Revue d’économie financière REF 137
40 ans de libéralisation financière
40 ans de libéralisation financière
Introduction Accès gratuit
La diversité des motivations et des formes de la libéralisation financière
La conversion de la France au libéralisme financier Accès gratuit
Comment deux ans après l'élection du président Mitterrand en 1983, élu sur un programme de gauche, la France est-elle passée à une politique d'inspiration monétariste ? Deux grands types de raisons l'ont amenée à faire ce basculement. Le premier est commun à tous les pays de l'OCDE à partir de 1973, le second lui est spécifique. Outre une très forte dégradation de la conjoncture économique dans tout l'OCDE, il y a eu le constat de l'inefficacité croissante des politiques keynésiennes et l'idée que des politiques monétaristes seraient plus efficaces.
Pour sa part, la France avait, plus que d'autres, sacrifié à une économie d'endettement avec toujours plus d'inflation et de chômage. De plus en 1981, elle a été prise à contre-pied par la conjoncture internationale et les politiques monétaristes développées dans les pays anglo-saxons. Cela plus son engagement de faire baisser fortement l'inflation l'ont très vite amenée à choisir une politique d'inspiration monétariste.
Quarante ans de libéralisation financière au Royaume-Uni, ou l'américanisation malheureuse d'un club de gentlemen capitalistes Accès gratuit
Cet article retrace les grandes étapes du processus de libéralisation financière au Royaume-Uni, qui s'accompagne au cours des quatre dernières décennies d'un mouvement de formalisation de la réglementation. Jusqu'aux années 1980, la place financière londonienne se caractérise en effet par une forte fragmentation des agents financiers et un cadre régulatoire léger et, pour une large part, informel. Sous l'impulsion libérale de Margaret Thatcher, la City se réforme avec le Big Bang qui, en ouvrant les activités de négoce à la bourse de Londres aux banques britanniques et étrangères, encourage l'émergence de larges conglomérats financiers. Malgré la mise en place d'un corpus réglementaire plus robuste, cette nouvelle City est marquée par les crises et les scandales dans les années 1990. Elle connaît ensuite un nouvel âge d'or avec la mobilisation du superviseur financier notamment et ce jusqu'à la crise financière, où les excès de la dernière décennie apparaissent au grand jour. Si la crise de 2008 a pu marquer un coup d'arrêt au processus de libéralisation financière, avec notamment l'instauration de barrières entre les activités de détail et d'investissement des banques, le mouvement connexe vers davantage de formalisation des règles financières semble, lui, difficilement résistible.
Ce que l'histoire économique nous enseigne sur la réglementation financière : l'exemple des États-Unis Accès gratuit
La déréglementation du système financier qui démarre aux États-Unis à la fin des années 1970 avant de se répandre à l'échelle mondiale va profondément transformer les institutions et les marchés financiers, ainsi que les investisseurs institutionnels. Des marchés des services financiers de plus en plus intégrés, une concurrence de plus en plus intense entre institutions financières, entraînent une profusion de nouveaux produits et techniques, y compris la titrisation. La crise de 2007 est l'aboutissement des politiques de déréglementation et de libéralisation financières pratiquées depuis les années 1980. Sa violence a justifié l'adoption d'une nouvelle réglementation sous la forme du Dodd-Frank Act en 2010. L'histoire économique de la réglementation aux États-Unis nous apprend qu'en période de prospérité, naît une euphorie financière en même temps que l'aversion pour le risque baisse sur les marchés. Des techniques de contournement de la réglementation naissent, se répandent et, progressivement, amènent le détricotage de la réglementation en place. Ainsi naît l'enchaînement euphorie-déréglementation-crise- réglementation. La régulation financière, c'est-à-dire les règles qui s'imposent aux acteurs du système financier et les mesures de supervision qui vérifient l'application de ces règles, n'est pas une option, mais une nécessité si l'on considère que la stabilité financière est un bien commun qu'il faut préserver.
