Ce cahier de la Revue d’économie financière a été élaboré à partir des conférences présentées lors d’un colloque consacré aux liens entre la finance et l’industrie, qui s’est tenu à Lyon en décembre 20091. S’y trouvent associés des historiens de la banque, de la finance et de l’industrie, des historiens de la pensée économique et des économistes attachés au recours à la perspective historique dans l’analyse économique. Ces articles ont donc pour point commun d’aborder les relations entre la finance et l’industrie sous l’angle de l’histoire économique et de l’histoire des idées économiques.
Cet angle d’attaque a conduit inévitablement à s’interroger, comme aujourd’hui encore, sur la place relative qui devrait être accordée à l’intermédiation bancaire et à la finance de marché. Pour beaucoup, à l’avenir, le financement de l’industrie et de l’innovation serait mieux assuré si les marchés de capitaux prenaient une place plus importante qu’aujourd’hui, tout particulièrement en Europe. Cette question est évidemment centrale dans une période comme la nôtre, marquée par une crise profonde et par la nécessité de réfléchir aux moyens de retrouver une croissance économique durable, notamment dans l’industrie.
La question théorique du financement de l’industrie
Rappelons tout d’abord que c’est en référence aux multiples fonctions supposées de la finance qu’est usuellement expliquée la coexistence de l’intermédiation et des marchés d’actifs : il s’agit de réaliser une allocation efficace des ressources en minimisant les coûts opérationnels, d’assurer la compatibilité intertemporelle des décisions d’épargne et d’investissement, de produire une assurance de liquidité malgré les aléas de la conjoncture économique, de permettre enfin une redistribution des risques en fonction des préférences et des aptitudes des agents économiques.
Si l’on se trouvait dans un univers économique de concurrence pure et parfaite, dénué de coûts de transaction, pleinement prévisible, et donc dans une situation de marchés complets, les banques n’auraient aucune raison d'être, tout au moins pour ce qui est du financement des entreprises. Il serait plus simple et surtout moins onéreux pour les épargnants d’acquérir directement auprès des entreprises les titres, actions ou obligations, qui correspondent à leurs préférences en termes de rendements, d’échéances, de risques… Et les entreprises rencontrant des besoins de financement se trouveraient dans une situation symétrique, certaines de trouver des investisseurs jugeant attractives leurs propres exigences d’endettement et les potentialités de leurs investissements. Mais les imperfections de la réalité économique justifient le recours à l’intermédiation financière. Car au cœur des contrats financiers figure la gestion des asymétries d’information liées au fait que les agents à besoin de financement ont généralement plus d’information sur leur propre situation et leurs propres intentions que n’en possèdent les créanciers éventuels. Or les banques disposent à cet égard d’un avantage comparatif vis-à-vis des marchés de capitaux dans la mesure où elles gèrent les moyens de paiement et accèdent par ce biais à une information privée privilégiée, en temps continu, sur la situation financière des entreprises, ce qui permet de réduire les asymétries d’information et de créer des relations de confiance mutuellement profitables et s’exprimant dans la durée. Les marchés d’actifs offrent évidemment la possibilité de placer facilement des titres pour les firmes dont la signature est reconnue et qui répondent à des exigences de taille ou de risque relativement standardisées. Mais cela exclut objectivement nombre d’emprunteurs, pensons aux PME, en l’absence d’un marché secondaire d’actions ou d’obligations d’une profondeur suffisante et de nature à assurer une liquidité minimale.
