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 Les financements européens au service des territoires


Laurent ZYLBERBERG Directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes, Caisse des Dépôts.Contact : Laurent.Zylberberg@caissedesdepots.fr.

Les financements européens jouent un rôle important dans le financement de l'économie locale et des territoires, qu'ils proviennent de la politique régionale ou de programmes gérés par la Commission européenne.

Or, au niveau européen, comme le montrent les échanges en cours sur le futur cadre financier pluriannuel, l'équation budgétaire est de plus en plus complexe à résoudre – avec, d'un côté, des ressources en attrition (déficits publics, Brexit, etc.) et, d'un autre côté, des besoins en forte croissance (enjeux climatiques, migratoires, stratégiques, etc.). Dans ce contexte, une « nouvelle donne » émerge pour les financements européens au service des territoires dans les prochaines années : en termes de priorités, de modes d'interventions et d'interlocuteurs. Cette nouvelle donne devrait renforcer l'Europe des territoires, en rendant possible une distribution des financements européens au plus près des besoins locaux.

Après avoir dressé un panorama des financements européens au service des territoires, nous mettons en évidence les principaux éléments de la « nouvelle donne » liée au futur cadre financier pluriannuel, avant de mettre en évidence le rôle croissant des investisseurs publics de long terme nationaux au service d'une Europe des territoires.

Les financements européens jouent un rôle important dans le financement de l'économie locale et des territoires, qu'ils proviennent de la Politique régionale ou de programmes gérés par la Commission européenne.

Or, au niveau européen, comme le montrent les échanges en cours sur le futur cadre financier pluriannuel, l'équation budgétaire est de plus en plus complexe à résoudre – avec, d'un côté, des ressources en attrition (déficits publics, Brexit, etc.) et, d'un autre côté, des besoins en forte croissance (enjeux climatiques, migratoires, stratégiques, etc.). Dans ce contexte, une « nouvelle donne » émerge pour les financements européens au service des territoires dans les prochaines années : en termes de priorités, de modes d'interventions et d'interlocuteurs. Cette nouvelle donne devrait renforcer l'Europe des territoires, en rendant possible une distribution des financements européens au plus près des besoins locaux.

Après avoir dressé un panorama des financements européens au service des territoires, nous présentons les principaux éléments de la « nouvelle donne » liée au futur cadre financier pluriannuel avant de mettre en évidence le rôle croissant des investisseurs publics de long terme nationaux au service d'une Europe des territoires.

Panorama des financements européens au service des territoires

Panorama d'ensemble

Les territoires bénéficient de différentes sources de financement européen qui obéissent à des objectifs et à des modes d'intervention variés.

Au premier rang de ces financements figurent les fonds de la Politique régionale européenne (les fonds européens structurels et d'investissement, FESI) qui vise à assurer la cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union européenne (UE)1 : FEDER (Fonds européen de développement régional et économique), FSE (Fonds social européen), FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural), FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche), IEJ (Initiative pour l'emploi des jeunes), Fonds de cohésion. Ces fonds reposent sur un mode de gestion déléguée aux États membres (gestion partagée), ces États membres pouvant eux-mêmes décider de déléguer tout ou partie de cette gestion à des autorités locales. Ils supposent également une part de cofinancement national qui dépend du niveau de développement de la région considérée2.

La Politique régionale est, avec la Politique agricole commune, le poste le plus important du budget européen, puisqu'elle représente une enveloppe de près de 352 Md€ sur la période de programmation actuelle (2014-2020), soit 32,5 % du budget total de l'UE. Tous les territoires de l'UE bénéficient de ces fonds (à l'exception du Fonds de cohésion qui ne concerne que les États membres les plus pauvres). La Politique de cohésion est ainsi la principale politique d'investissement de l'UE, avec des financements équivalents à 8,5 % des investissements en capital des administrations publiques au sein de l'UE3.

En plus de la Politique régionale, les territoires bénéficient également de financements sectoriels, gérés par la Commission européenne (gestion centralisée), dans des secteurs tels que les infrastructures de transport, le numérique ou l'énergie (Mécanisme d'interconnexion pour l'Europe), la recherche (Programme Horizon 2020), la protection de l'environnement (Programme LIFE), etc. Ils bénéficient également, via le financement des entreprises et des projets, d'instruments novateurs tels que le Plan d'investissement pour l'Europe (PIE, dit « Plan Juncker »).

