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 Les grandes entreprises françaises face aux fonds souverains


Thibaut SARTRE Directeur de la stratégie financière, de l’immobilier et de la modernisation, Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
L’arrivée encore modeste de capitaux de fonds souverains ces dernières années dans l’économie française doit être considérée de façon globalement positive. D’une manière générale, l’enjeu aujourd’hui est moins de se protéger contre un afflux d’investissements que de se prémunir contre le risque d’un relatif désintérêt des fonds originaires de pays émergents.Les grandes entreprises françaises présentent des atouts majeurs pour les attirer et les associer à leur croissance. La stratégie à mettre en œuvre pour attirer les fonds souverains doit reposer principalement sur les acteurs économiques mais aussi sur l’affirmation d’une diplomatie politico-économique ciblée sur les fonds. L’influence de la France dans les équipes de gestionnaires de fonds devrait également être activement recherchée.

Bien que le premier fonds souverain ait fait son apparition il y a près de soixante ans (le Koweït a créé le Kuwait Investment Board en 1953 pour placer les revenus de la rente pétrolière), les débats sur la place des fonds souverains dans l’économie française sont relativement récents. Leur actualité est due sans aucun doute à plusieurs phénomènes (poids croissant des actifs gérés par les fonds, importance des déséquilibres commerciaux et de la rente des matières premières, extension des fonds dans de nouvelles puissances émergentes à l’instar de la Russie ou de la Chine), qui ne semblent pas passagers, et surtout à l’entrée récente au capital d’entreprises françaises de fonds souverains alors que ces derniers étaient jusqu’alors absents du financement de l’économie nationale, du moins de façon visible1.

Alors que les autorités publiques (via le gouvernement ou le Parlement) se sont exprimées – de façon contradictoire – à plusieurs reprises sur l’attitude à tenir vis-à-vis de ces acteurs de l’économie mondiale2, les entreprises sont restées à ce stade plutôt discrètes à leur égard, du moins publiquement, ce qui n’a pas empêché certaines d’entre elles de conduire une politique active de contacts avec ces fonds et, parfois, de les accueillir à leur capital.

Alors que les entreprises françaises n’ont été pour l’heure que peu concernées par les investissements des fonds souverains, elles manifestent une attitude positive pour les accueillir en raison de leur besoin d’investisseurs de long terme et des perspectives commerciales qui s’ouvrent ainsi à elles. Il est donc nécessaire de mieux articuler actions politiques et actions économiques pour séduire ces investisseurs qui pourraient se détourner des économies occidentales, tout en les orientant vers les investissements où leur présence serait la plus utile.

Un besoin important d’investisseurs de long terme auquel répond l’arrivée progressive de fonds souverains dans les grandes entreprises françaises

Les entreprises françaises ont besoin d’investisseurs de long terme

Le niveau de l’épargne des entreprises et la structure de celle des ménages rendent indispensable l’apport de capitaux extérieurs pour les entreprises

À la différence de certains États européens comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne (sans parler de la Norvège qui, grâce à la rente pétrolière, dispose de l’un des fonds souverains les plus importants)3, l’économie française souffre d’un manque d’investisseurs de long terme susceptibles d’apporter aux entreprises une grande quantité de capitaux de nature à financer leur développement. En effet, la faiblesse des fonds de pension constitue aux yeux des entreprises un handicap pour le financement de l’économie et la création du Fonds stratégique d’investissement (FSI) (doté de 20 Md€ de fonds) constitue un outil jugé intéressant, mais qui ne peut répondre seul aux besoins de capitaux longs des entreprises françaises.

Par ailleurs, le montant croissant des déficits publics et sociaux conduit à drainer massivement l’épargne nationale vers le financement de la dette publique (20 % du PIB en 1980, 85,4 % en 2011) au détriment de l’investissement en actions ou en obligations d’entreprises.

L’épargne des ménages atteint un niveau voisin de celui observé dans les États européens, mais elle est structurellement concentrée sur les actifs immobiliers et les obligations du Trésor, un tiers seulement étant constitué de la partie financière. Cette part des actifs non financiers dans l’épargne des ménages est particulièrement prépondérante en France : ainsi, elle était en 2004 de 73 %, contre 65 % en Allemagne et au Royaume-Uni et 46 % aux États-Unis. Les actions détenues directement par les ménages représentaient environ 20 % de leur patrimoine total à la fin de 2007 (dont les trois quarts sous forme d’actions non cotées). Ce pourcentage est même tombé à 15 % à la fin de 2008.

Les grandes entreprises françaises cotées perçoivent donc aujourd’hui les fonds souverains comme des investisseurs de long terme leur permettant de disposer d’un actionnariat plus stable et donc de mener une politique de développement industriel sans la menace de voir ces fonds propres se retirer en cas de rendement immédiat insuffisant, à la différence des hedge funds largement décriés.

