Revue d’économie financière REF 152
Le financement de la dépendance
Le financement de la dépendance
Introduction Accès gratuit
Perspectives démographiques et dépendance : un horizon en mutation
La dépendance en Europe : perspectives
Le vieillissement démographique entraîne une forte augmentation des besoins liés à la dépendance et à la perte d'autonomie partout en Europe. Cet article traite des questions de financement de la dépendance et de la fourniture des services qu'elle réclame. Il discute du rôle respectif du marché, de l'État et de la famille dans une perspective européenne.
Projeter le nombre futur de dépendants : une approche multifactorielle avec un modèle Probit
La France est entrée depuis quelques années dans un véritable choc démographique avec l'entrée aux âges avancés de la génération du baby-boom. Ce vieillissement de la population s'accompagne de challenges nouveaux, dont celui de la perte d'autonomie. Dans cet article, nous proposons une nouvelle approche pour estimer l'évolution de la dépendance en se basant sur l'estimation d'un modèle Probit à l'aide des données de l'enquête SHARE. Nous utilisons ensuite ces résultats pour projeter le nombre de dépendants à l'horizon de 2030 en France. Nos résultats montrent qu'il y aura près de 3 millions de dépendants en France à cette période. La grande spécificité de notre approche est qu'elle permet d'obtenir une grande flexibilité quant au profil futur des dépendants. Nous montrons notamment que 50 % des futurs dépendants auront des revenus inférieurs à 25 000 euros par an, les empêchant de se tourner, sans aide, vers un établissement de type EHPAD dont le coût annuel moyen est estimé à 26 000 euros.
Indicateurs de dépendance sur base de l'enquête SHARE : réflexions sur l'espérance de vie en bonne santé
L'espérance de vie a progressé de façon continue durant les dernières décennies en Europe. En 2021, l'espérance de vie à la naissance a atteint 85,5 ans pour les femmes et 79,3 ans pour les hommes, soit des gains respectifs de 2,5 ans et 3,8 ans au cours des vingt dernières années. L'objectif de cet article est de participer aux discussions actuelles relatives aux écarts entre l'espérance de vie et l'espérance de vie en bonne santé ou sans dépendance. Pour ce faire, nous calculons les taux de prévalence à partir de l'enquête sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe (SHARE) pour trois indicateurs : l'incapacité (GALI), la dépendance (ADL) et la qualité de vie (CASP). En utilisant les données de population pour calculer l'espérance de vie à 50 ans, nous suivons la méthodologie de Sullivan (1971) pour incorporer les taux de prévalence afin d'obtenir l'espérance de vie en bonne santé pour les trois indicateurs. Les résultats tendent à confirmer les différences entre les sexes en termes d'années de vie perdues, et ce, en défaveur des femmes en raison de leur moins bonne santé par rapport aux hommes à âge équivalent. Cet article suggère l'utilisation d'une mesure objective de la santé comme base de toute nouvelle politique de soins de santé ciblant les risques de dépendance. L'indicateur ADL apparaît comme le meilleur candidat.
Évoluer dans la prise en charge de la dépendance : des solutions innovantes
Comment repousser l'âge moyen d'entrée en dépendance ?
Alors que l'enjeu de la perte d'autonomie semble, par bien des aspects, si considérable qu'il nécessite des réformes extrêmement profondes et coûteuses, il est possible de décaler l'âge moyen d'entrée en dépendance avec des mesures à la fois ambitieuses et d'application relativement aisée. Pour cela, deux prérequis s'imposent : repenser l'accompagnement dans l'autonomie durant l'ensemble de la trajectoire de vie et aller au-delà des données moyennes pour lutter contre les inégalités face à la dépendance. Cet article propose deux ensembles de dispositifs pour l'autonomie, la lutte contre la sédentarité et le stress au travail ainsi que la pratique d'activités socialisées par les seniors, permettant de décaler d'au moins 3,2 ans l'âge moyen d'entrée en dépendance.
La prévention de la perte d'autonomie liée au vieillissement
Bien qu'elle augmente avec l'âge, la perte d'autonomie n'est pas la conséquence inéluctable du vieillissement. Sa prévention est donc primordiale. Elle est loin de n'être qu'une affaire de médecine : l'approche doit être globale et cet objectif doit intégrer de nombreuses politiques publiques. Dans un avis adressé au gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) présente ses préconisations autour de six grandes priorités : changer de regard sur la perte d'autonomie ; agir très en amont sur les facteurs de risques ; cibler les populations isolées et précaires ; mettre en place un « parcours de l'habitat » ; reconnaître le rôle majeur des professionnels de l'accompagnement et des aidants ; donner à la prévention toute sa place dans la gouvernance de la perte d'autonomie. Construire une politique de prévention de la perte d'autonomie globale et cohérente aura un coût. Mais il faut le considérer comme un investissement et le mettre en rapport avec le coût de l'« inaction ».
