

Au-delà de la protection contre le risque et la réponse aux besoins de financement des investissements, le PPP permet également de mettre en place des mécanismes de paiement à la performance. Par exemple, en matière de performance énergétique des bâtiments, les PPP cumulent un certain nombre d'avantages déterminants pour les collectivités. Ils tiennent à l'appui sur des compétences développées par le secteur privé et surtout à des formules contractuelles permettant d'indexer et de conditionner les retours financiers du partenaire aux économies d'énergie effectivement réalisées. Ces montages rendent possibles la mise en œuvre de mécanismes de paiement en fonction des résultats, par exemple au travers d'une quote-part sur les économies d'énergie réalisées.

La problématique d'investissement à laquelle doivent faire face les collectivités locales ne se limite pas aux seuls projets de nature immobilière. Il serait également possible de mettre en exergue des projets relatifs à des infrastructures de transports et de télécommunications. La seconde catégorie est particulièrement emblématique. La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a permis aux collectivités de développer et d'exploiter des réseaux de télécommunications à très haut débit en cas de carence ou d'insuffisance de l'initiative privée. Tant les ressources financières que les compétences techniques et commerciales nécessaires à ces réseaux d'initiative publique manquaient aux collectivités territoriales.

L'importance de la question du financement des infrastructures

Cependant ces avantages ne sont pas les seuls à entrer en ligne de compte. L'accès aux financements privés constitue également l'un des premiers déterminants du recours aux PPP.

Un premier facteur tient aux pressions budgétaires auxquelles doivent faire face les collectivités, du fait des investissements nécessaires aux infrastructures collectives et au financement de services publics de plus en plus coûteux et complexes dans un contexte de faibles marges de manœuvre budgétaires.

Un deuxième facteur tient au poids de la dette des collectivités. Buso et al. (2017) ont montré que la propension des collectivités territoriales à recourir aux PPP est d'autant plus forte que la charge du remboursement de la dette est importante dans leur budget. Cet effet est d'autant plus significatif que depuis les arrêtés du 16 décembre 2010 réformant les instructions comptables et budgétaires M14, M52 et M71, les engagements de PPP ne sont plus hors bilan pour les collectivités territoriales. Ce faisant, au-delà même de toute stratégie de déconsolidation comptable, les tensions budgétaires sont l'un des principaux déterminants du recours aux PPP.

Il convient également de mettre en perspective la situation en intégrant un troisième facteur pouvant expliquer un plus fort recours aux PPP à partir de la crise financière de 2008 : il s'agit de la défaillance d'acteurs bancaires (tels Dexia) ou encore plus structurellement du renchérissement du coût du financement intermédié. Les collectivités territoriales ne recourant alors que marginalement aux financements de marché (via l'émission d'obligations), le recours aux PPP constituait l'une des rares options ouvertes pour financer de nouveaux investissements ou pour engager des investissements de modernisation ou de réhabilitation d'actifs existants.

Les PPP : du Capitole à la Roche Tarpéienne

Le recours aux PPP par les collectivités territoriales s'est heurté à trois ensembles de facteurs. Ces derniers peuvent expliquer la brusque désaffection dont ils firent l'objet. Ils tiennent à un effet réputationnel exacerbé par les difficultés rencontrées par certains projets, aux évolutions des conditions d'accès aux financements et enfin aux changements de conditions de recours à ces contrats.

Les effets des difficultés rencontrées par certains contrats

Le développement des PPP a pu s'insérer dans la première décennie de ce siècle dans un contexte porteur, celui du nouveau management public. Opter pour ce vecteur de la commande publique pouvait être perçu comme participant d'une modernisation de l'action publique centrée sur l'efficacité dans la gestion des risques associés aux contrats publics, dans la contractualisation de la qualité et de la performance du service et sur la sanctuarisation de l'entretien et de la maintenance des actifs publics. On passait de logiques de court terme, centrées sur la minimisation du coût d'acquisition des équipements publics, à une logique de maîtrise du coût global de possession intégrant des objectifs de politiques plus larges à l'instar de la politique environnementale.

