Les marchés financiers sont depuis longtemps un laboratoire du droit futur. Plus que tout autre secteur de l'économie, ils subissent régulièrement une transformation brutale et radicale de leur organisation et de leur fonctionnement consistant dans un processus de « dématérialisation », c'est-à-dire de disparition de tout ou partie des supports physiques et tangibles traditionnels qui fondaient l'exercice de cette activité. Le phénomène n'est pas nouveau et chaque génération de financiers a souligné depuis une cinquantaine d'années la disparition du support matériel et son remplacement par un support immatériel : disparition de la « corbeille », des titres papiers, de la monnaie fiduciaire dans les marchés financiers et maintenant remplacement de l'homme par des robots « intelligents », aussi bien pour exécuter des tâches simples que pour gérer un portefeuille de titres. De ce point vue, les marchés financiers illustrent ce passage à l'économie de l'immatériel (Lévy et Jouyet, 2010).
Mais les marchés financiers constituent l'un des rares secteurs de l'économie où se concentre un double phénomène de dématérialisation : non seulement les biens objets du commerce tendent à ne plus avoir de support physique (il s'agit bien sûr des valeurs mobilières, mais plus largement de tout instrument financier), mais aussi les opérations elles-mêmes échappent au processus de matérialisation des échanges : les négociations d'actifs financiers dématérialisés sont elles-mêmes dématérialisées, et le paiement des opérations est lui-même dématérialisé. En fait, il s'agit d'une économie totalement dématérialisée.
Un tel phénomène ne peut rester sans conséquences au niveau juridique. Deux grandes figures juridiques ont, chacune à leur manière, eu une vision prophétique du phénomène de dématérialisation. Ainsi, le doyen Savatier s'est attaché aux incidences de cette évolution sur le droit des biens (Savatier, 1958), lorsque de son côté le doyen Ripert mettait en évidence la transformation opérée entre un capitalisme fondé sur une fortune immobilière héritée de l'Ancien Régime et un « capitalisme moderne » assis sur une fortune mobilière (Ripert, 1951). Ce dernier a su aussi percer les transformations naissantes dès le milieu du xxe siècle avec le développement de la « scripturalisation » et la mutation des richesses corporelles vers des richesses incorporelles dont les titres et les comptes constituent la manifestation la plus éclatante. Or comment appréhender un phénomène qui resta longtemps ignoré du législateur ? Il n'est que de rappeler avec évidence la place que tiennent les biens meubles corporels dans notre Code civil par rapport aux biens meubles incorporels. Il convient alors de reprendre l'interrogation du grand juriste qui constatait : « Combien il est difficile de maintenir nos règles juridiques anciennes depuis la création de ces biens que le Code civil aurait voulu considérer comme sans valeur. » (Ripert, 1951, p. 139).
En fait, le grand débat qui agite la doctrine juridique depuis plusieurs générations tourne autour de la question du droit de propriété. Peut-on disposer des attributs de la propriété sur des actions ou des obligations ? La question s'est posée au xixe siècle et lors de la première moitié du xxe siècle lorsque les titres étaient représentés en format papier, puis à partir de la deuxième moitié du xxe siècle, lorsque le support papier représentant les titres a disparu, et enfin depuis le début du xxie siècle, avec l'apparition des « titres digitaux ». C'est donc au cœur des notions de la possession et celle de propriété qu'il convient de se plonger pour comprendre les enjeux juridiques nés des mutations technologiques en matière d'actifs financiers.