En stock, les fonds souverains disposent certes d’encours plus limités que les fonds de pension ou les actifs des compagnies d’assurances, mais en flux, leur rôle sera primordial en raison de leur croissance rapide et de leur plus grande disponibilité pour les investissements en actions.

S’il existe potentiellement beaucoup d’investisseurs de long terme dans l’économie (à commencer par les ménages, l’État, les banques ou les compagnies d’assurances), ni les ménages, ni les États, ni les banques et ni les compagnies d’assurances ne sont en mesure de répondre seuls à la nécessité d’orienter l’épargne vers les besoins de financement long de l’économie. Dans un tel contexte, les fonds souverains apparaissent bien comme des pourvoyeurs de capitaux qu’il convient de ne pas rejeter, d’autant que le taux de rotation de leurs actifs semble relativement faible comparé à ceux d’autres investisseurs, accréditant ainsi leur horizon plutôt long-termiste (Agoudi et Alcouffe, 2008)4.

Un besoin permanent renforcé par les nouvelles règles concernant les assurances (Solvabilité II) et les banques (Bâle III)

Les compagnies d’assurances constituent traditionnellement l’un des financeurs les plus importants des entreprises françaises : en 2009, selon la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances), l’investissement en actions des sociétés françaises d’assurances s’établissait à 230 Md€ sur un total d’investissement de 1 600 Md€ dans l’économie, dont 850 Md€ dans les entreprises5. Toutefois, l’entrée en vigueur en 2012 des dispositions de la directive Solvabilité II introduit des modifications profondes par rapport aux règles prudentielles actuelles qui pourraient décourager l’investissement en actions des entreprises d’assurances. D’ores et déjà, entre 2006 et 2008, la part des actions dans les investissements des assurances est passée de 17 % à un peu plus de 9 %.

Les assureurs pourraient donc devoir considérablement augmenter leurs capitaux propres réglementaires pour conserver autant d’actions qu’actuellement. Ils seraient donc contraints de lever des fonds sur les marchés financiers ou conduits à se détourner des actions, notamment celles des PME, voire des obligations d’entreprises.

Pour ce qui concerne les banques, les règles de Bâle III pourraient nuire aux investissements de long terme dans l’économie. Ainsi, les activités les plus risquées (dont les actions) devraient voir leurs fonds propres alloués sensiblement renforcés et les établissements de crédit ne pourraient investir dans des actifs à long terme qu’avec des ressources à long terme.

Les fonds accroissent progressivement leur présence dans le capital des grandes entreprises françaises

Bien que le capital des grandes entreprises françaises soit très largement ouvert aux investisseurs non-résidents (à la fin de 2009, les non-résidents détenaient 404,5 Md€ d’actions des sociétés françaises entrant dans la composition de l’indice du CAC 40 sur une capitalisation boursière totale de ces sociétés de 955,4 Md€, soit 42,5 %), le poids des fonds souverains reste pour l’heure limité bien qu’en croissance régulière.

L’analyse de la présence directe des fonds souverains au capital des entreprises françaises fait ressortir une certaine concentration dans quelques secteurs d’activité et la prépondérance du fonds qatari (cf. tableau 2 ci-après). De plus, leur présence dans l’économie nationale ne se limite pas à des participations dans de grandes entreprises cotées et s’étend à l’immobilier de prestige. Ainsi, QIA (Qatar Investment Authority) a acquis l’hôtel Majestic à Cannes et le Royal Monceau à Paris.

L’ensemble de ces participations connues dans des entreprises cotées représentent environ 8 Md€ en décembre 2010 dont 1,8 Md€ pour la part détenue dans Total, 1,1 Md€ pour celle détenue dans Vinci et 0,9 Md€ pour celle détenue dans Sanofi-Aventis. Elles restent limitées, mais sont en croissance régulière (seules deux opérations de vente de participations directes sont connues à ce stade : celle de QIA qui a cédé 2 % du capital de Suez Environnement au début de 2010 et celle de DIC – Dubai International Capital – qui aurait cédé ses parts dans EADS).

Les entreprises françaises sont moins ciblées par les fonds souverains que leurs concurrentes européennes (et notamment celles du Royaume-Uni en raison du poids des investissements dans le secteur financier). En effet, selon une étude récente de la Deutsche Bank, entre 1995 et 2009, le montant des investissements de fonds dans l’économie française aurait atteint 6,6 Md$, contre 8,2 M$ dans l’économie allemande et 28 M$ dans les entreprises britanniques.