Si les raisonnements conduisant à recommander une montée en régime des financements de marché, pour faciliter la croissance des entreprises et l’innovation technologique, postulent une relation positive entre la place relative des marchés d’actifs et la croissance économique, telle n’est pas la conclusion qui se dégage de la littérature économique contemporaine. Ni sur le plan théorique, ni au regard de la littérature empirique, on ne peut démontrer la supériorité d’un système financier fondé sur les banques ou sur les marchés dans le financement de l’investissement et de l’innovation. Pour le financement de la R&D (recherche et développement), le risque est plus élevé et les asymétries d’information plus grandes encore que dans une activité routinière. En cas d’émission obligataire, la prime de risque sur le taux d’intérêt ne peut guère compenser la perte si le projet échoue. D’où la solution souvent proposée du capital-risque permettant à l’investisseur de valoriser, en moyenne, sa prise de risques par son espérance de plus-value sur le capital investi. Mais l’accès à ce type de financement suppose une divulgation de l’information à laquelle rechigne souvent l’entreprise innovatrice, sauf à s’insérer dans une relation de confiance à long terme, dans un contrat implicite durable, que le financement bancaire permet très bien de satisfaire. Quant aux sélections adverses dont pourraient être victimes les intermédiaires bancaires en présence d’asymétries d’information, ils ne sont pas totalement démunis s’ils souhaitent exercer un contrôle et contraindre l’emprunteur, soit en menaçant de ne pas renouveler les crédits accordés, soit encore en combinant un rôle de prêteur et d’actionnaire, en diversifiant ainsi leur couple rendement/risque issu du financement d’un investissement en R&D. Autant dire que l’optimalité du financement de la R&D n’est nullement réductible au financement par émission d’actifs, surtout pour les PME.
On le voit, loin de démontrer la thèse de la généralité de la supériorité de la finance de marché sur la finance bancaire en matière de financement de l’industrie, la littérature contemporaine met plutôt en évidence le point de vue de la particularité : ce n’est que sous des hypothèses très spécifiques, et donc dans un contexte réel très particulier, que cette supériorité pourrait être démontrée. Mais ces hypothèses se rencontrent rarement dans la réalité historique observée.
Le financement de l’industrie à la lumière de l’histoire de la pensée économique
L’histoire de l’analyse économique et l’histoire économique se rejoignent elles aussi pour mettre en doute l’idée selon laquelle le recours à la finance de marché aurait été ou devrait être privilégié, comme une sorte de régime idéal à construire et à atteindre indépendamment de la période historique et du contexte institutionnel considérés.
D’une part, certaines périodes historiques examinées dans ce cahier, tel que le xixème siècle (jusqu’en 1914), ne semblent pas avoir choisi les marchés financiers comme le moyen par excellence de financer l’industrie. Comme le montrent, par exemple, Pierre-Cyrille Hautcœur ou André Straus, les entreprises n’ont guère recouru au financement par les marchés financiers pendant les premières décennies qui suivirent leur mise en place et leur organisation. Si l’instauration de la notion de responsabilité limitée (limited liability) et la généralisation du principe de la distinction entre propriété et contrôle de l’entreprise vont progressivement mener à l’instauration de marchés financiers proches de ceux qui prévalent aujourd’hui, comme le montre Richard Arena, ce processus n’a pas instantanément conduit – loin de là – les entreprises industrielles américaines, britanniques ou françaises à financer leurs investissements avec l’aide des marchés financiers. Il a fallu beaucoup de temps avant que cela ne se produise. Pendant longtemps, la plupart des firmes industrielles n’étaient pas cotées en Bourse et recouraient essentiellement à d’autres formes de financement que le recours aux marchés financiers, comme l’autofinancement, le financement familial, le financement public ou, bien sûr, le financement bancaire. De même, l’exemple allemand décrit par Christopher Lantenois nous montre que le financement bancaire a pendant longtemps pu s’avérer à la fois prédominant et extrêmement efficace, même si l’Allemagne n’échappe plus aujourd’hui au développement de la financiarisation.
D’autre part, cet exemple nous rappelle que c’est dans les années 1970 que les économies occidentales ont commencé à tendre vers le modèle d’une économie de marchés financiers. Le premier argument utilisé pour défendre cette évolution a été souligné par certains macroéconomistes dès l’entre-deux-guerres et en particulier par Keynes dans sa Théorie générale lorsqu’il souligne la flexibilité et l’offre de liquidité que la généralisation des marchés financiers procure aux firmes lorsqu’elles souhaitent investir (Keynes, 1936) ; il ajoute cependant aussitôt que ces avantages ne devaient pas faire oublier leurs conséquences, c’est-à-dire un risque d’aggravation de l’instabilité du système. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà noté, l’histoire ne donna que tardivement raison à Keynes : les entreprises ne se précipitèrent pas vers les marchés financiers pendant les premières décennies qui suivirent leur mise en place.