Enfin, au-delà du budget de l'UE géré par la Commission européenne, d'autres financements proviennent d'institutions financières européennes telles que la Banque européenne d'investissement (BEI), la Banque du Conseil de l'Europe (CEB) et dans les États membres d'Europe centrale et orientale, la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD).

Zoom sur la Politique régionale
et les territoires français

Dans le cadre de la Politique régionale, la France bénéficie d'une enveloppe de 27,8 Md€ (9,5 Md€ pour le FEDER, 6 Md€ pour le FSE, 11,4 Md€ pour le FEADER, 0,6 Md€ pour le FEAMP et 0,31 Md€ pour l'IEJ). Les enjeux principaux de la Politique régionale en France sont définis dans un Accord de partenariat signé entre l'État et la Commission européenne : la compétitivité économique et l'emploi ; la transition énergétique et écologique et la gestion durable des ressources ; l'égalité des territoires et des chances. Cet Accord, dont le suivi d'ensemble est assuré par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), fait l'objet d'une déclinaison par programmes (au nombre de 83) qui précisent les objectifs poursuivis et les territoires concernés.

En France, l'essentiel de la gestion des FESI est désormais confié aux conseils régionaux (67 programmes sont gérés par des conseils régionaux et un par un conseil départemental), qui sont ainsi politiquement, juridiquement et financièrement responsables des fonds qui leur sont confiés ; en tant qu'autorités de gestion, ils assurent l'élaboration des programmes, l'allocation et le suivi des crédits européens et doivent garantir la performance de leurs actions.

Tableau 1
Volume des fonds 2014-2020 en France
(en M€)

Source : SGET.

Les financements octroyés dans le cadre de ces programmes prennent essentiellement la forme de subventions, mais ils peuvent également revêtir la forme d'instruments financiers (c'est-à-dire notamment des garanties, des prêts ou des investissements en capital) pour les projets qui présentent un modèle économique autorisant ce type de financement. Ainsi, entre 2014 et 2020, les programmes opérationnels prévoient vingt-sept instruments, pour environ 700 M€, principalement en soutien de petites et moyennes entreprises (PME).

Zoom sur le Plan Juncker et les territoires français

Pour remédier à la baisse de l'investissement en Europe après la crise de 2008, l'UE a mis en place en 2015 un Programme de relance de l'investissement, le Plan Juncker, qui s'appuie sur un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) destiné à faire levier sur les ressources budgétaires européennes pour attirer des financements privés. Ce fonds de garantie s'accompagne également d'un dispositif d'assistance technique aux porteurs de projets.

La France est aujourd'hui le premier pays bénéficiaire en volume du Plan Juncker en Europe (11,6 Md€ sur 69,5 Md€ d'engagements en décembre 20184) et les territoires français bénéficient de ce Plan, via des dispositifs à destination des entreprises (prêts innovation et amorçage pour les PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire), coinvestissement de Bpifrance au côté du Fonds européen d'investissement, etc.), des financements en faveur du logement social (réhabilitation thermique des logements sociaux, construction de logements intermédiaires, etc.) ou encore des instruments de financement des projets d'infrastructures locaux (via des fonds d'infrastructures ou des fonds finançant la réhabilitation des friches industrielles).

Zoom sur les financements BEI

La France est au 3e rang des bénéficiaires des prêts de la BEI. Au cours des années 2012-2016, la BEI a ainsi investi 36 Md€ dans l'économie française.

Cet investissement passe par des coopérations avec des acteurs financiers nationaux tels que le Groupe CDC (CDC et Bpifrance). La coopération entre la BEI et la Caisse des Dépôts, reflet des politiques en faveur de la relance de l'investissement public à la suite de la crise financière de 2008, s'est d'abord concrétisée dans des opérations de cofinancements à destination essentiellement de contreparties du secteur public, sur des priorités sectorielles variées (Plan Campus, Collèges, Hôpital Avenir, etc.), auxquelles des cofinancements ponctuels de grands projets sont venus s'ajouter. En 2012, dans le contexte de l'augmentation du capital de la BEI, la Caisse des Dépôts et la BEI ont structuré leur coopération afin d'accroître les synergies de leurs actions sur le terrain, dans le cadre d'accords de partenariats signés en 2013.