Les fonds souverains ne sont pas entrés au capital des principales institutions financières françaises alors qu’ils ont réalisé des investissements substantiels dans les établissements financiers anglais ou américains, à l’instar, par exemple, de Barclays (7 % par QIA qui s’en est par la suite retiré, 2 % par Temasek), Carlyle (7,5 % par ADIA – Abu Dhabi Investment Authority) ou Citigroup (4,9 % par ADIA et 4 % par GIC – Government of Singapore Investment Corporation), et plus marginalement allemands (2,2 % de Deutsche Bank par DIC) et suisses (9 % d’UBS par GIC et 9,9 % de Crédit suisse par QIA).

Cependant, ce comportement est sans doute moins lié à un éventuel défaut d’attractivité du secteur financier français qu’à sa relativement bonne résistance lors de la crise financière, aux prêts fournis par l’État aux banques françaises ainsi qu’aux déboires subis par les fonds souverains dans leurs investissements du début de la crise financière.

Mener une politique lucide d’attrait pour se prémunir contre un risque de désintérêt des fonds souverains

Le débat sur les fonds souverains a fréquemment été alimenté en France ces dernières années par les craintes d’une prise de contrôle des grandes entreprises par les fonds souverains et les risques de délocalisation et de transfert de technologies qui y seraient associés. Ces craintes se sont aussi manifestées en Allemagne lorsque ce pays a envisagé en 2008 de durcir sa loi relative au commerce extérieur pour mieux encadrer les investissements de fonds souverains sur son territoire, avant d’y renoncer sous la pression des milieux économiques.

Aujourd’hui, l’enjeu semble être davantage d’éviter que les fonds ne se détournent des grandes entreprises françaises, alors que leurs besoins en capitaux seront importants dans les années à venir. Il est donc indispensable de mettre en place une stratégie adaptée, tant au niveau politique qu’au niveau des acteurs économiques, pour faire valoir les atouts des entreprises françaises et attirer les fonds.

Il est urgent d’agir pour que les fonds souverains ne se détournent pas de l’économie française

La crainte d’une prise de contrôle d’une entreprise par un fonds souverain est restée jusqu’à présent théorique

À l’exception notable de Cegelec que QIA a acquis en intégralité – avant de le revendre à Vinci –, les fonds souverains ont généralement limité leur présence au capital des entreprises européennes à un seuil maximal de 10 %. Ainsi, en France, les parts les plus importantes détenues par un fonds dans une entreprise française sont-elles de 6,6 % dans Lagardère et de 5,7 % dans Vinci. Certaines de ces participations sont d’ailleurs plafonnées par accord – sans valeur contraignante toutefois – entre la direction de l’entreprise et le fonds.

Cette participation très minoritaire des fonds n’est toutefois pas systématique dans les entreprises étrangères. QIA a ainsi acquis 27 % de Sainsbury et le fonds émirati International Petroleum Investment Company (IPIC) a acquis 19,6 % du pétrolier autrichien OMV.

À ce jour, aucun fonds n’a réellement cherché une prise de contrôle sur une entreprise française et les démarches récentes des fonds souverains à leur endroit n’apportent aucune preuve tangible liant les investissements des fonds souverains à des intérêts politiques. La prise de participations publique jugée la moins « amicale » dans une entreprise française n’a d’ailleurs pas été le fait d’un fonds souverain, mais de la banque publique russe VTB (Vneshtorgbank) qui a acquis 5 % du capital d’EADS avant de les céder peu de temps après.

De plus, lorsqu’il est actionnaire d’une société, et à l’exception de quelques situations comme celle de Vivendi, Vinci ou Veolia, le fonds souverain est généralement absent du conseil d’administration, non du fait d’un refus de la société d’accueil de l’y voir représenté, mais plutôt en raison de l’absence de demande en ce sens de la part de cet investisseur.

Le risque d’un désintérêt des fonds pour l’économie française est réel

La plupart des fonds souverains, tant dans le Golfe que dans les grandes économies émergentes, ont fait le choix d’investir dans les entreprises occidentales. Si seul le fonds malaisien Khazanah (environ 25 Md$ d’actifs) n’effectue, pour l’heure, que des investissements domestiques, la Chine a indiqué qu’elle souhaitait que CIC investisse plus massivement dans les entreprises domestiques et en juillet 2010, le fonds singapourien Temasek a indiqué que la part des actifs asiatiques dans son portefeuille était de 78 %, soit 4 points de plus que l’année précédente, répondant ainsi à la stratégie affirmée de son management de recentrer ses investissements dans les pays émergents d’Asie. La croissance soutenue dans de nouvelles zones géographiques (l’Amérique latine et du Sud en particulier) offrira de nouvelles opportunités d’investissement aux fonds souverains.

Quelques études ont démontré ce risque de façon empirique. Ainsi, Bernstein, Lerner et Schoar (2009), qui ont étudié spécifiquement l’investissement en private equity des fonds, ont montré que ces derniers investissaient prioritairement dans leur économie nationale quand bien même ces investissements locaux étaient relativement sous-performants. Chhaochharia et Laeven (2009) ont démontré que les fonds souverains investissent prioritairement dans des pays culturellement familiers et dans les grandes entreprises.