Un deuxième argument est celui que Keynes développe dans la partie « Inflation and Deflation » de Essays in Persuasion. Se référant au mode de financement induit par la généralisation des marchés financiers, il considère que désormais : « La classe des hommes d’affaires actifs pouvait ne pas faire seulement appel pour ses entreprises à sa propre richesse, mais aussi à l’épargne de l’ensemble de la communauté ; et, quant à elles, les classes des employés et des propriétaires pouvaient trouver un emploi à leurs ressources qui n’implique pour eux ni le moindre trouble, ni aucune responsabilité, mais (on le croyait) juste un risque faible. Pendant cent ans, le système marcha dans l’Europe entière avec un extraordinaire succès et il facilita la croissance de la richesse sur une échelle inconnue jusque-là. L’épargne et l’investissement devinrent soudain un devoir et le délice d’une classe sociale nombreuse. Les épargnes étaient rarement utilisées et l’accumulation à un taux composé rendit possible les triomphes matériels que nous considérons aujourd’hui comme acquis. » (Keynes, 1923). La généralisation des marchés financiers comme mode de financement dominant apparaît donc ici comme un facteur de mobilisation de l’épargne afin que celle-ci émane aussi des couches sociales moins favorisées que d’autres. Elle permet en effet une réduction et une mutualisation apparentes des risques pour lesquels les agents à capacité d’épargne ont une profonde aversion.
Cependant, comme le montrent tout autant Véronique Dutraive et Valérie Revest que Richard Arena, d’autres risques remplacent les précédents. Pour faire bref, avec la généralisation de la finance directe, les principaux opérateurs ne sont plus les banques, mais des opérateurs anonymes, d’où des risques d’insolvabilité supérieurs à ceux que l’on connaissait en système d’intermédiation où les relations sont plus individualisées entre le banquier et ses clients. Dans ce contexte, la multiplication des produits induite par le nombre croissant d’innovations financières et l’extension des activités spéculatives engendrent une plus grande volatilité des cours, des taux d’intérêt et de change. On le voit notamment après 1970 avec l’adoption du système des changes flottants, le gonflement de la dette publique des pays développés et, en particulier, des États-Unis, et la fin des politiques d’encadrement du crédit. La multiplication des fonds de pension et la globalisation financière (circulation facilitée des actifs, système des cotations assurées en continu, décloisonnement des marchés…), qui sont des phénomènes nouveaux au plan historique, n’ont fait qu’accroître ces risques en les rendant systémiques.
Ces phénomènes ont introduit des risques parfois inattendus. Mais ils ne sont pas aussi inédits que l’on serait tenté de le penser a priori, en particulier dans le cas d’un mauvais usage des innovations financières, générateur d’excès de crédit. Or ces usages ont toujours existé et ont toujours engendré des crises financières.
Les rapports entre finance et industrie dans une perspective historique : un aperçu
Chacun des textes réunis dans ce cahier de la Revue d’économie financière aborde un volet particulier de l’histoire des rapports entre finance et industrie.
L’article d’André Straus décrit les caractéristiques et l’évolution des relations banque-industrie en France et en Angleterre, des années 1880 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Comme cela a déjà été noté plus haut, pour l’Angleterre, il apparaît que les banques ont joué un rôle relativement mineur dans le développement industriel, contribuant surtout aux financements de court terme. Le capitalisme anglais était alors fondé en partie sur un contrôle familial et le système industriel restait peu concentré. Cela explique qu’il n’ait guère suscité l’intérêt des milieux financiers, d’autant que le mouvement de concentration bancaire de la fin du xixème siècle avait distendu les liens banque-industrie à l’échelle locale. Ainsi, l’Angleterre a-t-elle globalement perdu son leadership industriel au moment de la seconde révolution technologique et il s’y est développé une industrie financière internationalisée qui est devenue l’un des points forts de sa spécialisation. Dans le cas de la France, on constate le même rôle des commandites de proximité (banques régionales et liens personnels) dans le financement de la première révolution industrielle. Mais elles se révéleront peu adaptées à la seconde, plus capitalistique. La particularité française vis-à-vis du modèle anglais tient au rôle clé du concours des grandes banques aux entreprises industrielles dans les services publics ou les industries de réseaux, ou dans l’industrie lourde.