Les transformations des acteurs du système financier
La transformation des business models des banques Accès gratuit
L'article analyse l'évolution des business models bancaires des pays développés au cours des quarante dernières années et montre qu'après une phase de forte croissance de l'activité bancaire à la suite de la déréglementation qui a débuté dans les années 1980, la crise de 2008-2009 les a profondément modifiés au profit de modèles plus traditionnels et moins orientés vers les activités de marché. En parallèle, après une croissance des expositions transfrontières avant 2008-2009, les business models tournés vers l'international ont aussi été fortement pénalisés par la crise et la réponse réglementaire a renforcé leur convergence. Mais on observe toutefois des différences en leur sein avec certaines institutions systémiques (GSIB ou global systemically important institutions) qui ont poursuivi leur internationalisation. Au total, on observe que la rentabilité relative des modèles universels ou plus spécialisés a varié dans le temps : les résultats des modèles de banque de détail et de banque universelle ont été mieux orientés après-crise, mais elles doivent affronter certains défis.
La libéralisation des assurances Accès gratuit
Les récits de la libéralisation font la part belle à la « marchandisation » de la protection sociale, mais le phénomène a surtout conduit à résoudre des échecs de marché pour permettre la prise en charge par les assureurs de risques qui n'étaient pas couverts jusque-là. En matière d'assurance vie, l'évolution de la collecte semble avoir suivi celle des taux de rendement instantanés, que les politiques monétaires expansionnistes ont amenés à zéro. La concurrence a conduit à une concentration, souvent importante à l'échelle des nations, mais qui bute encore sur la nature de certains opérateurs et plus généralement sur l'importance des particularités locales, même si l'harmonisation réglementaire régionale et internationale a progressé.
Industrie de la gestion d'actifs : de l'émergence à l'apparition de nouveaux risques Accès gratuit
Au début des années 1980, différents rapports et analyses promeuvent l'émergence des fonds d'investissement d'épargne collective. L'objectif est d'attirer l'épargne vers les marchés financiers, afin de concurrencer le financement bancaire, et ainsi diminuer le coût de financement et favoriser l'investissement. D'un côté, la taille de l'industrie de la gestion d'actifs aujourd'hui atteste du succès de cette ambition. Les placements des ménages comme des investisseurs institutionnels sont mieux diversifiés qu'il y a quarante ans. D'un autre côté, de nouveaux risques pesant sur les marchés et un impact ambivalent sur le financement et l'investissement tempèrent ce succès et inquiètent les régulateurs.
Les évolutions du comportement financier des agents non financiers
La modernisation de la politique d'émission et de gestion de la dette publique entre 1985 et 1990 Accès gratuit
La gestion de la dette publique a été profondément réformée à partir de 1985 sous l'impulsion de Pierre Bérégovoy, ministre de l'Économie et des Finances de juillet 1984 à avril 1986. Les réformes ont été poursuivies sous son successeur Édouard Balladur, puis de nouveau sous Pierre Bérégovoy. Elles visaient un double objectif : d'une part, la maîtrise de la charge de la dette publique, en forte croissance depuis 1981, et, d'autre part, l'inscription de la gestion de la dette publique dans une grande réforme du marché monétaire et du marché financier pour améliorer le financement de l'économie française. Trente ans plus tard, la plupart de ces réformes entreprises à partir de 1985 continuent à exister et la dette publique française continue toujours à attirer les investisseurs, notamment étrangers. Cet héritage confirme leur succès.
Dans les pays avancés, la « libéralisation financière » n'a guère rapproché les comportements des ménages Accès gratuit
En matière de comportements financiers des ménages dans les pays avancés, la libéralisation initiée dans les années 1980 a apporté moins de changements qu'on aurait pu le penser. Certes elle a favorisé le recours au crédit, encouragé la détention de titres de fonds propres et contribué à réduire la part des liquidités. Mais, en présence de certains excès et des crises de 2001 et 2008, les autorités de contrôle ont renforcé leur surveillance dès la fin du siècle dernier. En fin de période, les comportements des ménages se sont un peu rapprochés, notamment en ce qui a trait à l'endettement, mais d'importantes spécificités demeurent parmi lesquelles le mode de gestion des retraites est la principale. La gestion en capitalisation, là où elle existe de façon significative, constitue en effet un apport important au montant du patrimoine financier.
Le financement externe des sociétés non financières depuis la déréglementation financière de 1984 Accès gratuit
A la veille des années 1980, le financement des entreprises françaises est assuré par un recours important à la dette au travers des banques et de nombreuses institutions financières spécialisées, segmentées et cloisonnées. Au cours la décennie suivante, des réformes sont engagées pour sortir de cette « économie de financements administrés ».