La décennie suivante, le PPP apparaissait comme un choix court-termiste et une politique particulièrement onéreuse qui, de surcroît, loin de protéger le contractant public contre les risques associés aux projets d'investissement, l'exposait à des dérives potentielles de coûts liées à d'inexorables renégociations (Beuve et Le Squeren, 2015). Cette seconde vision était probablement excessive. Elle se fondait néanmoins sur des retours d'expérience défavorables, notamment mis en exergue par la Cour des comptes et ses chambres régionales.

Parmi les critiques adressées aux PPP des collectivités locales figurait notamment un déséquilibre en termes de capacités de négociation et de suivi contractuel qui exposait la personne publique à s'engager dans des contrats insuffisamment protecteurs (en termes de transfert de risques) ou devant faire l'objet de significatives, précoces et nombreuses renégociations contractuelles.

Le rapport de la Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine (2017) sur l'opération Biarritz-Océan, c'est-à-dire le contrat de partenariat portant sur la rénovation-extension de l'Aquarium et la construction de la Cité de l'Océan, fait écho aux difficultés rencontrées non seulement dans la négociation des clauses contractuelles, notamment en matière financière, mais également dans le suivi contractuel des performances atteintes. De la même façon, le rapport de la Chambre régionale des comptes des Hauts-de-France (2017), relatif au contrat portant sur le Stade Pierre Mauroy de Lille, illustre les difficultés d'ajuster l'équilibre financier du contrat en cours d'exécution, dès lors que les deux contractants n'ont pas la même appréciation quant à la responsabilité de surcoûts notamment en matière de construction.

Ces risques d'antisélection et d'aléa moral seraient renforcés par les caractéristiques propres des contrats : engagements à long terme, portant sur des actifs et des services complexes et de surcroît évolutifs. La rigidité excessive des contrats et le manque de capacités internes et de moyens adéquats consacrés à leur gestion au jour le jour expliqueraient ces défaillances.

Les critiques formulées à l'encontre
des évaluations préalables

De la même façon, les conditions mêmes dans lesquelles les collectivités territoriales décident d'opter pour des PPP ont fait l'objet de critiques. Celles-ci sont encadrées depuis 2004 par des règles très strictes imposant la réalisation d'une évaluation préalable.

Jusqu'à la transposition des directives européennes de février 2014 relatives aux marchés et aux concessions, cette évaluation préalable se décomposait en deux phases. Une première portait sur le respect de critères nécessaires à une dérogation par rapport aux règles de la commande publique décrites supra. Il s'agissait de montrer que l'urgence ou la complexité de l'opération justifiaient une telle dérogation. À compter de la loi 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, un troisième critère avait été introduit, celui de l'efficience économique. La seconde phase consistait en une évaluation comparée des modes de réalisation. Il s'agissait de mettre en balance la valeur actuelle nette les flux financiers liés à la mise en œuvre d'un projet et d'un service selon chaque modalité possible pour déterminer l'option la plus efficace pour la personne publique.

Ces évaluations firent l'objet de plusieurs contestations notamment quant à leur caractère spéculatif. La personne publique doit réaliser celle-ci en amont de l'appel public à la concurrence dans une situation d'incertitude quant aux possibilités de transfert effectif des risques. Celles-ci dépendront non seulement de l'intensité de la concurrence pour le marché, des capacités et du pouvoir de négociation de la personne publique, mais aussi de l'évaluation que feront les financeurs de la robustesse du contrat lors de sa clôture financière.

Une deuxième critique tenait aux conditions de contrôle de l'avis préalable par la MAPPP. Du fait du principe de libre administration des collectivités territoriales, cet avis ne se faisait pas dans les mêmes conditions et avec la même portée que pour l'État.