C’est à la place du marché financier français dans le financement des entreprises, notamment à la fin du xixème siècle, que Pierre-Cyrille Hautcœur consacre son article. Il rappelle tout d’abord que, là encore, la Bourse a moins contribué au financement des entreprises qu’à celui de la dette publique. Les entreprises industrielles ayant recours au marché émanaient surtout des services publics et des industries de réseaux (chemin de fer, électricité, eau, gaz, tramway). Après avoir montré l’importance de la Bourse de Paris dans les années 1890, l’auteur se propose d’estimer le rôle respectif du Parquet (marché officiel) et de la Coulisse (marché officieux et spéculatif, concentrant la majeure partie des transactions) en évaluant notamment l’impact des changements législatifs intervenus en 1893 et en 1898. Les deux marchés s’avèrent très complémentaires. Le Parquet, très réglementé, assurait la stabilité et la sûreté des valeurs. Alors que la Coulisse favorisait plutôt la liquidité, la prise de risques et les innovations financières. Deux changements législatifs ont affecté les relations entre Coulisse et Parquet : une mesure fiscale conduisant, de fait, à une plus grande libéralisation des marchés en 1893 et, après le krach des mines d’or, un retour à davantage de contrôle en 1898. Une estimation de l’évolution des spreads, comme indicateur d’intensité de l’activité sur les deux côtés du marché, à la suite des deux réformes fiscales évoquées, permet de saisir leurs effets respectifs. La libéralisation se traduit par une hausse des spreads sur les deux marchés. Le retour au contrôle, quant à lui, se traduit par la baisse des spreads, ces derniers restant cependant toujours plus élevés à la Coulisse. Plus généralement, cette dualité du marché financier parisien au xixème siècle a favorisé « une acclimatation » progressive des entreprises au marché boursier en leur offrant des sources supplémentaires de sécurité, d’un côté, ou, au contraire, en autorisant des prises de risques pour les plus innovantes, de l’autre côté.
En retenant le cas de l’entreprise Peugeot, Jean-Louis Loubet relate les difficultés de financement rencontrées par une entreprise, qui deviendra l’un des fleurons de l’industrie automobile française, en passant d’une activité principalement artisanale à celle d’une industrie. Robert Peugeot va devoir affronter beaucoup d’obstacles dans son projet de construction, sur le site de Sochaux, d’une grande usine intégrée permettant de réunir les différentes productions (cycles, camions…), mais surtout d’amorcer la production en série de voitures automobiles. Dans la phase de reconversion à l’économie civile, après la Première Guerre mondiale, Peugeot a dû faire face aux retards de remboursement des dommages de guerre de l’État, à l’afflux de véhicules de l’armée sur le marché et à l’avance conquise par Citroën dans la production en série. Mais c’est surtout dans les années 1920 que le développement de Peugeot va se heurter aux difficultés de financement liées à la frilosité des banques. Le Crédit lyonnais se montrera sceptique sur les perspectives de développement de l’automobile ! Pour financer son développement, Peugeot aura alors recours à des sociétés de portefeuilles et, surtout, à la banque Oustric. Mais celle-ci, impliquée dans des scandales financiers et des escroqueries, va conduire l’entreprise vers une situation périlleuse. C’est finalement grâce à la solidarité familiale et à celle du monde économique protestant et rhénan, notamment du côté des banques suisses, que la société Peugeot pourra trouver des soutiens financiers qui accompagneront ses futures réussites industrielles.
