Revue d’économie financière REF 155
Financer la transition énergétique
Financer la transition énergétique
Introduction Accès gratuit
L'évaluation des besoins de financement
Investissements en faveur du climat : état des lieux et besoins en France et en Europe
En France, les investissements climat ont atteint 84 Md€ en 2022, avec des secteurs clés comme la rénovation énergétique des bâtiments (22 Md€), les véhicules bas-carbone (16 Md€) et les infrastructures de report modal (12 Md€). Cependant, pour atteindre les objectifs climatiques, il faudrait investir 58 Md€ supplémentaires chaque année jusqu'en 2030. En Europe, les investissements climat s'élèvent à 407 Md€ en 2022, représentant 2,6 % du PIB européen. Pour atteindre les objectifs de l'Union européenne, ces investissements doivent doubler, atteignant 813 Md€ par an, soit 5,1 % du PIB. En France, comme en Europe, combler le déficit d'investissements climat passe par une combinaison de politiques publiques, faisant intervenir des réglementations, la tarification du carbone et des financements publics.
Le financement de la transition énergétique : une décarbonation de long terme
En Europe, les investissements nécessaires à la transition sont très considérables, reposant en grande partie sur des investissements à long terme, majoritairement dans des unités de production caractérisées par des coûts fixes élevés. Le modèle de financement adapté à ce profil implique la nécessité de sécuriser les revenus sur les marchés et de trouver des investisseurs prêts à accepter ces risques à long terme. Pour que la transition soit acceptée, il est crucial que les bénéfices reviennent aux acteurs économiques européens, notamment via une meilleure gestion de leur épargne et des investissements dans les actifs de la transition énergétique.
Les investissements d'adaptation aux dérèglements climatiques : le cas des infrastructures critiques
Le changement climatique nécessite des stratégies d'adaptation urgentes et complémentaires aux efforts d'atténuation. En particulier, l'adaptation des infrastructures est cruciale pour prévenir des pertes futures importantes et assurer la résilience socioéconomique des territoires, susceptible de présenter un retour sur investissement élevé. Mais les modèles de financement purement public ne suffisent pas face à l'ampleur des besoins en matière d'adaptation, expliquant l'accumulation d'un retard préoccupant. Il est donc impératif de développer des modèles hybrides qui intègrent des financements d'origine privée, permettant de capter la « valeur cachée » de l'adaptation. Plusieurs pistes de financement peuvent être envisagées, notamment les partenariats publics-privés, les concessions, les tiers investisseurs, ainsi que des mécanismes innovants tels que les obligations vertes et les financements assurantiels.
Logiques et enjeux de la « transition juste » : quelle prise en charge collective du risque de transition ?
Qu'est-ce que la « transition juste » pour une agence publique comme l'ADEME (Agence de la transition écologique) ? La littérature grise montre que les syndicats, les gouvernements et les organisations internationales se réfèrent à la « transition juste » pour poser quatre impératifs différents. La transition doit être effectuée et, par conséquent, les politiques doivent intervenir sur les pollutions/émissions et les pollueurs/émetteurs. Cependant, la transition, conduite dans l'intérêt de tous, a des impacts négatifs sur certains emplois, entreprises, secteurs, territoires très dépendants des énergies fossiles, qu'il faut donc accompagner. Indépendamment de cette dépendance aux fossiles, la capacité à faire avec les politiques de transition est inégale au sein de la société et de l'économie, en raison de vulnérabilités économiques, sociales et géographiques dont il faut aussi tenir compte. Enfin, les parties prenantes, dont les citoyens, doivent avoir la possibilité de contribuer à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de transition à tous les échelons territoriaux.