L'entreprise au chevet des aidants : une mobilisation indispensable
Les millions d'aidants que compte la France constituent une véritable richesse dont notre pays doit prendre conscience pour mieux la préserver. Incarnation de la solidarité intergénérationnelle, les proches aidants représentent un acteur clé dans l'accompagnement du bien-vieillir. Par les efforts qu'ils déploient auprès des seniors en difficulté, ils facilitent, voire rendent possible, le maintien au domicile des personnes en perte progressive d'autonomie, retardant bien souvent l'entrée en dépendance. Parmi ces millions d'aidants, nombreux sont ceux qui doivent concilier leur mission d'accompagnement d'une personne en situation de perte d'autonomie avec leurs exigences professionnelles. Les pouvoirs publics, les acteurs de la santé, du médico-social et le monde associatif ont tous un rôle essentiel à jouer pour venir en aide aux salariés-aidants. Mais l'entreprise doit aussi prendre sa part de responsabilité dans l'accompagnement de ce phénomène grandissant.
La dépendance des personnes âgées : quel(s) rôle(s) pour les femmes ?
Depuis plusieurs décennies, la majorité des pays de l'Union européenne fait face au vieillissement démographique. Une population plus âgée est associée à un risque accru de perte d'autonomie des individus et, par conséquent, à une augmentation des situations de dépendance, dont certaines requièrent de l'aide. Cette aide, qu'elle soit formelle ou informelle, est majoritairement fournie par les femmes. Aux grands âges, les femmes sont également plus touchées par des situations de dépendance. Du fait de leur espérance de vie plus longue et de la structure démographique des couples, où elles sont en moyenne plus jeunes que leur conjoint, elles ont plus de risque de se retrouver seules, à domicile, face à la dépendance. Aux grands âges, elles sont également plus nombreuses en maison de retraite.
Différences de mortalité en EHPAD et à la maison en Europe
La pandémie de Covid-19 a particulièrement touché la population âgée résidant dans les EHPAD. L'importante mortalité observée dans ces établissements pose la question de leur rôle sur la santé des résidents. Dans cet article, nous utilisons les données de l'enquête européenne SHARE pour estimer s'il y a une surmortalité dans les EHPAD avant même la pandémie. En contrôlant un certain nombre de caractéristiques importantes de la population âgée (statut socioéconomique, caractéristiques de santé et présence d'aidants informels potentiels) dans et hors des EHPAD, nous supposons que la différence de mortalité entre ces deux échantillons doit être attribuée à la manière dont ces institutions sont conçues et organisées. En utilisant des méthodes d'appariement, nous observons une surmortalité en Belgique, en Suède, en Allemagne, en Suisse, en Estonie et en République Tchèque, mais pas en France, aux Pays-Bas, au Danemark, en Autriche, en Italie et en Espagne. Cela soulève la question de l'organisation et de la gestion de ces institutions, mais aussi de leur conception et de leur financement.
Quel statut juridique et quelles missions pour des EHPAD à visage humain ?
Cet article analyse les causes et les remèdes potentiels des abus récemment mis en évidence dans le secteur des EHPAD en France. Il part du modèle de Dewatripont et Tirole (2023) qui analyse le lien général entre structure de marché et « degré d'éthique » des actions des entreprises qui y participent, et en tire des conclusions pour le secteur des EHPAD. Ce modèle indique que si la recherche de profit n'est pas le problème unique du secteur, dans un marché où les consommateurs/résidents ont du mal à évaluer la qualité du service et où le régulateur a montré ses limites, limiter l'intensité de cette recherche de profit semble clairement souhaitable. Après avoir brièvement discuté de l'évidence empirique sur la performance de ce secteur en perspective internationale, l'article évalue le côté plus ou moins prometteur des pistes suivies pour en améliorer le fonctionnement : prise de contrôle par le secteur public, « entreprise à mission » et réglementation renforcée.