Une troisième critique tenait aux biais mêmes de la procédure. En effet, l'évaluation préalable ne dit rien de l'opportunité de l'investissement : elle n'indique que la meilleure façon de le réaliser. Cela peut introduire un biais dans la décision publique, en l'espèce un biais de bancabilité. Le risque est qu'un projet ne soit pas réalisé en fonction de son utilité socioéconomique, mais parce que c'est celui qui se prête le plus à un montage partenarial. De façon moins extrême, un projet pourrait voir son périmètre modifié pour pouvoir lui permettre de se prêter à un tel montage. Un tel biais revient donc à une confusion entre les décisions d'investissement et de financement. La politique mise en place par le Conseil général à l'investissement à compter de décembre 2012 pour les projets d'investissement important vise notamment à répondre à ces risques.

Il serait même d'ailleurs possible d'étendre cette critique à un autre aspect du montage des contrats et des marchés de partenariat : celui de l'attribution des risques entre les deux contractants. L'allocation optimale des risques est une condition essentielle pour compenser le surcoût du financement privé et satisfaire au critère de la value for money. Elle peut potentiellement être sacrifiée sur l'autel des contraintes budgétaires. Une collectivité soumise à une forte contrainte peut en effet négocier quels risques elle peut transférer, tout en restant à l'intérieur d'une enveloppe budgétaire donnée, c'est-à-dire pour pouvoir faire face aux loyers.

Risques liés aux PPP et aux dimensions financières

L'argument de la soutenabilité budgétaire que nous venons d'aborder a joué un grand rôle dans la refonte du marché de partenariat dans le cadre de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. L'évaluation préalable a vu disparaître l'étape du contrôle de la satisfaction des critères juridiques nécessaires à la dérogation par rapport aux règles habituelles de la commande publique. Pour autant, elle est toujours composée de deux étapes. La première, l'évaluation comparée des modes de réalisation, reprend le critère de la value for money. Il s'agit de vérifier si le bilan économique du choix du PPP est favorable, sachant que le paiement différé ne peut à lui seul être constitutif de cet avantage. La seconde étape est celle du contrôle de la soutenabilité budgétaire des engagements. Si elle correspond à l'affordability test britannique de 1997 et si elle demeure spéculative pour des engagements qui s'étendent sur plusieurs décennies, elle ne constitue pas moins un garde-fou indispensable pour les collectivités.

Maints exemples (l'écotaxe poids lourds, le TGI de Paris, Notre-Dame des Landes) montrent que les PPP, au sens large, sont des engagements sur lesquels il est très coûteux sinon financièrement impossible de revenir. De la même façon, les loyers générés par une seule opération (qui vont s'accroître inexorablement du fait des clauses d'indexation et très possiblement au fil des renégociations) constituent de quasi-services votés. Il s'agit donc de s'interroger sur la capacité de la personne publique concernée à y faire face en prenant en considération les risques de rigidification de ses budgets et les risques d'éviction d'autres projets ou d'autres dépenses budgétaires qui en découlent. Le risque serait que le coût des actifs en PPP (pour lesquels la maintenance est contractualisée et donc sanctuarisée) ne conduise à renoncer à d'autres projets ou à décaler des budgets d'entretien ou de modernisation d'actifs gérés en régie.

Le recours aux PPP par les collectivités territoriales s'est également caractérisé par un certain nombre de risques et de difficultés non anticipés. Ces derniers tiennent notamment à la prise en considération d'un risque juridique lié aux recours contre les contrats pouvant venir non seulement de concurrents écartés lors de la procédure d'attribution du contrat, mais également d'opposants politiques ou encore d'associations (Beuve et al., 2019). Une éventuelle annulation du contrat n'est pas sans coût pour les collectivités locales et ses partenaires privés. Un PPP repose sur un préfinancement privé d'une infrastructure publique. Les investisseurs apportent des fonds et ne seront remboursés qu'au fil des paiements des loyers par la personne publique dans le cadre de l'exécution du contrat. Un recours expose le financeur à un risque de perte de ces investissements. La pratique contractuelle a conduit les collectivités publiques à réinternaliser ce risque au travers des accords autonomes par lesquels elles indemniseraient les investisseurs, même en cas d'annulation des contrats.