Enfin, d’après l’étude conduite par le groupe Monitor sur les 113 investissements réalisés par les fonds souverains et rendus publics par ces derniers en 2009, 60 ont été réalisés dans les économies émergentes, représentant près de 40 % des montants investis cette année-là (27 Md$ sur 69) (Monitor, 2010). Le premier investissement, par son montant, est d’ailleurs un investissement domestique puisqu’il s’agit de 13,2 Md$ investis par QIA dans la Qatar Railways Development Company (QRDC) aux côtés de la Deutsche Bank.

La faiblesse de la croissance et la maturité des marchés en Europe, et en particulier en France, offrent globalement des perspectives de rendements des investissements en actions sans doute plus faibles que dans les pays émergents qui concentrent désormais une part prépondérante des introductions en Bourse. Sur le premier semestre 2010, les opérations se concentrent en Asie puisque 331 des 590 opérations viennent de ce continent.

De plus, l’évolution comparée des indices boursiers indien, chinois, brésilien et européen (DJ Eurostoxx 50) souligne bien la modestie des plus-values liées aux investissements en actions dans les entreprises européennes. Entre 2004 et 2010, les indices boursiers du Brésil et de l’Inde ont été multipliés par quatre, celui de Shanghai et Hong Kong par deux, alors que le DJ Eurostoxx 50 avait, en mai 2011, à peine retrouvé son niveau de janvier 2004.

La France peut toutefois être attractive pour les fonds souverains : si les perspectives de croissance y sont peut-être plus modestes, elle présente aussi un profil de risque modéré, ce qui peut séduire les fonds souverains qui sont à la recherche d’investissements de long terme assez sûrs.

Maintenir une réglementation protectrice des intérêts stratégiques en refusant tout traitement discriminatoire des fonds souverains

La réglementation française concilie protection des intérêts stratégiques et ouverture aux investissements étrangers

Comme ses principaux voisins, la France s’est dotée d’un mécanisme de contrôle des investissements étrangers qui n’est toutefois pas général, mais qui protège un certain nombre de secteurs jugés essentiels à la préservation de la souveraineté nationale et à la sécurité du pays. L’existence d’une telle réglementation restrictive est d’ailleurs bien comprise par les fonds souverains qui dépendent eux-mêmes d’États assez restrictifs sur les possibilités de prises de participations étrangères dans leurs entreprises.

Le décret no 2005-1739 du 30 décembre 2005, codifié dans le Code monétaire et financier, réglemente certains investissements réalisés par une personne physique étrangère, ou par une entreprise ayant son siège à l’étranger (hors Union européenne et espace économique européen), qui doit au préalable obtenir une autorisation du ministre en charge de l’économie lorsqu’elle souhaite, entre autres, franchir le seuil de 33,33 % de détention directe ou indirecte du capital ou des droits de vote d’une entreprise dont le siège social est établi en France.

Cette procédure ne concerne que sept secteurs d’activité dans le domaine de la sécurité publique et quatre dans celui de la défense. Des dispositifs spécifiques s’appliquent au domaine des télécommunications et des médias (loi no 2007-309 du 5 mars 2007) et à celui des banques.

Cette réglementation a jusqu’à présent été perçue comme suffisante par les entreprises françaises qui ne souhaitent pas la voir remise en cause pour plusieurs raisons :

  • premièrement, les évolutions législatives et réglementaires sur les investissements étrangers sont de nature à déstabiliser les comportements des investisseurs qui redoutent l’instabilité des règles qui leur sont applicables ;
  • deuxièmement, la réglementation française définit des secteurs protégés de façon suffisamment précise pour ne pas brider à l’excès les investissements étrangers dans l’économie ;
  • troisièmement, toute réglementation spécifique concernant les fonds souverains pourrait conduire à une stigmatisation de ces investisseurs qui, jusqu’à présent, n’ont entrepris aucune démarche hostile et ont toujours limité leurs prises de participations à une fraction très minoritaire du capital. Aspirant à être perçus comme des investisseurs « comme les autres », ces fonds, qui font de leur discrétion l’une des marques de leur comportement, réagiraient sans doute très négativement à une réglementation les concernant spécifiquement.

La définition d’une réglementation au niveau européen, si elle a été considérée par le commissaire européen compétent, semble difficile à envisager

Le commissaire européen Peter Mandelson a abordé en 2008 la possibilité de mettre en place une golden share européenne pour préserver les intérêts stratégiques des entreprises visées par les fonds souverains. La mise en place d’un « filet de sécurité » conçu à l’échelle de l’Union européenne pourrait ainsi protéger certains secteurs sensibles. En novembre 2010, le commissaire européen Antonio Tajani évoquait l’hypothèse, en réaction au projet d’investissement chinois dans le secteur du câble, de la mise en place d’une réglementation fédérale européenne pour les investissements étrangers (type CFIUS – Committee on Foreign Investment in the United States – qui confère des pouvoirs importants au président des États-Unis) lorsque ces derniers concernent des secteurs « sensibles » notamment du point de vue technologique.