Une opération récente emblématique a été le dispositif « MBIL », dispositif de prêts à taux fixe aux collectivités locales et aux organismes de logement social – la Caisse des Dépôts agissant comme intermédiaire pour distribuer la ressource BEI (2 Md€) à des projets de petite taille (c'est-à-dire aux montants inférieurs à 1 M€ pour les trois quarts d'entre eux). Ce dispositif a contribué à financer un grand nombre de projets sur l'ensemble du territoire (eau potable et assainissement, infrastructures hospitalières, réhabilitation thermique du logement social, etc).

Figure
La distribution de la ressource MBIL
(multi-borrowers intermediate loan)

Source : CDC, 2018.

Le nouveau cadre financier pluriannuel : la nouvelle donne

Le nouveau cadre financier pluriannuel (2021-2027), en cours de négociation, doit relever des défis majeurs avec des ressources de plus en plus contraintes. En effet, à la suite du Brexit, l'UE va perdre un contributeur net majeur à son budget5. Parallèlement, les attentes vis-à-vis de l'Europe sont de plus en plus importantes (financement de la croissance et de la compétitivité dans un contexte de renforcement du protectionnisme, défense et sécurité, cohésion sociale et territoriale, intégration des populations migrantes, protection de l'environnement et transition écologique, innovation et avènement d'une économie numérique, etc.). Enfin l'euroscepticisme va croissant, notamment dans les territoires les plus démunis où la fracture territoriale s'exprime avec force, ce qui renforce encore l'importance de la Politique régionale, tout à la fois garante de la cohésion territoriale et soutient à la performance.

Un budget ambitieux, mais sous pression

La Commission européenne propose un budget de 1 135 Md€ sur 2021 à 2027, soit 1,1 % du revenu national brut (RNB) de l'UE27, ce qui correspond à une stabilité du budget en termes réels par rapport à la période actuelle (1 081 Md€ sur 2014-2020, soit 1,16 % du RNB), en dépit de la sortie du Royaume-Uni de l'UE.

Elle prévoit de renforcer les financements dans les domaines de la recherche et de l'innovation, de l'économie numérique et de la sécurité.

Graphique
Budget 2012-2027 : les principaux programmes
(en Md€)

Source : Commission européenne.

En revanche, elle envisage une contraction des deux principaux postes du budget – celui de la Politique agricole commune et de la Politique régionale – de l'ordre de 5 % à 6 %. Ils représentent plus de 70 % de l'actuel budget global de l'UE (respectivement 37 % et 35 %) et ne devraient plus représenter pour la période post-2020 qu'environ 58 %.

En ce qui concerne plus spécifiquement la Politique régionale, la Commission européenne propose d'allouer 373 Md€ à la future Politique de cohésion. Cette enveloppe de crédits, qui vise à financer principalement l'investissement pour la croissance et l'emploi, serait désormais répartie nationalement selon plusieurs critères socio-économiques6 et non plus un seul : la démographie (nombre d'habitants), la situation économique (PIB) et la situation sociale (chômage, pauvreté, nombre de diplômés de l'enseignement supérieur), auxquels s'ajouteraient les migrations et les émissions de CO2. Avec ces critères cumulés, certains États membres verraient leurs ressources se contracter – ce serait le cas pour la France, notamment (–5,5 %)7.

Une Politique régionale repensée

Pour la Commission européenne, la simplification et finalement l'efficacité de la Politique régionale est un enjeu clé. Sa proposition d'accroître la concentration thématique des programmes, en retenant cinq objectifs stratégiques (une Europe plus intelligente, transformation industrielle/recherche et développement, innovation ; une Europe plus verte et bas carbone ; une Europe plus connectée, mobilité, connectivité ; une Europe plus sociale, socle des droits sociaux ; une Europe plus proche des citoyens) relève de cette ambition de simplification, de lisibilité et d'impact.