Cependant la raréfaction des cas de recours s'explique également par une transformation des conditions de financement des contrats. La situation post-crise de 2008 qui avait rendu l'utilisation de ces montages particulièrement attractive et parfois même contrainte pour certaines opérations ne prévaut plus notamment du fait du renchérissement relatif de la dette projet propre aux PPP par rapport au coût de la dette publique. Le spread sur la dette PPP fait que ce dernier instrument apparaît après la crise de 2008 comme un vecteur particulièrement onéreux de couverture des risques (Quinet, 2012). Des montages globaux sans financements intégrés peuvent s'avérer être des alternatives particulièrement intéressantes dans un tel contexte financier ; ce d'autant plus que l'accès aux marchés des collectivités s'est amélioré4.

Il apparaît que la seconde décennie de notre siècle a vu ses avantages relatifs par rapport aux autres vecteurs de la commande publique se réduire progressivement et peut-être pour une part inexorablement.

Feu de paille et/ou tête d'épingle :
Le PPP après le PPP

Pour autant, le déclin du recours aux PPP pourrait apparaître comme en trompe l'œil. Une partie des limites traditionnelles des instruments traditionnels de la commande publique qui expliquaient le besoin de ce contrat ont disparu. Si le domaine du PPP s'est réduit, c'est parce que certaines des nouveautés qu'il a introduites dans la commande publique se sont diffusées à d'autres instruments. Ensuite certaines de ses limites ont été prises en considération pour donner lieu à la création de nouveaux instruments contractuels qui ont vocation à se substituer aux marchés de partenariat.

La rétractation du domaine potentiel de recours aux PPP

Les évolutions successives du Code des marchés publics et la transposition de la directive européenne de février 2014 ont conduit à de nets assouplissements dans la mise en œuvre des marchés publics traditionnels. Une partie des contraintes qui s'exerçaient sur ces derniers ont été levées.

Un premier point tient à la généralisation de la possibilité de recours à la procédure de dialogue compétitif. Celle-ci était à l'origine limitée aux contrats de partenariat à condition que ces derniers soient fondés sur le critère de la complexité. La procédure de dialogue compétitif a deux avantages. Elle permet tout d'abord de recourir à une procédure partiellement négociée et non exclusivement concurrentielle. Comme nous l'avons vu, quand le marché est très concentré, une négociation peut s'avérer plus efficace qu'une attribution concurrentielle d'un contrat dans le cadre d'un appel d'offres ouvert.

La procédure de dialogue compétitif a un second avantage. La personne publique n'a pas à établir un cahier des charges détaillé. Elle peut se limiter à exprimer son besoin en termes d'objectifs de performance et de qualité. Une telle procédure permet de pallier le risque de figer une solution technique pour des prestations pour lesquelles le privé aurait pu proposer des solutions innovantes. Elle permet également de prévenir des différends en cas de sous-performance dans la gestion du projet. Les solutions techniques mises en œuvre l'auront en effet été exclusivement à l'initiative du privé ; la responsabilité du contractant public pourra être moins aisément invoquée. Plus le cahier des charges établi par la personne publique est imprécis, plus les candidats potentiels ont une propension à couvrir les risques induits au travers d'une prime anticipant les coûts des renégociations à venir (Bajari et al., 2014). Faire reposer la mise en concurrence sur un programme fonctionnel et recourir à la négociation permettent de limiter cet effet et donc de réduire les coûts de l'acquisition publique.

La possibilité de recours à la négociation sur la base d'un programme fonctionnel n'a pas été la seule innovation introduite par les PPP qui s'est diffusée à d'autres instruments de la commande publique. Il en a été également ainsi de la possibilité de recourir à des montages globaux. La globalité du marché était l'un des avantages distinctifs du PPP par rapport aux marchés publics classiques qui faisait que des personnes publiques souhaitant échapper aux règles d'allotissement pouvaient préférer opter pour ces derniers. L'article 32 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ouvre la possibilité aux acheteurs publics de déroger au principe de l'allotissement. Il en est, par exemple, ainsi quand ils ne sont pas en mesure d'assurer par eux-mêmes les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ou quand l'allotissement peut rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations.

