Revue d’économie financière REF 153
Les inflations
Les inflations
Introduction Accès gratuit
Histoires d'inflations
Origine et persistance de l'inflation : quelques enseignements de l'histoire
Cet article propose de passer en revue quelques grandes idées économiques sur l'inflation et de les mettre en relation avec les faits historiques. Nous montrons que la période allant du xve au xxe siècle est loin d'être un long chemin triomphant pour la théorie quantitative. L'étude du xxe nous enseigne que l'inflation peut être la conséquence de guerres, de contrôles des prix en période de crise, ou de conflits de répartition au sein de la société. De plus, nous mettons en avant quelques faits stylisés, comme l'importance de l'ancrage des anticipations des ménages, ou l'impact de la politique budgétaire. Enfin, nous soulignons l'échec de la théorie macroéconomique actuelle pour comprendre l'origine et la persistance de l'inflation.
L'hyperinflation : un bilan pour le centenaire de l'expérience allemande des années 1920
À l'occasion du centenaire de l'hyperinflation allemande des années 1920-1923, cet article se propose de revenir sur la manière dont l'analyse macroéconomique a pu appréhender le phénomène d'hyperinflation. Il revient sur les principaux mécanismes que la théorie a identifiés comme étant à l'œuvre derrière la genèse, le développement et la fin d'un processus d'hyperinflation. L'exemple quasi idéal typique de l'hyperinflation allemande sous la République de Weimar est ensuite mobilisé pour les illustrer.
La désinflation en Italie de 1980 à 1997
Après la forte inflation associée aux deux chocs pétroliers des années 1970, un processus graduel de désinflation s'est mis en place en Italie au cours des quinze années suivantes. Cet article examine dans quelle mesure ont compté, dans le retour à la stabilité monétaire, d'abord l'autonomie de la banque centrale, ensuite des politiques de revenus et des accords contractuels efficaces et novateurs, et enfin la mise en œuvre longtemps différée d'un contrôle budgétaire significatif.
Inflations : des différences entre les pays et les catégories de revenus
La crise du coût de la vie dans la zone euro : quels enseignements ?
Cinq récits ont façonné la perception et l'évaluation de la crise du coût de la vie en Europe : la politique monétaire a été considérée comme le meilleur moyen pour ramener l'inflation à l'objectif fixé. Les décideurs politiques devraient s'abstenir de prendre des mesures directes de contrôle des prix, en particulier dans le secteur de l'énergie, afin de ne pas fausser l'allocation des ressources. Les opinions sur les causes fondamentales de l'inflation ont oscillé entre profits excessifs et revendications salariales, la préoccupation principale étant d'éviter une spirale salaires-prix. Les économies européennes, importatrices nettes d'énergie, ont été touchées par un choc négatif des termes de l'échange, les salaires ont été déflatés en utilisant le déflateur du PIB au lieu de l'IPC qui inclut les biens importés. Enfin, la politique économique devait se concentrer sur le soutien aux ménages à faible revenu. Toutefois, dans certains pays, la pensée macroéconomique établie a empêché la mise en place de contrôles stratégiques des prix et de mesures visant à interdire les prix abusifs.
Le retour de l'inflation en France
Après avoir atteint 5,2 % en 2022, puis 4,9 % en 2023, l'inflation en France devrait revenir en dessous des 3 % en 2024, puis converger vers les 2 % au-delà. Si l'épisode inflationniste a été d'une relative courte durée, cela s'explique, d'une part, via le reflux des prix de l'énergie ainsi que des politiques publiques actives ayant limité l'inflation énergétique et, d'autre part, via la dynamique salariale qui n'a pas suivi l'inflation, au détriment du pouvoir d'achat des salariés. Ainsi, le reflux actuel de l'inflation est peu lié à la politique monétaire et passe d'abord par la baisse des prix de l'énergie et la désindexation des salaires. Enfin, une inflation plus élevée, mais maîtrisée, permettrait d'alléger le poids de la dette, en augmentant la croissance potentielle nominale, dans une économie française très largement marquée par des emprunts à taux fixe et à maturité longue.
Plafonnement des prix de l'énergie et allégement fiscal : la politique anti-inflationniste de l'Allemagne à la suite des chocs des termes de l'échange en 2022
Les chocs de prix de 2022-2023 ont provoqué une inflation galopante et la stagnation économique en Allemagne. Le gouvernement allemand a réagi en adoptant diverses mesures politiques dans le triple but de stabiliser l'économie, de réduire la fracture sociale et de prévenir les effets de second tour qui risquent d'entraîner une persistance de l'inflation. Ces politiques ont été largement couronnées de succès. Compte tenu de la nature transitoire des chocs et des effets de second tour limités – contenus en partie par des mesures budgétaires ciblées dans la zone euro –, l'orientation fortement restrictive de la politique de la BCE a inutilement intensifié la faiblesse économique dans la zone euro.