Si l’idée d’une réglementation commune aux Vingt-Sept peut sembler en première approche séduisante, elle risque de se heurter aux pratiques et à des définitions très divergentes des États à l’heure actuelle sur la qualification d’un investisseur étranger, le régime juridique du contrôle (autorisation préalable, déclaration a posteriori…) et l’étendue des secteurs protégés, aussi bien qu’à une approche politique éventuellement très différente sur la question, notamment de la part de pays les plus intéressés par le développement de leurs investissements à l’étranger et sensibles au risque de représailles. On peut douter qu’il existe un consensus pour transférer au niveau communautaire un sujet aussi sensible pour les États. En toute hypothèse, une telle réglementation n’aurait de sens que si elle s’appliquait au moins autant aux entreprises qu’aux fonds souverains.

Si l’adoption d’une réglementation spécifique encadrant l’action des fonds souverains n’est pas opportune, la définition de règles de bonne conduite associant les fonds et les États occidentaux peut s’avérer plus judicieuse. À cet égard, le groupe de travail sur les fonds souverains réuni dans le cadre du Fonds monétaire international (FMI) a défini en octobre 2008 un certain nombre de « principes et de pratiques généralement acceptés » destinés à réguler l’action des fonds.

À ce stade, la mise en œuvre de ces principes est restée très largement tributaire de la bonne volonté des fonds et nombre d’entre eux n’ont guère progressé tant sur la mise en place de « structures de gouvernance transparentes » que sur la publication de « rapports annuels et d’états financiers […] relatifs aux opérations et à la performance du fonds souverain […] établis conformément aux normes comptables internationales ou nationales reconnues ». Toutefois, l’élaboration de cette soft law constitue une occasion importante de dialogue entre les fonds et les États de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui ont été associés au groupe de travail du FMI, et de faire converger progressivement les pratiques des fonds vers des niveaux de transparence et d’information plus élevés.

Mieux valoriser les atouts des entreprises françaises pour séduire les fonds souverains

Si les entreprises françaises présentent des atouts indéniables pour séduire les fonds souverains, elles souffrent également de handicaps (qui souvent ne leur sont pas imputables). Au-delà de l’importance de la parité de change euro/dollar qui est déterminante puisque les actifs des fonds souverains sont détenus en dollars, les investissements de ces derniers sont en partie déterminés par des facteurs guidant plus généralement les investissements étrangers.

Ainsi, la stabilité réglementaire et fiscale, qui est jugée insuffisante par les entreprises, constitue sans nul doute un handicap pour attirer de l’investissement étranger6. Par ailleurs, en certaines occasions, la France a parfois pu apparaître – dans la forme plus souvent que sur le fond – comme un pays peu ouvert aux prises de participations étrangères avec un État prompt à intervenir pour défendre ses « fleurons ». L’ouverture réelle de la France aux investissements étrangers ne correspond pas à l’image qui est généralement répandue : la constance d’un discours politique correspondant à la pratique d’ouverture positive le plus souvent suivie renforcerait son attractivité.

Des champions mondiaux avec une activité croissante dans les pays émergents

Les investissements actuels des fonds souverains témoignent d’une aversion au risque assez modérée ou proportionnée à la rentabilité (même si dans les faits, un certain nombre d’investissements dans le secteur financier britannique et américain se sont révélés risqués) et de préférence donnée aux entreprises déjà bien établies dans leur secteur. Dès lors, le rang des grandes entreprises françaises dans l’économie mondiale constitue sans doute un atout important pour attirer les fonds souverains dans leur capital. Ainsi, dans le classement de Fortune des 500 premières entreprises mondiales par l’importance du chiffre d’affaires en 2009, 39 entreprises françaises sont représentées.

Alors que les fonds sont principalement issus des pays émergents, les entreprises françaises présentent des atouts majeurs dans la mesure où leur développement reposera davantage dans les années à venir sur les économies émergentes. La part importante du chiffre d’affaires de certaines entreprises françaises dans les pays émergents constitue un avantage pour drainer les capitaux des fonds souverains dans l’économie nationale. Ainsi, en 2009, les pays émergents d’Asie, d’Amérique latine et du Moyen-Orient ont généré en moyenne 30 % des revenus des sociétés du CAC 40.