Dans ce cadre, un nouvel objectif thématique est créé – le cinquième, l'objectif « territorial » (qu'il soit urbain, rural ou côtier). Il vise à accroître la cohérence des actions au niveau des territoires et à prendre en compte le phénomène des « tâches de léopard » (l'existence de zones défavorisées au sein de régions développées). Dans le même esprit, la Commission européenne propose une initiative urbaine européenne (rassemblant les programmes AIU (Actions innovatrices urbaines), URBACT et le réseau urbain), qu'elle gérerait directement et qui pourrait s'articuler avec d'autres fonds et programmes (nationaux et européens) et serait centrée sur les territoires les plus vulnérables tels que les zones en transition industrielle.

Un recours accru aux instruments financiers

De manière plus générale, la Commission européenne envisage de recourir davantage au mécanisme de la garantie budgétaire (qui consiste à ne provisionner que partiellement une dépense à caractère probable, mais non déterminée – liée à l'usage d'instruments financiers)8 et, par conséquent, d'accroître la part de ses financements distribués sous forme d'instruments financiers.

Le Plan Juncker a apporté la preuve de son utilité pour la reprise de l'investissement dans l'UE : la Commission européenne y a mobilisé 26 Md€ (dont 9,1 Md€ de crédits budgétaires « en dur »), soit des ressources budgétaires limitées qui ont exercé un effet de levier sur des ressources non budgétaires, et permis de cibler ainsi un volume final d'investissements de 500 Md€.

Dans la continuité de ce « Plan Juncker », et afin d'atteindre davantage de projets de petite taille, la Commission européenne propose un nouvel instrument, le programme InvestEU, qui repose également sur une garantie budgétaire permettant de la même façon un effet de levier sur des ressources non communautaires, qu'elles soient d'origine publique ou privée.

Ce programme doit avoir un périmètre couvrant l'ensemble des instruments financiers à gestion centralisée9 et comprendre trois volets : un fonds de garantie, InvestEU Fund, d'un montant de 38 Md€ (provisionné par le budget communautaire à hauteur de 40 %) qui devrait générer, au total, plus de 650 Md€ d'investissements supplémentaires à travers l'Europe (soit un levier moyen de 17) ; un programme d'assistance technique, InvestEU Assistance, regroupant les dispositifs d'assistance aux porteurs de projets ; un portail de projets, InvestEU Portal, permettant de mettre en contact direct financeurs et porteurs de projets.

Tableau 2
Dotation budgétaire proposée pour 2021-2027
pour l'instrument InvestEU
(chiffres en prix courants, en M€)

* Cette enveloppe inclut 1 Md€ de reliquats attendus des instruments de financement actuels.

Source : Commission européenne.

Pour favoriser le recours à cette mécanique dans le contexte des fonds européens structurels et d'investissement, la Commission européenne prévoit que les États membres (sur la base de décisions prises par les autorités de gestion) aient la possibilité de transférer, dans un compartiment dédié « État membre » d'InvestEU, une partie (5 % au maximum) des fonds qui leur sont alloués au titre de la Politique de cohésion. Les fonds ainsi transférés entreraient dans le dispositif de garantie budgétaire partielle d'InvestEU, bénéficiant de son effet de levier.

Le rôle croissant des institutions nationales de promotion

L'un des paradoxes de la situation actuelle est que l'efficacité en volume des interventions européennes va de pair avec une visibilité souvent faible. Cela s'explique par le caractère lointain des opérateurs financiers européens. Le renforcement de la logique d'intervention du budget européen par le biais d'instruments financiers passe nécessairement par une implication croissante d'institutions financières nationales, capables d'accompagner les porteurs de projets au plus près du terrain.

Ces institutions sont désignées sous le nom de « banques et institutions nationales de développement » (national promotional banks and institutions). Au-delà de la diversité de leurs missions et de leurs organisations, elles partagent des traits communs spécifiques : ce sont des investisseurs publics de long terme, dotés d'une légitimité institutionnelle et d'une expertise financière qui en font des interlocuteurs privilégiés des institutions communautaires, nationales et locales, intervenant dans la zone grise des projets qui ont un modèle économique, mais ne disposent pas d'un couple rendement-risque suffisamment attractif pour permettre aux institutions financières classiques d'intervenir. Ces acteurs sont fortement identifiés dans leur ancrage local et ont en commun à la fois leur robustesse et leur appétence au financement de long terme. La plupart sont membres de l'Association européenne des investisseurs de long terme (European Association of Long Term Investors, ELTI10), elles participent dans leur activité quotidienne aux mêmes objectifs que ceux poursuivis par la Politique de cohésion ou les grands programmes européens, et sont, à ce titre, potentiellement les acteurs clés d'une transition réussie des modes d'action de l'UE.