Enfin de nouveaux outils peuvent se substituer, au moins pour partie, aux marchés de partenariat à l'instar des marchés globaux de performance. Ces derniers, qui reprennent les anciens CREM (marchés de conception, réalisation, exploitation et maintenance), sont définis par l'article 34 de l'ordonnance de juillet 2015 et l'article 92 du décret. Les différences entre ces deux outils contractuels sont peu marquées à l'exception du financement privé et la maîtrise d'ouvrage publique. Au vu de l'image actuelle des marchés de partenariat et des contraintes qui pèsent sur ces derniers (évaluation comparée des modes de réalisation, étude de la soutenabilité budgétaire des engagements induits, etc.), les collectivités territoriales peuvent préférer s'engager dans cette voie alternative. Un autre avantage de ces marchés par rapport aux marchés de partenariat tient au fait qu'il n'existe pas de seuils pour pouvoir y avoir recours. Ils se prêtent donc bien aux opérations de faible montant. Ils permettent également de ne pas mettre en œuvre un allotissement.

Il serait également possible de citer les marchés globaux de conception-réalisation (article 33 de l'ordonnance) qui permettent sous condition de déroger à la loi MOP. Des marchés globaux sectoriels (article 35 de l'ordonnance) sont aussi à prendre en compte. Ils portent sur une mission globale dans des secteurs qui avaient traditionnellement recours aux PPP ou aux contrats assimilés, à savoir le secteur de la santé publique, l'immobilier du ministère de la Justice ou celui de la Défense. Les différences majeures entre le marché de partenariat et ces contrats tiennent à la possibilité de recourir à des paiements différés et à une maîtrise d'ouvrage privée. Parmi ces marchés globaux, les plus séduisants pour les collectivités, au vu des enjeux liés à la rénovation-réhabilitation d'actifs publics, peuvent être les marchés globaux de performance énergétique qui ont pris la suite des contrats du même nom et qui constituent un vecteur particulièrement adapté pour des montages partenariaux dans l'immobilier des collectivités publiques (Chong et al., 2013).

De nouveaux vecteurs corrigeant certains des défauts des PPP contractuels

Le recours des collectivités territoriales aux PPP tenait également aux conditions d'accès aux financements. Le relâchement des tensions budgétaires a pour effet de réduire l'attractivité relative des montages reposant sur un préfinancement privé des infrastructures. De la même façon, des arbitrages entre montages concessifs et montages partenariaux peuvent s'inverser en faveur des premiers dès lors que le risque de demande est jugé moindre par les investisseurs ou que la prime de risque exigée baisse suffisamment. Enfin la montée du poids relatifs des petits projets ou des projets de réhabilitation (brownfield) rendent de moins en moins nécessaire le recours à un financement privé.

En outre, un autre facteur explique la réduction du nombre de PPP sous forme de marchés de partenariat. Il s'agit de l'alternative offerte par les PPP institutionnalisés et notamment les sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP), créées par la loi n° 2014-744 du 1er juillet 2014 (de Brux et Marty, 2014). Ces nouveaux montages sont apparus pour remédier aux écueils souvent dénoncés dans les PPP, à savoir leurs (sur)coûts financiers, leur opacité pour le contractant public, leur rigidité et le manque d'implication de la partie publique dans le suivi du projet, par manque de moyens ou de compétences (sleeping partner). Il s'agit de montages dans lesquels la personne publique prend des participations dans la société projet constituée par les investisseurs privés pour la réalisation de l'opération. Cela peut se faire au travers d'une prise de participations dans la société projet d'un marché de partenariat (article 80 de l'ordonnance de 2015) dans un montage de type SEMOP.