Après avoir présenté les propositions de réformes du début des années 1980, cet article analyse l'évolution du financement et du gouvernement des entreprises non financières qui recourent davantage aux marchés financiers. Toutefois il apparaît que les mutations des structures de financement ont été plus modestes qu’envisagé.
Gouvernance d'entreprise : 40 ans d'évolution Accès gratuit
Cet article retrace les évolutions de la gouvernance d'entreprise, en Europe et aux États-Unis, à partir de la fin des années 1970 jusqu'à aujourd'hui. Le mouvement de libéralisation et de globalisation financière s'accompagne d'une montée en puissance des fonds d'investissement dans le capital des grandes entreprises cotées, au cours des années 1980 et 1990. Parallèlement, des réformes juridiques sont entreprises, visant à accroître les droits de ces actionnaires minoritaires. Il s'ensuit une évolution significative des pratiques de gouvernance (composition des conseils d'administration, rémunération des dirigeants, distribution du profit, etc.). Dans les années 2000, on assiste à un infléchissement, au profit d'une gouvernance moins centrée sur le retour sur investissements des actionnaires minoritaires. On observe ainsi la multiplication de règles visant à limiter les effets court-termistes d'une certaine finance de marché, et à mieux inscrire les entreprises dans le temps long du développement durable.
Retour des crises et nouvelles régulations
Des crises à répétition : des caisses d'épargne américaines aux subprimes Accès gratuit
Les crises financières se sont multipliées depuis les débuts du processus de globalisation financière, il y a quatre décennies. Ces crises successives ont concerné des systèmes financiers très divers, situés dans les pays en développement et émergents, ainsi que dans les pays les plus développés. Les crises financières récentes ont pris des formes différentes : crises boursières, crises immobilières, crises bancaires, crises de change, crises des dettes souveraines. Au-delà de leur diversité, les crises financières obéissent à un petit nombre de mécanismes fondamentaux. La plupart des économistes ont mis en avant la libéralisation financière intervenue à partir des années 1970 comme principal facteur explicatif de l'accélération des crises financières, en accroissant la vulnérabilité des banques, en contribuant à une plus grande interdépendance des marchés financiers, à l'amplification des cycles financiers, aux processus de contagion et à la formation de bulles financières.
Mesures des risques et arbitrages réglementaires dans l'odyssée bâloise Accès gratuit
Au cours de l'histoire, la construction de la réglementation et de la supervision coordonnée des établissements bancaires internationaux est souvent apparue comme une réponse aux nombreux chocs financiers et économiques qui ont suivi les épisodes de libéralisation financière. Tandis que la définition des fonds propres est restée plutôt inchangée depuis l'accord initial de Bâle I, la mesure des risques a quant à elle subi des mutations importantes. En particulier, la sensibilité aux risques, notion clé au cœur même de la réglementation de la solvabilité bancaire, a été refondue en profondeur dans le cadre dit de Bâle II. Avec la liberté accrue conférée aux établissements bancaires, celle de pouvoir évaluer eux-mêmes le risque perçu, le régulateur a involontairement introduit des incitations adverses et laissé place à l'arbitrage réglementaire, ce qui a dès lors nuit à l'efficacité des normes de solvabilité. L'arbitrage réglementaire joue ainsi un rôle central dans la conception de la régulation prudentielle et constitue la force motrice de la dialectique réglementaire.
Les politiques monétaires à l'épreuve de la libéralisation financière Accès gratuit
Cet article se propose de retracer brièvement l’histoire des politiques monétaires depuis l’après-guerre pour mettre en perspective et faire ressortir l’incidence du processus de libéralisation financière sur ces politiques. On observe en effet qu’à partir des années 1980 la plupart des pays avancés ont adopté un même modèle de « central banking » concentrant l’action des autorités monétaires sur l’objectif de stabilité des prix et réduisant leur domaine et leurs instruments d’intervention. On montre que la négligence de l’objectif de stabilité financière a remis en cause, après la crise de 2007, le modèle en question et peut-être aussi le processus de libéralisation.
Quelles limites à la liberté des mouvements de capitaux ?