Une étude récente met en évidence la diversité des modes d'implication de ces acteurs dans la distribution des ressources européennes : cofinanceurs, coinvestiseurs, intermédiaires et gérants délégués, ces institutions sont impliquées dans la distribution aussi bien des instruments financiers de la Politique de cohésion que de ceux du Plan d'investissement pour l'Europe, et demain de ceux d'InvestEU (Eulalia, 2018).

Les NPBI  (national promotional banks and institutions) : gestionnaires des instruments financiers issus des fonds structurels

Au cours de la programmation 2014-2020, de nombreuses NPBI ont développé une réelle expertise dans le soutien aux autorités locales qui souhaitaient s'approprier le fonctionnement des instruments financiers issus des fonds de la Politique de cohésion. Certaines, à l'instar de la Malta Development Bank, ont même été créées dans le but explicite de catalyser ces financements européens. À titre d'exemple, la plateforme multirégionale de garantie AGRI ITALIE11 associe les ressources FEDER de huit régions italiennes (80 M€), complétées par la Cassa Depositi e Prestiti (CDP) italienne et le Groupe BEI (420 M€), afin de constituer un portefeuille de prêts de 1 Md€ à destination des exploitations agricoles et dédiées à la production, à la transformation et à la commercialisation de produits agricoles.

Des logiques de coinvestissements innovantes pour remédier aux fractures territoriales : les fonds paneuropéens multipartenariaux

En parallèle, des logiques de coinvestissements associant les NPBI avec la Commission européenne et la BEI ont démontré la plus-value pour l'UE d'associer les NPBI, acteurs financiers connus et reconnus localement, ayant une connaissance fine des problématiques nationales, sachant travailler au plus près du terrain avec les acteurs publics et privés. Ainsi le Fonds européen pour la promotion de l'efficacité énergétique, lancé en 2011, pour un montant de 265 M€, qui associe la Commission européenne, la BEI, la CDP et la Deutsche Bank (gestion du Fonds), finance opportunément des projets dans l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

De même, le Fonds Marguerite II (700 M€), capitalisant sur le succès du Fonds Marguerite I, associe depuis 2017 de nombreuses NPBI12 aux côtés de la BEI. Fonds paneuropéen, il cible les infrastructures dans les énergies renouvelables, l'énergie, les transports et le numérique.

Autre exemple, le Fonds Broadband (420 M€) associe depuis 2018 la Commission européenne, la BEI, la KfW allemande, la CDP et la Caisse des Dépôts pour financer les projets de raccordements dans les zones les moins couvertes telles que les réseaux d'initiative publique (RIP) portés par les collectivités locales en France.

Une implication renforcée grâce au Plan Juncker (2015-2020)

Le Plan Juncker a été un élément important de cette dynamique d'optimisation des crédits communautaires et de mobilisation des NPBI, la grande majorité d'entre elles, quelle que soit leur taille, s'étant mobilisée pour relayer et compléter les investissements de la Commission européenne et de la BEI (17 institutions à travers l'UE ; Eulalia, 2018). Au début de 2018, le Plan Juncker avait ainsi permis de générer 335 Md€ d'investissements (dont deux tiers par un effet de levier sur des financements privés), notamment à destination des PME ou de gros projets d'infrastructures.

Les perspectives offertes par son successeur :
le programme InvestEU (2021-2027)

La grande novation associée à la proposition InvestEU tient à l'ouverture d'une voie d'accès directe à la garantie communautaire pour les NPBI, aux côtés de l'accès intermédié par la BEI (qui restera le mode d'accès prépondérant). C'est un enjeu important pour le financement des projets de territoire, d'une taille plus modeste que les projets financés jusqu'à présent par le Plan Juncker. Cet accès direct est crucial pour donner corps aux financements européens sur le terrain. En rapprochant les modes de financement des projets, il devrait permettre aux instruments financiers européens de sortir de l'image lointaine et bureaucratique qui leur est souvent accolée.