Les secteurs
Financer les réseaux électriques : une condition essentielle à la réussite de la transition énergétique
Du fait de l'électrification des usages, la transition énergétique implique un accroissement massif de la production d'électricité renouvelable dans les prochaines décennies. Cette augmentation de l'offre d'électrons décarbonés va exiger de doubler le volume des investissements dans les réseaux électriques. Pour limiter la hausse induite de ces investissements sur les tarifs régulés des péages et, donc, sur le prix de l'électricité, plusieurs voies sont explorées dans cet article : une réduction des coûts du capital, une meilleure planification des investissements à l'échelle européenne, et une série de mesures permettant d'accroître l'efficacité du capital mobilisé.
Du biométhane à l'hydrogène : quelles perspectives pour la décarbonation du mix gazier ?
Depuis février 2022, le paysage gazier en Europe est en pleine transformation, du fait de la rupture induite par la guerre en Ukraine. L'Union européenne (UE) doit réinventer son mix gazier pour atteindre la neutralité carbone, en se tournant vers le biométhane et l'hydrogène. Le biométhane, produit à partir de matières organiques, présente des avantages environnementaux et économiques, malgré des coûts de production élevés. L'UE en vise une production de 35 Gm3 d'ici à 2030, en doublant l'objectif à cet horizon. L'hydrogène « vert » est également crucial pour décarboner les secteurs difficilement électrifiables comme l'industrie lourde et les transports, mais est soumis à des défis incluant la construction d'infrastructures et la compétitivité par rapport aux producteurs chinois d'équipements. Au total, l'UE a déjà réduit sa dépendance au gaz russe, passant de 50 % des importations avant la guerre à 15 % en 2024, et devrait l'avoir annulée en 2027.
Le financement des nouveaux réacteurs nucléaires
Le financement des nouveaux réacteurs nucléaires repose sur un équilibre entre énergies renouvelables et énergie nucléaire pour minimiser les coûts et maximiser la robustesse. Toutefois, l'incertitude économique, exacerbée par des événements tels que la pandémie de Covid-19, influe fortement sur les coûts du nucléaire futur. Le rôle de l'État est crucial dans ce contexte, non seulement pour mobiliser les capitaux, mais aussi pour répartir les risques, garantissant ainsi la viabilité des projets nucléaires. Le coût du capital et le taux d'actualisation sont des facteurs déterminants pour le coût final de l'électricité. L'intervention de l'État peut réduire les risques perçus par les investisseurs, ce qui est illustré par des modèles comme celui de Hinkley Point au Royaume-Uni, où des contrats pour différence (CfD, contracts for difference) assurent une stabilité des prix. Les modes de financement varient, incluant des approches comme le « Project Finance » ou des financements étatiques directs. Des exemples, comme le modèle Mankala en Finlande, montrent des alternatives innovantes de répartition des risques et des coûts.
Bois énergie : financer les projets territoriaux valorisant la ressource locale
Aujourd'hui, 45 % de notre consommation d'énergie correspond à de la chaleur : chauffage, eau chaude et vapeur pour les usages industriels. Le débat énergétique reste pourtant focalisé sur l'électricité qui ne pèse que 24 % du total. Le bois énergie peut jouer un rôle clé pour la décarbonation de la production de chaleur, à condition de déployer des financements à l'échelle des territoires pour renforcer les filières de proximité qui, seules, permettront un usage renouvelable de la biomasse à long terme.
Le financement de la transition dans les transports : enjeux économiques et juridiques
Le secteur des transports est une priorité pour la transition écologique, car il est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France, représentant 30 % des émissions et 32 % de la consommation énergétique finale. Pour amorcer la décarbonation, plusieurs leviers sont identifiés : la modération de la demande de transport, le report modal vers les mobilités actives et le transport ferroviaire, l'optimisation du remplissage des véhicules, l'amélioration de l'efficacité énergétique grâce aux technologies et à l'électrification, ainsi que la réduction de l'intensité carbone des véhicules. Pour surmonter les défis financiers afférents, plusieurs pistes sont explorées parmi lesquelles une augmentation de la tarification du carbone pour atteindre un prix de 100 euros par tonne de CO2 d'ici à 2030, mais également la promotion d'un cadre partenarial public-privé favorable à l'investissement.