À la différence de la France et de l’Angleterre, où les banques n’ont pas toujours répondu aux besoins de financement de l’industrie, l’Allemagne est réputée pour avoir fondé sa prospérité économique sur le modèle de la banque-industrie dès le xixème siècle et durant toute une partie du xxème siècle. Après avoir caractérisé ce modèle, Christopher Lantenois vise à établir les causes et les modalités de sa dislocation depuis les années 1990. Le modèle de la banque-industrie se caractérisait en Allemagne par des liens étroits entre les différentes institutions financières détenant des participations croisées, par le rôle clé des banques dans le financement de l’économie et le contrôle des entreprises (présence de représentants des établissements bancaires dans les assemblées générales et les conseils de surveillance)… Un ensemble de facteurs ont défait ce schéma, conjuguant des causes externes et internes : les autorités européennes ont préconisé la libéralisation financière ; les banques et les institutions financières ont réduit leurs participations industrielles et ont quitté les organes de gouvernance au sein des sociétés anonymes ; elles ont aussi développé leurs activités de marché et leur internationalisation ; de nouvelles législations ont favorisé l’attractivité des investisseurs institutionnels étrangers qui constituent désormais les principaux détenteurs de titres des sociétés cotées. La relation banque-industrie, qui avait contribué à établir l’avantage comparatif de l’Allemagne, s’est brutalement dégradée, les banques s’étant désengagées du financement et du contrôle de l’industrie domestique. Cette relation est devenue un idéal type qui appartient désormais au passé, tout au moins pour les grandes entreprises industrielles.
Richard Arena s’interroge, quant à lui, sur la conviction, qui s’est progressivement développée depuis plus d’un siècle, selon laquelle un financement efficace de l’industrie doit reposer sur une limitation toujours plus forte de la responsabilité des créanciers. S’appuyant sur le rôle joué par le crédit dans le déclenchement et le déroulement des cycles d’affaires, il fait porter l’attention, à travers des exemples de crises financières des xixème et xxème siècles, sur le rôle de l’excès de crédit dans ces crises. En plusieurs phases successives, les législations ont tendu à limiter toujours plus la responsabilité des actionnaires et/ou des investisseurs et à favoriser le recours aux effets de levier, l’excès de crédit et, in fine, la répétition des crises financières. La crise financière contemporaine constituerait l’avatar le plus récent de ce processus en touchant cette fois le dernier maillon de la chaîne du crédit, celui des ménages. Car la crise des subprimes entre parfaitement dans ce schéma d’analyse. Les crédits immobiliers sont devenus le support de leviers excessifs. Les transferts de risques liés à la titrisation des créances douteuses ont favorisé les excès de crédit, et ce, jusqu’à la phase de retournement du cycle. Alors, la responsabilité des actionnaires dans la banque n’a été que modérément mobilisée à l’occasion des renflouements.
Mais on peut rapprocher la situation actuelle de celle des années 1920 en référence à la hausse du poids de la finance dans l’économie, les activités industrielles étant (re)devenues aujourd’hui un auxiliaire des activités financières sous l’influence du paradigme de la valeur actionnariale dont Véronique Dutraive et Valérie Revest rappellent les mécanismes. Face à cette financiarisation, dont certains aspects sont cependant inédits, les principes de la responsabilité sociale des entreprises, et leur volet financier, sont présentés comme des contrepoids au rôle déterminant de la finance dans toute activité économique et sociale. Ces auteures s’intéressent aux sources intellectuelles de la notion de responsabilité sociale des entreprises et montrent notamment les limites d’une conception trop contractualiste qui prétend évacuer le rôle de la puissance publique dans la régulation économique. Elles les confrontent au mode de régulation du capitalisme banquier et aux principes du capitalisme raisonnable, préconisés par John Rogers Commons dans le contexte du désordre des années 1930, et qui leur semblent de nouveau d’actualité, notamment parce qu’il y a là une réflexion sur les moyens de concilier les intérêts divergents de la finance et de l’industrie et sur leurs implications en termes d’emploi et de revenus.
À propos des rapports entre la finance et l’industrie, on le voit, le recours à l’histoire tend à confirmer les enseignements de l’analyse économique et de l’histoire de la pensée économique : il n’existe pas de mode optimal de financement de l’industrie. Chaque modèle de capitalisme, à une période donnée, selon le type de gouvernance d’entreprise, selon les structures de marché, en fonction du poids plus ou moins dominant des besoins de financement public ou privé, se voit associer un mode de financement dans lequel la finance doit prendre place, mais dont elle n’est pas nécessairement le centre. Il convient alors de définir, à partir de règles et d’institutions, la nature de la complémentarité ainsi justifiée.