Propriété et possession incorporelle
La grande difficulté quand on essayait, hier, de définir les valeurs mobilières, et aujourd'hui les instruments financiers inscrits en compte, est d'intégrer les différences entre les notions de propriété et de possession, les deux notions étant proches mais restant des institutions autonomes. Ici, le rôle du compte, dans son sens le plus fruste d'un registre comptable permettant d'inscrire des opérations au débit et au crédit au nom d'une même personne, est absolument fondamental s'agissant de biens immatériels. En ce sens, on a pu dire avec raison que « la scripturalisation des biens permet de dématérialiser leur possession » (Zenati, 1999). Mais, au-delà de cette remarque, la discussion de ces dernières années s'est focalisée sur la possibilité d'évoquer la possession d'un bien incorporel. Dans le domaine du droit des titres, ce débat conduit à s'interroger sur la corporalité des titres inscrits en compte. Trois options sont possibles. La première consiste à refuser de considérer que la dématérialisation des titres votée en 1981 visait à supprimer toute corporalité aux valeurs mobilières, celles-ci étant considérées comme appartenant toujours à la catégorie des biens meubles corporels, « matérialisées » par l'inscription en compte ; la deuxième option tire les conséquences de cette dématérialisation et voit dans les titres inscrits en compte des droits personnels que le titulaire détient à l'encontre de son intermédiaire financier teneur de compte pour les titres au porteur ou de la société émettrice pour les titres nominatifs ; la troisième solution consiste à bouleverser l'ordre juridique traditionnel en dépassant la notion classique de propriété en l'ouvrant aux choses incorporelles autres que des droits. Autrement dit, dans cette dernière option, il s'agit de déterminer si les valeurs mobilières « dématérialisées » peuvent être considérées comme des biens incorporels faisant d'une possession.
S'agissant de la possession, on sait que la détention évoquée à l'article 2228 du Code civil ne concernait que les choses de corps, celles que l'on tient matériellement, qui peuvent faire l'objet d'une appréhension physique, alors que les choses incorporelles ne sont envisagées que sous forme de droits car telles sont les seules res incorporales traditionnelles. Comme le rappelle avec pertinence Thierry Revet : « L'article 2228 n'évoque pas la question des choses incorporelles autres que les droits parce que ce problème ne s'était pas posé dans la tradition que le code a entièrement reprise en ces matières. »1 Pour reprendre là encore l'une de ses expressions, si matériellement la possession c'est le corpus, intellectuellement elle consiste dans l'état d'esprit de celui qui agit. La possession avec animus domini est celle d'un possesseur qui se considère propriétaire. Autrement dit, la possession c'est la propriété des faits (Terré et Simler, 2014). Au point que la doctrine admet aujourd'hui la possession des choses incorporelles autres que des droits2, ce qui ouvre des perspectives intéressantes pour les actifs digitaux.
Titres papiers
Lorsque les premiers titres financiers au porteur sont apparus au début du xixe siècle, il s'agissait de documents écrits, représentés par une feuille de papier sur laquelle figurait un dessin en filigrane censé éviter toute falsification et qui souvent représentait l'activité de la société émettrice. Véritable œuvre d'art pour certains, ils se décomposaient en deux volets : le premier (nommé talon) comportait le titre proprement dit, c'est-à-dire la représentation physique de l'action ou de l'obligation, avec ses éléments d'identification : action ou obligation, part fondateur, nom et caractéristiques de la société émettrice, numéro d'ordre, valeur nominale, signature des administrateurs ; le second volet était composé d'un ensemble de coupons numérotés, découpés à l'occasion de l'exercice des droits attachés au titre : paiement des dividendes ou des intérêts, souscription préférentielle, etc. Ces titres papier se transmettaient entre les parties par ce que l'on appelait la tradition manuelle, c'est-à-dire de la main à la main. Ce mode de transfert conduisait juridiquement à fusionner l'acte écrit (instrumentum) et les droits du titulaire contre l'émetteur (negotium). C'est ce que l'on a appelé « l'incorporation des droits dans le titre » qui permettait aux droits du titulaire, par nature incorporels, de bénéficier de la mobilité et de la sécurité propre aux biens meubles corporels. Cette théorie juridique, importée du droit allemand, fut largement adoptée à la fin du xixe siècle par plusieurs grands juristes, dont Wahl (1891) selon lequel « la créance et la propriété sont unies (...), le propriétaire du titre étant créancier, la créance doit être considérée comme confondue avec le titre ». En conséquence de quoi, les titres n'étaient plus des droits, mais des actifs patrimoniaux apparentés aux droits réels. Représentés par un papier, ces droits circulaient comme de véritables meubles corporels. Ils échappaient ainsi à la lourdeur du formalisme de la cession de créances du droit civil et devenaient négociables, c'est-à-dire transmissible par les voies simplifiées du Code de commerce.