Cette situation devrait encore se renforcer dans les années à venir : certaines grandes entreprises ont d’ores et déjà prévu de développer massivement leurs investissements dans les pays émergents, comme Michelin, qui devrait y réaliser 1,6 Md€ d’investissements d’ici à 2012, L’Oréal, qui souhaite y réaliser 50 % de son chiffre d’affaires, ou Carrefour, qui sur 164 magasins ouverts dans le monde en 2009 en a ouvert 22 en Chine et 54 au Brésil.

Enfin, dans une logique de coinvestissement, les entreprises françaises pourraient bénéficier de leur implantation dans les marchés émergents, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, pour convaincre des fonds souverains du Golfe d’investir à leurs côtés dans ces régions. Les fonds sont d’ores et déjà associés à des projets d’investissement locaux (à l’instar de GDF Suez, par exemple) ou à des joint ventures avec des entreprises françaises (Vinci et Veolia, entre autres exemples).

La réalisation de partenariats industriels entre les entreprises françaises et les États d’origine des fonds constitue d’ailleurs l’une des premières conditions d’attrait des fonds souverains au capital des entreprises françaises en permettant de fonder la relation sur des intérêts réciproques. Au-delà du simple rôle de financeur (et de la valorisation que les fonds peuvent retirer de leur investissement), ces derniers sont en effet sensibles à la place de partenaires qui peut leur être accordée dans un projet industriel.

Cette interdépendance forte entre les économies européennes et celles des pays émergents constitue sans doute le levier le plus puissant pour ouvrir les marchés domestiques aux entreprises occidentales lorsque celles-ci accueillent dans leur capital des fonds souverains. La réciprocité des investissements est cependant encore loin d'être acquise et doit faire l’objet de démarches constantes pour obtenir des progrès en la matière (cf. supra).

Des marques prestigieuses auxquelles les fonds sont sensibles

Outre la dimension financière de leurs investissements, les fonds souverains sont relativement sensibles au prestige des marques qu’ils acquièrent ou dont ils deviennent actionnaires. Ainsi, au-delà des investissements dans l’immobilier de luxe déjà mentionnés, plusieurs d’entre eux ont acquis ou sont devenus actionnaires de marques européennes prestigieuses : QIA chez Porsche, Mubadala dans Ferrari ou KIA dans Daimler-Chrysler7. Le fonds chinois CIC a également investi dans le secteur du luxe en prenant 1,1 % du capital de la société britannique Diageo spécialisée dans les alcools et propriétaire de marques mondialement réputées (Smirnoff, J&B…).

L’économie française, qui compte un nombre important de marques de prestige dans le domaine du luxe en particulier, pourrait donc constituer des investissements d’intérêt pour les fonds souverains.

La stratégie d’attrait des entreprises doit être soutenue par une démarche active au niveau politique

Appuyer les démarches individuelles par un dialogue politique continu à haut niveau avec les fonds souverains Étendre les compétences de l’AFII aux investissements financiers

Nombre d’entreprises françaises ont engagé des démarches à l’endroit des fonds souverains dans le cadre de roadshows. Toutefois, à ce stade, dans la majeure partie des cas, l’arrivée des fonds souverains au capital des entreprises françaises a davantage fait suite à une initiative de ces derniers après une analyse approfondie de la pertinence de leur investissement qu’elle n’a été le résultat de démarches des entreprises françaises visant à les faire entrer dans leur capital.

De l’avis général, les entreprises pourraient être appuyées dans leurs démarches par l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) qui se concentre pour l’heure sur les investissements directs étrangers (IDE) en France. L’AFII jouissant d’une image reconnue à l’étranger et auprès des entreprises et constituant par ailleurs le principal outil de communication sur l’attractivité de la France, un élargissement de son champ de compétence pourrait être envisagé, d’autant que son réseau à l’étranger comprend déjà de nombreuses implantations dans les pays émergents et dans les pays d’origine des fonds souverains : Abou Dhabi, Shanghai, Singapour et, plus récemment, São Paulo.

Articuler les démarches individuelles avec une action forte au niveau politique

Si les initiatives individuelles des entreprises en direction des fonds souverains méritent d'être poursuivies et amplifiées, leur efficacité serait sans doute accrue si elles bénéficiaient d’un appui constant des autorités politiques. Les entreprises consultées le souhaitent dans leur très large majorité.

Alors que les dirigeants des fonds souverains (souvent intimement liés au pouvoir politique) sont sensibles aux égards qui leur sont manifestés au plus haut niveau de l’État et aux relations interpersonnelles qu’ils peuvent développer, il pourrait être utile qu’une personnalité de haut niveau alliant compétence diplomatique et connaissance intime du monde économique soit chargée de nouer les contacts nécessaires avec les dirigeants des principaux fonds souverains, particulièrement en Chine où l’image de la France reste brouillée. Dotée d’un statut quasi ministériel, elle s’appuierait sur les services déjà existants (ceux du ministère en charge de l’économie et l’AFII notamment) et n’aurait pas vocation à recréer une administration nouvelle. Elle permettrait surtout d’incarner la relation avec les fonds souverains et de nouer des relations intuitu personae indispensables avec les dirigeants de ces fonds. L’existence d’un tel « délégué général » permettrait à la fois de mieux attirer les fonds souverains, de canaliser leur intervention vers les secteurs ou les entreprises où cette dernière est plus particulièrement souhaitée et de les recentrer si nécessaire.