Aide informelle à domicile et en EHPAD : déterminants, valeur monétaire et implication pour la répartition des coûts de la dépendance
L'aide informelle – aide fournie par l'entourage, essentiellement non rémunérée – est une composante cruciale de l'accompagnement de la perte d'autonomie chez les personnes âgées. À partir de travaux récents, cet article décrit l'aide informelle apportée aux personnes âgées en France, à domicile, mais aussi en EHPAD, notamment en analysant les facteurs associés au fait de recevoir de l'aide informelle. Il propose également une valorisation monétaire de cette aide aux activités de la vie quotidienne, qui permet de l'intégrer aux dépenses engagées par les ménages pour faire face aux coûts de la dépendance. Les résultats montrent que les logiques de l'aide informelle diffèrent pour les populations à domicile et en EHPAD, dont les caractéristiques se distinguent également. Intégrer l'aide informelle amène à reconsidérer à la hausse les coûts de la dépendance et notamment la part de la contribution des ménages.
Le financement de la dépendance par le biais des assurances : une approche préventive
Agissons sans tarder pour relever le défi de la dépendance liée à l'âge
La révolution démographique est en marche. Si l'on peut se réjouir de l'augmentation de l'espérance de vie de nos concitoyens, le vieillissement de la population n'est pas sans poser de multiples défis individuels et collectifs. Le thème de la dépendance liée à l'âge fait aujourd'hui des allers-retours dans le débat public sans qu'aucune solution pérenne n'émerge. Les assureurs sont déjà force de proposition avec les contrats dépendance qui couvrent 7 millions de personnes. Ils veulent aller encore plus loin et proposent d'inclure une garantie dépendance dans les contrats de complémentaire santé pour toucher le plus grand nombre. Dans cet article, nous détaillons cette proposition concrète qui répond aux attentes des Français de plus en plus inquiets et démunis face à ce risque.
Le marché de l'assurance dépendance
Cet article vise à tirer les leçons de l'analyse économique pour apprécier les possibilités de couverture assurantielle du risque de dépendance. Il part notamment du constat del'ambiguïté fondamentale du risque de dépendance. Il en résulte que les contrats visant à couvrir ce risque présentent une asymétrie fondamentale qui est source d'aléa moral. Ces caractéristiques déterminent, par-delà les limites intrinsèques des solutions existantes, les conditions d'une couverture optimale du risque, notamment par l'assurance, ainsi que les conditions dans lesquelles celle-ci pourrait renforcer la concurrence dans le secteur des établissements spécialisés et améliorer la qualité de leur offre.
Que peut-on attendre d'une assurance autonomie universelle dans le financement de la perte d'autonomie ? Évaluation à l'aide d'un modèle d'équilibre général calculable
L'objectif de cette étude est d'évaluer l'apport de la mise en place d'une assurance autonomie obligatoire pour répondre au problème de la perte d'autonomie des plus âgés. Cette évaluation est faite à l'aide d'un modèle macroéconomique d'équilibre général à générations imbriquées. L'intérêt d'un tel modèle est de permettre de mesurer les effets de la mise en place d'une assurance autonomie dont nous étudierons différentes modalités de financement, tant sur le plan macroéconomique qu'au niveau des individus. Le scénario central (sans assurance) est comparé à trois variantes d'assurance autonomie obligatoire, inspirées des travaux réalisés par Forette et al. (2018). Toutes les variantes sont basées sur les mêmes éléments s'agissant du degré de prise en charge : 1 275 euros pour les personnes en GIR 1-2 et 925 euros pour les personnes en GIR 3-4. Seul le mode de financement différencie les scénarios évalués.
La mauvaise perception des risques de longévité et de dépendance ne suffit pas à expliquer la faiblesse du marché de l'assurance dépendance (au Canada)
Cet article étudie certaines des raisons qui pourraient expliquer la faiblesse du marché de l'assurance dépendance au Québec et en Ontario. En utilisant des données d'enquête de 2016, nous expliquons que les biais de perception des risques démographiques (probabilité de survie et de dépendance) ne peuvent à eux seuls expliquer la faible demande pour un tel produit d'assurance. En particulier, même si les perceptions individuelles sont assez hétérogènes, les individus ont tendance en moyenne à surestimer leur probabilité de survie, ainsi que celle d'entrer en maison de retraite, menant plutôt à un surinvestissement en assurance dépendance qu'à un sous-investissement. Nous avançons que la raison la plus probable de la faiblesse de la demande pour l'assurance dépendance provient du fait que les individus ne connaissent pas ce type de produit financier. Ainsi, si les pouvoirs publics souhaitent encourager l'achat d'assurance dépendance, nous préconisons des campagnes de publicité visant à informer les assurés potentiels de l'existence de tels produits. Une piste additionnelle consisterait aussi à développer des produits d'assurance couplés.