Titres inscrits en compte
Deuxième moment, la disparition de tout support papier pour représenter les titres en 1984. Si les titres au porteur étaient déjà inscrits en compte, la forme papier subsistait. Le bouleversement juridique de la réforme opérée à cette époque réside dans l'obligation de déposer les titres papiers chez un intermédiaire financier et du fait que leurs titulaires ne peuvent exercer leurs droits qu'à travers un tiers, en l'occurrence un teneur de compte. Le titulaire des titres n'a donc pas de maîtrise directe de la chose dont il est propriétaire : il doit passer par un tiers pour disposer de ses titres. Face à un tel changement, les juristes se sont longtemps interrogés sur le rapport qui existait entre le titre financier et son titulaire. Peut-on considérer que le titulaire est réellement un propriétaire alors même qu'il ne peut pas exercer les attributs de la propriété autrement que via un intermédiaire ? Est-il même seulement possesseur de son bien dans le sens de pouvoir appréhender les titres ? Dit autrement, la possession peut-elle s'exercer via autrui ? L'alternative étant qu'à défaut d'être propriétaire, le titulaire serait simplement créancier vis-à-vis de l'émetteur (titres nominatifs) ou de son intermédiaire financier (titres au porteur), ce qui est très différent, en particulier en matière de revendication pour des titres volés ou perdus, mais aussi en cas de faillite de l'intermédiaire auprès duquel les titres sont « inscrits ». Pour contourner cette difficulté, les juristes ont fait appel au droit romain pour expliquer les effets de l'inscription en compte, en ressortant la notion de possession corpore alieno, c'est-à-dire celui qui détient son bien par l'intermédiaire d'autrui. On voit comment cette théorie de la possession corpore alieno peut s'appliquer au cas des titres inscrits en compte. Elle est « un mode de dématérialisation par sa nature, et un succédané de la possession par son régime (…). Elle doit conduire à produire des conséquences juridiques et économiques pour le possesseur notamment sur le terrain de la propriété » (Likillimba, 2005).
La boucle est ainsi bouclée. Entre l'extension de la notion de possession aux choses incorporelles et la remise au goût du jour de la théorie de la possession corpore alieno, le débat juridique sur la propriété des instruments financiers « dématérialisés » et inscrits en compte est clos, et ce, pour le plus grand bien des investisseurs qui n'imaginent pas une seconde ne pas être propriétaire de leurs titres. La théorie rejoint ainsi le droit positif qui affirme depuis de nombreuses années dans différents textes la propriété des instruments financiers inscrits en compte au profit de leur titulaire. Quant au débat fanco-français sur la corporalité ou non des titres inscrits en compte, il est dorénavant dépassé puisque son principal avantage était de permettre l'application du droit de propriété dans sa définition classique aux instruments financiers inscrits en compte.
Le phénomène de la dématérialisation des titres ne s'est pas arrêté à la France, mais a conquis – sous des formes plus ou moins différentes – de nombreux autres pays. Soulignant la force d'adaptation des activités financières par rapport à la théorie juridique, la pratique internationale a ainsi développé le concept de « titres inscrits en compte » (« book entry securities ») comme vecteur commun de fonctionnement des activités post-marché. En effet, alors que le constat de l'analyse juridique souligne une très grande hétérogénéité des systèmes juridiques3, l'observation pratique révèle un très large consensus dans l'utilisation de la notion de titres inscrits en compte comme vecteur de détention des droits attachés aux titres et de son corollaire qu'est le virement de compte à compte comme modalité de transfert des droits d'un titulaire à un autre titulaire. Dès lors, peu importe la qualification juridique attachée aux titres (droit de propriété, de copropriété, droit personnel), seuls comptent les effets liés à l'inscription en compte et aux virements de compte à compte. C'est sur la base de ce constat que différents travaux internationaux tentent non pas d'unifier le droit applicable aux titres inscrits en compte, mais d'harmoniser les effets attachés à l'inscription en compte, soit pour chercher à établir un régime de droit substantiel4, soit pour déterminer une règle de conflit de lois5. Mais l'histoire des titres financiers ne s'arrête pas là. Et une fois encore, la technologie va modifier les conditions de détention et de circulation des actifs financiers.