À cet égard, le déploiement du programme InvestEU devra mettre en œuvre concrètement le principe de subsidiarité et permettre aux NPBI un véritable accès direct à la garantie de l'UE. Cela favorisera le renforcement du réseau de partenaires financiers nationaux au service d'une distribution plus efficiente de la ressource européenne, associant les écosystèmes territoriaux. L'impact et la visibilité des politiques européennes ne s'en trouveront que renforcés et entreront en synergie avec les autres programmes communautaires et nationaux de la Politique de cohésion.

Cette implication directe des NPBI est également le gage d'un investissement européen accru dans une classe d'actifs particulièrement importante pour la croissance de long terme et la cohésion sociale et territoriale, les infrastructures sociales. En effet, comme le montrent les travaux de la task force de haut niveau coprésidée par Romano Prodi et Christian Sautter, les infrastructures dans le secteur de la santé, de l'éducation et du logement social doivent faire l'objet d'efforts renouvelés de la part des autorités publiques en raison des externalités sociales qu'elles génèrent. Or, pour les financer, il convient de mettre en place des instruments qui répondent à trois exigences : identifier les projets (labeling), les regrouper dans des portefeuilles diversifiés (bundling) et les financer avec une combinaison de ressources subventionnelles et financières (blending). Comme le souligne le rapport de la task force Prodi-Sautter (2018), les NPBI sont des acteurs particulièrement bien équipés pour gérer des instruments qui satisfassent à ces exigences.

La cohésion économique, sociale et territoriale – qui est un bien commun européen – se construit dans les territoires. La Politique de cohésion a montré la voie en étant pionnière en matière de décentralisation de la décision européenne. Le développement prévisible des instruments financiers devrait permettre d'aller plus loin dans cette voie, en favorisant le déploiement des politiques communautaires, au plus près des citoyens et de leurs besoins.


Notes

1 Article 3 du traité de Lisbonne sur l'UE.
2 La Politique régionale distingue trois catégories de régions : les régions les moins développées (PIB/habitant inférieur à 75 % de la moyenne de l'UE), les régions en transition (PIB/habitant entre 75 % et 90 % de la moyenne), les régions les plus développées (PIB/habitant supérieur à 90 % de la moyenne).
3 Commission européenne, 7e rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale, 2017.
4 Voir le site : https://ec.europa.eu/commission/priorities/jobs-growth-and-investment/investment-plan-europe-juncker-plan/investment-plan-results/investment-plan-france_fr.
5 Le Royaume-Uni contribue aujourd'hui à hauteur de 12 Md€ à 14 Md€ au budget de l'UE chaque année.
6 Et plus seulement en fonction seulement de la richesse.
7 Voir le site : https://www.senat.fr/leg/ppr17-580.html.
8 Généralisé par le règlement 2018/1046 du 18 juillet 2018.
9 Les instruments en gestion centralisée sont du ressort de la Commission européenne, avec une mise en œuvre assurée via des mandats (par opposition aux instruments financiers en gestion partagée, qui sont de la responsabilité partagée de la Commission et des autorités de gestion (en France, les Régions ou l'État)).
10 Voir le site : www.eltia.eu. Les membres français sont la Caisse des Dépôts et Bpifrance.
11 Voir le site : https://www.fi-compass.eu/sites/default/files/publications/095_EAFRD_Lo%20Castro.pdf.
12 Voir le site : www.marguerite.com. La Banque polonaise Gospodarstwa Krajowego (BGK), la Caisse des Dépôts, la CDP, la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) allemande, l'Instituto de Crédito Oficial (ICO).

Bibliographies

Eulalia R. (2018), « Mieux utiliser les fonds publics : le rôle des banques et institutions nationales de développement dans le prochain budget communautaire », Institut Jacques Delors, août.
Prodi R. et Sautter C. (2018), « Boosting Investment in Social infrastructure in Europe », Commission européenne, Discussion Paper, no 074, http://eltia.eu/images/Boosting_investment_in_Social_Infra-structure_in_Europe.pdf.