Les outils
Le nouveau système de permis sur les émissions diffuses dans le mix politique européen
L'ETS2 vise à compléter l'ETS1 en couvrant les émissions des secteurs du transport et du bâtiment, en plus des émissions de l'énergie et de l'industrie. Initié par la Commission européenne avec le Pacte Vert en 2018, l'ETS2 prévoit une entrée en vigueur en 2027, avec un suivi des émissions à partir de 2024. Le plafond des émissions pour l'ETS2 diminuera d'environ 62 millions de tonnes de CO2 par an. Les quotas d'émissions seront ajustés et diminueront chaque année, et tous les permis seront mis aux enchères. Des mécanismes sont en place pour éviter des prix extrêmes, incluant des ajustements en fonction des prix du gaz naturel et du pétrole, ainsi qu'une Réserve de stabilité de marché (MSR). Les politiques complémentaires pour limiter les inégalités engendrées par l'ETS2 sont essentielles, notamment avec la création d'un Fonds social pour le climat (FSC) financé par les revenus de la vente des quotas.
Comment les tarifs électriques peuvent financer la transition énergétique
L'accélération du rythme de la transition énergétique va nécessiter des investissements importants dans le système électrique, à la fois dans la production d'électricité décarbonée, dans le développement des réseaux de transport et de distribution, dans les interconnexions entre pays, et au niveau des usages finals. Après un rappel des fondamentaux de la formation des prix de l'électricité sur les marchés de gros et de détail, cet article présente les nouvelles régulations qui se mettent en place au niveau français et européen et leurs implications sur le financement de la transition et les incitations transmises aux consommateurs finals via les tarifs.
Les coopératives carbone au service de la neutralité des territoires
Pour atteindre l'objectif de neutralité (« net-zéro » émissions), les scénarios de transition énergétique doivent s'assurer que les émissions brutes résiduelles seront absorbées par des puits de carbone retirant le CO2 de l'atmosphère. Ce bouclage requiert des investissements qui peuvent faire appel à des techniques de captage et de stockage industriels ou qui visent à renforcer la capacité des puits de carbone naturels (forêts, sols, zones humides, etc.). Cet article se penche sur le potentiel de captation des écosystèmes diffus dans les territoires, pour lesquels l'échange de crédits carbone peut être un levier innovant de financement, intégrant les impacts socioéconomiques et environnementaux que les puits de carbone peuvent apporter localement. Ainsi, la création de coopératives carbone territoriales permet de réunir institutions, entreprises et citoyens dans une gouvernance climatique locale et partagée. Ainsi, les projets renforcent le lien et la résilience territoriale face au changement climatique. Le système coopératif tend à se multiplier, démontrant l'intérêt d'un modèle collaboratif et éthique pour viser la neutralité.
Chronique d'histoire financière
Étudier la démocratisation de l'actionnariat américain
Finance et littérature
Jules Verne : le premier de nos « modernes antimodernes »
Article divers
L'efficacité partielle de la politique monétaire : une critique keynésienne du modèle de la nouvelle synthèse néoclassique
Partant du constat que la politique monétaire peine à stimuler l'économie en récession par une baisse des taux d'intérêt, nous proposons une application de cette critique au modèle macroéconomique de la nouvelle synthèse néoclassique pour en évaluer les conséquences. Nous mettons en évidence que ce modèle repose sur l'hypothèse peu crédible selon laquelle la politique monétaire joue un rôle stabilisateur efficace en toutes circonstances. Nous identifions des situations dans lesquelles la politique monétaire n'est pas efficace (rigidité à la baisse du taux d'intérêt et/ou inélasticité de l'investissement au taux d'intérêt) : elles sont bien plus fréquentes que le cas particulier de la trappe à liquidités. En appliquant cette critique keynésienne à un modèle de type DSGE simplifié, nous montrons que les conclusions du modèle DSGE en matière de politique économique sont remises en cause.