Vers des titres digitaux ?
Plus de trente ans après la « dématérialisation » des titres, la technologie de la blockchain sera-t-elle la nouvelle étape permettant une mutation technologique en matière de titres financiers ?
L'ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers constitue à cet égard une étape décisive dans la reconnaissance des effets de la blockchain sur le mode de détention et de circulation des titres financiers. Cette ordonnance fait de Paris la première place financière en Europe à définir un régime juridique adapté pour le transfert de propriété de titres financiers par un dispositif d'enregistrement électronique partagé. Ce terme de « dispositif d'enregistrement électronique partagé », selon le rapport fait au président de la République6, correspond à la manière dont la technologie blockchain, mais plus largement le fonctionnement des DLT (distributed ledger technologies), est déjà désignée par les dispositions de l'article L. 223-12 du Code monétaire et financier relatives aux minibons, introduites par l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse. L'idée est disposée d'une dénomination neutre à l'égard des différents protocoles constituant les infrastructures de la blockchain afin de ne pas rattacher un régime juridique à une technologie qui pourrait très vite être obsolète ou dépassée. Un délai est prévu s'agissant de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, fixée au plus tard au 1er juillet 2018, afin de ménager un temps d'élaboration des mesures d'application.
Le débat sur la possession et la propriété des titres financiers reprend une nouvelle jeunesse. En effet, l'ordonnance opère ce que l'on appelle une double fiction juridique.
La première fiction consiste à conférer à l'inscription d'une émission ou d'une cession de titres financiers dans une blockchain les mêmes effets que l'inscription en compte de titres financiers : « L'inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé tient lieu d'inscription en compte » (article L. 211-3, al. 2). Cette fiction légale était indispensable, sauf à créer un régime juridique totalement novateur, ce qui avait été écarté par les travaux de place. En effet, on sait que depuis la dématérialisation des titres, ceux-ci ne sont plus représentés que par une inscription en compte. Autrement dit, c'est l'aspect comptable qui détermine le régime juridique : c'est parce les titres sont inscrits dans un compte spécial (que l'on appelle un compte titres et qui fait l'objet de règles comptables précises) qu'un régime juridique spécifique leur est applicable. Cette approche comptable est d'ailleurs déterminante pour assurer l'intégrité de l'ensemble puisque la notion de débit et de crédit et d'équivalence des positions entre le compte émission chez l'émetteur et les comptes ouverts au nom des propriétaires (chez l'émetteur dans le cadre du nominatif, ou chez les teneurs de compte dans le cadre des titres au porteur) permet d'assurer la sécurité du dispositif. Or, comme on le sait aussi, il n'y a pas de « comptes » dans la blockchain, mais une suite d'informations tenues sous forme d'un registre ou d'un grand livre comptable distribué, sans débit, ni crédit. Un peu comme l'est le registre des mouvements de titres pour les sociétés non cotées où les transactions apparaissent les unes à la suite des autres, par ordre chronologique. La notion d'inscription en compte est complétée dans le Code monétaire et financier par celle de « dispositif d'enregistrement électronique partagé ». Ainsi l'article L. 211-3 du Code monétaire et financier selon lequel les titres financiers sont inscrits dans un compte titres se voit ajouter la possibilité que les titres soit inscrits dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé. Il est intéressant de remarquer l'utilisation du verbe « inscrire », lequel, accolé à la notion de compte, a donné lieu à l'expression d'« inscription en compte » (book entry) et va dorénavant permettre son extension à celle de « inscription dans un registre » (register entry). Il n'est pas sûr que ce choix de vocabulaire soit techniquement judicieux. En effet, les informations figurant dans la blockchain ne sont pas « inscrites », mais enregistrées, dans la mesure où ces informations figurent sous forme de codes informatiques.