Si les fonds souverains constituent des acteurs financiers, leur imbrication avec le pouvoir politique (qui, le plus souvent, en exerce la direction stratégique effective) est très forte : dès lors, le dialogue avec les fonds souverains consiste bien en un dialogue indirect avec des autorités publiques auquel il est nécessaire que les gouvernements des États occidentaux participent.

La similitude des critères d’investissement entre les principaux fonds souverains et un certain mimétisme dans la stratégie d’acquisition d’actifs (à l’instar de ce qui a été observé lors de la crise financière avec des investissements massifs de la plupart des fonds, quels que soient leurs États d’origine, dans les grandes banques anglo-saxonnes, dans l’immobilier de prestige) rendent d’autant plus indispensable l’excellence des relations politiques entre la France et les États détenteurs des principaux fonds souverains, dont la localisation des investissements aura sans doute un effet d’entraînement sur les fonds de moindre importance.

La prépondérance du Qatar dans les investissements des fonds souverains en France est sans doute la conséquence économique positive de la très bonne qualité des relations diplomatiques qui se sont nouées au fil des ans avec l’émirat. Toutefois, il pourrait être utile que de telles démarches soient également engagées en direction d’autres États dont les fonds souverains gèrent des montants considérables d’actifs (le fonds Sama d’Arabie Saoudite détient 432 Md$ d’actifs, le fonds chinois CIC 288 Md$, le fonds singapourien Temasek 122 Md$) et qui sont quasi absents du capital des entreprises françaises.

Une stratégie efficace d’attrait des fonds souverains dans l’économie française pourrait donc s’articuler autour d’une association de l’action diplomatico-économique avec les démarches individuelles des entreprises. Sans prétendre orienter les investissements des fonds souverains, une telle action devrait assurer la promotion :

  • de secteurs de l’économie française où les besoins en capitaux stables sont majeurs, infrastructures de transport et d’énergie, par exemple ;
  • d’entreprises de taille inférieure à celles du CAC 40 ou jouissant d’une notoriété moindre.

Cependant, l’action politique ne doit pas conduire à interférer dans la négociation économique entre les fonds souverains et les entreprises et devrait principalement consister en :

  • l’entretien de relations personnelles fortes avec les dirigeants des fonds souverains (qui sont souvent aussi les principaux responsables politiques). À cet égard, l’entretien de relations personnelles entre les responsables des fonds et les dirigeants d’entreprise est de loin préférable et plus efficace que des relations institutionnelles classiques ;
  • la valorisation des atouts de la France et la communication sur l’intérêt des entreprises françaises pour les investisseurs étrangers.

C’est aussi à ce niveau, au-delà des instances internationales, que le dialogue doit être conduit pour faire progresser le principe de réciprocité des investissements et d’ouverture des marchés domestiques aux biens et aux services étrangers. Il est probable que l’arrivée progressive des fonds souverains dans le capital des entreprises françaises constituera un levier pour l’ouverture des marchés des pays dont émanent les fonds souverains, mais elle ne conduira pas nécessairement à effacer les asymétries entre les régimes des investissements étrangers.

Amplifier le dialogue entre investisseurs de long terme

Le dialogue doit aussi rester soutenu entre investisseurs de long terme en Europe et fonds souverains des États émergents. À cet égard, la création, à l’initiative de la Caisse des dépôts, du Club des investisseurs de long terme constitue une démarche pertinente.

Ce dialogue pourrait prendre une nouvelle dimension avec la conclusion de partenariats entre la Caisse des dépôts et les fonds souverains afin de favoriser l’investissement productif, à la condition que les investissements du FSI demeurent déterminés par des considérations économiques objectives. Il semble toutefois délicat d’envisager à grande échelle des participations conjointes entre les fonds souverains émergents et les fonds européens dans des entreprises en raison du caractère plutôt défensif des investissements de la Caisse des dépôts et du FSI.

Renforcer la capacité d’influence de la France à l’égard des fonds souverains

Une meilleure compréhension des comportements des fonds souverains, dans la définition de leurs stratégies et leurs choix d’investissement, est indispensable pour leur proposer des investissements adaptés à leurs attentes.

