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 Inflation et pouvoir de marché des entreprises : leçons des crises récentes


Benoît CŒURÉ * Président, Autorité de la concurrence. Contact : bureau.presidence@autoritedelaconcurrence.fr.Cet article a pour origines l'intervention du 28 septembre 2023, à l'invitation du Breizh Macro Club, à la Faculté de sciences économiques de l'Université de Rennes, et la discussion du Comité de concurrence de l'OCDE le 30 novembre 2022. L'auteur remercie Agnès Bénassy-Quéré pour ses commentaires. Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que l'auteur.

Économistes et banquiers centraux se sont interrogés sur la responsabilité des entreprises dans l'envolée de l'inflation en 2022-2023. En augmentant leurs prix de vente, les entreprises auraient contribué à la propagation, voire à l'amplification du choc de coût. Sur une longue période, des évolutions structurelles ont pu renforcer le rôle des entreprises (par opposition à celui des salariés) dans la dynamique de l'inflation, mais, à court terme, le lien entre pouvoir de marché des entreprises et transmission des chocs de coût est ambigu. Des entreprises plus puissantes facturent, certes, des prix plus élevés, mais elles ont aussi une plus grande capacité à absorber des chocs temporaires. Au total, une « boucle prix-profits » s'est bien matérialisée en 2002-2023, mais elle semble avoir été un phénomène temporaire, moins marqué en France qu'ailleurs en Europe. En 2024 et au-delà, alors que les prix de l'énergie se normalisent, que les salaires accélèrent et que l'inflation revient progressivement vers 2 %, il conviendra de suivre avec attention la normalisation des taux de marge des entreprises et d'éviter des rigidités à la baisse qui entretiendraient l'inflation. La politique de la concurrence peut jouer un rôle utile en identifiant les rentes sectorielles et en sanctionnant les comportements susceptibles d'amplifier la hausse des prix.

« Quand les faits changent, je change d'avis, et vous Monsieur ? », aurait lancé John Maynard Keynes après la crise de 1929. À son tour, la crise inflationniste du début des années 2020 a forcé les économistes à revisiter leurs idées reçues sur les déterminants de l'inflation.Dans les années 2010, l'inflation avait été faible ou très faible dans les économies développées, forçant les banques centrales à déployer des instruments nouveaux : achats massifs de titres publics et privés, prêts conditionnels, taux d'intérêt négatifs. Les économistes attribuaient cette faiblesse, pour l'essentiel1, à des mécanismes macroéconomiques, comme la baisse tendancielle du taux d'intérêt naturel, la faiblesse des mécanismes de transmission de l'activité économique aux prix, ou encore des facteurs internationaux et, dans la zone euro, des crises à…