La SEMOP est une structure se différenciant significativement des autres modèles par la nature du partenariat avec un opérateur privé désigné à l'issue de la consultation et l'unicité de son objet. Une concurrence est organisée en amont de la création de la SEMOP non pour l'attribution du contrat à une structure existante, mais pour le choix de l'opérateur actionnaire privé d'une structure à objet unique. Cet objet unique ne peut être modifié pendant toute la durée du contrat.

Il est également à noter que contrairement aux autres modèles d'entreprise publique locale, l'actionnaire public de la SEMOP peut être minoritaire (la part minimale de capital provenant des collectivités territoriales est de 50 % dans une SEM traditionnelle et 100 % dans une société publique locale). Le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance est un représentant de la collectivité territoriale qui détient entre 34 % et 85 % du capital de la société et au moins 34 % des voix dans les organes délibérants. La collectivité contrôle de ce fait l'opération et garde une minorité de blocage, l'obligeant à sortir d'un rôle de sleeping partner souvent invoqué comme à l'origine de la dérive de certains partenariats public-privé, notamment de type concessif (OCDE, 2018).

Les SEMOP, même si elles ne sont pas exemptes de possibles risques (tenant, par exemple, aux capacités de la personne publique à exercer un réel contrôle sur la structure ou à appliquer des pénalités de sous- performance alors qu'elle est à la fois client et actionnaire), n'en constituent pas moins des outils de gouvernance prometteurs répondant à certaines des limites des PPP contractuels. Leur domaine de mise en œuvre est particulièrement large. Il peut notamment recouvrir des réseaux d'eau et d'assainissement, des ports de plaisance ou encore des infrastructures énergétiques comme des réseaux de chaleurs urbains. Treize SEMOP ont été constituées en France depuis 2014. En dehors du cadre des collectivités territoriales, c'est ce dispositif de gouvernance qui a été choisi pour la gestion de la Gare du Nord.

Conclusion

L'histoire des PPP sur les quinze dernières années révèle l'insoutenable fragilité des vecteurs de commande publique. Le succès ou le déclin de ces derniers peut s'expliquer par une forte sensibilité aux conditions de financement en général et aux risques externes que ceux-ci soient juridiques ou politiques. La fin du PPP sous la forme des marchés de partenariat n'est pas pour autant acquise. Si certaines des innovations qu'il a apportées ne constituent plus un avantage distinctif (celles-ci ayant été intégrées dans d'autres vecteurs de la commande publique), si d'autres contrats ou montages répondent mieux à certains de ses défauts, il n'en demeure pas moins un contrat certes résiduel et peut-être interstitiel, mais essentiel pour certaines prestations, notamment pour les collectivités territoriales qui doivent faire face aux enjeux de la transition écologique et au développement des villes et des territoires intelligent. Car comme le notent Staropoli et Thirion (2018), la transversalité rendue nécessaire et les problématiques posées par la smart city renforcent l'intérêt des contrats globaux pour les collectivités ainsi que leur intérêt de recourir à des sociétés à capitaux mixtes (en particulier les SEMOP) pouvant à terme prendre la forme de marchés de partenariat.


Notes

1 Voir le site : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/ppp/TdB/contrats.pdf.
2 Voir le site : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/ppp/TdB/contrats.pdf.
3 L'allotissement correspond au fractionnement d'un marché donné en plusieurs lots sur chacun desquels une procédure de mise en concurrence séparée est réalisée. Cette procédure vise à faciliter l'accès des PME à la commande publique, mais pose des questions en termes d'efficacité et de coûts de transaction.
4 Le financement privé a quelques avantages en termes incitatifs qu'il s'agit de ne pas négliger (Iossa et Martimort, 2015). Risquant ses fonds, l'investisseur privé est incité ex ante à évaluer la robustesse du contrat (notion de due diligence qui limite certains risques d'antisélection, notamment la malédiction du vainqueur) et de vérifier ex post dans le cadre de son exécution que le service est rendu conformément aux exigences contractuelles (limitation induite du phénomène d'aléa moral) et que les coûts d'exploitation-maintenance sont bien maîtrisés.

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