Ce nouveau mode d'inscription des titres financiers constitue une alternative à l'inscription en compte et produit les mêmes effets que celle-ci. L'inscription dans un registre distribué n'est pas automatique (contrairement à la dématérialisation des titres en 1984), mais requiert une décision de l'émetteur.
Plus important pour notre propos, la réforme opérée ne modifie pas la nature du droit du titulaire des titres selon la forme de détention : inscription en compte ou inscription dans un registre, dans les deux cas, seul le propriétaire peut être inscrit en compte (article L. 228-1, al. 6 du Code de commerce). Autrement dit, la réforme de 2017 n'a pas souhaité tirer la logique jusqu'au bout en faisant des titres enregistrés dans un système électronique partagé des titres obéissant à un nouveau régime juridique à définir. Et pourtant, la question se pose de savoir si l'on peut encore considérer que le droit d'un titulaire de titres inscrits dans un registre distribué constitue toujours un droit de propriété.
En fait, la technologie blockchain ne conduit-elle pas à l'apparition de titres nouveaux, que l'on pourrait appeler des titres digitaux (Sherlock, 2016) ? En effet, ce qui a caractérisé jusqu'à présent les titres inscrits en compte, qu'il s'agisse de titres nominatifs ou de titres au porteur, c'est la nécessité de recourir à un compte pour permettre l'exercice du droit inhérent au titre, que ce droit soit un droit de propriété comme en France, de copropriété, un droit hybride mêlant propriété et droit personnel ou un pur droit personnel. Avec la blockchain, la relation juridique formée par le contrat entre l'investisseur (actionnaire ou obligataire) et l'émetteur se trouve bouleversée du fait de la décentralisation du registre. L'émetteur doit faire face à une multitude de registres distribués, lesquels ne fonctionnent plus avec la technique du compte, avec un débit et un crédit, un actif et un passif, mais simplement une suite d'informations relatives aux titres, dont notamment le titulaire de ces titres, celui qui est « enregistré » dans la chaîne de blocs. Si, comme en France, le législateur accorde un effet juridique à cette inscription dans un registre distribué, est-il encore possible de qualifier le droit du titulaire de ces titres de droit de propriété ? Comment est-il en effet possible d'exercer la possession (au sens civiliste du mot) sur cet actif digital ? En effet, comment puis-je appréhender un actif digital dont l'existence ne peut être établie que via un registre distribué sans qu'un tiers de confiance ne puisse établir la preuve de cette propriété ?
C'est vers une nouvelle forme de droit de propriété sur actifs digitaux qu'il convient de réfléchir d'un point de vue juridique, en intégrant les avancées technologiques pour bâtir un régime juridique spécifique qui permettrait de garder la possession du titre et les attributs de la propriété sur un actif digital. Il existe des précédents. Que l'on songe à la propriété intellectuelle : il s'agit d'un régime juridique de propriété particulier qui a été créé pour des œuvres intellectuelles, c'est-à-dire des constructions de l'esprit et non des actifs tangibles. L'idée était de protéger les inventeurs et autres artistes en conférant à leurs œuvres les attributs de la propriété, permettant ainsi de pouvoir protéger efficacement ces œuvres et leurs auteurs, d'en disposer et d'en toucher les fruits. Il en est de même des titres digitaux. Le changement de leur représentation ne doit pas affecter la nature du droit de leur titulaire ; ceux-ci doivent rester propriétaires de ces actifs, même si ces derniers ne permettent plus une représentation physique ou même une représentation comptable. Le passage de l'ère comptable à l'ère digitale conduit le juriste à inventer de nouvelles catégories juridiques permettant de protéger tout aussi efficacement ces actifs. Toutes ces questions constituent des horizons nouveaux pour les juristes. Mais aussi pour les professionnels dans la mesure où la réponse apportée permettra à ce que la réforme française ne se limite pas au seul cadre juridique français.