À cet égard, une présence accrue de Français ou d’analystes formés en France dans les équipes de gestionnaires de fonds souverains serait sans doute très bénéfique (pour l’heure, seul ADIA compte un directeur général français). Sans doute en raison de la formation initiale des gestionnaires de fonds souverains, la culture dominante reste plutôt anglo-saxonne, ce qui oriente pour une bonne part la stratégie d’acquisition vers les entreprises britanniques et américaines. Le renforcement des accords de formation et des échanges d’étudiants avec les pays d’origine des fonds (Moyen-Orient, mais aussi Asie) est donc une piste à privilégier, notamment pour les formations économiques et financières, même si un certain nombre d’initiatives ont déjà été prises en ce sens (entre autres exemples, l’ouverture d’un second campus de l’Essec à Singapour ou l’implantation de la Sorbonne à Abou Dhabi).

La faible présence française dans les fonds souverains n’est également pas sans lien avec le poids limité de la place financière de Paris, en particulier pour ce qui concerne la finance islamique. Les efforts récents pour attirer cette dernière à Paris ne pourront que contribuer à faire apparaître la France comme un lieu stratégique dans la carrière des analystes financiers, notamment ceux issus du Golfe. Réciproquement, la présence accrue des banques françaises dans le Golfe depuis deux ans (notamment à Bahreïn où se concentre une part importante de l’activité financière de la région) et en Asie du Sud-Est devrait à terme contribuer à l’intensification des liens entre les acteurs financiers français et les fonds souverains. Ainsi, BNP Paribas, Calyon et, plus récemment, Natixis ont installé leur siège régional à Bahreïn et le Crédit agricole a formé une coentreprise en Arabie Saoudite dans la gestion d’actifs avec la banque Saudi Fransi (dont elle détient 31 % du capital).

Les témoignages recueillis au cours de cette enquête ont montré l’ouverture des grandes entreprises à l’endroit des investisseurs de long terme et en particulier des fonds souverains, acteurs nouveaux dans le paysage économique français. Loin d'être considérés comme une menace, les fonds souverains sont perçus comme un atout indispensable au développement à long terme des entreprises et un levier supplémentaire pour pénétrer les marchés des pays émergents. Si quelques exemples récents d’investissements démontrent la pertinence de cette analyse, les entreprises françaises restent pourtant encore assez largement à l’écart des flux d’investissement des fonds souverains.

Quels que soient les atouts – nombreux – des entreprises françaises, attirer les fonds souverains dans un contexte de compétition mondiale accrue autour des capitaux de long terme nécessite une action concertée et durable tant au niveau des entreprises que des Pouvoirs publics. C’est désormais l’enjeu des prochaines années : nouer des relations de confiance dans la durée avec les fonds souverains et les États qui les possèdent pour contribuer au financement de l’économie.


Notes

Cet article est issu d’un rapport d’enquête réalisé sous la direction de Jean-François Théodore par l’Institut de l’entreprise, entre mai 2010 et août 2010, auprès de nombreux représentants des grandes entreprises françaises et d’autres acteurs du monde économique et financier. Il a été publié en février 2011.
1 De nombreux fonds, en réalisant de la gestion « indicielle », détiennent indirectement des parts marginales d’entreprises françaises à travers la détention d’OPCVM répliquant la performance des grands indices boursiers européens.
2 On peut noter en particulier : l’intervention du président de la République à Ryad le 14 janvier 2008 déclarant que « la France [était] ouverte aux fonds souverains », après avoir tenu quelques mois auparavant des propos moins encourageants à leur endroit ; ou encore les rapports parlementaires du sénateur Jean Arthuis (2007), du député Daniel Garrigue (2008) ou des députés Jean-Michel Fourgous et Olivier Dassault (2009). En 2008, la ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie a demandé à Alain Demarolle (2008), inspecteur général des finances, d’établir un rapport sur les fonds souverains.
3 La valeur estimée des actifs du Government Pension Fund norvégien est estimée à 474 Md$ à la fin de 2009, ce qui le placerait au deuxième rang des fonds souverains les plus importants après le fonds ADIA d’Abou Dhabi.
4 Le taux de rotation rapporte le montant annuel des mouvements de capitaux à la valeur totale des actifs du portefeuille. Il serait de 38,2 % pour les fonds souverains, 108,9 % pour les fonds de pension et 42,2 % pour les hedge funds.
5 Données FFSA 2009. Selon Lekehal, Durant et Guérin (2009), la part de 9,1 % d’actions dans les placements des assureurs français en 2008 se décompose en 5,3 % d’actions françaises, 2,7 % d’actions européennes et 1,1 % d’actions du reste du monde.
6 À titre d’exemple, chaque année, environ 20 % des articles du Code général des impôts sont modifiés.
7 Il s’agirait du plus ancien investissement d’un fonds souverain dans l’économie européenne, cette participation ayant été acquise en 1974.

Bibliographies

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