Aux origines de l'envolée de l'inflation aux États-Unis
La chronologie du choc inflationniste de 2021-2022 est assez claire. Ce qui l'est moins, c'est, derrière la multitude et la confluence des sources, le rôle joué par les facteurs d'offre, d'un côté, et de demande, d'un autre côté. Une analyse simple des contributions à l'inflation américaine des principaux postes de l'indice des prix à la consommation fait ressortir la plus grande importance relative de l'inflation sous-jacente par rapport à l'inflation énergétique et alimentaire, et suggère donc, à cette aune, une inflation américaine plus tirée par la demande que par l'offre. Des analyses plus poussées viennent toutefois tempérer cette vision en faisant également ressortir l'importance des facteurs d'offre, au travers du rôle joué par la série de chocs sur les prix de l'énergie et des matières premières et le marché des biens. Il apparaît même que sans ces facteurs d'offre, l'inflation par la demande n'aurait pas été aussi forte. Si au début de 2024, le processus de désinflation est bien engagé, pour partie grâce à l'action déterminée des banques centrales, il reste encore du chemin à parcourir avant que l'inflation ne soit de retour, durablement, à la cible de 2 %. À l'avenir, celle-ci pourrait, par ailleurs, plus représenter un plancher qu'un plafond.
Choc inflationniste dans les pays émergents et en développement
Le choc inflationniste mondial a touché les pays en développement de façon différenciée. Ses effets ont été renforcés par les réponses des politiques monétaires dans les pays développés. Il représente surtout un choc majeur, à la fois en termes d'accroissement de la pauvreté, notamment dans les pays les moins avancés, dont il souligne à nouveau la grande vulnérabilité aux conditions internationales, et en termes d'appréciation du risque et de disponibilité de financements externes, comme en témoignent les difficultés liées à la dette extérieure.
Les approches explicatives des inflations
La courbe de Phillips est-elle pertinente pour comprendre le lien entre inflation et chômage ?
Bien que la courbe de Phillips joue un rôle important dans les modèles macroéconomiques, les travaux empiriques ont souvent mis en évidence une baisse, voire une absence, de lien entre inflation et chômage. Cet article montre que la courbe de Phillips reste un cadre pertinent pour analyser l'inflation et comprendre le lien entre l'inflation et le chômage. L'instabilité des estimations résulte à la fois des difficultés à mesurer les tensions sur le marché du travail, ou les anticipations d'inflation, et de la non-linéarité de la courbe. De plus, les changements de stratégie de politique monétaire, à partir des années 1980, et la globalisation des économies pourraient affecter la corrélation entre l'inflation et le chômage.
La croissance monétaire et la poussée inflationniste post-pandémie
La corrélation entre la croissance de la masse monétaire et l'inflation dépend du régime d'inflation : elle est équivalente lorsque l'inflation est élevée et pratiquement inexistante lorsqu'elle est faible. Un lien apparaît clairement également dans le risque de transition d'un régime d'inflation faible à un régime d'inflation élevée à la suite de la pandémie. Une poussée de la croissance monétaire a précédé la poussée inflationniste de 2021-2022, les pays où la croissance monétaire était la plus forte ayant connu une inflation nettement plus élevée. De plus, la prise en compte de la croissance monétaire aurait permis d'améliorer les prévisions d'inflation. La désinflation, qui a débuté dans la plupart des pays au milieu de 2022, a également été précédée d'une baisse marquée de la croissance monétaire. Toutefois, sur cette deuxième sous-période, la corrélation entre croissance monétaire et inflation dans différents pays ne reste visible que si l'on inclut, dans l'échantillon, les pays ayant des taux d'inflation très élevés. Cela indique que la croissance monétaire transmet des informations sur l'inflation, mais qu'il n'est pas évident d'exploiter cette information de manière fiable.
Les effets hétérogènes de l'inflation en France et dans la zone euro
Cet article étudie les effets hétérogènes de l'inflation sur les différentes catégories de ménages en France et dans la zone euro entre le milieu de 2021 et la fin de 2023. Les différences de structure de consommation entre les ménages et la dispersion des hausses de prix entre produits sont à l'origine d'inégalités d'inflation. L'épisode inflationniste, causé par la hausse des prix importés, a principalement touché les ménages consacrant une plus grande part de leurs revenus aux produits énergétiques et alimentaires. En France, les inégalités d'inflation selon les quintiles de revenus sont restées faibles sur la période, mais les disparités par âge et par zone de résidence ont été plus marquées. La « remise à la pompe » et les boucliers tarifaires ont contribué significativement à réduire les inégalités d'inflation.
