La dimension institutionnelle refoulée du Bitcoin
Le Bitcoin se fonde avant tout sur la logique du contrat et de la libre adhésion individuelle, mais il recouvre aussi une dimension collective que l'approche institutionnaliste de la monnaie permet d'éclairer. Le système alternatif de paiement qu'il propose nécessite comme tout autre système de paiement une centralisation des informations sur l'ensemble des transactions effectuées, pour que chacune d'elles soit validée aux yeux de tous les membres de la communauté. C'est le respect des règles communes inscrites dans le logiciel qui donne sens à chaque transaction bilatérale, en l'incluant dans ce rapport social « orthogonal » qu'est le système des paiements. La décentralisation apparente du Bitcoin n'évite pas non plus l'émergence de coalitions d'acteurs et d'instances de régulation. Enfin, l'absence de lien à l'État, loin d'illustrer la thèse « émergentiste » d'une monnaie « anétatique », est précisément ce qui empêche ce système de paiement de remplir les fonctions fondamentales de la monnaie. Cela nous amène à réévaluer le rôle de l'État dans la théorie monétaire institutionnaliste d'André Orléan.