D'autres perspectives de financement pour la dépendance, au-delà des sentiers traditionnels
Personnes âgées dépendantes : meilleur bien-être, nouvelles dépenses et nouveaux financements
Le choc du vieillissement de la population va se traduire, à l'avenir, par l'arrivée aux âges de la perte d'autonomie des générations nombreuses du baby-boom. Relever ce défi, tout en améliorant le bien-être des personnes âgées dépendantes, nécessite de repenser les politiques liées à la perte d'autonomie ; tout particulièrement, il faut accroître le taux d'encadrement dans les EHPAD, les rémunérations des soignants et les allocations pour les aidants informels. Les dépenses supplémentaires sont évaluées à environ 20 Md€ en 2030 et 30 Md€ en 2040. Afin de veiller à l'harmonie entre générations et de ne pas pénaliser les jeunes générations, cet effort de financement pourrait reposer sur une assurance dépendance obligatoire pour les personnes de plus 40 ans et sur l'important patrimoine accumulé par les seniors.
Financer la perte d'autonomie : la piste des prêts viagers hypothécaires et de l'assurance obligatoire
Dans un contexte de vieillissement de la population, la prise en charge de la perte d'autonomie reste un défi. Cet article explore deux canaux de financement, l'épargne individuelle – en particulier la mobilisation du patrimoine immobilier qui constitue l'essentiel de l'épargne des Européens – et la mutualisation des risques par une assurance obligatoire. À l'aide de l'enquête SHARE, nous microsimulons les trajectoires individuelles de perte d'autonomie et les capacités de financement des dépenses associées des 65 ans et plus dans neuf pays. Si, en France, seulement 5 % des personnes pourraient financer le coût de leur perte d'autonomie avec leur seul revenu, elles seraient 74 % à pouvoir financer une année de dépendance et 69 % à financer deux ans avec leur épargne et un prêt viager hypothécaire (PVH) souscrit à l'entrée en dépendance. Cette mobilisation du PVH pourrait se faire dans le cadre d'une assurance dépendance obligatoire qui couvrirait 100 % des dépenses au-delà d'une franchise évaluée en nombre d'années de dépendance. Un PVH sur une partie de la valeur du logement pourrait aider à payer la franchise ou les primes d'assurance.
Anticipation du risque de dépendance et patrimoine
Les gains importants d'espérance de vie aux âges élevés enregistrés au cours des décennies écoulées, conjugués avec l'arrivée au grand âge des générations du baby-boom, laissent anticiper une croissance rapide des coûts de prise en charge de la dépendance. Cette perspective alimente les débats sur le mode de financement souhaitable de la perte d'autonomie : en l'absence d'une couverture assurantielle suffisamment large et compte tenu de la difficulté à évaluer tant la probabilité de devenir un jour dépendant que les coûts associés, le risque est grand que les ménages anticipent mal leur effort d'épargne. Cet article s'inscrit dans cette problématique : en mobilisant les données de la vague 2020 de l'enquête Pat€r, nous cherchons à évaluer dans quelle mesure les ménages modulent effectivement leur effort d'épargne en fonction de leur estimation de la probabilité de perdre un jour leur autonomie de santé. À cet effet, nous estimons le patrimoine du ménage en fonction de l'auto-évaluation du risque de devenir un jour dépendant (toutes choses égales par ailleurs, notamment l'état déclaré de santé). De plus, une méthode de variable instrumentale permet de tenir compte de la possible endogénéité du risque anticipé de dépendance (on accumule moins si l'on est en mauvaise santé). Nos résultats montrent bien que plus on anticipe un risque de dépendance élevé, plus on accumule du patrimoine : calculé au risque de dépendance moyen, un écart type de probabilité en plus induit un patrimoine global supérieur de trois mois à huit mois de revenu permanent.
Chronique d'histoire financière
Les « dévaluations compétitives » des années 1930 : plus un mythe qu'une réalité
Finance et littérature
Huxley : le Meilleur des Mondes et les deux impasses de l'État-providence
Article divers
Comment l'incertitude à l'égard de la politique économique peut-elle affecter le marché boursier français dans un environnement riche en données ?
Nous examinons l'effet de la diffusion d'une information liée à la politique économique dans la zone euro sur le comportement des investisseurs sur le marché boursier français. Nous employons l'indice d'incertitude européen à l'égard de la politique économique proposé par Baker et al. (2016) comme proxy de l'incertitude de politique économique. Nous montrons que la réduction de l'incertitude à l'égard des politiques économiques dans la zone euro est importante dans la prise de décisions des intervenants sur le marché boursier ; notamment un choc de baisse de l'indice de Baker engendre des effets positifs sur les cours boursiers, ainsi que sur le niveau de la prime de risque globale du marché boursier français.