Inflation, changement structurel et conflit de répartition : enseignements pour la politique économique
La théorie standard de l'inflation en fait un phénomène global qui ne peut durer et s'amplifier qu'en raison d'une « boucle prix-salaires », expression d'un conflit fondamental entre le capital et le travail. Sans vouloir nier cette dimension du problème, nous entendons montrer que l'inflation a aussi une dimension structurelle qui rend le conflit de répartition plus complexe à analyser et qui requiert une politique de lutte contre l'inflation ne se réduisant pas à la politique monétaire. L'enjeu est d'empêcher l'économie de basculer d'un régime de basse inflation à un régime de forte inflation, d'une inflation structurelle à une inflation globale qui serait hors de contrôle.
Quelles voies de retour vers la stabilité ?
Le ciblage de l'inflation en univers incertain
Le récent choc de prix a suscité un débat sur la cible d'inflation, pilier des stratégies des banques centrales depuis les années 1990. L'article revient sur la question théorique du taux d'inflation, avant d'aborder les conditions ayant justifié le choix d'une cible de 2 % par la plupart d'entre elles. Il examine ensuite les arguments en faveur ou à l'encontre d'un changement de cette référence, avant d'évoquer quelques options stratégiques alternatives. Il en ressort que dans tous les cas de figure, les banques centrales devront justifier économiquement la pertinence et leurs politiques d'objectifs, mieux qu'elles ne le font aujourd'hui.
Inflation et pouvoir de marché des entreprises : leçons des crises récentes
Économistes et banquiers centraux se sont interrogés sur la responsabilité des entreprises dans l'envolée de l'inflation en 2022-2023. En augmentant leurs prix de vente, les entreprises auraient contribué à la propagation, voire à l'amplification du choc de coût. Sur une longue période, des évolutions structurelles ont pu renforcer le rôle des entreprises (par opposition à celui des salariés) dans la dynamique de l'inflation, mais, à court terme, le lien entre pouvoir de marché des entreprises et transmission des chocs de coût est ambigu. Des entreprises plus puissantes facturent, certes, des prix plus élevés, mais elles ont aussi une plus grande capacité à absorber des chocs temporaires. Au total, une « boucle prix-profits » s'est bien matérialisée en 2002-2023, mais elle semble avoir été un phénomène temporaire, moins marqué en France qu'ailleurs en Europe. En 2024 et au-delà, alors que les prix de l'énergie se normalisent, que les salaires accélèrent et que l'inflation revient progressivement vers 2 %, il conviendra de suivre avec attention la normalisation des taux de marge des entreprises et d'éviter des rigidités à la baisse qui entretiendraient l'inflation. La politique de la concurrence peut jouer un rôle utile en identifiant les rentes sectorielles et en sanctionnant les comportements susceptibles d'amplifier la hausse des prix.
Inflation et politique budgétaire : à la recherche d'un nouveau paradigme
De nombreux outils fiscaux ont contribué à stabiliser l'inflation lors des crises économiques récurrentes depuis quinze ans : bouclier tarifaire, plans de relance, activité partielle, crédit d'impôts, etc. Ces pratiques sont cohérentes avec les récents travaux qui montrent que les outils budgétaires sont de puissants leviers de stabilisation de l'activité et de l'inflation. Dès lors, une nouvelle coordination pragmatique des politiques budgétaire et monétaire est nécessaire, qui doit s'adapter aux cadres institutionnels de chaque pays. En Europe, il est proposé que les instituts budgétaires indépendants, en charge d'informer les parlements nationaux, soient dotés d'objectifs d'analyse de l'inflation, avec les moyens analytiques adéquats.
Chronique d'histoire financière
Compter les brevets au fil de la longue durée
Finance et littérature
Thomas Mann et les désillusions du progrès
Article divers
Dupuit, Colson et les débuts de la SNCF : la voie vers le yield management
Le yield management est la principale méthode utilisée de nos jours par les compagnies aériennes pour fixer leurs tarifs. Elle est souvent présentée comme une nouveauté développée à l'intérieur du secteur aérien aux États-Unis à la fin des années 1970. Cet article montre qu'elle présente pourtant d'importantes similitudes avec une théorie plus ancienne : la méthode de tarification des infrastructures exploitées en monopole proposée par Jules Dupuit en 1844, développée par Clément Colson à partir de 1890 et appliquée par la SNCF à sa création en 1937. On retrouve en effet dans le yield management l'idée de Dupuit de faire payer à chaque utilisateur un tarif se rapprochant le plus possible de la valeur d'usage accordée au transport. Pour amener les utilisateurs à révéler cette valeur d'usage, les compagnies aériennes low cost utilisent un mécanisme d'options que l'on retrouve dans les développements de Colson et dans la tarification utilisée lors de la création de la SNCF.