La libéralisation des mouvements de capitaux : entre transformations structurelles, débats circulaires et cadres multilatéraux Accès gratuit
À l'heure où la question de la gestion des flux de capitaux et de l'utilité des contrôles est de nouveau à l'ordre du jour, cet article se propose de revenir sur les origines des choix politiques relatifs à la libéralisation des mouvements de capitaux. Le mouvement structurel de libéralisation des décennies 1980 et 1990 et les différentes séquences par pays ne peuvent être uniquement expliqués par un consensus scientifique clair sur les bienfaits de la libéralisation, ni par les transformations structurelles du système financier mondial. Cet article relève notamment le rôle d'influence crucial joué par les cadres multilatéraux tels que ceux de l'UE, de l'OCDE et du FMI sur ces choix politiques. Il souligne aussi la circularité des débats sur les coûts et les bénéfices de la libéralisation au fil du temps et soutient qu'une telle perspective historique fournit une grille de lecture critique utile pour les débats actuels.
De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux Accès gratuit
Après l'effondrement du système de Bretton Woods, le régime de changes flottants accompagné d'une libéralisation des flux de capitaux a été adopté par la quasi-totalité des pays avancés, dès les années 1980. En revanche, cette mutation est encore en cours dans les pays émergents. Les importantes disruptions financières liées la volatilité et la procyclicité persistante des flux ont entretenu la peur du flottement et les réticences à mener à son terme ce processus de libéralisation. En outre, les deux dernières crises mondiales, de 2008-2009 et de 2020, ont montré que les sorties massives et soudaines de capitaux pouvaient être davantage liées aux cycles mondiaux qu'aux fondamentaux des pays récipiendaires. Les recommandations des organisations internationales, et notamment du FMI, se sont progressivement adaptées, gardant comme objectif de long terme une libéralisation du compte financier, mais acceptant que celle-ci puisse être réversible et intégrant, dans la boîte à outils, des politiques économiques, des mesures visant à la gestion des flux de capitaux.
Libéralisation financière et déséquilibres globaux Accès gratuit
Doit-on encore se préoccuper des déséquilibres des balances courantes, dénommés déséquilibres globaux, dans le contexte de la libéralisation financière internationale ? Car la libéralisation financière transforme les contraintes externes qui pèsent sur les policy makers, et tel est l'objet de cet article. Tout d'abord, on revient sur la caractérisation théorique et empirique des « bons » et des « mauvais » déséquilibres courants. Ensuite, quelques faits stylisés permettent d'évaluer l'ampleur des déséquilibres globaux et des positions financières extérieures. La troisième partie analyse l'impact de la libéralisation financière sur la composante financière des déséquilibres globaux et la dynamique des positions financières extérieures. Enfin, dans la quatrième partie, on examine la thèse du découplage entre les déséquilibres courants et les transferts internationaux d'épargne et de liquidités.
Chronique d'histoire financière
Les crises bancaires en France pendant la Grande Dépression : une histoire renouvelée Accès gratuit
Articles divers
Le retour des déficits jumeaux américains Accès gratuit
En adoptant à la fin de 2017 une politique budgétaire expansionniste, les États-Unis ont renoué avec les déficits jumeaux (budgétaire et courant). En 2019, le déficit du budget fédéral devrait atteindre 5 % du PIB, tandis que le déficit courant devrait s'établir à près de 3 % du PIB. Après avoir établi l'existence d'une relation positive de long terme entre le déficit budgétaire et le déficit courant aux États-Unis, cet article met en exergue les spécificités des déficits jumeaux actuels. Ces déficits se différencient en effet des déficits passés, tout d'abord, par le contexte d'apparition des déficits et ensuite par leur financement. Alors que les déficits jumeaux précédents sont apparus dans une économie américaine en sous-emploi, l'épisode actuel de double déficit est survenu dans un contexte de plein-emploi. Par ailleurs, les sources de financement des déficits jumeaux proviennent aujourd'hui pour l'essentiel d'investisseurs privés non résidents, alors que jusqu'en 2014, c'étaient les banques centrales non américaines qui, en plaçant leurs réserves de change en Treasuries, assuraient le plus gros du financement de ces déficits. En l'absence de concurrents sérieux du dollar comme monnaie de réserve internationale, les déficits jumeaux américains sont aujourd'hui financés sans difficulté. Cette situation pourrait cependant ne pas durer. L'augmentation de la dette externe américaine pourrait en effet conduire, à terme, à une augmentation des taux longs et/ou à une dépréciation du dollar.